COUR D’APPEL
D’ANGERS
CHAMBRE A – CIVILE
CM/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 19/00238 – N° Portalis DBVP-V-B7D-EOPH
Jugement du 17 Décembre 2018
Tribunal d’Instance d’ANGERS
n° d’inscription au RG de première instance 17-002397
ARRET DU 21 MARS 2023
APPELANTE :
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la BANQUE SOLFEA
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Guillaume QUILICHINI substituant Me Dany DELAHAIE de la SCP CHANTEUX DELAHAIE QUILICHINI BARBE, avocat postulant au barreau d’ANGERS et Me Aurélie DEGLANE, avocat plaidant au barreau de LA ROCHELLE – ROCHEFORT
INTIMES :
Madame [D] [W] épouse [H], décédée en cours de procédure
Monsieur [S] [H] pris en son nom personnel et en qualité d’ayant droit de Mme [D] [H], décédée
né le 08 Juin 1939 à [Localité 7] (28)
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Nathalie GREFFIER, avocat postulant au barreau d’ANGERS N° du dossier 19068, et Me Ariane VENNIN, avocat plaidant au barreau de PARIS
SELARL FIDES prise en la personne de Me [Y] [M] Liquidateur judiciaire de la SAS SOL IN AIR
[Adresse 4]
[Localité 5]
Assignée, n’ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 04 Avril 2022 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
M. BRISQUET, conseiller
Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée
Greffière lors des débats : Mme LEVEUF
ARRET : par défaut
Prononcé publiquement le 21 mars 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente, et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
~~~~
Exposé du litige
Le 4 mars 2013, à l’occasion d’un démarchage à domicile, M. [H] a signé un bon de commande pour la fourniture et la pose par la société Sol’in Air (ci-après l’installateur) d’une centrale photovoltaïque intégrée au bâti pour un coût de 22 500 euros TTC financé par un crédit affecté du même montant souscrit par lui et son épouse Mme [W] auprès de la Banque Solfea (ci-après le prêteur) selon offre préalable acceptée du même jour, remboursable après un différé de 11 mois en 132 mensualités de 244 euros, hors assurance, au taux d’intérêt de 5,79 % l’an.
Au vu de l’attestation de fin de travaux signée le 22 avril 2013 et de la facture émise le lendemain, le prêteur a débloqué les fonds au profit de l’installateur le 25 avril 2013, alors que les travaux de raccordement n’ont été réalisés par la société ERDF qu’ultérieurement.
L’installateur a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire ouverte le 7 juillet 2015 et la SA BNP Paribas Personal Finance dite BNP Paribas PF est venue aux droits du prêteur.
Après avoir demandé en vain au prêteur, par courrier recommandé en date du 21 mars 2017, d’annuler le contrat de crédit en raison du non-respect des obligations de l’installateur et des irrégularités du bon de commande, M. [H] et son épouse Mme [W] ont cessé d’acquitter les échéances à compter de septembre 2017.
Par actes d’huissier en date des 4 et 6 décembre 2017, ils ont fait assigner la SELARL EMJ devenue Fides prise en la personne de Me [Y] en qualité de liquidateur judiciaire de l’installateur et le prêteur devant le tribunal d’instance d’Angers en annulation ou résolution du contrat principal et du contrat de crédit et en dispense de remboursement du capital emprunté.
Après mise en demeure infructueuse par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 6 octobre 2017, le prêteur a notifié la déchéance du terme du crédit aux emprunteurs le 17 janvier 2018.
Le liquidateur judiciaire de l’installateur, cité à sa personne, n’a pas comparu.
