ARRET N°110
CL/KP
N° RG 22/00070 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GOJX
[E]
C/
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 07 MARS 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00070 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GOJX
Décision déférée à la Cour : jugement du 01 décembre 2021 rendu par le Juge des contentieux de la protection de JONZAC.
APPELANT :
Monsieur [V] [E]
né le [Date naissance 3] 1949 à [Localité 6] (17)
[Adresse 5]
[Localité 2]
Ayant pour avocat postulant Me Cécile LECLER-CHAPERON, avocat au barreau de POITIERS.
Ayant pour avocat plaidant Me Christophe GRIS, avocat au barreau de ANGOULEME.
INTIMEE :
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 4]
Ayant pour avocat plaidant Me Aurélie DEGLANE de la SELARL BRT, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT.
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 04 Janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Claude PASCOT, Président
Monsieur Fabrice VETU, Conseiller
Monsieur Cédric LECLER, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
Selon bon de commande en date du 4 mai 2018, Monsieur [V] [E] a acheté une centrale solaire photovoltaïque à la société Allsun pour un montant de 25 000 euros.
Le même jour, et aux fins de financer cette acquisition, Monsieur [E] (l’emprunteur) a souscrit à l’offre de crédit consentie par la société anonyme Bnp Paribas Personal Finance (la banque) portant sur un principal de 25 000 euros, remboursable en 130 mensualités de 259,10 euros chacune, au taux d’intérêt débiteur de 5,32 %.
Le 22 mai 2018, la société Allsun a établi un certificat de livraison et d’installation du bien susdit.
Le 6 août 2018, et au visa du dit certificat, la banque a versé à la société Allsun les fonds objets du crédit affecté souscrit auprès d’elle par Monsieur [E].
Par courrier en date du 13 juillet 2020, la banque a informé l’emprunteur de la déchéance du terme, en le mettant en demeure de lui régler la somme de 27 303,05 euros.
Le 12 avril 2021, la banque a assigné l’emprunteur en paiement devant le tribunal de proximité de Jonzac.
En dernier lieu, la banque a demandé de débouter l’emprunteur de l’ensemble de ses demandes, et de le condamner à lui payer les sommes de :
– 27 303,05 euros avec intérêts au taux de 5,32 % l’an à compter du 21 juillet 2020 sur la somme de 23 112,12 euros ;
– 600 euros au titre des frais irrépétibles.
En dernier lieu, l’emprunteur a demandé de :
A titre liminaire,
– déclarer prescrite l’action dont avait disposé la banque ;
A titre principal,
– débouter la banque de ses demandes en raison de la nullité du contrat de crédit affecté ;
– condamner la banque à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
A titre subsidiaire,
– ordonner la déchéance du droit aux intérêts de la banque ;
A titre infiniment subsidiaire,
– ordonner la substitution des intérêts légaux aux intérêts conventionnnels;
En tout état de cause,
– lui octroyer des délais de paiements de 24 mois ;
– condamner la banque à lui verser la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles.
Par jugement contradictoire en date du 13 octobre 2021, le tribunal de proximité de Jonzac a :
– déclaré recevable la demande de la banque ;
– rejeté la demande de nullité du contrat de crédit affecté présentée par l’emprunteur ;
– rejeté la demande d’indemnisation présentée par l’emprunteur ;
– rejeté la demande de déchéance du droit aux intérêts présenté par l’emprunteur ;
– rejeté la demande de substitution du taux d’intérêt légal au taux contractuel présentée par l’emprunteur ;
– condamné l’emprunteur à payer à la banque la somme de 25 705,38 avec intérêts au taux conventionnel de 5,32 % à compter du 22 juillet 2020 sur la somme de 23 112,12 euros ;
– condamné l’emprunteur à payer à la banque la somme de 1 euro au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
– accordé à l’emprunteur la faculté d’apurer sa dette au plus tard le 10 de chaque mois, à compter du 1er janvier 2022, en mensualités équivalentes d’un montant de 963 euros, et une dernière mensualité correspondant au solde de la somme due ;
– dit que le défaut de paiement d’un seul règlement à l’échéance entraînerait la déchéance du terme et que la totalité du solde restant dû deviendrait immédiatement exigible ;
– rappelé que l’application des dispositions de l’article 1343-5 du code civil suspendait les procédures d’exécution qui eussent été engagées par le créancier et que les majorations d’intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessaient d’êtres dues pendant les délais accordés ;
– débouté la banque de sa demande de condamnation au titre des frais irrépétibles.
