Nullité de contrat : 2 mars 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/02240

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Nullité de contrat : 2 mars 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/02240

N° RG 21/02240 – N° Portalis DBV2-V-B7F-IZFK

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 2 MARS 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

18/00779

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DIEPPE du 24 Mars 2021

APPELANT :

Monsieur [X] [D]

né le 01 Juin 1974

[Adresse 3]

[Localité 7]

représenté par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN et assisté de Me Marie-odile DE MILLEVILLE de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de ROUEN, plaidant

INTIMES :

Maître [L] [F] ès qualité de liquidateur judiciaire, de la SA METRA

[Adresse 1]

[Localité 5]

S.E.L.A.R.L. AJASSOCIES ès qualité d’administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société METRA

[Adresse 2]

[Localité 5]

S.A. METRA, ès qualité de liquidateur judiciaire

[Adresse 4]

[Localité 6]

représentés par Me Camille PERCHERON de la SCP Ince & Co France, avocat au barreau du HAVRE et assistés de Me Hughes LEFEBVRE de la SELARL DUSAUSOY LEFEBVRE & Associé, avocat au barreau de PARIS, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR  :

Lors des débats et du délibéré :

Mme FOUCHER-GROS, Présidente

Mme MENARD-GOGIBU, Conseillère

M. URBANO, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DEVELET, Greffière

DEBATS :

Mme [Z] a été entendu en son rapport.

A l’audience publique du 22 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 26 Janvier 2023, prorogé au 23 février 2023, puis au 2 mars 2023.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Rendu publiquement le 2 mars 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Mme Foucher-Gros, Présidente et par Mme Riffault, Greffière lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE’:

La société Metra, dont le siège est à [Localité 6] (76) a pour activité l’industrie mécanique et opère particulièrement dans le métier des moules de verrerie.

Monsieur [X] [D] a été embauché le 11 septembre 1995 en qualité d’apprenti ingénieur par la société Metra, spécialisée dans l’industrie mécanique, avant d’y exercer les fonctions de directeur général à compter du mois d’avril 2006 et de tenir, à compter du 18 décembre 2014, une participation dans son capital.

La société Metra, a mandaté Maitre [N], huissier de justice pour procéder à la signification à Monsieur [D] de sa convocation a un entretien préalable de licenciement et à une mise à pied à effet immédiat. Par procès-verbal du 6 juillet 2016, Me [N] a constaté l’accord des parties pour remettre entre ses mains des biens présents dans le sac personnel de Monsieur [D] soit un disque dur portable et deux clefs USB.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 18 juillet 2016, le licenciement de Monsieur [X] [D] lui a été notifié pour faute grave. Au mois de novembre 2016′, Monsieur [D] a créé une société de conseil aux entreprises, la société Mecavalente dont le siège social est situé à [Localité 7] (76) qui, le 1er juin 2017, a acheté la société Somobresle dont l’objet est en lien avec toutes opérations de mécanique générale.

Par procès-verbal du 8 décembre 2017, Maitre [N], requis par la société Metra en sa qualité de séquestre, pour procéder à la constatation du contenu du disque dur portable et des deux clefs USB placés entre ses mains, s’est adjoint les services de Monsieur [B] [U], expert près la cour d’appel de Paris et a constaté la réalisation, par celui-ci, d’une copie des contenus numériques des dits supports et la réception ultérieurement le 22 décembre 2017, d’un rapport d’expertise les concernant.

Le 12 février 2018, la société Metra a deposé une plainte à l’encontre de Monsieur [D] pour vol de données.

Par acte du 30 juillet 2018, Monsieur [D] a fait assigner la société Metra devant le Tribunal de grande instance de Dieppe en indemnisation au titre de sa responsabilité contractuelle.

Par jugement du 21 février 2020, le Tribunal de commerce de Dieppe a constaté l’état de cessation des paiements de la société Metra et a ouvert à son encontre une procédure de redressement judiciaire, désigné Maitre [L] [F], en qualité de mandataire judiciaire et la société AJAssociés, en qualité d’administrateur judiciaire.

Par acte du 22 mars 2019, Monsieur [D] a formé opposition au paiement d’un fonds de commerce vendu par la société Metra à la société Normandie Aero Meca pour un prix de l 111 175,80 euros et par lettre recommandée avec accusé réception du 23 mars 2020, il a déclaré une créance de 1 136 175,82 euros entre les mains de Maitre [F].

