Nullité de contrat : 23 mars 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/00354

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Nullité de contrat : 23 mars 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/00354

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 23 MARS 2023

N° RG 20/00354 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LNL5

Monsieur [B] [I] [R] [T]

Madame [X] [Y] [D] [N] épouse [T]

c/

Monsieur [H] [V]

Maître [J] [S]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 07 janvier 2020 (R.G. 19/00680) par la 7ème chambre civile du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 21 janvier 2020

APPELANTS :

[B] [I] [R] [T]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 11]

[X] [Y] [D] [N] épouse [T]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 11]

Représentés par Me Eugénie SIX de la SELARL ETCHE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistés de Me Claire TITRAN de l’AARPI GÉRALD MALLE – CLAIRE TITRAN – JULIEN FRANCOIS, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉS :

[H] [V]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Olivier CHAMBORD de la SELARL DGD AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

[J] [S]

né le 17 Juillet 1983 à [Localité 14]

de nationalité Française

Profession : Notaire associé de la SCP Nicolas MAUBRU, Didier NICOLAS et

[J] [S]

exerçant [Adresse 4]

Représenté par Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER – SAMMARCELLI – MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 13 février 2023 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Clara DEBOT

Greffier lors du prononcé : Mme Mélody VIGNOLLE-DELTI

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

M. [B] [T] et Mme [X] [N] épouse [T] ont signé le 8 mars 2018 un compromis de vente portant sur une parcelle de terrain d’environ 1850 m², cadastrée section BA n°[Cadastre 8], [Cadastre 9] et [Cadastre 10], à détacher de parcelles de plus grande importance situées sur la commune de [Localité 16] (33) et appartenant à M. [H] [V], sylviculteur, moyennant le prix principal de 153 710 euros.

Ce compromis de vente faisait l’objet d’une condition suspensive particulière relative à l’obtention par l’acquéreur d’un permis de construire avant le 15 août 2018 pour la réalisation sur le bien d’une maison à usage d’habitation élevée d’un simple rez-de- chaussée, comprenant 5 pièces principales d’une surface de 148 m² + garage et piscine.

Ledit permis de construire a été accordé par arrêté en date du 7 mai 2018 du Maire de la commune de [Localité 16].

Il a fait l’objet d’un recours gracieux par le Préfet de la Gironde notifié à M. [T] le 2 juillet 2018 pour avoir été pris en méconnaissance de la loi n°86-2 du 3 janvier 1986 dite ‘littoral’, plus précisément de l’article L 121-8 du code de l’urbanisme, lequel prévoit que : ‘l’extension de l’urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement’, et que ‘quand bien même le permis de construire serait conforme au plan local d’urbanisme, il ne répond pas aux conditions posées par l’article L121-8 du code de l’urbanisme [..]’. Aussi, compte tenu de la configuration des lieux, et alors que le lieu-dit « [Localité 13] » ne constitue ni un village ni une agglomération au sens des dispositions de l’article L 121-8 du code de l’urbanisme, mais une zone d’urbanisation diffuse, l’opération projetée constitue une extension de l’urbanisation, laquelle méconnaît l’article L 121-8 du code de l’urbanisme précité’.

Le Maire de la commune de [Localité 16] n’ayant pas fait droit à la demande de retrait de l’autorisation du 7 mai 2018, le préfet de la Gironde a saisi le tribunal administratif de Bordeaux par requête enregistrée le 10 septembre 2018 aux fins d’annulation de l’arrêté portant permis de construire ;

Le Préfet de la Gironde a notifié au maire de [Localité 16] et à M. [T], par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 17 septembre 2018, le déféré adressé au tribunal administratif de Bordeaux tendant à l’annulation de l’arrêté du 7 mai 2018 ainsi que la décision explicite du Maire de [Localité 16] de refus de retrait de l’autorisation de construire du 9 juillet 2018.

L’acte authentique de vente du terrain a été signé le 20 septembre 2018 en l’étude de Maître [S], Notaire à [Localité 15].

Le même jour, mais postérieurement à la signature de cet acte, M. et Mme [T] ont appris l’existence du déféré préfectoral tendant à l’annulation de l’arrêté du 7 mai 2018 valant permis de construire.

Par exploit d’huissier du 3 janvier 2019, M. et Mme [T] ont assigné devant le tribunal judiciaire M.[V] et Maître [S], Notaire à PAUILLAC, aux fins de voir :

-prononcer l’annulation de la vente de la parcelle litigieuse et ordonner en conséquence la restitution du prix de vente aux consorts [T], pour erreur de droit,

-condamner Maître [S] à garantir M.[V] dans la restitution du prix de vente,

-condamner in solidum M.[V] et Maître [S] au paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, et les entiers dépens, le tout assorti de l’exécution provisoire.

