COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
1ère chambre 1ère section
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
Code nac : 56B
DU 07 MARS 2023
N° RG 21/06787
N° Portalis DBV3-V-B7F-U2ZD
AFFAIRE :
[Y] [Z]
C/
[C] [S]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Avril 2019 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 18/01190
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-la SELARL ALEXANDRE- BRESDIN- CHARBONNIER,
-Me Sophie POULAIN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [Y] [Z]
né le 19 Août 1980 à[Localité 4])
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Marc BRESDIN de la SELARL ALEXANDRE-BRESDIN-CHARBONNIER, avocat – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 003 – N° du dossier 190130
APPELANT
****************
Monsieur [C] [S]
né le 19 Décembre 1956 à [Localité 3] (Maroc)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Sophie POULAIN, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 180 – N° du dossier 218020
Me Sabine GICQUEL de la SELARL SELARL CHAUVEL GICQUEL Société d’Avocats, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : P0003
INTIMÉ
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 Janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Pascale CARIOU, Conseiller,
Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Jeannette BELROSE,
Faits et procédure
En 2015, M. [Z] s’est rapproché de M. [S], architecte, au sujet d’un projet de construction d’une maison individuelle sur un terrain qu’il envisageait d’acquérir à Soindre (Yvelines).
Reprochant à M. [Z] de n’avoir jamais réglé la note d’honoraires n° 04.16 du 1er février 2016 d’un montant de 12 240 euros toutes taxes comprises en contrepartie de la mission exécutée de réalisation d’un avant-projet et du dossier de permis de construire et après plusieurs mises en demeure infructueuses, M. [S] a, par acte d’huissier de justice délivré le 11 janvier 2018, fait assigner M. [Z] afin d’obtenir sa condamnation à lui verser la somme principale de 12 240 euros toutes taxes comprises.
Par un jugement contradictoire rendu le 2 avril 2019 le tribunal de grande instance de Versailles a :
– Condamné M. [Z] à payer à M. [S] la somme de 10 168,82 euros toutes taxes comprises au titre de ses honoraires, avec intérêt au taux légal à compter du 11 janvier 2018,
– Condamné M. [Z] à payer à M. [S] la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles,
– Condamné M. [Z] aux dépens.
– Ordonné l’exécution provisoire.
M. [Z] a interjeté appel de ce jugement le 10 mai 2019 à l’encontre de M. [S] (procédure enregistrée sous le numéro de répertoire général -RG- 19.3434).
Par une ordonnance d’incident rendue le 29 octobre 2022, la cour d’appel de Versailles a :
– Ordonné la radiation de l’affaire portant le n° RG 19/3434 du rang des affaires pendantes devant la cour d’appel de Versailles,
– Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamné M. [Z] aux dépens de l’incident.
L’affaire a été remise au rôle sous le numéro de RG 21/6787.
Par d’uniques conclusions notifiées le 17 octobre 2022, M. [Z] demande à la cour de :
– Dire et juger son appel recevable et bien fondé,
Et, en conséquence :
Vu l’article 1341 ancien du code civil, ensemble l’article 9 du code de procédure civile
Les articles L 111-1 et suivants du code de la consommation.
– Infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau ;
– Constater que M. [S] ne fait pas la preuve de l’existence d’un contrat valablement formé entre les parties.
Subsidiairement annuler pour violation des articles 1341 ancien du code civil, L 111-1 et suivants du code de la consommation et 9 du code de procédure civile le contrat de prestation de service litigieux.
Plus subsidiairement encore annuler pour vice du consentement de M. [Z] le contrat de prestation de service litigieux.
Dans tous les cas, débouter M. [S] intégralement de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
– Condamner M. [S] à lui payer :
* 11 028,90 euros à titre de remboursement des sommes perçues au titre de l’exécution provisoire, vu l’accord de l’appelant de verser 1500 euros toutes taxes comprises pour le travail réalisé, ce au titre d’une obligation naturelle.
* 3 000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en instance,
* 3 000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
– Condamner M. [S] aux entiers dépens d’instance et d’appel.
Par ses dernières conclusions notifiées le 19 octobre 2022, M. [S] demande à la cour, au fondement des articles 1101, 1103 et 1341 anciens et suivants du code civil, 123 et 564 à 566 du code de procédure civile, de l’avis n° 15012B de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation du 11 octobre 2022, de :
– Confirmer en toutes ses dispositions la décision querellée.
