Nullité de contrat : 23 mars 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00631

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Nullité de contrat : 23 mars 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00631

SD/IC

[Y] [T]

C/

BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE COMTE

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE DIJON

2ème chambre civile

ARRÊT DU 23 MARS 2023

N° RG 21/00631 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FWET

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 01 avril 2021,

rendue par le tribunal de commerce de Dijon – RG : 2018005549

APPELANT :

Monsieur [Y] [T]

né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 5] (83)

domicilié :

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Catherine DELOGE-MAGAUD, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 98

INTIMÉE :

BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE COMTE prise en la personne de son Président domicilié au siège social sis :

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 126

assistée de Me Marie-Christine TRONCIN, membre dela SELARL M TRONCIN, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Sophie DUMURGIER, Conseiller, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :

Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre,

Sophie DUMURGIER, Conseiller,

Leslie CHARBONNIER, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 23 Mars 2023,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte sous seing privé du 12 mars 2015, la Banque Populaire de Bourgogne Franche-Comté a consenti un prêt de 14 054,44 euros destiné à financer un besoin en fonds de roulement à la SARL Epicurs, remboursable en 36 échéances mensuelles de 410,19 euros, incluant les intérêts au taux de 2,10 %.

Par acte du 1er avril 2015, M. [Y] [T], cogérant de la SARL Epicurs, s’est porté caution solidaire des engagements de la société, dans une limite de 2 200 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, et pour une durée de 60 mois.

Par acte sous seing privé du 29 octobre 2015, la Banque Populaire de Bourgogne Franche-Comté a consenti à la SARL Epicurs un prêt de consolidation d’un montant de 20 000 euros, remboursable en 48 échéances mensuelles de 524,18 euros, incluant les intérêts au taux de 5,65 %.

Par acte de même date, la banque a obtenu que M. [T] se porte caution solidaire des engagements de la société, dans une limite de 24 000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, et pour une durée de 72 mois.

La SARL Epicurs a été placée en liquidation judiciaire par jugement rendu le 11 octobre 2016 par le tribunal de commerce de Dijon, clôturée pour insuffisance d’actifs le 29 août 2017.

La Banque Populaire de Bourgogne Franche-Comté a déclaré sa créance au passif de la procédure collective le 8 décembre 2016, pour un montant total de 27 836,72 euros à titre chirographaire, qui a fait l’objet de certificats d’irrécouvrabilité le 3 mai 2017.

Par lettres recommandées des 28 septembre et 9 décembre 2016, la banque a mis en demeure M. [Y] [T] de satisfaire à ses engagements de caution.

Elle a déposé une requête aux fins d’injonction de payer auprès du président du tribunal de commerce de Dijon le 16 juillet 2018, à laquelle il a été fait droit à hauteur du montant réclamé de 13 978,40 euros, par ordonnance du 18 juillet 2018.

Sur opposition formée le 2 août 2018 par M. [T], qui concluait à la suspension de l’instance jusqu’à la mise en cause des autres cautions, à la nullité de son engagement de caution sur le fondement de l’article L 650-1 du code de commerce, au rejet de l’ensemble des demandes de la Banque Populaire, à la déchéance du droit de celle-ci aux intérêts contractuels et à l’octroi de délais de paiement, le tribunal de commerce de Dijon, par jugement rendu le 1er avril 2021 a :

‘ in limine litis, débouté M. [Y] [T] de sa demande tendant à obtenir la suspension de l’instance jusqu’à ce que M. [S] [J], Mme [C] [F] et M. [V] [F] aient été appelés en la cause par le créancier,

‘ déclaré la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté recevable et bien fondée en sa demande,

‘ condamné M. [Y] [T] à payer à la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté la somme de 2 189,58 euros au titre du prêt n° 08694087, selon décompte arrêté au 9 décembre 2016, outre intérêts au taux contractuel de 2,10 % à compter du 10 décembre 2016,

‘ condamné M. [Y] [T] à payer à la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté la somme de 19 078,40 euros au titre du prêt n° 08711126, selon décompte arrêté au 9 décembre 2016, outre intérêts au taux contractuel de 5,65 % à compter du 10 décembre 2016,

‘ débouté M. [Y] [T] de sa demande tendant à voir constater la nullité du contrat n° 08711126 signé le 29 octobre 2015 par la SARL Epicurs auprès de la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté,

‘ débouté M. [Y] [T] de sa demande tendant à voir réduire les condamnations mises à sa charge,

‘ accordé à M. [Y] [T] un délai de vingt-quatre mois avec déchéance du terme pour s’acquitter de sa dette en vingt-quatre mensualités identiques,

‘ dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

‘ condamné M. [Y] [T] à payer à la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamné M. [Y] [T] en tous les dépens de l’instance.