Par jugement en date du 17 décembre 2018, le tribunal a :
– donné acte à la SA BNP Paribas PF de ce qu’elle vient aux droits de la SA Banque Solfea
– prononcé la nullité du contrat principal conclu le 4 mars 2013 entre M. [H] et la SAS Sol’in Air
– constaté la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté conclu le 4 mars 2013 entre M. [H] et son épouse Mme [W] et la SA Banque Solfea
– condamné la SA BNP Paribas PF venant aux droits de la SA Banque Solfea à restituer à M. [H] et son épouse Mme [W] les sommes réglées par eux au titre du contrat de prêt
– dit que le prêteur a commis une faute de (sic) le déblocage des fonds de nature à le priver de sa créance de restitution
– débouté en conséquence la SA BNP Paribas PF de sa demande en restitution du capital prêté
– déclaré irrecevable la demande de la SA BNP Paribas PF tendant à la fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Sol’in Air
– débouté les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires
– condamné la SA BNP Paribas PF à payer à M. [H] et son épouse Mme [W] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– dit que la SA BNP Paribas PF devra supporter l’intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement prévus à l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution, et ce en application de l’article R. 631-4 du code de la consommation
– condamné la SA BNP Paribas PF aux dépens
– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.
Suivant déclaration en date du 8 février 2019, le prêteur a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions hormis le donner acte initial, intimant M. [H] et son épouse Mme [W] ainsi que le liquidateur judiciaire de l’installateur.
Ce dernier, cité à domicile le 26 avril 2019 suite à l’avis reçu du greffe le 15 avril 2019 en application de l’article 902 du code de procédure civile, a reçu signification par huissier des conclusions des autres parties mais n’a pas constitué avocat ; il sera donc statué par défaut en application de l’article 474 alinéa 2 du même code.
Mme [W] étant décédée le 5 août 2020, son époux a repris l’instance en qualité d’ayant droit.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 2 mars 2022.
Dans ses dernières conclusions n°3 en date du 28 juin 2021, la SA BNP Paribas PF venant aux droits de la société Banque Solfea demande à la cour, au visa des articles L. 622-21 et suivants du code de la consommation, 122 du code de procédure civile, L. 121-20-1, L. 121-20-3, L. 121-23, L. 121-24, L. 311-32, R. 121-3 à R. 121-6 anciens du code de la consommation, L. 312-39 et suivants du code de la consommation, 1231 et suivants du code civil, 1338 ancien du code civil et L. 111-52 du code de l’énergie, de la juger recevable et bien fondée en son appel, de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il lui a donné acte de ce qu’elle vient aux droits de la SA Banque Solfea et, statuant à nouveau, de :
à titre principal,
– juger irrecevables les demandes de M. [H] et son épouse Mme [W] faute de déclaration de créance
– débouter M. [H], agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’ayant droit de son épouse Mme [W], de l’intégralité de ses demandes
– condamner M. [H], tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’ayant droit de son épouse Mme [W], à lui verser les sommes suivantes :
18 548,18 euros en principal, avec intérêts au taux contractuel de 5,79 % à compter du 17 janvier 2018
1 378,45 euros au titre de la clause pénale, avec intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2018
à titre subsidiaire,
– juger n’y avoir lieu à nullité ou à résolution du contrat principal conclu le 4 mars 2013 entre la société Sol’in Air et M. [H] et, en conséquence, juger n’y avoir lieu à nullité ou à résolution du contrat de crédit conclu le 4 mars 2013 entre la société Banque Solfea, aux droits de laquelle elle vient, et M. [H] et son épouse Mme [W]
– condamner M. [H], tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’ayant droit de son épouse Mme [W], à lui verser les sommes suivantes :
18 548,18 euros en principal, avec intérêts au taux contractuel de 5,79 % à compter du 17 janvier 2018
1 378,45 euros au titre de la clause pénale, avec intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2018
à titre plus subsidiaire, en cas de nullité des contrats,
– juger qu’aucune faute n’a été commise par la société Banque Solfea dans le déblocage des fonds et que M. [H] ne justifie d’aucun préjudice certain, direct et personnel qui résulterait directement d’une éventuelle faute du prêteur
– condamner M. [H], tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’ayant droit de son épouse Mme [W], à lui payer la somme de 22 500 euros au titre de l’obligation pour les emprunteurs de restituer le capital prêté, déduction faite des remboursements effectués, et juger que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement (sic)
à titre encore plus subsidiaire, en cas de faute du prêteur et de préjudice des emprunteurs,
– condamner M. [H], tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’ayant droit de son épouse Mme [W], à lui payer la somme de 22 500 euros au titre de l’obligation pour les emprunteurs de restituer le capital prêté, déduction faite des remboursements effectués, et juger que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement
– juger que le préjudice subi par M. [H] s’analyse comme une perte de chance de ne pas contracter, dont la probabilité est de l’ordre de 5 %, soit la somme maximum de 1 000 euros
– ordonner la compensation des sommes mises à la charge de chacune des parties
à titre encore plus subsidiaire, en cas de débouté du prêteur de son droit à restitution du capital,
– fixer sa créance à la procédure collective de la société Sol’in Air à la somme de 22 500 euros correspondant au capital emprunté
En toutes hypothèses,
– débouter M. [H], agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’ayant droit de son épouse Mme [W], de l’intégralité de ses demandes
– à titre principal, condamner M. [H], tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’ayant droit de son épouse Mme [W], à lui payer la somme de 2 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers frais et dépens de l’instance
– à titre subsidiaire, en cas de nullité des contrats, inscrire sa créance pour la somme de 2 200 euros à la liquidation judiciaire de la société Sol’in Air.