Par jugement en date du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a confirmé l’annulation du permis de construire litigieux.

Par jugement rendu le 7 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

– débouté M. et Mme [T] de l’ensemble de leurs demandes,

– laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles,

– condamné M. et Mme [T] aux dépens,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.

Par déclaration électronique en date du 21 janvier 2020, enregistrée sous le n° RG 20/00354, M. et Mme [T] ont relevé appel de cette décision limité aux dispositions ayant a débouté M. et Mme [T] de l’ensemble de leurs demandes et les a condamnés au règlement des dépens.

Par déclaration électronique en date du 4 février 2020, enregistrée sous le n° RG 20/00598, M. et Mme [T] ont relevé appel de cette décision limité aux dispositions ayant a débouté M. et Mme [T] de l’ensemble de leurs demandes et les a condamnés au règlement des dépens.

Cette procédure a été jointe à la procédure n° RG 20/00354 par mention au dossier en date du 10 février 2020.

Entre temps, par arrêt du 9 mars 2021, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé le jugement du tribunal administratif de Bordeaux précité.

M. et Mme [T], dans leurs dernières conclusions d’appelants en date du 24 février 2022, demandent à la cour, de :

– dire bien appelé, mal jugé,

Réformer la décision de première instance en toutes ses dispositions et :

– prononcer l’annulation de la vente de la parcelle référencée ci-dessus pour cause d’erreur ou résolution pour cause de vices cachés et ordonner en conséquence la restitution du prix de vente aux consorts [T] ;

A défaut

– prononcer la résolution du contrat pour défaut de délivrance conforme ;

– condamner Maître [S] à garantir M. [H] [V] dans la restitution du prix de vente ;

– dire que les effets de l’annulation seront conditionnés à la restitution du prix de vente ;

– condamner in solidum M. [V] et Maître [S] au paiement de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts.

– condamner in solidum M. [V] et Maître [S] au paiement de 8000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile ainsi qu’en tous frais et dépens.

M. [V], dans ses dernières conclusions d’intimé en date du 2 mars 2021, demande à la cour, au visa des 1130 et suivants, 1353, 1641 et suivants articles du code civil et 9 du code de procédure civile, de :

A titre principal,

Confirmer le jugement critiqué ;

– débouter Mme [X] [N] épouse [T] et M. [B] [T] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à l’encontre de M. [H] [V] ;

– condamner in solidum Mme [X] [N] épouse [T], M. [B] [T] à verser la somme de 3 000 euros à M. [V], sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire,

– réduire à de plus justes proportions les préjudices allégués par Mme [X] [N] épouse [T] et M. [B] [T] ;

M. [S], dans ses dernières conclusions d’intimé en date du 22 décembre 2021, demande à la cour, de :

Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux du 7 janvier 2020,

En conséquence,

– débouter M.et Mme [T] de l’ensemble des demandes formulées à

l’encontre de Maître [S] ;

– condamner M.et Mme [T] à verser à Maître [S] une somme de 3 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M.et Mme [T] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Laydeker, Sammarcelli, Mousseau, avocat, sur ses affirmations de droit.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2023.

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

– Sur l’annulation de la vente pour erreur ayant vicié le consentement :

Pour rejeter la demande des époux [T], le tribunal a essentiellement retenu que seule l’erreur de droit excusable est cause de nullité du contrat, que M.et Mme [T] ayant été avisés, le 7 juillet 2018, du recours gracieux préalable du préfet et de la décision rendue par le Maire le 6 juillet 2018 alors que M. [V] n’en avait pas été destinataire et qu’ ils n’en ont avisé ni le notaire, ni leur vendeur, ceux ci ne pouvaient prospérer en leur action en nullité sur ce fondement.

M.et Mme [T] demandent la réformation du jugement déféré sur ce point soutenant essentiellement que la faculté qu’ils avaient d’édifier une maison individuelle sur le terrain acquis constituait une condition essentielle de leur acquisition, sans laquelle il n’aurait pas acquis le bien, que le terrain a été vendu à ‘usage d’habitation’, qu’ils ont cru avoir obtenu un permis de construire purgé de tout recours, qu’ils ignoraient au jour de la signature de l’acte authentique le 20 septembre 2018, le permis faisait déjà l’objet d’un recours déposé devant le tribunal administratif de Bordeaux le 10 septembre 2018, dont les parties à l’acte n’étaient pas encore informées et qu’enfin, le préfet, suivi par le tribunal administratif de Bordeaux et par la Cour administrative d’appel de Bordeaux, ont considéré que la localisation de la parcelle litigieuse, nichée au sein de la pinède, la rend en soi inconstructible, en sorte que leur consentement a été vicié par une erreur concernant la constructibilité du terrain.