M. [T] a relevé appel de ce jugement, par déclaration reçue au greffe le 7 mai 2021, portant sur l’ensemble des chefs de dispositif de la décision expressément critiqués, à l’exception de ceux ayant rejeté sa demande de suspension de l’instance et lui ayant accordé des délais de paiement.

Au terme de ses écritures n° 2 notifiées le 27 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens au soutien de ses prétentions, l’appelant demande à la cour de :

Vu les articles 1101, 1103, 1104, 1162, 1178, 1343-5, 2302 et 2303 du code civil,

Vu les articles L 332-1, L 333-1, L 333-2, L 343-5 et L 343-6 du code de la consommation,

– réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Dijon en ce qu’il a :

‘ déclaré la Banque Populaire de Bourgogne Franche-Comté recevable et bien fondée en sa demande,

‘ condamné M. [Y] [T] à payer à la Banque Populaire BFC la somme de 2 189,58 euros au titre du prêt n° 08694087 selon décompte arrêté au 9 décembre 2016, outre intérêts au taux contractuel de 2,10 % à compter du 10 décembre 2016,

‘ condamné M. [Y] [T] à payer à la Banque Populaire BFC la somme de 19 078,40 euros au titre du prêt n° 08711126 selon décompte arrêté au 9 décembre 2016, outre intérêts au taux contractuel de 5,65 % à compter du 10 décembre 2016,

‘ débouté M. [Y] [T] de sa demande tendant à constater la nullité du contrat n°08711126, signé le 29 octobre 2015 par la SARL Epicurs auprès de la Banque Populaire BFC,

‘ débouté M. [Y] [T] de sa demande tendant à réduire les condamnations mises à sa charge,

‘ condamné M. [Y] [T] à payer à la Banque Populaire BFC la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamné M. [Y] [T] en tous les dépens de l’instance.

En conséquence, statuant à nouveau en fait et en droit,

A titre principal,

– constater la nullité du contrat n° 08711126, signé le 29 octobre 2015 par la SARL Epicurs auprès de la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté, et, en conséquence, la nullité du cautionnement personnel souscrit par le concluant au titre du prêt litigieux,

– déclarer la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté mal fondée à se prévaloir des engagements de caution qu’il a signés le 1er avril 2015 et le 29 octobre 2015,

– débouter la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté de l’intégralité de ses demandes formées à son encontre,

A titre infiniment subsidiaire,

– débouter la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté de ses demandes de condamnation en paiement des intérêts contractuels à compter du 10 décembre 2016,

En tout état de cause,

– déclarer l’appel incident de la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté non fondé,

– débouter la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté de la totalité de ses demandes,

– condamner la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance et de première instance, y compris ceux pouvant naître d’une exécution forcée du jugement à venir.

Au terme de

conclusions notifiées le 4 novembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens au soutien de ses prétentions, la Banque Populaire de Bourgogne Franche-Comté demande à la cour de :

Vu les articles 1103 et suivants du code civil,

Vu les articles 2288 et suivants du même code,

– déclarer l’appel de M. [Y] [T] non fondé,

– juger les demandes de M. [Y] [T] irrecevables ou subsidiairement infondées,

En conséquence,

– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Dijon en date du 1er avril 2021, sauf en ce qu’il a accordé à M. [Y] [T] un délai de vingt-quatre mois avec déchéance du terme pour s’acquitter de sa dette en vingt-quatre mensualités identiques,

Statuant à nouveau de ce chef,

– débouter M. [Y] [T] de sa demande de délais de paiement,

– condamner M. [Y] [T] à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [Y] [T] aux dépens d’appel.

La clôture de la procédure a été prononcée le 13 décembre 2022.

SUR QUOI

Sur la demande aux fins de constat de la nullité du prêt de 20 000 euros

Au soutien de cette demande, M. [T] reproche en premier lieu à la banque de ne pas l’avoir mis en garde contre le risque d’endettement de la société emprunteuse, né de l’octroi de ce second prêt, consenti quelques mois après le prêt de 14 054,44 euros destiné à financer son besoin en fonds de roulement.

A supposer ce manquement caractérisé, il n’est pas sanctionné par la nullité du prêt garanti par le cautionnement mais par l’octroi de dommages-intérêts.

