RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/00380 – N��Portalis DBVH-V-B7G-IKRF
ET – NR
JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION D’AVIGNON
18 janvier 2022
RG:11-20-0756
[X]
[X]
C/
S.A. CREDIPAR
S.A. MIDI AUTO 84
Grosse délivrée
le 09/03/2023
à Me Philippe LICINI
à Me Laure REINHARD
à Me Magali MAUBOURGUET
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 09 MARS 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge des contentieux de la protection d’AVIGNON en date du 18 Janvier 2022, N°11-20-0756
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre,
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère,
Mme Séverine LEGER, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats, et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l’audience publique du 22 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 19 Janvier 2023 et prorogé au 09 Mars 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTS :
Madame [N] [X]
née le 08 Mai 1970 à [Localité 8] (30)
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représentée par Me Philippe LICINI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON
Monsieur [H] [X]
né le 08 Mai 1989 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Philippe LICINI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/001807 du 06/04/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Nîmes)
INTIMÉES :
S.A. CREDIPAR
prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Laure REINHARD de la SCP RD AVOCATS & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
S.A. MIDI AUTO 84
[Adresse 9]
[Localité 4]
Représentée par Me Magali MAUBOURGUET de la SELARL LLURENS-DAVY-MAUBOURGUET-DANIGO, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 09 Mars 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 21 mai 2015, Mme [N] [X] a acquis un véhicule Citroën C3 Picasso HDI 90 BVM auprès de la SA Midi Auto 84 d’un montant de 23 538 euros et ce, au moyen d’une reprise d’un véhicule et un prêt personnel contracté auprès de la SA Crédipar.
Ce prêt a été souscrit par Mme [X] et M. [H] [X], son fils, pour un montant de crédit de 19 878,71 euros remboursable en 37 échéances, 36 pour un montant de 261,98 euros et la 37ème pour un montant de 10 447,43 euros.
Le 25 septembre 2015, Mme [X] a confié la reprise du véhicule à la SA Midi Auto 84 pour un montant de 18 000 euros. En parallèle, elle a fait l’acquisition d’un véhicule Citroën C4 Picasso E-HDI BVM6 pour un montant de 30 782,76 euros auprès du même établissement au moyen d’une location avec option d’achat pour 60 mensualités à hauteur de 448,54 euros souscrit communément par Mme [N] [X] et M. [H] [X] auprès de la SA Crédipar.
Le 9 février 2016, Mme [X] a décidé de confier la reprise du véhicule Citroën C4 Picasso E-HDI BVM6 à la SA Midi Auto 84 pour un montant de 28 000 euros. Mme [X] a acquis parallèlement un véhicule Citroën C4 Picasso 1.6 HDI 110 FAP Exclusive d’occasion pour un montant de 28 363,76 euros par le biais d’une location avec option d’achat souscrit communément avec M. [H] [X] auprès de la SA Crédipar.
Le contrat se décomposant comme suit : 60 mensualités d’un montant de 369,74 euros et la dernière mensualité d’un montant de 7 095,945 euros.
Le 27 juin 2020, un courrier recommandé avec accusé de réception a été envoyé par le conseil de Mme [X] à la SA Midi Auto 84 au motif que cette dernière lui aurait vendu un véhicule au double de sa valeur.
Estimant avoir été victime d’un dol ou d’une tromperie de la part des sociétés Midi Auto 84 et Crédipar, Mme [X] les a assignées par acte du 10 août 2020, devant le juge des contentieux et de la protection d’Avignon afin de voir notamment :
– accueillir l’intervention volontaire de M. [H] [X], co-contractant à l’acte de crédit,
– condamner solidairement les sociétés défenderesses à leur payer la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi,
– prononcer la réfaction du prix de vente du véhicule Citroën C4 Picasso 1.6 HDI 110 FAP Exclusive au montant de 14 458 euros et la laisser conserver le véhicule,
– prononcer la caducité du contrat de prêt,
– rembourser les sommes trop perçues.
M.[X] est intervenu par conclusions du 15 avril 2021 à l’instance.