Dans ses dernières conclusions de reprise d’instance et récapitulatives d’intimé en date du 10 septembre 2021, M. [H] pris tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’ayant droit de son épouse Mme [W] décédée demande à la cour, au visa des articles L. 111-1 et suivants, L. 121-23 et suivants, L. 311-13, L. 311-31, L. 311-32 du code de la consommation applicables à la date de la signature des contrats litigieux, 1134, 1147 et suivants, 1235 et 1338 anciens du code civil applicables à la date de la signature des contrats litigieux, 373 du code de procédure civile, à titre liminaire, de lui donner acte de ce qu’il vient aux droits de sa défunte épouse Mme [W] et de ce qu’il agit désormais tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’ayant droit de cette dernière et d’attributaire de la communauté universelle, demandant la reprise d’instance, de juger recevables ses demandes et, sur le fond, de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé l’annulation du contrat conclu entre lui et la société Sol’in Air le 4 mars 2013
– en conséquence, confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé l’annulation de plein droit du contrat de crédit affecté conclu entre les époux [H] et la SA Banque Solfea, aux droits de laquelle vient désormais la SA BNP Paribas PF, le 4 mars 2013, annulation qui a pour conséquence la déchéance du droit aux intérêts de la SA BNP Paribas PF
– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la SA Banque Solfea a commis une faute dans le cadre de son déblocage des fonds et que cette faute prive la SA BNP Paribas PF qui vient à ses droits de sa créance de restitution du capital du prêt, lui ayant causé un préjudice de 22 500 euros
– si la cour considère que la faute de la SA BNP Paribas PF ne lui cause pas un préjudice de 22 500 euros, juger subsidiairement que cette faute a causé aux époux [H] un préjudice de 11 250 euros
– en conséquence, confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que les époux [H] ne sont plus débiteurs de la SA BNP Paribas PF venant aux droits de la SA Banque Solfea
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SA BNP Paribas PF venant aux droits de la SA Banque Solfea à restituer les sommes d’ores et déjà versées par les époux [H]
– condamner la SA BNP Paribas PF à payer aux époux [H] (sic) la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens.
Sur ce,
Liminairement, il convient de constater que M. [H] reprend volontairement, en qualité d’époux commun en bien et attributaire des biens de la communauté universelle ayant existé avec Mme [W] conformément à l’acte de notoriété versé aux débats, l’instance interrompue par le décès de cette dernière.
Sur la recevabilité des demandes de M. [H]
Selon l’article L. 622-21 I du code de commerce, applicable à la liquidation judiciaire en vertu de l’article L. 641-3 du même code, le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17 et tendant :
1° à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ;
2° à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.
Contrairement à ce que soutient le prêteur, l’action introduite par M. [H] et son épouse postérieurement au jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire de l’installateur ne contrevient nullement à cette interdiction dans la mesure où elle tendait à l’annulation du bon de commande pour non-respect du formalisme légal en matière de démarchage à domicile, édicté par l’article L. 211-23 du code de la consommation, demande seule maintenue en appel, et pour dol, vice de consentement au sens de l’article 1116 du code civil, sur la capacité de l’installation à s’autofinancer et, subsidiairement, à sa résolution pour manquement de l’installateur à son obligation de délivrance conforme sur le fondement de l’article 1184 du code civil et ne s’accompagnait d’aucune demande de restitution du prix.