L’appelant fait également grief à la société intimée d’avoir contourné les dispositions d’ordre public régissant le droit des procédures collectives afin de s’assurer d’un privilège dont elle ne disposait pas en soutenant abusivement la société Epicurs alors qu’elle se trouvait visiblement en état de cessation des paiements, ce que la banque ne pouvait pas ignorer puisque les échéances du précédent prêt accordé faisaient déjà l’objet d’impayés.

L’article L 650-1 du code de commerce prévoit que lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnés à ceux-ci.

L’alinéa 2 précise que, pour le cas où la responsabilité du créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ces concours peuvent être annulées ou réduites par le juge.

Outre qu’aucune des pièces produites ne permet de confirmer que la situation financière de la SARL Epicurs était irrémédiablement compromise à la date d’octroi du prêt dont la caution conteste la validité, l’alinéa 2 de l’article L 650-1 susvisé ne sanctionne pas la faute du créancier par la nullité des concours consentis mais par la nullité des garanties prises en contrepartie de ces concours.

Au surplus, la caution sollicite la nullité d’un acte alors que l’une des parties, en l’occurrence la société emprunteur, n’est pas dans la cause.

Le jugement mérite dès lors confirmation en ce qu’il a débouté M. [T] de sa demande aux fins de voir constater la nullité du contrat de prêt souscrit le 29 octobre 2015 par la SARL Epicurs et, en conséquence, celle du cautionnement.

Sur le caractère disproportionné de l’engagement de caution

Se prévalant des dispositions de l’article L 332-1 du code de la consommation, anciennement L 341-4 du même code, M. [T] prétend qu’il ne disposait pas de capacités financières lui permettant de faire face à l’engagement de caution qu’il a souscrit, qui était manifestement disproportionné à ses revenus et biens.

Il en déduit que la banque ne peut pas se prévaloir du cautionnement litigieux.

Il reproche à la Banque Populaire de ne pas avoir vérifié ses capacités financières en faisant valoir que, lorsqu’il a rempli la fiche patrimoniale remise par le prêteur, le 3 octobre 2015, il a déclaré disposer de revenus annuels s’élevant à 17 500 euros pour vivre avec son épouse et assumer des charges constituées d’un loyer de 7 200 euros par an.

Il précise que le couple disposait d’une épargne valorisée à 13 579 euros et qu’il s’était déjà engagé comme caution du premier prêt souscrit par la société Epicurs, à hauteur de 2 200 euros.

Selon l’article L 341-4, devenu L 332-1, du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où elle est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Le code de la consommation n’impose toutefois pas au créancier de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement, laquelle supporte, lorsqu’elle l’invoque, la charge de la preuve d’établir que son cautionnement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

Sur la fiche de déclaration patrimoniale produite par la banque, datée du 3 octobre 2015, l’appelant a déclaré disposer, en sa qualité de cogérant de la société Epicurs, d’un revenu annuel de 17 500 euros et d’une épargne d’un montant de 13 579 euros, être marié, son épouse n’ayant pas de revenus, ne disposer d’aucun bien immobilier et s’être engagé comme caution en garantie d’un prêt contracté par la société Epicurs, à hauteur de 2 200 euros.

La caution ne remet pas en cause la véracité de ces déclarations, par ailleurs confirmées par son avis d’imposition de l’année 2016 sur les revenus de l’année 2015, et elle ne peut donc reprocher à la banque de ne pas avoir vérifié ses capacités.

Au vu de ces éléments déclarés, l’appelant échoue à rapporter la preuve que son engagement, dont le montant était limité à 20 000 euros s’ajoutant au précédent cautionnement limité à 2 200 euros, était manifestement disproportionné à ses revenus et son épargne qui totalisaient un montant de plus de 30 000 euros.

La banque est donc en droit de se prévaloir du cautionnement qu’il a souscrit le 29 octobre 2015.

Sur la déchéance du droit aux intérêts du prêteur

A titre subsidiaire, M. [T] sollicite la déchéance du droit aux intérêts de la banque faute par celle-ci d’avoir respecté ses obligations d’information annuelle de la caution et d’information des incidents de paiement prévues par les articles L 333-1, L 333-2 et L 345-3 du code de la consommation.

Il soutient n’avoir reçu ni document annuel d’information, ni alerte à la suite du premier incident de paiement rencontré par l’emprunteur.