Le 10 janvier 2022, l’emprunteur a relevé appel de ce jugement, en intimant la banque.
L’emprunteur, par dernières conclusions transmises par voie électronique en date du 24 novembre 2020, demande à la cour de :
– le juger recevable et bien fondé en son appel ;
-débouter la banque de l’ensemble de ses demandes;
– réformer le jugement en ce qu’il a :
– rejeté sa demande de nullité du contrat de crédit affecté;
– rejeté sa demande d’indemnisation;
– rejeté sa demande de déchéance du droit aux intérêts;
– rejeté sa demande de substitution du taux d’intérêt légal au taux contractuel;
– l’a condamné à payer à la banque la somme de 25.705,38 euros avec intérêts au taux conventionnel de 5,32% à compter du 22 juillet 2020 sur la somme de 23.112,12 euros ;
– l’a condamné à payer à la banque la somme de un euro au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement;
– lui a accordé la faculté d’apurer sa dette au plus tard le 10 de chaque mois, à compter du 1er janvier 2022, en 23 mensualités équivalentes d’un montant de 963 euros, et une dernière mensualité correspondant au solde de la somme due ;
– a dit que le défaut de paiement d’un seul règlement à l’échéance prescrite entraînerait la déchéance du terme et que la totalité du solde restant dû deviendra immédiatement exigible;
– a rappelé que l’application des dispositions de l’article 1343-5 du code civil suspendait les procédures d’exécution qui eussent été engagées par le créancier et que les majorations d’intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessaient d’être dues pendant les délais accordés ;
-a déboute la banque de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
Statuant à nouveau dans ces limites,
A titre principal:
– prononcer l’irrecevabilité des demandes formées par la banque pour cause de prescription;
A titre subsidiaire :
– prononcer la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre les parties ;
– déclarer fautive la remise des fonds par la banque ;
– juger n’y avoir lieu à restitution de sa part ;
– condamner la banque à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
A titre très subsidiaire :
– prononcer la déchéance intégrale du droit aux intérêts de la banque et l’imputation consécutive des sommes versées par lui-même au montant du capital restant dû ;
– juger que les sommes versées par lui-même produisent des intérêts au taux légal depuis leur date de versement entre les mains de la banque ;
A titre infiniment subsidiaire :
– ordonner la substitution des intérêts légaux aux intérêts conventionnels;
En tout état de cause :
– condamner la banque à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Subsidiairement, si par extraordinaire le jugement déféré devait être confirmé par la cour :
– confirmer le jugement en ce qu’il :
– lui a accordé la faculté d’apurer sa dette au plus tard le 10 de chaque mois, à compter du 1er janvier 2022, en 23 mensualités équivalentes d’un montant de 963 euros, et une dernière mensualité correspondant au solde de la somme due ;
– a dit que le défaut de paiement d’un seul règlement à l’échéance prescrite entraînerait la déchéance du terme et que la totalité du solde restant dû deviendra immédiatement exigible ;
– a rappelé que l’application des dispositions de l’article 1343-5 du code civil suspendait les procédures d’exécution qui eussent été engagées par le créancier et que les majorations d’intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessaient d’être dues pendant les délais accordés;
Reconventionnellement et ajoutant au jugement,
A titre principal :
– condamner la banque à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;
A titre subsidiaire si par extraordinaire le jugement déféré devait être confirmé :
– juger n’y avoir lieu à condamnation au titre de frais irrépétibles.
La banque, par dernières conclusions transmises par voie électronique en date du 18 mai 2022, demande à la cour de :
– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
– débouter l’emprunteur de l’intégralité de ses demandes ;
– condamner l’emprunteur aux entiers dépens des deux instances avec distraction au profit de son conseil, et à lui verser une somme de 2.400 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
Le 7 décembre 2022, a été ordonnée la clôture de l’instruction de l’affaire.
MOTIVATION :
Sur la prescription des demandes de la banque:
Selon l’article L. 218-2 du code de la consommation,
L’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.