Par acte du 8 avril 2020, Monsieur [X] [D] a fait assigner Maitre [F], en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Metra et la société AJAssociés, en sa qualité d’administrateur judiciaire de la société Metra, devant le Tribunal de grande instance de Dieppe afin de mettre en cause les organes de la procédure collective dont fait l’objet la société Metra, de fixer au passif de celle-ci sa créance indemnitaire et de jonction des instances en cours.

Par jugement du 24 mars 2021, le tribunal judiciaire de Dieppe a’:

– débouté Monsieur [X] [D] de sa demande principale en indemnisation au titre de la responsabilité contractuelle de la société Metra,

En conséquence

– débouté Monsieur [X] [D] de 1’ensemble de ses demandes,

– débouté la société Metra, Maitre [F], en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Metra et la société AJAssociés, en sa qualité d’administrateur judiciaire de la société Metra de leur demande reconventionnelle en indemnisation pour procédure abusive,

– condamné Monsieur [D] à payer à la société Metra, a Maitre [F], en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Metra et a la société AJAssociés, en sa qualité d’administrateur judiciaire de la société Metra la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté Monsieur [X] [D] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Monsieur [X] [D] aux dépens,

– dit n’y avoir lieu a l’exécution provisoire.

Monsieur [D] a interjeté appel de ce jugement par déclarations du 31 mai 2021 et du 8 juin 2021. Les affaires ont été jointes.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 novembre 2022

EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions du 31 mars 2022 auxquelles il est renvoyé pour examen des moyens et prétentions de M. [D] qui demande à la cour de’:

– le recevoir en son appel’;

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé régulièrement formé le contrat de séquestre portant sur un disque dur et deux clefs USB et leur contenu ;

– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a’:

* refusé d’imputer la violation du séquestre à la Sté Metra en sa qualité de co-mandante au séquestre de Maître [N]

* débouté Monsieur [D] de sa demande tendant à voir fixer à la somme de 100 000 euros sa créance indemnitaire à titre de dommages et intérêt au passif de la Société Metra;

* débouté Monsieur [D] de sa demande tendant à voir fixer au passif de la Société Metra la somme de 6 000€ au titre des frais de publication de la décision à intervenir dans trois journaux et sur le site internet de la Société Metra ;

* omis de statuer sur la demande formulée par Monsieur [D] tendant à voir dire sans force probante et donc nulles les indications du constat en date du 8 décembre 2017 en ce que lesdites indications ne résultent pas des constatations personnelles de l’huissier et ont été réalisées à l’issue d’un stratagème et à tout le moins l’en a débouté ;

* débouté Monsieur [D] de sa demande d’octroi d’une indemnité de 10 000€ au titre des frais irrépétibles ;

* condamné Monsieur [D] aux dépens

Statuant à nouveau’:

– écarter le PV du 8 décembre 2017 et ses annexes, en interdire tout usage par Metra et ses représentants légaux, et par Maître [F],

– fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Metra la créance indemnitaire de Monsieur [D] à hauteur de 116.000 € calculée comme suit :

* en principal, 100 000 € au titre de dommages et intérêts,

* outre 10 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

* outre 6000 €, au titre des frais de publication de la décision à intervenir dans trois journaux ([Localité 8] Normandie ‘ Le Courrier Picard ‘ L’Eclaireur du Vimeux ) et sur la page d’accueil du site Internet de la société Metra,

A titre principal,

– admettre la créance de Monsieur [D] à titre privilégié au passif de la liquidation judiciaire de la société Metra ,

– ordonner l’affectation des fonds

– A titre subsidiaire,

– prononcer l’admission à titre chirographaire.

– interdire tout usage du constat du 8 décembre 2017 de ce document et de ses annexes par Metra, ses représentants légaux, et par Maître [F]

– débouter Maître [F] es qualité de mandataire judiciaire puis de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Metra et la Selarl AJAssociés pris en la personne de Maître [E] [Y] en sa qualité& d’administrateur la société Metra de toutes leurs demandes fins et conclusions

– condamner Maître [F] es qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Metra à 10.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens, qui seront recouvrés pour ceux les concernant par la Selarl Gray & Scolan conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Vu les conclusions du 22 avril 2022 auxquelles il est renvoyé pour examen des moyens et prétentions de la société Metra, la Selarl Ajassociés es qualité d’administrateur judiciaire de la société Metra’; Me [F] Es-qualité de mandataire liquidateur de la société Metra qui demandent à la cour de’:

A titre principal

– réformer le Jugement du Tribunal Judiciaire de Dieppe du 24 mars 2021 en ce qu’il a débouté les concluants de leur demande en nullité du contrat de séquestre du 6 décembre 2016,

Statuant à nouveau,

– prononcer la nullité du contrat de séquestre du 6 décembre 2016 pour défaut d’objet et/ou dol commis par Monsieur [D].