– Déclarer irrecevable M. [Z] en ses demandes de nullité du contrat,
– Dire mal fondée et Rejeter la demande de nullité de M. [Z],
– Donner acte à M. [Z] de ce qu’il reconnaît lui devoir 1 500 euros toutes taxes comprises et le Condamner à régler cette somme.
– Condamner M. [Z] à lui régler la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
– Condamner M. [Z] aux entiers dépens conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 17 novembre 2022.
SUR CE, LA COUR,
Sur les limites de l’appel et à titre liminaire,
M. [Z] poursuit l’infirmation du jugement et demande le rejet des prétentions adverses. Il admet toutefois devoir la somme de 1 500 euros à M. [S] en contrepartie du travail fourni.
M. [S] poursuit la confirmation du jugement en toutes ses dispositions. Il s’ensuit qu’il limite ses demandes au titre de ses honoraires à la somme de 10 168,82 euros toutes taxes comprises.
La cour rappelle que ‘les dire et juger’ ainsi que les ‘constater’ ne sont pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile.
Il s’ensuit que la prétention principale de M. [Z] consiste à demander à la cour d’annuler le contrat de prestation de service conclu entre lui et M. [S].
Sur les demandes de M. [Z] en annulation du contrat d’architecte
‘ Moyens des parties
Devant le premier juge, M. [Z], défendeur, se bornait à solliciter le rejet de la demande en paiement d’honoraires sollicitée par M. [S] aux motifs qu’en l’absence de contrat écrit, il n’avait reçu aucune information sur le montant des prestations réclamées en contravention avec les dispositions du code de la consommation et avec la déontologie des architectes.
A hauteur d’appel, se fondant toujours sur le code de la consommation, en particulier son article L.111-1, sur l’article 11 du code de déontologie des architectes et sur la jurisprudence de la Cour de cassation (en particulier, 1re Civ., 14 novembre 2018, pourvoi n° 17-21.697), il fait valoir qu’une disposition d’ordre public relative à l’information du consommateur, faute de définition préalable des tarifs, a été violée de sorte que son consentement sur un élément essentiel du contrat a nécessairement été vicié et que la nullité du contrat s’impose.
Il conteste formellement avoir reçu des informations de la part de l’architecte sur les tarifs pratiqués, préalablement à la conclusion du contrat, et observe que l’architecte ne prouve pas avoir délivré ces informations, ni avant la formation du contrat, ni pendant l’exécution de celui-ci. Il ajoute que son adversaire n’apporte aucun commencement de preuve de ce qu’il affirme.
Il rappelle les avertissements des ordres d’architectes sur le caractère indispensable de la signature par l’architecte et son client d’un contrat avant tout début de prestation (pièces 1 et 2).
Il critique de plus fort le jugement qui affirme, selon lui, contre la réalité des faits, qu’il ne contestait ni avoir à régler des sommes à l’architecte, ni spécialement n’avoir eu connaissance du contrat type présenté par M. [S] alors que ces énonciations sont absolument fausses et ce raisonnement viole, selon lui, le régime de la preuve édicté par l’article 1341 du code civil ainsi que la jurisprudence de la Cour de cassation (Com., 12 juin 2019, pourvoi n° 18-13.846) qui rappellent l’obligation d’établir un contrat relatif à des obligations d’une valeur supérieure à 1 500 euros, de constater l’existence d’un tel écrit ou d’un commencement de preuve par écrit émanant de M. [S].
M. [S] rétorque que cette demande est nouvelle à hauteur d’appel de sorte que, conformément aux dispositions des articles 564, 565, 566 du code de procédure civile, elle est irrecevable. Selon lui, la demande en nullité du contrat ne tend pas aux mêmes fins que la demande présentée par M. [Z] en première instance, à savoir le rejet des demandes de son adversaire.
Il ne conteste pas l’existence d’une obligation pré-contractuelle d’information du professionnel à l’égard du consommateur, en vertu des dispositions de l’article L.111-1 du code de la consommateur, lesquelles sont d’ordre public. Il prétend cependant que la violation de cette obligation n’entraîne pas ipso facto la nullité de la convention, mais qu’il est à chaque fois nécessaire de démontrer en outre l’existence d’un vice du consentement (dol, erreur, violence) pour obtenir l’annulation du contrat.
Selon lui, l’arrêt du 14 novembre 2018 visé par son adversaire n’a pas vocation à s’appliquer puisqu’il s’agit d’un arrêt isolé prononcé dans des circonstances différentes de celles soumises à l’appréciation de cette cour.
Ainsi, selon lui, en l’absence d’établissement par M. [Z] d’un vice du consentement sa demande ne pourra qu’être rejetée.