Il ressort en outre de l’article R. 312-35 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, que les actions engagées devant le tribunal à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion, cet événement est caractérisé notamment par le premier incident de paiement; lorsque les modalités de règlement des échéances ont fait l’objet d’un réaménagement ou d’un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l’article L. 732-1 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l’article L. 733-1 ou la décision du juge de l’exécution homologuant les mesures prévues à l’article L. 733-7.
Enfin, selon l’article 1342-10 du code civil,
Le débiteur de plusieurs dettes peut indiquer, lorsqu’il paie, celle qu’il entend acquitter.
A défaut d’indication par le débiteur, l’imputation a lieu comme suit: d’abord sur les dettes échues; parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus intérêts d’acquitter. A égalité d’intérêt, l’imputation se fait sur la plus ancienne; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement.
L’emprunteur fait observer que le premier incident de paiement date du 8 février 2019, et que commençant à courir à compter de cette date, le délai biennal préfix de l’action en paiement de la banque venait à échéance au 7 février 2021, alors qu’il n’a été assigné que le 12 avril 2021.
Il ajoute que si certaines échéances ont été payées par la suite, cette circonstance se trouve sans emport sur le cours de la forclusion, dans la mesure où les sommes ultérieurement payées demeuraient inférieures au montant total des échéances impayées à termes successifs.
Monsieur [E] fait ainsi notamment observer que son règlement du 16 avril 2019 à hauteur de 603,26 euros n’a pas pu solder l’impayé antérieur, qui s’élevait alors à la somme totale de 891,40 euros.
Mais il ressort de l’historique des règlements produit par la banque, et non contesté par l’emprunteur, que si la première échéance impayée date du 7 février 2009, et que certaines échéances ultérieures n’ont pas non plus été honorées à bonne date, Monsieur [E] a cependant réalisé un paiement le 27 septembre 2019 à hauteur de 1474,75 euros, venant apurer tous les impayés antérieurs.
Par ailleurs, il ne ressort des éléments du dossier aucune indication du débiteur quant à l’imputation de ses paiements réalisés en dehors des échéances et modalités contractuelles normales, de telle sorte qu’il était loisible au créancier d’imputer ceux-ci sur les échéances les plus anciennes, qui compte tenu des intérêts de retard, étaient aussi celles que le débiteur avait le plus intérêt à acquitter.
Or, l’historique des règlements met en évidence que c’est très précisément à une telle imputation, observant strictement la disposition légale sus rappelée, qu’a procédé l’établissement de crédit.
Il s’en déduira que l’imputation des paiements réalisés après les échéances normales est ainsi venue régulariser les incidents de paiement antérieurs.
Et l’historique des règlements fait ressortir que l’échéance du 7 octobre 2019 n’a pas été payée à bonne date et n’a fait l’objet d’aucune régularisation ultérieure: c’est donc la date susdite qui marque le premier incident de paiement non régularisé, et qui constitue le point de départ du délai de forclusion de l’action en paiement exercée par la banque, venant ainsi à échéance au 7 octobre 2021.
Or, la banque a assigné en paiement l’emprunteur le 12 avril 2021, de telle sorte que l’action de la première à l’égard du second n’est pas forclose.
L’action de la banque sera donc déclarée recevable, et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur l’inexistence ou la nullité du contrat de crédit:
Sur l’absence de formation du contrat de crédit:
Selon l’article 1193 du code civil,
Les contrats ne peuvent être peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties ou pour des causes que la loi autorise.
Selon l’article L. 312-24 du code de la consommation,
Le contrat accepté par l’emprunteur ne devient parfait qu’à la double condition que celui-ci n’ait pas fait usage de sa faculté de rétractation et que le prêteur ait fait connaître à l’emprunteur sa décision d’accorder le crédit, dans un délai de sept jours. L’agrément de la personne de l’emprunteur est réputé refusé si, à l’expiration de ce délai, la décision d’accorder le crédit n’a pas été portée à la connaissance de l’intéressé. L’agrément de la personne de l’emprunteur parvenu à sa connaissance après l’expiration de ce délai reste néanmoins valable si celui-ci entend toujours bénéficier du crédit.
La mise à disposition des fonds au-delà du délai de sept jours mentionné à l’article L. 312-25 vaut agrément de l’emprunteur par le prêteur.