Dès lors, quand bien même M. [H] ne justifie d’aucune déclaration de créance entre les mains du liquidateur judiciaire, il ne saurait être déclaré irrecevable à agir contre ce dernier ni, par voie de conséquence, contre le prêteur en application de l’article L. 311-32 du code de la consommation dans sa rédaction en vigueur à la date de conclusion des contrats.
Cette fin de non-recevoir sera donc écartée.
Sur la nullité du contrat principal
Compte tenu de la date de conclusion du contrat litigieux, il y a lieu de faire application du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, et notamment de ses articles L. 121-21 et suivants relatifs au démarchage à domicile dans leur rédaction antérieure à la loi n°2014-344 du 17 mars 2014.
En particulier, l’article L. 121-23 dispose :
‘Les opérations visées à l’article L. 121-21 doivent faire l’objet d’un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :
1° Noms du fournisseur et du démarcheur ;
2° Adresse du fournisseur ;
3° Adresse du lieu de conclusion du contrat ;
4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ;
5° Conditions d’exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d’exécution de la prestation de services ;
6° Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l’intérêt et le taux effectif global de l’intérêt déterminé dans les conditions prévues à l’article L. 313-1 ;
7° Faculté de renonciation prévue à l’article L. 121-25, ainsi que les conditions d’exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26.’
En l’espèce, le bon de commande signé par M. [H] le 4 mars 2013 dans le cadre d’un démarchage à domicile au sens de l’article L. 121-21 alinéa 1er du code de la consommation indique qu’il porte sur les équipements suivants, à livrer par le Groupe Sol’in Air ‘avant 3 mois’ à l’adresse du client, [Adresse 2] :
‘9 Panneaux Photovoltaïques de type Monocristallin de 250 WC, de marque
certifiés CE d’une puissance globale de… WC
1 Kit d’intégration au bâti – Onduleur – Coffret de protection – Disjoncteur – Parafoudre
1 Forfait d’installation de l’ensemble et mise en service
1 Démarches administratives (Mairie, Consuel)
1 Prise en charge + Installation complète + accessoires et fournitures’,
au prix total, frais de raccordement ERDF inclus, de 22 500 euros TTC, avec TVA au taux de 7 %, payable au moyen d’un crédit du même montant sans versement d’acompte.
Il est imprécis en ce qui concerne la nature et les caractéristiques, d’une part, des biens vendus en ce qu’il ne mentionne pas la marque ou le nom du fabricant des panneaux photovoltaïques, ni leur modèle ou leur référence, ce qui ne permet pas au consommateur démarché d’examiner la qualité, la pérennité et la sécurité des produits ni de procéder utilement à des comparaisons de prix durant le délai de rétractation qui lui est ouvert par la loi, la puissance globale de l’installation étant, en revanche, facilement déterminable en multipliant le nombre de panneaux par leur puissance unitaire, d’autre part, des prestations de pose et mise en service de ces biens en ce que, s’il met expressément à la charge du Groupe Sol’in Air les frais de raccordement ERDF, ce qui implique un raccordement de l’installation au réseau électrique en vue d’une revente de l’électricité produite, il ne précise pas clairement qui, de l’installateur ou du client, doit solliciter ce raccordement ni si l’installation doit aussi être raccordée en interne dans un but d’auto-consommation électrique avec revente de la seule part d’électricité non consommée.
S’agissant du prix et de ses modalités de paiement, si le prix global HT n’est pas précisé, il est aisément déterminable en retranchant le montant de la TVA du prix TTC qui, au demeurant, importe seul puisqu’il correspond au prix à payer par le consommateur et, si seul le montant du financement a été renseigné, à l’exclusion du nombre et du montant des mensualités, du TEG et du taux nominal, d’un éventuel report, du nom du prêteur et du coût total du crédit, toutes ces indications figurent sur l’exemplaire emprunteur du contrat de crédit affecté joint au bon de commande, signé et remis simultanément aux emprunteurs qui le produisent, de sorte qu’il a été satisfait aux prescriptions de l’article L.121-23 6°.