M. [V] sollicite la confirmation de la décision attaquée affirmant que le PLU applicable à la parcelle vendue autorisait la construction projetée, celle-ci étant classée en zone constructible, que l’erreur est inexcusable de la part des demandeurs dès lors que par application de l’article R.600-1 du code de l’urbanisme, M. et Mme [T] ont été destinataires, en leur qualité de pétitionnaires, de notifications des recours gracieux et contentieux du préfet, ce à peine d’irrecevabilité du recours contre le permis de construire porté devant la juridiction administrative.

Il résulte des dispositions de l’article 1130 du code civil dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 11 février 2016 que l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné et l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.

L’erreur doit être appréciée au moment de la formation du contrat en sorte que l’annulation rétroactive d’un permis de construire après la vente est sans incidence sur l’erreur et en matière d’inconstructibilité d’un terrain, il est admis que ne peut invoquer l’erreur l’acquéreur qui au moment de la vente avait connaissance du risque de retrait du permis de construire.

En l’espèce, il est constant que le compromis de vente signé entre les parties le 8 mars 2018 portait sur un terrain à usage d’habitation et prévoyait une condition suspensive particulière relative à l’obtention par l’acquéreur d’un permis de construire avant le 15 août 2018 en vue de la construction d’une maison de plain pied de 5 pièces principales de 148 m2 avec garage et piscine.

Ce compromis mentionnait expressément notamment le délai de recours contentieux de deux mois contre l’arrêté de permis de construire courant à compter de l’affichage, que si ce permis faisait l’objet d’un recours contentieux, gracieux ou hiérarchique dans les deux mois de son affichage et/ou d’un retrait pour illégalité dans les trois mois de sa délivrance, la condition suspensive sera réputée comme n’ayant pas été réalisée et les présentes comme caduques sauf si l’acquéreur décidait de renoncer au bénéfice de la condition, faisant alors son affaire personnelle des recours, qu’en cas de recours contentieux ou gracieux, le délai recours était prorogé de deux mois à compter du jour du rejet exprès ou implicite du recours gracieux ou hiérarchique ce qui avait pour effet de prolonger d’autant la condition suspensive.

Il rappelait expressément les obligations de l’acquéreur quant à l’affichage du permis de construire faisant courir les délais de recours.

Mais surtout, au moment de la vente, M. et Mme [T] connaissaient le risque d’annulation du permis de construire. En effet, si le maire de Soulac leur avait délivré le 7 mai 2018 un permis de construire, ils étaient avisés qu’un recours gracieux avaient été intenté par le Préfet de la Gironde contre l’arrêté du maire de Soulac lequel, par décision explicite du 11 juillet 2018, n’avait pas retiré sa décision, ainsi que d’une possibilité de recours contentieux du Préfet dans un délai de deux mois, la mairie leur ayant indiqué que ce délai expirait le 12 septembre 2018.

Ils ne justifient cependant nullement, contrairement à leurs affirmations sur ce point, avoir avisé le notaire ou l’acquéreur de ce recours gracieux, le seul SMS versé aux débats à ce propos l’ayant été à destination de leur agent immobilier auquel M.[T] demandait le 16 juillet 2018 de ne pas verser les fonds au notaire, lui indiquant que le rendez vous prévu le 19 juillet 2018 pour la signature de l’acte de vente avait été reporté, sans autre précision à ce sujet.

Le notaire explique d’ailleurs le report de rendez-vous, non pas parce qu’il aurait été avisé de l’existence d’un recours gracieux du Préfet et de la décision consécutive du maire, mais en raison de l’exercice possible du droit de préemption de la Safer ce qui, contrairement à ce que soutiennent les époux [T], est tout à fait congruent avec les clauses du compromis de vente.

L’on peut alors considérer que, conformément aux termes du compromis de vente, les époux [T] avaient décidé de faire leur affaire personnelle de ce recours potentiel.

En tout état de cause, ils se sont renseignés auprès de la mairie par mail des 13 septembre et 19 septembre 2018 à savoir si elle avait eu connaissance d’un déféré, ce qui atteste qu’ils avaient conscience qu’un recours avait pu être intenté jusqu’au 12 juillet dont ils n’avaient pas encore connaissance à la veille de la signature de l’acte définitif, la mairie leur ayant répondu que non, s’étant toutefois bien gardée de leur indiquer que compte tenu de la date, il n’y aurait assurément pas de recours. Les époux [T] se sont en conséquence rendus le lendemain chez le notaire, sans plus de garantie, et toujours sans informer le notaire et l’acquéreur de la difficulté qui n’était pas levée.