L’offre de contrat de crédit affecté litigieuse, signée par l’emprunteur le 4 mai 2018, fait ressortir :
– que le contrat de crédit est définitivement conclu si le prêteur a agréé l’emprunteur en décidant d’accorder le crédit;
– qu’à compter de l’acceptation de l’offre par le candidat au crédit, le prêteur dispose d’un délai de 7 jours pour faire connaître à l’emprunteur sa décision d’accorder ou non le crédit ;
– qu’à défaut d’information dans ce délai de 7 jours, l’agrément de l’emprunteur par le prêteur est refusé ;
– que si néanmoins, le prêteur informe l’emprunteur de sa décision d’octroyer le crédit après l’expiration du délai de 7 jours, l’emprunteur aura encore la possibilité de conclure le contrat s’il le souhaite ;
– et que la mise à disposition des fonds par le prêteur après l’expiration de ce délai de 7 jours vaut agrément de l’emprunteur par le prêteur.
Il est constant que la banque a versé directement les fonds objet du contrat de crédit affecté à la société Allsun le 6 août 2018.
Monsieur [E] observe, exactement, avoir signé l’offre de crédit le 4 mai 2018, sans qu’au 11 mai 2018, l’établissement de crédit lui ait fait part de son acceptation ou de son refus, de telle sorte qu’à son sens, le crédit doit être réputé refusé, tandis que ce n’est qu’ultérieurement que les fonds ont été mis à disposition de la société Allsun, sans qu’alors lui soit personnellement notifié un quelconque agrément par la banque ou que le déblocage des fonds ait été porté à sa connaissance.
Il entend en voir déduire que la rencontre des volontés des parties, qui portait également sur l’agrément du prêteur par l’emprunteur, n’a pas eu lieu, de telle sorte que le contrat de crédit n’est pas devenu parfait, et qu’il ne peut être mis à sa charge aucune obligation de remboursement.
Mais il ressort des stipulations contractuelles susdites, par ailleurs en tout point conformes au texte spécial de la consommation susvisé, que la mise à disposition des fonds vaut agrément de l’emprunteur par le prêteur.
Et la circonstance que les fonds ont été mis à la disposition d’un tiers, conformément à l’objet du contrat de crédit affecté auquel avait consenti Monsieur [E], n’est pas de nature à infléchir cette analyse.
Il s’en déduira que le contrat de crédit a donc été formé.
Sur le dol affectant le contrat principal:
Selon l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Selon l’article L. 312-55 du code de la consommation,
En cas de contestation sur l’exécution du contrat principal, le tribunal peut, jusqu’à la solution du litige, suspendre l’exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Les dispositions du premier alinéa ne sont applicables que si le prêteur est intervenu à l’instance ou s’il a été mis en cause par le vendeur ou l’emprunteur.
L’emprunteur entend solliciter l’annulation du contrat principal de fourniture et d’installation de panneaux photovoltaïques, selon lui affecté d’un vice du consentement pour dol, ce dont il entend voir déduire, au regard de leur interdépendance, l’annulation du contrat de crédit affecté.
Mais l’application du second de ces textes, permettant l’annulation du contrat de crédit affecté par suite de l’annulation du contrat principal, s’entend dans le cadre d’une instance à laquelle le vendeur ou le prestataire de service dont les prestations ont fait l’objet d’un crédit affecté a été appelé.
Or, il est constant que ce litige oppose seulement la banque et l’emprunteur, dont aucun n’a appelé en la cause le vendeur la société Allsun.
Au surplus, le dispositif des écritures de l’emprunteur met en évidence qu’il n’a pas demandé l’annulation du contrat principal de fourniture et d’installation de panneaux photovoltaïques, mais la seule annulation du contrat de crédit affecté.
Et au regard du premier texte cité, la circonstance qu’il sollicite l’annulation du contrat principal dans les motifs de ses écritures pour dol n’est pas de nature à saisir valablement la cour d’une prétention en ce sens à laquelle elle serait tenue de répondre.
Dès lors, la demande tendant à l’annulation du contrat de crédit affecté ne pourra manifestement pas prospérer.
Il y aura donc lieu de rejeter la demande de nullité du contrat de crédit affecté présentée par l’emprunteur, et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la faute de la banque dans la mise à disposition des fonds:
Selon l’article L. 311-48 du code de la consommation, dans sa version issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016:
« Les obligations de l’emprunteur ne prennent effet qu’à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation; en cas de contrat de vente de prestations de services à exécution successives, elles prennent effet à compter du début de la livraison ou de la fourniture et cessent en cas d’interruption de celle-ci.