Par jugement contradictoire du 18 janvier 2022, le tribunal judiciaire d’Avignon a :
– déclaré l’action recevable car non prescrite ;
– dit que Mme [N] [X] et M. [H] [X] ont intérêt à agir ;
– débouté Mme [N] [X] et M. [H] [X] de l’intégralité de leurs prétentions tant sur le manquement à l’obligation précontractuelle d’information de la SA Midi Auto 84 et la SA Crédipar que sur les manoeuvres dolosives des mêmes sociétés ;
– condamné in solidum Mme [N] [X] et M. [H] [X] au paiement de la somme de 1 500 euros à la SA Midi Auto 84 et la SA Crédipar au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné in solidum Mme [N] [X] et M. [H] [X] aux entiers dépens ;
– rappelé que l’exécution provisoire du jugement.
Par déclaration du 31 janvier 2022, M. et Mme [X] ont interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 10 mars 2022, Madame le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des procédures n°RG 22/00469 avec l’affaire déjà pendante devant la cour N°RG 22/00380 et a dit que l’instance se poursuivra sous le seul et unique N°RG 22/00380.
Par ordonnance du 28 juin 2022, la procédure a été clôturée le 8 novembre 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 22 novembre 2022.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS
Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 février 2022, Mme [X] et M. [X], appelants, demandent à la cour de :
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,
– condamner solidairement la SA Midi Auto 81 et la SA Crédipar à leur verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi en raison du manquement à leur obligation d’information,
– prononcer la réfaction du prix de vente contracté au titre du véhicule Grand C4 Picasso 1.6 HDI 110 FAP Exclusive au montant de 14 458 euros,
– juger que Mme [X] s’est acquittée de la somme de 15 200,34 euros et qu’elle est donc légitime à conserver le bien en l’état,
– prononcer la caducité du contrat de prêt conclu entre eux et la société Crédipar le 9 février 2016 pour un montant de 29 340,34 euros ,
– condamner solidairement la SA Midi Auto 84 et la SA Crédipar à verser la somme de 742,34 euros au titre du trop perçu,
– les condamner solidairement à verser à Mme [X] la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des fautes contractuelles commises par les sociétés,
– condamner la SA Midi Auto 84 à verser à Mme [X] la somme de 603,37 euros au titre de la perception d’une somme indue.
Au soutien de ses prétentions les appelants font valoir que :
– les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité délictuelle de la société Midi Auto 84 sont réunies puisque cette dernière a méconnu son obligation d’information précontractuelle,
– la société Midi Auto 84 ne rapporte pas la preuve de la prescription qu’elle leur oppose et pour laquelle elle ne produit que des contrats de vente non signés et non datés,
– dans le cadre de la vente du véhicule Citroën C4 Picasso 1.6 HDI 110 FAP Exclusive les manquements de la société venderesse sont constitutifs de manoeuvres dolosives puisqu’elle s’est notamment abstenue de mentionner le véritable prix de ce nouveau véhicule, élément déterminant de leur consentement,
– les fautes imputables à la société Midi Auto 84 ont été possibles qu’en l’état des manquements imputables à la SA Crédipar qui, par son manque de conseil de diligence, a concouru à la réalisation de leurs préjudices,
– en conséquence, ils rapportent la preuve d’un dol au sens de l’article 1116 du code civil et L.444-1 du code de la consommation et sont fondés à obtenir la réfaction du prix du véhicule Grand C4 Picasso 1.6 HDI 110 FAP Exclusive, et le contrat de prêt souscrit le 9 février 2016 pour un montant de 29 340,34 euros est caduque,
– la conservation du véhicule leur sera accordée au regard des sommes dont ils se sont déjà acquittés,
– en outre, les manquements imputables aux sociétés intimées justifient qu’elles soient condamnées à des dommages et intérêts en réparation des préjudices subis,
– Mme [X] est également fondée à obtenir la restitution des sommes indûment perçues par la SA Midi Auto 84 soit la somme de 603,27 euros, en application des dispositions de l’article 1302 code civil.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 mai 2022 la société Midi Auto 84,intimée et appelante à titre incident, demande à la cour de :
– réformer le jugement dont appel seulement en ce qu’il a :
déclaré l’action recevable car non prescrite,