– confirmer le Jugement du Tribunal Judiciaire de Dieppe pour le surplus,

En conséquence,

– débouter Monsieur [D] de l’ensemble de ses demandes et prétentions.

A titre subsidiaire

– confirmer le Jugement du Tribunal Judiciaire de Dieppe du 24 mars 2021 en toutes ses dispositions,

En conséquence,

– débouter Monsieur [X] [D] de l’ensemble de ses demandes et prétentions.

A titre infiniment subsidiaire

– dans l’hypothèse où la Cour d’Appel de Rouen condamnerait la Selarl AJAssociés et/ou Maître [L] [F], es qualités d’administrateur et de mandataire liquidateur de la société Metra, à des dommages et intérêts d’un montant qu’elle déterminera, fixer cette créance au passif de la société Metra à titre chirographaire.

A titre reconventionnel

– condamner Monsieur [X] [D] au paiement de la somme de 20.000 euros pour procédure abusive.

En tout état de cause

– condamner Monsieur [X] [D] au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civil ainsi qu’aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION’:

Sur le contrat de séquestre’:

Moyens des parties’:

La société Metra, l’administrateur judiciaire et le liquidateur soutiennent que le contrat de séquestre est nul pour dol et défaut d’objet.

Monsieur [D] soutient que’le séquestre a été proposé par l’huissier et accepté par les deux parties en dehors de toutes man’uvres de sa part. Le contrat avait un objet dès lors qu’il y avait un litige sur la propriétés des données inscrites sur le disque dur, même s’il est désormais constant que le support était la propriété de la société Metra.

Réponse de la cour’:

Aux termes de l’article 1956 du code civil’: «’Le séquestre conventionnel est le dépôt fait par une ou plusieurs personnes, d’une chose contentieuse, entre les mains d’un tiers qui s’oblige de la rendre, après la contestation terminée, à la personne qui sera jugée devoir l’obtenir’»

Aux termes de l’article 1116 du même code dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016′: «Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé.’»

Il résulte des dispositions de l’article 1108 du même code, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 que la validité d’une convention est subordonnée à l’existence d’un objet certain qui forme la matière de l’engagement.

Il ressort du procès verbal du 6 juillet 2016 de Mme [N] que l’huissier s’est transporté dans les locaux de la société Metra pour remettre à M. [D] sa convocation à l’entretien préalable au licenciement et lui notifier la mise à pied à effet immédiat’; qu’arrivé sur place il a rencontré M. [P], représentant de la société Metra qui l’a conduit au bureau de M. [D]. L’huissier relate dans son procès verbal qu’après remise de la lettre de convocation et notification de la mise à pied «’Mr [P] prend alors la parole (‘) puis demande (à M. [D]) de lui remettre tous les éléments appartenant à l’entreprise’»’; qu’après remise d’un certain nombre d’objets «’Monsieur [D] d’apprête alors à partir et, pour cela, s’empare d’un sac à dos noir.

Monsieur [P] lui demande alors pourquoi emporter ce sac, M. [D] répond que ce sont des «’effets personnels’», et Mr [P] indique qu’il voudrait s’en assurer. (…)il est retrouvé dans ce sac (‘) une clé USB à l’enseigne de la société Metra.

Il se trouve également dans ledit sac un disque dur portable et deux clés USB portant des logos d’autres entreprises, que M. [D] déclare comme «’personnelles’»

M. [P] demande si le disque portable a été acheté par l’entreprise, et M. [D] répond négativement. Se trouve également un cahier (‘) Mr [P] répond pour sa part qu’il apperçoit d’autres documents (‘)

Devant la divergence persistante sur ce sujet, je propose alors de recevoir les éléments numériques, pour les conserver jusqu’à ce que les parties parviennent à un accord éventuel, ou qu’un juge ordonne leur remise à l’un ou l’autre.

Les deux parties en présence acceptent ma proposition, le disque dur portable et les deux clés USB me sont alors remis. Le cahier et les documents sont restés sur place.’»

Il est constant désormais que le disque dur, support des données enregistrées, est la propriété de la société Metra. Mais le litige à l’origine du séquestre ne porte pas sur la propriété du support mais sur celle des données qui y sont enregistrées. Il en résulte que le contrat n’était pas dépourvu d’objet. Surabondamment, dès lors qu’au moment du séquestre la propriété du support était elle-même contestée, ce support était également l’objet du contrat.

