Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 11
ARRET DU 14 MARS 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/02541 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBYOH
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Février 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CRETEIL – RG n° F18/00912
APPELANT
Monsieur [K] [R] [N]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Me Anne-Marie BAREILLE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 443
INTIMEES
S.E.L.A.R.L. JSA ès-qualités de liquidateur de la SARL GTF CONSTRUCTION
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Nathalie CHEVALIER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC143
AGS CGEA ILE DE FRANCE EST
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-Charles GANCIA, avocat au barreau de PARIS, toque : T07
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière présente lors du prononcé.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. [K] [N] [R], né le 4 avril 1955, soutient avoir été engagé par la SELARL GTF Construction suivant un contrat à durée indéterminée en date du 1er janvier 2017 en qualité d’ouvrier qualifié.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du bâtiment -région parisienne – ouvriers du 28 juin 1993.
Le 20 septembre 2017, la société GTF Construction a été déclarée en liquidation judiciaire par le Tribunal de Commerce de Créteil, avec fixation de la date de cessation des paiements au 1er janvier 2017.
La SELARL JSA a été désignée en qualité de liquidateur.
M. [K] [R] [N] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement et licencié pour motif économique par courrier en date du 4 octobre 2017.
A la date du licenciement, la société occupait à titre habituel moins de 11 salariés.
Réclamant diverses indemnités outre des rappels de salaires, M. [K] [R] [N] a saisi le 18 juin 2018, le conseil de prud’hommes de Créteil, qui par jugement rendu le 3 février 2020, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
Déboute M. [R] [N] [K] de l’ensemble de ses demandes.
Met les dépens à la charge de M. [K] [R] [N].
Par déclaration du 16 mars 2020, M. [N] [R] a interjeté appel du jugement rendu par le conseil de prud’hommes, notifié aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception le 17 février 2020.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 30 novembre 2022, M. [R] [N] demande à la cour de :
Déclarer l’appel interjeté par M. [K] [N] [R] du jugement rendu le 3 février 2020 par le Conseil de Prud’hommes de Créteil recevable et fondé.
Par suite :
Infirmer ledit jugement en toutes ses dispositions
Et statuant à nouveau :
Fixer la créance de M.[K] [N] [R] au passif de la société GTF Construction en liquidation judiciaire aux sommes suivantes :
-2.950,53 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis
-295,05 euros à titre de congés payés sur préavis
-9.599,07 euros à titre de rappel de salaire des mois de Juillet à septembre 2017
-959,90 euros au titre des congés payés afférents
-414,91 euros à titre d’indemnité légale de licenciement
2.000 euros au titre de l’article 700 du CPC
Dire que ces condamnations seront garanties par les AGS
Ordonner la remise sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document l’attestation pôle emploi, le certificat de travail, le bulletin de salaire de septembre 2017 le solde de tout compte.
Débouter la SELARL JSA et l’AGS CGEA ILE DE France EST PARIS de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
Les condamner aux entiers dépens de l’instance.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 9 octobre 2020, la société JSA ès qualités de liquidateur de la SARL GTF Constructions demande à la cour de :
Constater, dire et juger la SELARL JSA ès qualités de liquidateur de la société GTF Construction recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence,
Confirmer en son intégralité le jugement de première instance rendu en date du 3 février 2020,
A titre principal
Dire et juger qu’il n’existe aucun lien de subordination entre M. [K] [N] [R] et la société GTF Construction,
En conséquence,
Dire et juger qu’il n’existe aucune relation contractuelle de travail entre M. [K] [N] [R] et la société GTF Constructions,
Débouter M. [K] [N] [R] de l’intégralité de ses demandes,
Condamner M. [K] [N] [R] aux entiers dépens.
A titre subsidiaire
Prononcer la nullité du contrat de travail conclu en période suspecte entre M. [K] [N] [R] et la société GTF Constructions
En conséquence,
Débouter M. [K] [N] [R] de l’intégralité de ses demandes,
Condamner M. [K] [N] [R] aux entiers dépens.
A titre infiniment subsidiaire :
Fixer au passif de la SARL GTF Constructions les sommes de :
-2.784,63 € brut au titre du préavis,
-278,46 € au titre des congés payés y afférents,
-414,91 € au titre de l’indemnité légale de licenciement
Débouter M. [K] [N] [R] du surplus de ses demandes et de toutes ses autres demandes,
Statuer ce que de droit quant aux dépens.