dit que Mme [N] [X] et M. [H] [X] ont intérêt à agir ;
Statuant à nouveau de ces seuls chefs,
– juger prescrites les demandes de Mme et de M. [X],
– juger que Mme et M. [X] n’ont pas intérêt à agir,
– déclarer irrecevables leurs demandes et les en débouter,
– ordonner le sursis à statuer jusqu’à l’issue définitive de la plainte pénale,
– débouter la SA Crédipar de ses demandes reconventionnelles,
– confirmer le jugement pour le surplus ;
A titre subsidiaire,
– juger que la créance de la SA Crédipar s’élève à la somme de 10 910,96 euros,
En toute hypothèse,
– condamner solidairement les consorts [X] au paiement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que :
– l’action des consorts [X] est prescrite en application des dispositions de l’article 2224 du code civil, le premier contrat d’acquisition ayant été conclu le 21 mai 2015 soit plus de 5 ans avant l’assignation du 10 août 2020,
– Mme [X] ayant bénéficié d’une procédure de surendettement et plus précisément d’un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire elle ne subit aucun préjudice déterminé et/ou déterminable et est donc dépourvue d’intérêt à agir au sens de l’article 31 du code de procédure civile,
– Mme [X] fondant son action au visa des dispositions de l’article L.441-1 du code de la consommation, il convient de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de la plainte déposée par cette dernière le 11 février 2020 et ce, conformément aux dispositions de l’article 4 du code de procédure pénale,
– sur le fond et à titre subsidiaire, Mme [X] ne rapporte pas la preuve du manquement à l’obligation d’information qu’elle lui impute ni d’un préjudice dont le lien de causalité serait établi avec ces prétendus manquements. Elle verse à ce titre les contrats de prêt et de vente litigieux lesquels fournissent les informations nécessaires aux opérations réalisées conformément à l’article 1112-1 du code civil ainsi qu’au regard des éléments qui lui ont été présentées par Mme [X],
– les faits de dol ou de tromperie ne sont pas caractérisés de sorte qu’il n’y a pas lieu de procéder à la réfaction du prix de vente et ce, d’autant plus que Mme [X] ne justifie pas que le prix réel du véhicule était de 14 458 euros lors de son acquisition,
– le chèque de 602,27 réglé par Mme [X] lors de l’acquisition du troisième véhicule correspond au règlement des frais complémentaires restés à charge,
– la société Crédipar, qui ne rapporte pas la preuve d’une faute qui lui serait imputable ainsi que l’exige l’article L.312-56 du code de la consommation, ne peut solliciter sa condamnation à la garantir du remboursement de la somme de 24 076 euros correspondant au montant du capital prêté. Au demeurant la société Crédipar ne justifie pas des règlements qui auraient été effectués par M. [X] postérieurement au décompte établi le 3 avril 2020 étant souligné que M. [X] a lui aussi bénéficié d’un dossier de surendettement,
– si la cour venait à faire droit à l’argumentation développée par la société Crédipar, il conviendra de tenir compte du décompte établi par la société de crédit qui s’élevait au 3 avril 2020 à la somme de 10 910,96 euros et de limiter sa possible condamnation à cette somme.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 mai 2022, la société Crédipar demande à la cour de :
– confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;
A titre subsidiaire,
– condamner la société Auto Midi 84 à la garantir de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge,
– débouter les consorts [X] de toute autre demande ;
Plus subsidiairement, en cas d’anéantissement du contrat de crédit :
– condamner solidairement M. [H] [X] et Mme [N] [X] à lui payer la somme de 24 000,76 euros, correspondant au montant du capital prêté, outre intérêts au taux légal,
– condamner M. [H] [X] et Mme [N] [X] à lui restituer le véhicule Citroën C4 Picasso 1.6 HDI 110 FAP Exclusive précision faite que l’éventuel prix de revente du véhicule viendra en déduction de la créance,
– débouter les consorts [X] de toute autre demande, fin ou prétention,
En tout état de cause,
– condamner in solidum la partie succombant à lui porter et payer une indemnité à hauteur de 2 400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que :
– les consorts [X] sont défaillants dans la démonstration de l’existence d’un manquement du vendeur dans ses obligations et devoirs et ne rapportent pas la preuve du dol à l’appui de leur demande de réfaction du prix de vente,