Les autres imprécisions alléguées en première instance, relatives au prix unitaire des biens et services, au délai de livraison et à l’identité du démarcheur ne sont plus soulevées en appel.
Par ailleurs, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 est reproduit à l’article 2 «Législation applicable au démarchage et à la vente à domicile» des conditions générales figurant au verso du bon de commande, mais en caractères de taille extrêmement réduite et de couleur grise sur fond rose, donc difficilement lisible sans éclairage direct intense, notamment pour des consommateurs affectés d’un vieillissement naturel du cristallin tels que M. [H] et son épouse, âgés de plus de 70 ans, de sorte qu’il ne peut être considéré que le texte de ces articles est reproduit de façon apparente, quand bien même le recto du bon de commande comporte, juste au dessus des signatures du conseiller et du client, la mention en caractères gras ‘Je déclare être d’accord et reconnais avoir pris connaissance des conditions générales de vente et des articles L 121-23 à L 121-26 du code de la consommation applicable lors de la vente à domicile, présents au verso ainsi que d’avoir reçu l’exemplaire de ce présent contrat, doté d’un formulaire détachable de rétractation (…)’.
Enfin, si le formulaire détachable intégré au pied du bon de commande, destiné à faciliter l’exercice de la faculté de renonciation dans les conditions prévues à l’article L. 121-25 du code de la consommation, précise exactement qu’il est à ‘envoyer par lettre recommandée avec avis de réception’ et à ‘expédier au plus tard le septième jour à partir de la commande ou, si ce délai expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, le premier jour ouvrable suivant’, il n’est pas conforme aux articles R. 121-3 à R. 121-6 du même code définissant la forme et le contenu du formulaire détachable exigé par l’article L. 121-24 en ce que, comportant sur une face l’adresse exacte et complète à laquelle il doit être envoyé et ses modalités d’utilisation et sur l’autre face également cette adresse, mais aussi l’identité du conseiller, la date du contrat et les signatures des parties, il ne peut être séparé facilement du bon de commande puisque cette opération ampute le contrat de parties essentielles que le consommateur a intérêt à conserver, ne serait-ce que dans un but probatoire, après avoir manifesté sa volonté d’annuler la commande.
Le bon de commande litigieux est donc irrégulier au regard des articles L. 121-23 4° et 7° et L. 121-24.
Ces irrégularités sont sanctionnées par une nullité d’ordre public de protection qui est encourue sans que le consommateur ait à démontrer le caractère déterminant pour son consentement des informations manquantes, mais à laquelle il peut renoncer par une exécution volontaire de l’engagement irrégulier souscrit.
À cet égard, l’article 1338 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 dispose que l’acte de confirmation ou ratification d’une obligation contre laquelle la loi admet l’action en nullité ou en rescision n’est valable que lorsqu’on y trouve la substance de cette obligation, la mention du motif de l’action en rescision, et l’intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée, qu’à défaut d’acte de confirmation ou ratification, il suffit que l’obligation soit exécutée volontairement après l’époque à laquelle l’obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée et que la confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers.
Il en résulte que la confirmation tacite d’un acte nul suppose de démontrer que son auteur a eu connaissance du vice affectant l’obligation et eu l’intention de le réparer.
Or, bien que M. [H] ait volontairement exécuté le contrat en s’abstenant de faire usage de la faculté de renonciation, en prenant possession des biens, en utilisant l’installation et revendant l’électricité produite et en réglant les échéances du crédit affecté, il n’est pas établi qu’il a eu connaissance des irrégularités qui l’affectent dès lors que, comme précisé ci-dessus, le texte des articles L. 121-23 à L. 121-26 n’y est pas reproduit de façon apparente.
Le premier juge a donc, à bon droit, prononcé la nullité du contrat principal.