Il résulte de l’ensemble qu’à la date de leur engagement, le 20 septembre 2018, les acquéreurs connaissaient l’existence d’un risque de recours contentieux contre la décision de maintien du permis de construire du maire, courant à compter du 12 juillet 2018 jusqu’au 12 septembre ainsi que de la possibilité qu’ils n’en soient avisés qu’ultérieurement, ce qu’ils ont préféré taire, en sorte qu’ils ne peuvent se prévaloir d’une erreur excusable ayant vicié leur consentement, ce en quoi le jugement est confirmé en ce qu’il les a déboutés de leur demande d’annulation de la vente sur ce fondement.

– Sur la résolution de la vente pour vice caché :

Pour rejeter la demande d’annulation de la vente pour vice caché, le tribunal a considéré que M. [V], n’étant pas un professionnel de la vente immobilière pouvait se prévaloir de la clause d’exclusion des vices cachés mais il a également retenu qu’en visant au titre des vices cachés le défaut de constructibilité du bien il était en réalité visé, non le défaut de conformité de la chose vendue à sa destination normale, mais sa conformité aux prévisions contractuelles en sorte que la vente en litige ne pouvait être attaquée que par le biais d’un défaut de conformité.

Il est cependant constant que le fait qu’un terrain destiné à l’habitation s’avère finalement non constructible constitue un vice caché et non un défaut de conformité.

Il résulte de la décision entreprise que le tribunal avait retenu que M. [V] qui exerçait la profession de sylviculteur n’était pas un professionnel de l’immobilier et qu’il n’était pas établi qu’il avait connaissance du vice.

Le fait que M. [V], à l’approche de sa retraite, ait décidé de vendre ses terres par lots, n’en fait pas automatiquement un professionnel de la vente immobilière ayant perdu son statut de personne privée et aucun élément ne permet en l’espèce de retenir le statut de professionnel de M. [V]. Il résulte en effet des éléments versés aux débats par les époux [T] et non contestés qu’à la date de la vente, en septembre 2018, M. [V], qui possédait une pinède au lieu dit [Localité 13], a procédé en juillet 2011à la revente des parcelles BA [Cadastre 2] et [Cadastre 12], qu’il a procédé à une division du surplus le 10 mai 2017 date à laquelle il a vendu la parcelle BA [Cadastre 3], avant de procéder à une deuxième division créant les parcelles BA [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 7], les parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 6] ayant été respectivement vendues pour l’une et cédée pour l’autre en février 2018, avant de procéder à une troisième division en lots E et F, pour vendre le lot E aux époux [T] le 10 septembre 2018 et conserver le lot F.

Ces opérations de divisions par lots concernant un terrain unique situé à [Localité 13] ne permettent pas de considérer que M. [V], qui n’avait pas acquis pour revendre mais entendait procéder à la liquidation de son patrimoine immobilier avait, à la date de la vente, la qualité de professionnel de l’immobilier, les opérations qu’il a effectuées ensuite sur le reste de son patrimoine immobilier ne pouvant être prises en compte pour le constituer professionnel à la date de la vente. De même, le fait qu’ultérieurement à la vente litigieuse, plusieurs certificats d’urbanisme ou déclarations préalables délivrés par la mairie aient été déférés par le préfet de la Gironde au tribunal administratif (décembre 2018, février 2019, mars 2019, avril 2019) ne permet pas d’affirmer que M. [V] connaissait à la date de la vente l’inconstructibilité du terrain.

Non professionnel et de bonne foi, M. [V] est en conséquence en droit de se prévaloir de la clause d’exclusion de garantie des vices cachés prévue au contrat en sorte que le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté les époux [T] de leur demande de résolution de la vente sur ce fondement.

– Sur la résolution de la vente pour défaut de conformité :

Cette demande ne saurait être considérée nouvelle en appel alors qu’elle tend aux mêmes fins que celles dont était saisi le premier juge reposant seulement sur un fondement différent.

Toutefois, l’action relevant de la garantie des vices cachés, ainsi que le soutenaient à juste titre les époux [T], ne relève pas du défaut de conformité, une même cause ne pouvant constituer à la fois un vice caché et un défaut de conformité.

Dès lors, quand bien même les époux [T] ont été déboutés de leur demande sur le fondement de la garantie des vices cachés, ils sont également déboutés de leur demande sur ce fondement.