– ils ne précisent pas quels manquements ils reprochent au prêteur, au titre de l’obligation d’information, concernant le contrat souscrit en mai 2015 et évoquent seulement des manquements commis par le vendeur. En outre, elle verse aux débats les fiches de dialogues remplies sur la base des informations transmises par les consorts [X] et justifie ainsi de la parfaite exécution de son obligation de vérification de la capacité financière des emprunteurs et de son devoir de mise en garde,
-en toute hypothèse, les appelants ne rapportent pas la preuve d’un quelconque préjudice à ce titre, Mme [X] ayant bénéficié d’un effacement total de sa dette suite à la procédure de surendettement et le véhicule étant parfaitement fonctionnel,
– subsidiairement, elle est fondée à obtenir la condamnation de la société Midi Auto 34 à la garantir de toute condamnation en raison des fautes commises par cette dernière lors de la conclusion des contrats de vente,
– en l’absence de demande de nullité, résolution ou caducité du contrat de vente qui serait formulée par les appelants, il n’y a pas lieu de prononcer la caducité du contrat de crédit,
-en toute hypothèse, si la caducité du contrat de prêt venait à être prononcée par la cour, elle aurait pour conséquence les restitutions réciproques à charge pour les consorts [X] de restituer le véhicule et de lui payer la somme de 24 000,76 euros correspondant au montant du capital prêté, outre intérêts au taux légal, et cette somme qui devra être garantie par la société Midi Auto 34 en application de l’article L.312-56 du code de la consommation.
Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
1- Sur la recevabilité des demandes
– sur la prescription
Aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
La prescription d’une action en responsabilité ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il s’est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas connaissance.
Dans leurs conclusions, M. et Mme [X] estiment avoir commis des erreurs dans l’achat des 3 véhicules dont le premier était inadapté , le deuxième leur faisait souscrire un prêt trop important et sur la valeur du 3ème véhicule lors de l’achat et sur sa valeur de revente.
Ils prétendent qu’elles seraient due aux mensonges et silences de la société venderesse et du prêteur et que ces derniers, tenus de les informer et conseiller dans le cadre de l’acquisition des 3 véhicules ont manqué à leurs obligations.
Ils fondent ainsi leur action tant sur le dol que sur l’obligation d’information et de conseil aux fins d’engagement de la responsabilité civile des intimées et d’indemnisation des préjudices qui en auraient découlé.
La recevabilité de leurs demandes doit donc être analysée sous ces fondements, séparément, les points de départ des délais de prescription devant s’apprécier au regard des conditions de mise en oeuvre spécifiques à chaque fondement de l’action.
a- Sur l’action fondée sur le dol :
L’article 2224 du code civil indique que la prescription commence à courir le jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action. Cette disposition doit être combinée avec les règles applicables en matière de dol et la cour doit examiner à quel moment la victime a effectivement été mise en situation de prendre conscience des mensonges et manoeuvres allégués.
Les appelants font état d’un défaut d’information intentionnel portant sur le prix lors de l’achat du dernier véhicule. Ils ajoutent que sa valeur argus était de 13 146 euros alors que le contrat de vente l’a mentionné à deux fois son montant.
S’il ne peut être imposé à M. et Mme [X] de procéder à des investigations pour pallier l’absence d’information du vendeur, il leurs appartenait toutefois, d’effectuer une vérification élémentaire sur le prix de ce type de véhicule d’occasion. Cette simple démarche facilement réalisable, appréciée au regard notamment des capacités socio-économiques et de leur maîtrise des moyens de communication, aurait permis aux acheteurs de disposer des éléments tendant à confirmer ou non les informations communiquées lors de la signature du contrat de vente, à les supposer simplement erronées ou dolosives.
Or il n’apparaît pas des éléments du dossier que les acquéreurs aient été mis de fait dans l’impossibilité d’accéder à ces informations, la preuve en est qu’ils ont pu ensuite consulter facilement le prix argus du véhicule litigieux.