Sur la nullité du contrat de crédit affecté et ses conséquences
Selon l’article L. 311-32 du code de la consommation applicable aux crédits affectés, le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement annulé ou résolu.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a constaté la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté consenti par la SA Banque Solfea, aux droits de laquelle vient la SA BNP Paribas PF, à M. [H] et son épouse pour financer l’installation photovoltaïque.
Au titre des conséquences de l’annulation entraînant l’anéantissement rétroactif du contrat annulé, les parties doivent être remises en l’état où elles se trouvaient avant la conclusion du contrat de crédit affecté, ce qui oblige le prêteur à restituer aux emprunteurs les échéances du prêt qu’ils ont réglées et les emprunteurs à restituer au prêteur le capital emprunté.
Toutefois, un prêteur qui verse les fonds sans s’être assuré, comme il y est tenu contrairement à ce que soutient l’appelante, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution dès lors que l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
Or le prêteur, qui verse aux débats une copie du bon de commande strictement identique à l’exemplaire original autocarboné du client produit par M. [H], s’est fautivement abstenu de procéder à la vérification de sa régularité formelle au regard des articles L. 121-23 et L. 121-24 compte tenu des anomalies qu’il comporte telles que ci-dessus analysées.
En outre, alors que le bon de commande met à la charge de l’installateur, d’une part, la mise en service de l’installation photovoltaïque, laquelle ne peut être effective qu’après son raccordement au réseau électrique même si ERDF devenue Enedis dispose d’un monopole légal pour effectuer les travaux de raccordement, d’autre part, les démarches administratives (mairie, consuel) et, enfin, les frais de raccordement ERDF, la Banque Solfea a procédé au déblocage des fonds dès le 25 avril 2013 au vu d’une « attestation de fin de travaux » datée du 22 avril 2013 qui n’est pas propre à caractériser l’exécution complète de ces prestations et qui n’a donc pu la déterminer à se libérer des fonds, contrairement à ce que prétend l’appelante, puisque M. [H] y ‘atteste que les travaux, objets du financement visé ci-dessus (qui ne couvrent pas le raccordement au réseau éventuel et autorisations administratives éventuelles), sont terminés et sont conformes au devis’.
Le prêteur s’est donc fautivement abstenu de réclamer un justificatif préalable, non seulement de l’accomplissement des démarches administratives, mais aussi de leur aboutissement car le bon de commande précise qu’étant conclu ‘sous réserve d’acceptation du dossier maison verte’, il est ‘nul et caduc en cas de refus’, ainsi que de l’effectivité du raccordement.
Néanmoins, il ressort des pièces produites par M. [H] que la déclaration préalable de travaux a été accordée par le maire le 25 avril 2013 sur la demande déposée par l’installateur, que, suite au dépôt le 29 mai 2013 de la demande complète de raccordement au réseau public et à la signature le 23 juillet 2023 par M. [H] d’un accord sur l’emplacement de l’ouvrage et le 19 août 2013 par l’installateur d’une attestation sur l’honneur relative à l’éligibilité et la conformité de l’installation photovoltaïque réalisée, les travaux de raccordement ont été programmés pour le 12 septembre 2013 et la mise en service du raccordement de l’installation est intervenue le 17 octobre 2013 et que le contrat d’achat de l’énergie électrique produite par l’installation a été régularisé le 18 février 2015 avec la société EDF et a donné lieu à la perception des sommes de 786,52 euros et de 720,01 euros au titre de la production d’électricité livrée, respectivement, du 17 octobre 2014 au 16 octobre 2015 et du 17 octobre 2015 au 16 octobre 2016, de sorte que l’installation financée est opérationnelle.
En outre, si la liquidation judiciaire de l’installateur empêche M. [H] d’obtenir la restitution du prix et la remise en état de la toiture de son habitation, ce dommage est sans lien de causalité avec les défauts de vérification imputables au prêteur au stade du déblocage des fonds le 25 avril 2013 en ce que ces défauts n’ont pu lui faire perdre une chance de ne pas contracter le 4 mars 2013 et ne lui ont pas davantage fait perdre une chance sérieuse de se rétracter après le 25 avril 2013 alors qu’il a maintenu sa volonté de s’engager pendant plusieurs années après la mise en service de l’installation.