A supposer que la déclaration erronée de M. [D] sur la propriété du disque dur résulte d’un mensonge et non d’une négligence, et qu’il ait tenté de soustraire frauduleusement des données de la société Metra en les faisant passer pour des fichiers personnels, il ne ressort aucunement du déroulement des faits, relaté dans le procès verbal que ces man’uvres avaient pour finalité d’obtenir un contrat de séquestre. C’est au regard de l’opposition des deux parties sur la propriété de certains biens que l’huissier a proposé ce contrat qui a été accepté par la société Metra sans que son consentement soit vicié.

Le premier juge qui avait répondu à la demande dans les motifs de son jugement a omis de reprendre sa décision au dispositif du jugement. Le jugement sera complété en ce que la société Metra, Maitre [F], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Metra et la société AJAssociés, en sa qualité d’administrateur judiciaire de la société Metra seront déboutés de leur demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat de séquestre.

Sur la responsabilité de la société Metra’:

Moyens des parties’:

Monsieur [D] soutient que’:

*postérieurement au contrat de séquestre, la société Metra s’en est unilatéralement approprié les éléments’; qu’elle a sollicité et obtenu de l’huissier la constatation du contenu des éléments numériques, et que des copies en ont été faites pour être confiées à un technicien’; que la société Metra a pris connaissance du rapport du technicien sur lequel elle a fondé sa plainte du 12 février 2018, avant d’obtenir du président du tribunal de commerce de Dieppe une mesure d’instruction non contradictoire au sein des société Mecavalente et Somobresle. L’ordonnance du président du tribunal de commerce qui a débouté les sociétés Mecavalente et Somobresle de leur demande de rétractation a été infirmée par arrêt du 18 juillet 2019 de la cour d’appel de Rouen.

La société Metra l’administrateur judiciaire et le liquidateur répondent que’:

*le bien séquestré était le disque dur qui ne lui a jamais été remis, les résultats d’analyse ont été remis à M. [D] et à la société Metra.

Réponse de la cour’:

Aux termes de l’article 1960 du code civil’: «’Le dépositaire chargé du séquestre ne peut être déchargé avant la contestation terminée, que du consentement de toutes les parties intéressées, ou pour une cause jugée légitime.’»

Aux termes de l’article 1147 du même code, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016′: «’Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part’»

Par l’effet du séquestre, les deux parties se sont dessaisies de la chose séquestrée jusqu’au terme d’un accord entre elle ou d’une décision de justice sur la propriété des biens séquestrés. L’objet du séquestre d’éléments numériques étant constitué des éléments contenus sur les support autant que des supports eux mêmes, il ressort du contrat que les parties se sont interdites tout acte de possession de ces données jusqu’au terme qu’elles ont fixé d’un commun accord.

Le 8 décembre 2017, Me [N] a rédigé un procès verbal de constat dont il ressort que «’Sans remettre en cause le séquestres de ces éléments en mon Etude (le disque dur et les deux clés USB), et dans le respect du principe du contradictoire, la société Metra requiert la constatation du contenu de ces éléments numériques afin que le dit contenu puisse être porté à la connaissance des deux parties, la société Metra et Monsiseur [X] [D].

En fonction de ces constatations, qui seront communiquées aux parties, chacune des parties pourra apprécier si ces éléments relèvent ou non de l’objet des litiges judiciaires en cours.

Pour ce faire la société requérante entend que je puisse m’adjoindre les services de tout technicien permettant de garantir les conditions de confidentialité du PV de constat à intervenir et de l’expertise du contenu numérique, qui sera annexé au dit PV de constat à intervenir’»

Me [N] a déféré à cette réquisition et s’est assuré les services de M. [U] qui s’est rendu en l’étude de l’huissier et y a effectué une copie du contenu du disque dur et des deux clés. Il s’est ensuite retiré avec les copies et le 22 décembre 2017 a remis son rapport d’expertise à l’huissier. Me [N] a annexé ce rapport à son procès verbal. Me [N] n’a pas précisé dans son constat sous quelle forme il avait été requis. La société Metra produit une copie de sa lettre adressée à l’huissier le 31 octobre 2017. Il en ressort qu’elle l’a invité à adresser le procès-verbal de constat concomitamment aux deux parties. Cette demande n’est pas reproduite au procès-verbal.