Il n’est donc pas établi que les acquéreurs n’étaient pas en mesure de connaître, avant de conclure la vente le prix réel et par voie de conséquence, le cas échéant, la surévaluation du prix du bien proposé par le vendeur.
Ainsi au regard de ces constatations, la détermination du point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité pour dol à l’endroit du vendeur et du prêteur supposant la démonstration de faits que le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître, ce point de départ doit être fixé au plus tard à la date de la signature de l’acte de vente et de prêt soit en février 2016, et se prescrivait donc en février 2021. Si la prescription quinquennale n’était pas acquise lorsque Mme [X] a engagé son action en justice en août 2020, elle l’était ne revanche lorsque M.[X] est intervenu à l’instance par conclusions d’avril 2021, l’interruption de l’action en justice ne profitant qu’à celui qui agit.
Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce dernier point.
b- Sur l’action fondée sur l’obligation d’information et de conseil :
Le dommage résultant d’un manquement à l’obligation précontractuelle d’information et de conseil consistant en la perte de la chance de ne pas contracter ou d’éviter le risque qui s’est réalisé, se manifeste dès la conclusion du contrat envisagé, à moins que les appelants démontrent qu’ils pouvaient, à cette date, légitimement ignorer ce dommage, notamment parce que l’information porte sur un risque dont seule la réalisation permet de prendre conscience du manquement.
S’agissant des dimensions du premier véhicule et de la valeur du 3ème véhicule, le devoir de vigilance oblige les acquéreurs à faire preuve d’une certaine curiosité au moment de la vente. Ainsi, se doivent-ils d’ effectuer la vérification élémentaire que le véhicule correspond à leur attente.
En l’espèce, il est certain que sauf à avoir acheté sans avoir vu, Mme [X] ne démontre pas ne pas avoir pu se rendre compte que le véhicule n’était pas assez grand pour ses six enfants.
La prescription était acquise au jour de l’assignation de Mme [X] et des conclusions d’intervention de M.[X] sont point de départ devant être fixé au jour du contrat de vente soit le 31 mai 2015.
S’agissant du prix d’achat du 3ème véhicule elle pouvait se renseigner sur le prix moyen de ce type de véhicule à la vente comme elle l’a fait par la suite.Cette simple démarche facilement réalisable lui permettait de disposer des éléments tendant à confirmer ou non les informations communiquées et la proposition faites par le vendeur.
Si M. et Mme [X] par ailleurs s’étaient renseignés avant de conclure la vente sur le prix moyen d’un véhicule de caractéristiques similaires, ils auraient été en mesure de détecter la surévaluation du prix du bien et de ne pas conclure un crédit aux conditions du contrat souscrit auprès de la Société Crédipar.
Le point de départ du délai de prescription doit donc être fixé au plus tard là encore au jour du contrat de vente et de crédit souscrit, et se prescrivait donc, à compter du 9 février 2016.
La prescription quinquennale était donc acquise le 9 février 2021, lorsque M.[X] a engagé son action en justice par voie de conclusions et ne l’était pas lorsque Mme [X] a assigné le vendeur et le prêteur en 2020.
c- Sur le défaut de mise en garde
S’agissant de la présentation des risques de l’investissement et du défaut de mise en garde, M. et Mme [X] soutiennent encore que leur préjudice consiste en un endettement excessif du fait de l’octroi du crédit alors qu’ils ne disposaient pas de capacités financières suffisantes. Ainsi selon eux la proposition de crédit bail (en fait location avec option d’achat) réalisée par Crédipar n’était pas adaptée lors du deuxième achat ce qui a conduit Mme [X] à devoir envisager un 3ème achat. Ils soutiennent qu’aucune vérification n’ a été effectuée par l’organisme de crédit sur leur capacité financière.
Ils fixent le point de départ de la prescription au jour où le dommage s’est réalisé c’est à dire le jour où ils n’ont plus pu honorer les échéances du dernier prêt et ont été placés en surendettement.