Il observe que les exigences posées par l’article 11 du décret du 20 mars 1980 constitue une simple obligation déontologique dont le non respect est sans incidence sur la validité du contrat.
Il fait valoir que la preuve du contrat d’architecte et de son contenu s’effectue selon les règles de preuve du droit commun édictées par les articles 1341 anciens et suivants du code civil et que l’étendue de la mission de l’architecte peut être établie par interprétation de la volonté des parties. Il conteste l’analyse de son adversaire selon laquelle le raisonnement du premier juge violerait le régime de la preuve littérale imposé par l’article 1341 précité.
Il ne conteste pas que le contrat n’a pas fait l’objet d’un écrit, mais soutient que les justificatifs d’accomplissement de sa mission constitue des commencements de preuve par écrit.
Selon lui, le tribunal a exhaustivement analysé les différentes pièces produites (avant projet sommaire, pièce 1 ; dossier de demande de permis de construire, pièce 3 ; devis estimatif de travaux, pièce 6 ; les courriels échangés, pièces 2, 7, 10, 13) et en a exactement déduit que M. [Z] lui avait effectivement confié une mission de maître d’oeuvre de conception de son projet de construction.
Il ajoute que les honoraires sont dus dès que l’architecte fournit une prestation ou un service, qu’en outre les projets non suivis d’exécution par suite d’une décision du maître d’ouvrage, comme en l’espèce, donne lieu à rémunération.
Enfin, il prétend que les honoraires réclamés par ses soins ne sont nullement disproportionnés pour la prestation fournie par rapport au prix généralement pratiqué par la profession.
Il ajoute que les courriels échangés (pièce 2 produite par ses soins) confirme que M. [Z] a bien reçu le contrat type sur lesquels figure le calcul des honoraires de l’architecte.
En définitive, il demande la confirmation du jugement qui a exactement jugé qu’un contrat avait été conclu et que les sommes réclamées étaient dues en raison des prestations réalisées.
‘ Appréciation de la cour
– La recevabilité de la demande nouvelle de M. [Z]
Selon l’article 64 du code de procédure civile, ‘Constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.’
Il s’ensuit que, lorsque la prétention du défendeur n’a pour objet que de contredire le droit invoqué par le demandeur pour obtenir le rejet de sa demande, celle-ci constitue une défense au fond quand bien même il l’aurait qualifiée de demande reconventionnelle (par exemple Civ 3ème 3 mai 2001, Bull n° 57 ; Soc, 10 janvier 2001, n° 9844964 ; Assem. Plén. 22 avril 2011, n° 0916008, Bull AP n 4).
Aux termes de l’article 70 du même code, ‘Les demandes reconventionnelles […] ne sont
recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.’
Enfin, l’article 567 du code de procédure civile dispose que ‘Les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.’
La demande reconventionnelle se définit comme celle par laquelle le défendeur originaire, à savoir le défendeur à la demande initiale, prétend obtenir un avantage autre que le rejet
de la prétention adverse. Cette demande ne peut être formée que par le défendeur originaire
contre le demandeur originaire.
La recevabilité de telles demandes en cause d’appel est uniquement subordonnée à la condition posée par l’article 70 du code de procédure civile, à savoir qu’elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, et non aux conditions édictées par les articles 564 et suivants du même code (voir par exemple 3e Civ., 17 septembre 2013, pourvoi n° 12-19.004).
La demande de M. [Z], à savoir l’annulation du contrat d’architecte, s’analyse en une demande reconventionnelle, celui-ci étant défendeur et prétendant obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.
En outre, en l’espèce, en réponse aux demandes en paiement des prestations réalisées en exécution du contrat d’architecte originaires de M. [S], demandeur à l’instance, M. [Z] se bornait à s’y opposer.
Cette demande nouvelle, reconventionnelle, de M. [Z] en cause d’appel tendant à obtenir la nullité du contrat d’architecte se rattache manifestement aux demandes originaires par un lien suffisant de sorte qu’elle est recevable.
La demande reconventionnelle de M. [Z] sera dès lors déclarée recevable.
– Le bien-fondé de cette demande d’annulation
L’article L. 111-1 du code de la consommation, dans sa version modifiée par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, applicable au présent litige, dispose :
‘Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 113-3 et L. 113-3-1 ;
3° En l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service (…).’
L’article L. 111-4, I, créé par la loi du 17 mars 2014, précise que ‘En cas de litige relatif à l’application des articles L. 111-1 à L. 111-3, il appartient au professionnel de prouver qu’il a exécuté ses obligations’.