L’AGS qui avait constitué avocat n’a pas conclu.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 décembre 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 5 janvier 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
Sur le contrat de travail
Sur l’existence du contrat de travail
Pour infirmation du jugement déféré, l’appelant fait valoir qu’il a bien été embauché par la société GTF Construction selon un contrat de travail signé le 1er janvier 2017 et qu’il produit les fiches de paye émises à cette occasion, de sorte que les premiers juges ont inversé la charge de la preuve en retenant qu’il n’établissait ni son activité ni l’existence d’un lien de subordination.
La SELARL JSA ès qualités de liquidateur de la société GTF Construction, pour confirmation de la décision, réplique que l’appelant qui était associé à 33% dans la société ne rapporte pas l’existence d’un contrat de travail et plus particulièrement d’un lien de subordination, soulignant que son adresse était identique à celle du gérant.
Il résulte des articles L. 1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres directifs, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
L’existence d’un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur.
En présence d’un contrat apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d’en apporter la preuve.
La délivrance par une société d’un contrat de travail et de bulletins de salaire à un salarié crée l’apparence d’un contrat de travail.
C’est au liquidateur de la société en l’espèce dès lors de rapporter la preuve de l’absence de lien de subordination.
C’est donc en vain que le liquidateur reproche à l’appelant de ne pas prouver qu’il était soumis aux directives du gérant, étant rappelé que rien ne s’oppose à ce qu’un associé minoritaire détienne un contrat de travail dans la société concernée et que peu importe qu’il ait la même adresse que le gérant.
La cour retient que M. [K] [R] [N] était bien salarié de la société GTF Construction.
Sur la nullité du contrat de travail conclu en période suspecte
Pour infirmation du jugement déféré, l’appelant soutient que bien que conclu en période suspecte, son contrat de travail n’était pas nul notamment en ce que celui-ci représentait un déséquilibre au préjudice de l’employeur puisque à la date de sa signature les comptes de la société étaient largement excédentaires et que son salaire compte-tenu de son expérience n’était pas déconnecté de la réalité conventionnelle.
Pour confirmation de la décision le liquidateur de la société GTF Construction, réplique qu’à la date de la signature du contrat de travail, la société se trouvait déjà dans une situation financière obérée, ce que l’appelant ne pouvait ignorer en sa qualité d’associé, tout comme le fait que la société n’avait plus d’assurance civile et décennale de sorte qu’elle ne pouvait plus réaliser de gros chantiers. Il ajoute que la société n’avait donc pas les moyens de supporter un contrat de travail pour un salaire de 2.784,63 euros pour un maçon bien au-delà du minimum conventionnel pour un tel poste alors même qu’il ne justifie pas de son expérience dans ce domaine.
Selon l’article L. 632-1 du code de commerce, sont nuls lorsqu’ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, tous actes commutatifs dans lesquels les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l’autre partie. Si le déséquilibre est retenu, la nullité est de droit.
Le contrat de travail entre dans la catégorie des contrats commutatifs au sens de cet article.
Mais il appartient à celui qui sollicite la nullité du contrat d’établir le déséquilibre des prestations.
En l’espèce,il ressort du dossier ainsi que le soutient le liquidateur, qu’à la date de l’engagement de l’appelant, la situation de la société était largement obérée puisque la date de cessation des paiemnts a été fixée au 1er janvier 2017 et à compter du 31 décembre 2017, elle ne bénéficiait plus de responsabilité civile et décennale suite à un sinistre important ayant entraîné une augmentation drastique de sa cotisation qu’elle n’était pas en mesure d’assumer, ce que l’intéressé associé de la société ne pouvait ignorer, de sorte que la société n’était pas plus en mesure de supporter l’embauche d’un nouveau maçon (en plus des trois salariés existants) qui plus est à un salaire de 2.784,63 euros bien supérieur au minimum conventionnel de 1.560 euros, même s’il est justifié qu’il a déjà travaillé antérieurement comme maçon et alors qu’aux termes mêmes du rapport du mandataire liquidateur dans le cadre de la procédure collective, la société à compter de janvier 2018 a tourné au ralenti.
Dès lors, la cour estime, ainsi que l’ont retenu les premiers juges, que ce déséquilibre est démontré, et que le contrat de M. [K] [N] [R] est nul de plein droit. Par confirmation du jugement déféré, il doit être débouté de l’ensemble de ses prétentions salariales et indemnitaires liées à ce contrat.
Partie perdante, M. [K] [N] [R] est condamné aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions.
CONDAMNE M. [K] [N] [R] aux dépens d’appel.
La greffière, La présidente.