Il est constant que le manquement de l’établissement de crédit à son obligation de mise en garde d’un endettement excessif s’apprécie au jour de la réalisation du dommage c’est à dire au jour où il ne peut plus faire face à ses échéances de paiement soit en l’espèce en 2019 de sorte que l’action en responsabilité de la banque sur le fondement du manquement à l’obligation de mise en garde de l’organisme de crédit n’est pas prescrite à l’égard des consorts [X].
– sur l’intérêt à agir
Conformément aux disposition s de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention.
Il n’est pas contesté que Mme [X] est la cocontractante des deux sociétés intimées et que M. [X] est le co-emprunteur des contrats souscrits par cette dernière auprès de la société Crédipar.
Ils soutiennent que leurs cocontractant ont été défaillants dans l’exécution de leurs obligations et qu’il en résultent pour eux un préjudice financier de sorte que ceux ci ont un intérêt légitime à engager la responsabilité civile du vendeur et de l’organisme de crédit.
2- Sur la demande de sursis à statuer
La société Midi auto 84 fait grief au premier juge d’avoir omis de statuer sur sa demande de sursis à statuer alors que par courrier réceptionné le 11 février 2020, Mme [X] a déposé plainte contre elle sur le fondement de l’article L 441-1 du code de la consommation, article sur lequel elle fonde également son action civile.
S’il est de principe que le juge civil lorsqu’il est saisi d’une action en réparation d’une infraction doit surseoir à statuer jusqu’à ce que le juge pénal ait statué sur l’action publique, encore faut-il que celle-ci ait été mise en mouvement. Or en l’espèce, il n’est produit aux débats aucun élément permettant à la cour de connaître le sort réservé à cette plainte.
Par ailleurs, l’action de M et Mme [X] n’est pas fondée sur les seules dispositions pénales rappelées ci-dessus et ne vise pas à la seule réparation de leur préjudice en lien avec l’infraction de tromperie.
Par conséquent la demande de sursis à statuer sera rejetée.
3- Sur le fond
– sur le manquement à l’obligation d’information pré-contractuelle
Mme [X] reproche au premier juge d’avoir mal interprété sa demande en lui reprochant d’avoir sollicité la nullité des contrats alors qu’elle fondait ses demandes sur la responsabilité délictuelle et ne sollicitait que la réparation de son préjudice.
En application de l’article 1602 du Code civil le vendeur professionnel est tenu à l’égard de l’acheteur à une obligation précontractuelle d’information et s’agissant d’un contrat relevant du code de la consommation , l’article L 111-1 du code de la consommation met à la charge du vendeur professionnel de biens l’obligation d’informer le consommateur sur les caractéristiques essentielles du bien acheté.
Enfin, l’article 1112-1 du Code civil prévoit que celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dés lors que légitiment cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Il résulte de ces textes que le vendeur doit fournir tous les renseignements nécessaires sur l’usage de la chose vendue.
Mme [X] soutient en premier lieu que le calibrage du véhicule n’était pas adapté à sa situation. Il a été indiqué ci-dessus que son action sur ce fondement était prescrit.
S’agissant de l’achat du deuxième véhicule, elle reproche à la société venderesse et surtout à la l’organisme de crédit de ne pas lui avoir conseillé un crédit mieux adapté à ses possibilités financières et s’agissant du troisième achat de ne pas avoir attiré son attention sur le prix du véhicule surévalué qui l’a conduit avec son fils à contracter un crédit trop important pour eux.
Toutefois, la société venderesse verse aux débats les fiches de dialogue de mai 2015 et 23 septembre 2015 aux termes desquelles elle déclare être propriétaire de sa résidence et n’indique aucune charge autre que celle afférente à la maison de 120 euros par mois. Le revenu mensuel déclaré est par ailleurs de 2300 euros de sorte que des propositions de location avec option d’achat de mensualités inférieure à 500 euros et avec une somme de l’ordre de 8800 euros de rachat ont été indiquées par le vendeur.
Mme [X] les a accepté ainsi que son fils qui s’est porté co-emprunteur et il n’est pas démontré que le vendeur ne lui ait pas donné toutes les informations utiles à la compréhension de ses engagements.