Selon l’article L. 111-7, créé par la loi du 17 mars 2014, ‘Les dispositions du présent chapitre sont d’ordre public’.
L’article L. 113-3 du code de la consommation a, en outre, codifié l’information sur le prix, issue de l’ordonnance du 1er décembre 1986, désormais mentionnée à l’article L.111-1, 2°, du code de la consommation.
L’article L. 121-17, I du code de la consommation, devenu l’article L. 221-5, relatif à
l’obligation d’information pré contractuelle dans les contrats conclus à distance et hors
établissement a également prévu ce qui suit :
‘Préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les
informations suivantes :
1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ; (…)’
L’article 11 du code de déontologie des architectes stipule que ‘ Tout engagement professionnel de l’architecte doit faire l’objet d’une convention écrite préalable, définissant la nature et l’étendue de ses missions ou de ses interventions ainsi que les modalités de sa rémunération.
Cette convention doit tenir compte des dispositions du présent code et contenir explicitement les règles fondamentales qui définissent les rapports entre l’architecte et son client ou employeur.’
Les dispositions du code de la consommation susmentionnées prévoient ainsi très clairement que, préalablement à la conclusion d’un contrat de prestation de services, le professionnel doit fournir au consommateur les informations précises, exhaustives, lisibles, intelligibles et compréhensibles sur le prix de la prestation sur laquelle les parties s’entendent. Le législateur a en outre énoncé que ces exigences sont d’ordre public.
Contrairement à ce que soutient M. [S], l’arrêt de la Cour de cassation cité par M. [Z] l’indique expressément.
Les circonstances de l’espèce ayant donné lieu à cet arrêt sont les suivantes : à la suite d’un accident de la circulation impliquant le véhicule de M. [U], la société Y(la société) est intervenue à la demande des services de la voirie, afin de procéder au nettoyage d’huile répandue sur la chaussée ; se prévalant, pour l’accomplissement de cette prestation, d’un bon d’intervention, signé sur la voie publique par M. [U], la société a obtenu une ordonnance faisant à celui-ci injonction de lui payer un certaine somme ; M. [U] a fait opposition à cette décision, en invoquant notamment la nullité de la convention.
Le pourvoi contre la décision attaquée, qui a annulé le ‘bon d’intervention’ de la société, a été rejeté aux motifs que (souligné par cette cour), ‘ayant constaté la violation d’une disposition d’ordre public relative à l’information du consommateur, faute de définition préalable des tarifs, il ressortait suffisamment des constatations faites par la juridiction dont la décision était attaquée que le consentement de M. [U], sur un élément essentiel du contrat, avait nécessairement été vicié’.
Ainsi, la haute juridiction a considéré que la méconnaissance de cette obligation pré-contractuelle d’information, dont le législateur a consacré le caractère d’ordre public, viciait nécessairement le consentement du cocontractant et, par voie de conséquence, entraînait la nullité du contrat.
Cet arrêt n’est nullement isolé.
Ainsi, le 7 décembre 2004, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a indiqué que de la combinaison des articles 2 et 5 du décret n° 86-583 du 14 mars 1986, auxquels renvoie l’article L. 214-1 du code de la consommation, il résulte que les documents commerciaux indiquant le prix d’un ou de plusieurs objets ou ensemble d’objets d’ameublement exposés, détenus en vue de la vente ou mis en vente dans des locaux accessibles au public, doivent, en outre, porter diverses mentions que ces textes énumèrent, à moins que ne soit délivrée à l’acheteur la fiche technique d’identification de chaque objet vendu, la délivrance de celle-ci devant, en ce cas, être expressément mentionnée sur lesdits documents. Elle a jugé que la méconnaissance de ces dispositions d’ordre public est sanctionnée non seulement pénalement, comme le prévoit l’article L. 214-2, alinéa 1er, du code de la consommation, mais aussi, en vertu de l’article 6 du code civil, par la nullité du contrat de vente. (1re Civ., 7 décembre 2004, pourvoi n° 01-11.823, Bull. 2004, I, n° 303).
De même, elle a annulé, cette fois au visa de l’article L. 111-1 du code de la consommation, un arrêt qui avait rejeté des demandes d’indemnisation et de nullité du contrat de PEA pour vice du consentement, en se bornant à retenir l’absence d’omission intentionnelle, alors que la banque ne rapportait la preuve qui lui incombait de l’exécution de son obligation d’information (1re Civ., 8 octobre 2009, pourvoi n° 08-14.405).