Sur les demandes à l’encontre du notaire :

Aucune condamnation n’étant prononcée à l’encontre de M. [V], en aucun cas le notaire ne saurait être condamné à garantir celui-ci des condamnations mises à sa charge.

De manière surabondante, nul ne plaidant par procureur, les époux [T] n’ont pas qualité à agir aux lieu et place de M. [V] à l’encontre du notaire, pour solliciter que celui ci garantisse M. [V] des condamnations éventuellement prononcées à son encontre.

Il est reproché au notaire un manquement à son obligation extra contractuelle d’efficacité des actes qui l’obligeait à s’assurer lui même de ce que le délai de recours à l’encontre du permis de construire était purgé, étant totalement inopérant qu’il n’ait pas été avisé d’un recours gracieux dès lors que le notaire connaissait l’importance pour les époux [T] que le terrain qui était mentionné à l’acte ‘à usage d’habitation’ soit constructible.

Cependant, il a été sus retenu que le compromis de vente comportait toutes les informations relatives à un éventuel recours, gracieux, hiérarchique ou contentieux. Or, contrairement à ce que prétendent les époux [T], dès lors qu’il avait été procédé à l’affichage du permis de construire le 15 mai 2018, ce dont le notaire s’était effectivement assuré en mentionnant expressément à l’acte de vente que les époux [T] avaient bien procédé à cette affichage qu’ils ont fait constater par constat d’huissier de justice annexé à l’acte, le fait que ceux ci n’aient pas fait mention d’un recours exercé dans les deux mois de l’affichage soit jusqu’au 15 juillet 2018, permettait d’affirmer qu’à la date de la vente le permis de construire était alors purgé de tout recours.

Or, c’est précisément l’exercice d’un recours gracieux intervenu entre-temps et rejeté qui a fait naître pour le préfet une possibilité de recours contentieux courant à compter de la notification de la décision de rejet du recours gracieux.

Dès lors, les époux [T] ne sauraient se prévaloir d’une absence de vérification plus avant du notaire, alors que la réticence d’information de leur part ne la justifiait pas, ce d’autant que la condition suspensive étant stipulée dans l’intérêt de l’acquéreur, ceux ci n’avaient a priori aucun intérêt à taire cette information au notaire, sauf à considérer qu’ils avaient fait leur affaire de cette possibilité de recours ainsi que rappelé au compromis de vente.

Les époux [T] ne l’ignorent pas et reprochent d’ailleurs également au notaire, qui connaissait l’importance de la constructibilité du terrain pour eux, de n’avoir finalement pas prévu une condition résolutoire en cas de remise en cause du permis délivré par la commune le 7 mai 2018, ce en quoi ils sont d’une particulière mauvaise foi, n’ayant précisément pas avisé le notaire d’une information dont ils étaient les seuls destinataires concernant le recours gracieux du préfet, information qui aurait permis à la condition suspensive d’être aussi efficace qu’une condition résolutoire.

De la même façon, les époux [T], qui se sont abstenus de tenir informé le notaire de l’existence d’un recours gracieux, ce qui aurait pu l’orienter vers la recherche d’un recours contentieux et en tous les cas à inciter les acquéreurs à la prudence en leur proposant de reporter la date de la signature de l’acte, ne sauraient en aucun invoquer, du fait de leur propre réticence, un manquement du notaire à son obligation de conseil.

Enfin, l’absence de mention relative à la loi littoral dans l’acte de vente se trouve sans lien avec le préjudice allégué par les époux [T] qui ne résulte que du fait que la condition suspensive rédigée à leur profit n’a pu sortir son plein et entier effet du fait de leurs propres manquements.

Le jugement entrepris est en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes des époux [T] dirigées contre le notaire.

Succombant en leur recours M.et Mme [T] en supporteront les dépens et seront équitablement condamnés à payer à M. [V] et à M. [S], respectivement, une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et une somme identique.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Y ajoutant :

Déboute M. [B] [T] et Mme [X] [N] épouse [T] de leur demande en résolution de la vente pour défaut de conformité.

Condamne in solidum M. [B] [T] et Mme [X] [N] épouse [T] à payer à M. [H] [V] et à Maître [J] [S], respectivement une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne in solidum M. [B] [T] et Mme [X] [N] épouse [T] aux dépens du présent recours avec distraction au profit de la SCP Laydecker, Sammarcelli, Mouseau, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La présente décision a été signée par Madame Paule POIREL, présidente, et Madame Mélody VIGNOLLE-DELTI, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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