Dans sa plainte du 12 février 2018, la société Metra fait état de ces constatations, précisant qu’elle y avait fait procéder près d’un an et demi après le départ de M. [D] lorsqu’elle s’est aperçue que des éléments d’actifs incorporels avaient été pillés dans les mois précédant le constat d’huissier du 6 juillet 2016. L’arrêt de la cour d’appel de Rouen du 18 juillet 2019, statuant sur l’appel de l’ordonnance refusant la rétractation de la précédente ordonnance ayant ordonné une mesure d’instruction in futurum, précise que la requête faisait état de la saisie de fichiers numériques. M. [D] produit une copie de cette requête du 8 mars 2018 dont il ressort que le procès verbal de constat du 8 décembre 2017 a été produit au soutien de la demande.

En premier lieu, le rapport de M. [U] fait apparaître une connexion sur le disque dur séquestré le 6 juillet 2016 à 23h04, alors que le disque était séquestré chez Me [N] qui avait clos son procès verbal de constat. Mais en l’absence de tout précision sur les circonstances et l’auteur de cette connexion, elle ne peut à elle seule rapporter la preuve d’une violation du séquestre par la société Metra.

Mais en second lieu, la société Metra a requis de l’huissier de faire procéder à ces constatations «’dans le respect du principe du contradictoire’» afin que le contenu des supports numériques soit porté à la connaissance des deux parties. Il lui appartient en conséquence de rapporter la preuve de cette comunication en temps utile à M. [D]. ‘Elle produit des extraits d’un envoi postal de «’courrier suivi’» distribué le «’28 octobre’» sans précision du destinataire, insusceptible de rapporter la preuve que les constatations du contenu numérique ont été portées à la connaissance de M. [D]. Le jugement du 23 avril 2019, du tribunal de commerce saisi de l’action en concurrence déloyale mentionne que l’analyse de M. [U] a été transmise à M. [D], mais ce jugement est intervenu après les investigations effectuées au sein des sociétés Mecavalente et Somobresle dans le cadre de la mesure d’instruction in futurum. La preuve d’une communication à M. [D] du rapport de M. [U] antérieurement au dépôt de plainte du 12 février 2018 et de l’exécution de la mesure d’instruction in futurum ne ressort ni du procès verbal du 8 décembre 2017 ni du rapport de M. [U]. Quelle que soit l’appréciation que l’on porte sur le comportement de Me [N] qui a déféré à cette réquisition, la société Metra qui sans accord de M. [D] s’est fait remettre par l’huissier une copie du contenu séquestré avant le terme conventionnel du séquestre, et sans s’être assurée d’une communication concomitante à M. [D], l’a utilisée à des fins procédurales non contradictoires, et étrangères au seul litige sur la propriété de ces données, a manqué à son obligation contractuelle. Elle a ainsi engagé sa responsabilité à l’égard de M. [D] et doit l’indemniser de l’entier préjudice qui résulte de sa faute.

Sur le préjudice de M. [D]’:

Monsieur [D] demande que sa créance soit fixée à la somme de

100 000 € et soutient que «’le quantum du dommage résulte de l’incidence procédurale de cette fabrication opportuniste de pièces «’d’apparence douteuse’» dans les multiples procédures diligentées par la société Metra (‘) leur utilisation nocive et non contradictoire’» devant le procureur de la République et le président du tribunal de commerce. Il demande ainsi la réparation d’un préjudice moral. Il demande que sa créance soit fixée à titre privilégié en sa qualité d’opposant à la cession d’un fonds de commerce de la société Metra, et parce que la société Metra a proposé un cantonnement d’une partie du prix dans le cadre de sa demande de mainlevée de cette opposition.

Réponse de la cour’:

Les ordonnances des 16 et 27 mars 2018 obtenues consécutivement au procès verbal de constat du 8 décembre 2017 ont été mises à néant et l’arrêt du 18 juillet 2019 de la cour d’appel a ordonné la restitution à la société Somobresle de l’intégralité des documents et copies auxquels la société Metra a pu avoir accès, de détruire toute archive et a fait interdiction à la société Metra de faire usage des documents recueillis. L’action en concurrence déloyale diligentée par la société Metra est toujours pendante et l’enquête faisant suite à la plainte du 12 février 2018 est toujours en cours. Les coupures de journaux produites par M. [D] relatent abondemment le conflit aigue entre les deux parties, mais il n’en ressort pas qu’il soit délivré aux lecteurs une analyse, même sommaire, des documents séquestrés. Le préjudice certain qui résulte pour M. [D] de la faute de la société Metra est constitué par le tracas que lui a causé la mesure d’instruction diligentée dans la société Mecavalente dont il est le président et la société Somobresle dont le président et la société Mecavalente. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [X] [D] de sa demande principale en indemnisation au titre de la responsabilité contractuelle de la société Metra. Ce préjudice moral sera justement réparé par une indemnité de 10 000 €.