Il résulte de la teneur de ces dispositions que les obligations de l’emprunteur ne prennent effet qu’à compter de l’exécution de la prestation de services qui doit être complète, hors le cas d’une prestation de services à exécution successive, et que commet une faute à l’égard de l’emprunteur le prêteur qui délivre des fonds au vendeur sans s’assurer que celui-ci a exécuté son obligation (Cass. 1ère civ. 16 janvier 2013, n°12-13.022, Bull. 2013, I, n°6).
La libération des fonds intervient au vu d’une attestation de fin de travaux, laquelle est opposable à l’emprunteur si elle permet de vérifier l’exécution complète du contrat principal; elle lui est en revanche inopposable si son contenu ne permet pas se convaincre d’une telle exécution complète.
Il appartient au prêteur de démontrer l’exécution du contrat principal, et non à l’emprunteur d’en démontrer l’inexécution.
L’emprunteur, qui détermine l’établissement de crédit à verser les fonds au vendeur au vu de la signature par lui du certificat de livraison du bien, n’est plus ensuite recevable à soutenir, au détriment du prêteur, que le bien ne lui avait pas été livré (Cass. 1ère civ., 14 novembre 2001, n°99-15.690, Bull. 2001, I, n°280).
Monsieur [E] fait grief à la banque d’avoir délivré les fonds au vu d’une attestation d’achèvement des travaux délivrée le 22 mai 2018, soit 18 jours après la signature de l’offre, alors que l’implantation des panneaux photovoltaïques suppose des autorisations d’urbanisme, que l’établissement de crédit ne pouvait pas ignorer l’important contentieux, notamment pénal, dont faisait l’objet les sociétés de la galaxie Sweetcomm à l’époque de formation et d’exécution contractuelle, sans avoir vérifié les pratiques de la société Allsun quant à la formation des contrats, de ne pas avoir vérifié la régularité du document produit par la société Allsun, et ce alors que l’installation photovoltaïque placée sur sa toiture ne produit pas d’électricité à défaut d’être raccordée.
Mais il ressort de la demande de financement signé le 22 mai 2018 par l’emprunteur, désignant le bien ou la prestation de service qualifié de photovoltaïque, dans sa rubrique attestation de livraison, que ce dernier reconnaît, en signant la présente attestation sans réserve, que la livraison du bien et ou la fourniture de la prestation de service a été pleinement effectuée conformément au contrat principal de vente conclu avec le vendeur et ou le prestataire de service, et que cette livraison est intervenue le 22 mai 2018.
La seule teneur de ce document permet ainsi à la banque, qui n’est tenue à aucune autre vérification, d’être avisée de l’exécution totale de la vente ou prestation objet du contrat de crédit sollicité.
Dès lors, la banque n’a commis aucune faute dans la remise des fonds.
La demande indemnitaire de Monsieur [E] ne pourra donc pas prospérer de ce chef.
Sur le manquement de la banque à son devoir de mise en garde:
La banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard d’un emprunteur non averti lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de l’emprunteur, ou qu’il existe un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur.
A l’égard d’un emprunteur averti, la banque n’est tenue à un devoir de mise en garde que si elle-même détenait au sujet de l’emprunteur des informations qui n’auraient pas été connues de l’emprunteur lui-même. En revanche, elle n’est pas tenue d’un devoir d’information sur l’opportunité ou les risques de l’opération financée.
C’est à l’emprunteur qu’il appartient de démontrer l’inadaptation du prêt consenti par l’établissement de crédit à ses propres facultés.
Mais le prêteur n’est tenu à aucun devoir de mise en garde si le remboursement du prêt n’excède pas les facultés contributives de l’emprunteur (Cass. 1ère civ., 19 novembre 2009, n°08-13.601, Bull., I, n°232).
La banque, à laquelle il appartient de démontrer qu’elle a rempli son obligation de mise en garde, est dispensée de cette obligation si elle établit que son client a la qualité de caution avertie.
Quelle que soit la qualité de l’emprunteur, la banque n’est pas tenue à un devoir de mise en garde en l’absence de risque, et celui s’apprécie au moment de l’engagement litigieux.