Par ailleurs, s’agissant de l’inadaptation du crédit aux capacités financières avec un risque d’endettement excessif elle relève du devoir de mise en garde de l’organisme de crédit et ne rentre pas dans le cadre de l’information pré-contractuelle de ce dernier qui sera examiné ci-aprés.
– sur les manoeuvres dolosives
Mme [X] prétend également que pour le 3ème contrat, le vendeur et l’organisme de crédit ont usé de manoeuvres frauduleuses visant à la faire s’engager dans une vente et ‘un crédit’ de 29 340 euros alors que le véhicule avait une valeur de 14 458 euros. Ainsi il ne lui a pas été dit que la reprise du deuxième véhicule ne couvrirait pas le solde du ‘crédit bail’ restant à payer et qu’a été porté sur le contrat un prix de vente du véhicule largement surévalué pour lui faire emprunter la somme de 29 340 euros.
Or, outre que comme rappelé par le premier juge le dol est un vice du consentement qui s’il est reconnu entraîne la nullité du contrat principal et par voie de conséquence, du contrat affecté, aucun élément ne permet de dire que l’organisme de crédit avait connaissance de ce que le véhicule vendu était surévalué de sorte que sa propre responsabilité ne peut-être recherchée dans la mention d’un prix erroné sur le contrat principal de vente. Il sera précisé qu’il ne lui appartenait pas au surplus de faire des recherches en ce sens.
Concernant le vendeur, pour retenir que le consentement de Mme [X] a été induit en erreur par des manoeuvres dolosives encore faut-il pouvoir démontrer qu’il y a eu intention de l’induire en erreur.
Le simple fait que le prix argus du véhicule acheté soit inférieur au prix mentionné au contrat ne permet pas de conclure que le vendeur a intentionnellement surévalué le prix d’achat du véhicule dans le seul but de tromper Mme [X] et lui faire contracter un crédit supérieur au prix réel.
Enfin, les éléments versés aux débats sont insuffisants pour affirmer que le véhicule vendu avait un prix inférieur à celui mentionné sur le contrat de vente dés lors que la cote argus est une moyenne à laquelle les vendeurs et les acheteurs peuvent se référer mais elle ne détermine pas de manière systématique le prix de vente d’un véhicule d’occasion.
Ainsi à défaut de démontrer l’existence d’une erreur sur le prix de vente volontairement induite par le vendeur et l’ayant déterminée à contracter, Mme [X] n’est pas fondée contrairement à ce qu’elle soutient à invoquer le dol et à demander la réfaction du prix de vente du 3ème véhicule qui en toute hypothèse n’est pas la sanction qui en résulte.
– sur la responsabilité contractuelle du vendeur
Il a été retenu ci-dessus que Mme [X] ne démontrait pas l’existence de manoeuvres dolosives l’ayant conduite à contracter et Mme [X] ne qualifie pas de faute contractuelle de la venderesse autre que ces manoeuvres dolosives écartées.
Il s’en déduit qu’elle ne rapporte pas la preuve d’un manquement quelconque de la société Midi auto 84 à ses obligations contractuelles.
– sur le manquement au devoir de mise en garde du prêteur
M et Mme [X] reprochent à ce titre à la société Crédipar de ne pas avoir procédé à une étude approfondie de leur situation financière et de leur avoir consenti un crédit leur faisant courir un risque d’endettement excessif.
Il est de jurisprudence constant que l’organisme de crédit est tenu à l’égard de ses clients, emprunteurs profanes, à un devoir de mise en garde qui lui impose, avant d’apporter son concours, de vérifier les capacités financières des emprunteurs. Mais il est tout aussi constant que le devoir de mise en garde n’existe que s’il est démontré un risque d’endettement excessif né de l’octroi du crédit. Dans ce cas , il lui incombe de rapporter la preuve qu’il a satisfait au devoir de mise en garde auquel il est tenu à l’égard d’un emprunteur non averti.