Monsieur [D] entend publier la décision de justice et demande à ce titre que sa créance au titre des frais de publication soit fixé à la somme de 6 000 €. Si M. [D] dispose de la liberté, sauf abus, de procéder à une mesure de publicité d’une condamnation faite à son bénéfice, c’est à ses propres frais dès lors qu’il n’a pas demandé à la cour que soit ordonné de publication. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [D] de ce chef de demande.

L’oppostion à la cession d’un fonds n’a pas pour effet de conférer à l’opposant le droit d’être payé par préférence. La demande faite à titre subsidiaire par les sociétés Metra et Normandie Aéro Meca de cantonnement d’une partie du prix de vente n’a pas pour effet de conférer une sûreté à M. [D], aucun cantonnement n’ayant été ordonné par le juge saisi de la demande de mainlevée de l’opposition. La créance de

10 000 € sera fixée à titre chirographaire.

Sur la demande tendant à l’interdiction de tout usage faire usage du procès verbal de constat du 8 décembre 2017 et de ses annexes’:

Moyens des parties’:

Monsieur [D] soutient que le procès verbal du 8 décembre 2017 et ses annexes ne résultant pas des constatations personnelles de l’huissier et réalisées à l’issue d’une stratagème, n’ont aucun caractère probant, rendant le constat inopérant.

La société Metra l’administrateur judiciaire et le liquidateur répondent que le procès verbal et ses annexes ne présentant aucun caractère illicite, il n’y a pas lieu d’en interdire l’usage.

Le procès verbal de constat du 8 décembre 2017 et ses annexes ont été obtenus par la société Metra au mépris de ses engagements contractuels et du respect du contradictoire. Mais il ne comporte en lui même aucun contenu contraire à l’ordre public ou a un intérêt protégé de M. [D]. En conséquence, il n’est pas justifié d’interdire à la société Metra , ses représentant légaux et Me [F] d’en faire tout usage. Monsieur [D] sera débouté de ce chef de demande.

Sur la demande indemnitaire au titre de la procédure abusive’:

Il résulte de ce qui précède que la procédure initiée par M. [D] ne présente pas de caractère abusif. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté la société Metra, Maitre [F], en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Metra et la société AJAssociés, en sa qualité d’administrateur judiciaire de la société Metra de leur demande reconventionnelle en indemnisation pour procédure abusive.

PAR CES MOTIFS’:

La cour, statuant par arrêt contradictoire’;

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a

– débouté Monsieur [X] [D] de sa demande principale en indemnisation au titre de la responsabilité contractuelle de la société Metra,

– condamné Monsieur [D] à payer à la société Metra, à Maitre [F], en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Metra et a la société AJAssociés, en sa qualité d’administrateur judiciaire de la société Metra la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau’:

Fixe la créance de M. [D] au passif de la procédure collective de la société Metra à la somme de 10 000 € à titre chirographaire.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions’;

Le complètant’;

Déboute la société Metra, Maitre [F], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Metra et la société AJAssociés, en sa qualité d’administrateur judiciaire de la société Metra de leur demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat de séquestre.

Y ajoutant’;

Déboute Monsieur [D] de sa demande tendant à interdire tout usage du constat du 8 décembre 2017 et de ses annexes par la société Metra, ses représentants légaux, et par Maître [F]’;

Condamne la société Metra, la Selarl Ajassociés es qualité d’administrateur judiciaire de la société Metra’; Me [F] Es-qualité de mandataire liquidateur de la société Metra aux dépens depremière instance et d’appel’;

Déboute la société Metra, la Selarl Ajassociés es qualité d’administrateur judiciaire de la société Metra ; Me [F] es qualité de mandataire liquidateur de la société Metra de leurs demandes au titre des frais irrepétibles de première instance et d’appel ;

Déboute M. [D] de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d’appel

Déboute la société Metra, la Selarl Ajassociés es qualité d’administrateur judiciaire de la société Metra’; Me [F] Es-qualité de mandataire liquidateur de la société Metra de leurs demandes au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

La greffière, La présidente,

 


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