Dans ces conditions, il ne peut qu’être constaté que M. [H] ne justifie pas de l’existence d’un préjudice en lien avec les manquements du prêteur.
Le jugement entrepris doit donc être infirmé en ce qu’il a dit que la faute commise par le prêteur est de nature à le priver de sa créance de restitution et l’a débouté en conséquence de sa demande de restitution du capital prêté et M. [H] ne pourra qu’être condamné, en son nom personnel et en qualité d’ayant droit de son épouse Mme [W], à payer à la SA BNP Paribas PF la somme de 22 500 euros au titre de l’obligation pour les emprunteurs de restituer le capital prêté, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la SA BNP Paribas PF à restituer à M. [H] et son épouse Mme [W] les sommes réglées par eux au titre du prêt, qui correspondent au vu du tableau d’amortissement à 40 échéances de 304,75 euros chacune acquittées du 5 mai 2014 au 5 août 2017 inclus, soit la somme de 12 190 euros et, conformément à la demande du prêteur, la compensation entre leurs obligations réciproques de restitution sera ordonnée à due concurrence en application des articles 1347 et suivants du code civil.
La demande encore plus subsidiaire du prêteur tendant, en cas de rejet de sa demande de restitution du capital prêté, à fixer sa créance à la procédure collective de l’installateur est sans objet, le jugement étant infirmé en ce qu’il l’a déclarée irrecevable.
Sur les demandes annexes
Partie perdante sur l’annulation des contrats, le prêteur supportera les dépens de première instance et la somme de 1 500 euros mise à sa charge sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance par M. [H] et son épouse, le jugement étant confirmé sur ce point.
Du fait de la compensation, il n’y a pas lieu de faire application à son encontre de l’article L. 141-6 (devenu R. 631-4) du code de la consommation permettant au juge, même d’office, de mettre à la charge du professionnel condamné, pour des raisons tirées de l’équité ou de la situation économique de celui-ci, les droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement prévus à l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution, le jugement étant infirmé sur ce point.
Partie perdante sur la restitution du capital prêté, M. [H] supportera les dépens d’appel sans pouvoir bénéficier, au titre des frais non compris dans les dépens exposés en appel, de l’article 700 du code de procédure civile dont il n’y a pas lieu, en considération de l’équité et de la situation respective des parties, de faire application à son encontre au profit du prêteur.
Par ces motifs
La cour,
Constate que M. [H] reprend volontairement l’instance en qualité d’époux commun en bien et attributaire des biens de la communauté universelle ayant existé avec Mme [W], décédée.
Déclare recevables les demandes de M. [H] en son nom personnel et en qualité d’ayant droit de son épouse Mme [W].
Confirme le jugement entrepris dans les limites de sa saisine, excepté en ce qu’il a dit que la faute commise par le prêteur est de nature à le priver de sa créance de restitution, a débouté en conséquence la SA BNP Paribas PF de sa demande de restitution du capital prêté, a déclaré irrecevable sa demande de fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Sol’in Air et a dit qu’elle devra supporter l’intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement prévus à l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution.
L’infirmant de ces chefs et y ajoutant,
Condamne M. [H] en son nom personnel et en qualité d’ayant droit de son épouse Mme [W] à payer à la SA BNP Paribas PF la somme de 22 500 (vingt deux mille cinq cents) euros au titre de l’obligation pour les emprunteurs de restituer le capital prêté, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Ordonne la compensation entre les créances de restitution réciproques de M. [H] en son nom personnel et en qualité d’ayant droit de son épouse Mme [W] et de la SA BNP Paribas PF, à due concurrence de la moins élevée de ces créances.
Déclare sans objet la demande subsidiaire de la SA BNP Paribas PF tendant, en cas de rejet de sa demande de restitution du capital prêté, à fixer sa créance à la procédure collective de la société Sol’in Air.
Dit n’y avoir lieu à application de l’article L. 141-6 (devenu R. 631-4) du code de la consommation.
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en appel.
Condamne M. [H] en son nom personnel et en qualité d’ayant droit de son épouse Mme [W] aux entiers dépens d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
C. LEVEUF C. MULLER