Or en l’espèce si les emprunteurs n’ont pas la qualité d’emprunteurs avertis, compte tenu de leurs revenus et de leurs charges déclarées sur la fiche de dialogue produite du 23 septembre 2015 ainsi que des bulletins de salaires et avis d’impositions de l’année 2014 et 2015, les emprunteurs disposaient d’un solde disponible d’au moins 1 809,86 euros par mois, sans prise en considération de charge autre que celle déclarée afférente à leur habitation dont Mme [X] se disait propriétaire, qui ne les exposait pas à un risque d’endettement, de sorte que la banque n’était pas tenue à un devoir de mise en garde à leur égard.
Si Mme [X] évoque à ce jour qu’elle est débitrice d’un loyer de 800 euros mensuel ou d’autres crédits, elle ne rapporte pas la preuve que tel était la cas au jour de la signature du contrat de prêt litigieux et les pièces produites aux débats par l’organisme de crédit qui ne s’est pas contenté des déclarations de la fiche de dialogue mais a demandé la justification sur pièces démontrent le contraire.
Il ressort par ailleurs des pièces produites et notamment des documents relatifs aux surendettement dont ont bénéficié les emprunteurs que des crédits ont été contractés postérieurement à l’achat du 3ème véhicule et que Mme [X] a perdu son emploi en 2019.
Les difficultés légitimes qu’ils vont évoquer par la suite pour rembourser au mois d’avril 2021 la dernière échéance de la location avec option d’achat, ne sont donc pas liées à une mauvaise appréciation par l’organisme de crédit de leurs capacités financières et à son manque de vigilance mais bien à la perte d’emploi de Mme [X] et aux autres crédits contractés.
Enfin, il sera rappelé que Mme [X] a bénéficié d’un rétablissement personnel avec effacement des dettes au regard justement de sa situation difficile qui ne lui a pas permis de faire face à ses engagements de sorte qu’elle n’est plus débitrice envers la société Crédipar de sommes et que cette dernière ne peut demander en exécution du contrat la restitution du véhicule.
– sur la demande de condamnation au titre du trop perçu
Mme [X] demande le remboursement d’une somme de 742, 34 euros dans son dispositif alors qu’elle indique avoir versé un chèque de 600 euros sans cause n’ayant jamais sollicité l’installation d’un traqueur ou d’un attelage.
La venderesse lui oppose qu’il s’agit de frais de règlement complémentaire tout à fait justifiés.
Les justificatifs qu’elle produit viennent conforter ses déclarations et Mme [X] défaillante à démontrer le contraire ne peut être que déboutée de sa demande en ce sens.
– sur la caducité du contrat de prêt
En l’absence de toute demande de nullité du contrat principal, la demande de caducité du contrat accessoire est sans fondement.
Au regard de ce qu’il vient d’être jugé la décision de première instance sera confirmée en ce qu’elle a débouté Mme [N] [X] et M.[H] [X] de leurs demandes.
– Sur les mesures accessoires
Parties perdantes, Mme [N] [X] et M.[H] [X] supporteront la charge des dépens d’appel qui seront recouvrés pour M. [X] comme en matière d’aide juridictionnelle.
Ils seront nécessairement déboutés de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aucun motif d’équité ne justifie qu’il soit fait droit à une quelconque demande complémentaire des sociétés intimées sur ce même fondement.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a déclaré l’action recevable car non prescrite ;
Statuant à nouveau du seul chef infirmé et y ajoutant,
Déclare l’action de Mme [X] recevable sur le fondement de la responsabilité délictuelle lié au défaut d’information du prix de vente du 3ème véhicule et des modalités de financement et irrecevable sur le défaut d’information relatif au gabarit du 1er véhicule, contractuelle et sur le dol à l’encontre de la SA Midi Auto 84 et de la SA Crédipar ;
Déclare l’action de M [H] [X] irrecevable sur le fondement de la responsabilité délictuelle, contractuelle et sur le dol à l’encontre de la SA Midi Auto 84 et la SA Crédipar ;
Déclare l’action de M.[H] [X] recevable sur le fondement de la responsabilité civile pour manquement au devoir de mise en garde de la SA Crédipar ;
Condamne Mme [N] [X] et M.[H] [X] à supporter la charge des dépens d’appel qui seront recouvrés pour M.[X] comme en matière d’aide juridictionnelle ;
Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,