Du reste, dès 1998, la Cour de cassation a jugé que la méconnaissance d’une disposition d’ordre public de protection du consommateur était sanctionnée non seulement pénalement, mais encore par la nullité du contrat (1re Civ., 7 octobre 1998, pourvoi n° 96-17.829, Bull. 1998, I, n° 290).
Il incombe dès lors à M. [S] de démontrer que l’information donnée à M. [Z] satisfait aux exigences posées par l’article L. 111-1 du code de la consommation ou, si des documents ont été remis au contractant, qu’ils ne comportent pas des omissions, des ambiguïtés ou des insuffisances.
Force est de constater qu’en l’espèce, tant en première instance qu’à hauteur d’appel, M. [S] ne rapporte pas cette preuve.
Ainsi, l’analyse de l’ensemble des courriels produits par M. [S] enseigne ce qui suit :
* M. [Z] a sollicité le 14 septembre 2015 ‘un contrat type’ (pièce 2) ;
* le 16 septembre 2015, M. [Z] a demandé à M. [S] de lui fournir un planning prévisionnel (pièce 2, bis), mais nulle mention ou confirmation, dans ce courriel, que le contrat type lui avait été fourni ;
* le 16 décembre 2015, M. [Z] a informé l’architecte de sa décision de revoir les plans pour ‘coller à son budget’ et donc de passer d’une maison de 256 m² à 220 m² (pièce 7) ;
* le 3 février 2016, M. [Z] a avisé M. [S] de sa décision de faire une ‘pause’ sur le projet de construction en raison de difficultés financières (pièce 10).
Contrairement à ce que soutient M. [S], la pièce 2 qu’il produit ne démontre pas que M. [Z] a reçu le devis des honoraires de l’architecte ou le contrat type d’architecte. Dans ce message, M. [Z] indique ce qui suit ‘C’est parfait !!! ces plans nous conviennent parfaitement.
Quels sont les prochaines étapes, quand allons-nous définir les plannings et les différents jalons’
Pourrais-je avoir un ‘contrat type » Je pourrais me déplacer au besoin en fin de journée.
[C], Pourrais-tu m’appeler pour discuter 5 mns’.
Il ne ressort nullement de ce message, ni des autres pièces produites par les parties, que M. [S] ait adressé un contrat type d’architecte à son client, ni un devis d’honoraires répondant aux exigences des dispositions du code de la consommation susvisées.
M. [S] se borne à affirmer que ces documents ont été fournis le 16 novembre 2015, mais n’apporte aucun élément de preuve à l’appui.
Il découle de ce qui précède que c’est à bon droit que M. [Z] sollicite l’annulation du contrat de prestation de service conclu entre les parties en raison de la méconnaissance par M. [S] de l’obligation pré-contractuelle d’information édictée par l’article L. 111-1 du code de la consommation, dont le législateur a consacré le caractère d’ordre public.
M. [S] ne sollicite pas la condamnation de M. [Z] à lui verser des sommes en réparation du préjudice qui résulterait pour lui d’avoir effectué des travaux sans être réglé, mais seulement le paiement d’honoraires en exécution du contrat conclu entre les parties, contrat qui a été annulé.
La cour ne pouvant pas statuer au-delà de ce qui lui a été demandé ne saurait dès lors lui accorder plus des 1 500 euros que M. [Z] reconnaît devoir.
Il sera donné acte à M. [Z] de ce qu’il reconnaît devoir la somme de 1 500 euros à M. [S] ; au besoin, M. [Z] sera condamné au paiement de cette somme.
La demande de remboursement de la somme de 10 028,90 euros formée par M. [Z], versée au titre de l’exécution provisoire, dirigée contre M. [S] n’a pas à être prononcée. En effet, l’arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, les sommes devant être restituées à M. [Z] et elles porteront en outre intérêts au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.
M. [S], partie perdante, supportera les dépens de première instance et d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’équité ne commande pas d’allouer des sommes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition,
DÉCLARE recevable la demande reconventionnelle de M. [Z] en cause d’appel tendant à obtenir la nullité du contrat d’architecte ;
INFIRME le jugement ;
PRONONCE la nullité du contrat de prestation de service conclu entre M. [Z] et M. [S] ;
PREND acte de l’accord de M. [Z] de verser 1 500 euros à M. [S], au besoin le condamne à payer cette somme ;
DIT n’y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l’exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ;
CONDAMNE M. [S] aux dépens de première instance et d’appel ;
DIT qu’ils seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes autres demandes.
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,