Le préjudice né du manquement de l’établissement à son devoir de mise en garde s’analyse en une perte de chance de ne pas contracter.
Si Monsieur [E] fait grief à la banque de ne pas s’être assurée de la réalité de ses ressources et de ses charges, il n’a produit aucun élément sur celles-ci contemporaines de la souscription du contrat de crédit affecté, faisant ressortir que le crédit consenti, comprenant des échéances mensuelles de 291,78 euros, ne serait pas adapté à ses capacités financières.
Il défaillance ainsi dans l’administration de la preuve qui lui incombe tenant à son propre risque d’endettement.
Surabondamment, il ressort au contraire de la fiche de renseignement datée et signée par l’intéressé le 4 mai 2018 que celui-ci y déclare percevoir des revenus mensuels nets personnels de 1200 euros, outre les revenus nets mensuels de sa conjointe à hauteur de 850 euros.
Eu égard aux revenus ainsi déclarés, il ne résulte ainsi aucune inadaptation du prêt consenti aux capacités contributives de l’emprunteur.
La demande indemnitaire de Monsieur [E] ne pourra pas donc plus prospérer sur la base du manquement de la banque à son devoir de mise en garde.
A l’issue de cette analyse, il y aura lieu de débouter l’emprunteur de sa demande indemnitaire, et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la déchéance du droit aux intérêts:
Selon l’article L. 341-2 du code de la consommation,
Le prêteur qui n’a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 312-14 et L. 312-16 est déchu de son droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
Si l’emprunteur fait grief à la banque d’avoir manqué à son obligation d’information ainsi qu’à son devoir de se renseigner résultant des textes énumérés à l’article plus haut cité, elle ne vient faire mention d’aucun manquement particulier de la banque au cas d’espèce.
Et elle ne présente aucun moyen de nature à remettre en cause les exactes constatations du premier juge, selon lesquelles:
– l’offre de prêt est rédigée de manière claire et lisible, avec des caractères d’une hauteur au moins égale au corps 8, avec une taille des écritures de 3 mm entre la plus haute et la plus basse des lettres;
– le bordereau de rétractation est présent à la fin de l’offre de crédit, et mentionne un délai de rétractation de 14 jours;
– la banque a rapporté la preuve de la vérification de sa solvabilité par la production d’une fiche de renseignement, de la copie de l’avis d’imposition 2016 et de la consultation du fichier des incidents de paiements les 9 et 22 mai 2018.
Le moyen de droit ainsi soulevé manque de fait.
Il y aura donc lieu de rejeter la demande de l’emprunteur tendant à prononcer la déchéance du droit de la banque aux intérêts, et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la substitution du taux d’intérêt légal au taux conventionnel :
Selon l’article L. 313-1 du code de la consommation, dans sa version issue de l’ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016, entrée en vigueur le 1er juillet 2016, et applicable au litige, constitue un crédit immobilier un contrat de crédit destiné à financer les opérations suivantes :
a)
-leur acquisition en propriété ou la souscription ou l’achat de parts ou actions de société donnant vocation à leur attribution en propriété, y compris lorsque ces opérations visent également à permettre la réalisation de travaux de réparation, d’amélioration, ou d’entretien de l’immeuble ainsi acquis;
– leur acquisition en jouissance ou la souscription ou l’achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à leur attribution en jouissance, y compris lorsque ces opérations visent également à permettre la réalisation de travaux de réparation, d’amélioration ou d’entretien de l’immeuble ainsi acquis ;
b) l’achat de terrains destinés à la construction des immeubles mentionnés au a);
2° les contrats de crédit accordés à un emprunteur consommateur ou non professionnel qui sont garantis par une hypothèque, par une autre sûreté comparable sur les biens immobiliers à usage d’habitation, ou par un droit lié à un bien immobilier à usage d’habitation. Ces contrats ainsi garantis sont notamment ceux destinés à financer, pour les immeubles à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation, les dépenses relatives à leur réparation, leur amélioration ou leur entretien ;
3° aux contrats de crédit mentionnés au 1°, qui sont souscrits par les personnes morales de droit privé, lorsque le crédit accordé n’est pas destiné à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, procurent, sous quelque forme que ce soit, des immeubles ou des fractions d’immeubles, bâtis ou non, achevés ou non, collectifs ou individuels, en propriété ou en jouissance.
Il ressort ainsi de ce texte que pour être considérés comme relevant d’un crédit immobilier, les crédits afférents à des travaux d’amélioration doivent aussi porter sur une opération tendant à une acquisition immobilière, ou bien, en l’absence d’une telle opération, doivent être garantis par une hypothèque ou une sûreté immobilière comparable.
Il ressort de l’article L. 313-24 du code de la consommation, relatif au formalisme afférent à l’offre de crédit immobilier, que l’offre de crédit immobilier est soumise à l’acceptation de l’emprunteur et que ce dernier ne peut l’accepter que 10 jours après l’avoir reçue, l’acceptation étant donnée par lettre, le cachet de l’opérateur postal faisant foi, ou selon tout autre moyen convenu entre les parties de nature à rendre certaine la date de l’acceptation de l’emprunteur.
Monsieur [E] soutient que le crédit litigieux doit s’analyser comme un crédit immobilier, pour en déduire que l’offre préalable y afférente ne répond pas au formalisme qui lui est propre, notamment s’agissant de l’observation de son délai d’acceptation de l’offre, devant être au minimum de 10 jours après réception de l’offre, et pour ainsi solliciter la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, et leur substitution par les intérêts au taux légal.
Mais il est constant que le crédit litigieux n’est garanti par aucune hypothèque ou autre sûreté immobilière assimilable, et qu’il n’a pas été intégré à une opération conduisant à l’acquisition de droits de nature immobilière, de telle sorte qu’il ne peut pas relever du champ d’application propre au crédit immobilier.
Il conviendra donc de débouter l’emprunteur de sa demande de substitution du taux d’intérêt légal au taux contractuel, et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la condamnation de l’emprunteur et l’octroi des délais de paiement:
Il résulte du tableau d’amortissement, du décompte de la banque, et des divers courriers de mise en demeure que les mensualités impayées jusqu’à la déchéance du terme s’élèvent au 2 novembre 2020 à la somme de 2593,26 euros, tandis que le capital restant dû était de 23 112,12 euros.
La banque a ainsi justifié du principe et du montant de sa créance, sans que l’emprunteur ne démontre un quelconque autre paiement.
Il y aura donc lieu de condamner l’emprunteur à payer à la banque la somme de 25 705,38 euros avec intérêts au taux conventionnel de 5,32 % à compter du 22 juillet 2020 sur la somme de 23 112,12 euros, et le jugement sera confirmé de ce chef.
Au regard des demandes des parties concordantes sur ce point, il y aura lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné l’emprunteur à payer à la banque la somme de 1 euro au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter du jugement.
Au regard des demandes des parties concordantes sur ces points, il y aura lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a :
– accordé à l’emprunteur la faculté d’apurer sa dette au plus tard le 10 de chaque mois, à compter du 1er janvier 2022, en mensualités équivalentes d’un montant de 963 euros, et une dernière mensualité correspondant au solde de la somme due ;
– dit que le défaut de paiement d’un seul règlement à l’échéance entraînerait la déchéance du terme et que la totalité du solde restant dû deviendrait immédiatement exigible ;
– rappelé que l’application des dispositions de l’article 1343-5 du code civil suspendait les procédures d’exécution qui eussent été engagées par le créancier et que les majorations d’intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessaient d’êtres dues pendant les délais accordés.
* * * * *
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la banque de ses demandes au titre des frais irrépétibles de première instance, et a condamné l’emprunteur aux dépens de première instance.
Monsieur [E] sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles des deux instances, et sera condamné aux dépens d’appel et à payer à la banque la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.
Il y aura lieu d’ordonner distraction au profit du conseil de la banque des dépens des deux instances.
PAR CES MOTIFS:
La Cour,
statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions;
Y ajoutant :
Déboute Monsieur [V] [E] de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel ;
Condamne Monsieur [V] [E] aux entiers dépens d’appel et à payer à la société anonyme Bnp Paribas Personal Finance la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;
Ordonne distraction au profit de Maître Aurélie Deglane, membre de la Selarl Brt, conseil de la société anonyme Bnp Paribas Personal Finance, de ceux des dépens de première instance et d’appel dont elle a fait l’avance sans en avoir reçu provision ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,