L’intimée objecte qu’elle produit les courriers d’information adressés à la caution depuis le 3 février 2016, ainsi que le courrier recommandé qu’elle lui a adressé le 28 septembre 2016 l’informant qu’elle avait mis en demeure le débiteur principal au titre des sommes exigibles à cette date sur les deux prêts consentis les 12 mars et 29 octobre 2015.

Selon L 333-2 du code de la consommation, ‘ le créancier professionnel fait connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée ‘.

L’article L 343-6 du même code prévoit que lorsqu’un créancier ne respecte pas les obligations prévues à l’article L 333-2, la caution n’est pas tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information, jusqu’à la date de communication de la nouvelle information.

Si la Banque Populaire produit la lettre d’information destinée à M. [T], datée du 3 février 2016, la jurisprudence considère désormais que la seule production de la copie de la lettre d’information ne suffit pas à justifier de son envoi.

La copie du courrier adressée à la caution n’étant complétée par aucun élément de preuve de son envoi, il y a lieu de prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la banque à compter du 10 décembre 2016, dans la limite de la demande de l’appelant, infirmant sur ce point le jugement déféré, étant précisé que les premiers incidents de paiement non régularisés par l’emprunteur sont postérieurs au 31 mars 2016 et que l’obligation d’information annuelle de la caution pèse sur le créancier jusqu’à extinction de la dette.

Aucun intérêt contractuel n’ayant été ajouté aux soldes des deux prêts cautionnés par M. [T], arrêtés au 10 décembre 2016, date de la mise en demeure de payer qui lui a été adressée par le prêteur, le jugement mérite d’être confirmé en ce qu’il a condamné la caution au paiement des sommes de 2 189,58 euros et 19 078,40 euros pour solde de ces prêts, sauf à l’infirmer en ce qui concerne les intérêts assortissant ces condamnations, qui produiront intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2016.

Sur le manquement de la banque à son devoir de mise en garde

L’appelant reproche à la banque d’avoir failli à son devoir d’information et de mise en garde contre les risques liés à l’endettement de la société emprunteur par l’octroi d’un nouveau crédit, alors qu’elle savait parfaitement que sa situation financière était largement compromise.

En réponse à la société intimée qui prétend qu’il est une caution avertie, il rappelle que c’est à l’établissement de crédit de démontrer que la caution est avertie et qu’il lui appartient de mettre en garde la caution profane sur l’adaptation de son engagement à ses capacités financières et sur les risques d’endettement nés de l’octroi du prêt garanti, pour le débiteur principal.

Il fait valoir qu’il n’avait jamais été gérant de société auparavant et qu’il n’avait aucune expérience financière ou comptable, étant chercheur titulaire d’un doctorat en mathématiques appliquées et d’un doctorat en ingénierie biomédicale, et que, si la banque l’avait informé des conséquences de la situation de trésorerie négative de la société emprunteur et de l’impact tout aussi négatif de la conclusion d’un second prêt, il n’aurait pas accepté de se porter caution de ce prêt, en relevant que l’intimée avait pu se convaincre que ses capacités financières ne lui permettaient pas de se porter caution pour un second prêt.

Il en déduit que son engagement de caution est nul et que la banque ne peut pas s’en prévaloir.

Sans qu’il soit nécessaire de déterminer si M. [T] était une caution profane et, le cas échéant, si le prêt garanti par ce dernier était, ou non, adapté aux capacités financières de l’emprunteur et de la caution, le manquement des établissements bancaires à leur devoir de mise en garde n’est pas sanctionné par la nullité du cautionnement mais par l’allocation de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de ne pas souscrire cet engagement, qui ne sont pas sollicités en l’espèce, et l’appelant sera ainsi débouté de sa demande, ajoutant au jugement entrepris.

Sur les délais de paiement

La Banque Populaire de Bourgogne Franche-Comté, appelante incidente, conclut à l’infirmation du jugement qui a accordé des délais de paiement à la caution aux motifs que la dette est ancienne, que M. [T] a déjà bénéficié de délais largement supérieurs à ceux prévus par la loi et que ce dernier, plutôt que de s’acquitter de sa dette, a préféré aggraver son endettement en contractant deux autres prêts pour la création et le développement d’une nouvelle société.

M. [T] objecte que le jugement qui lui a accordé des délais de paiement n’est pas assorti de l’exécution provisoire et que les délais de procédure ne justifient pas qu’il soit privé de la possibilité de disposer de délais pour se libérer de sa dette.

Selon l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Le pouvoir d’accorder ou de refuser un délai de grâce est considéré comme un pouvoir souverain qui doit être motivé par les circonstances de l’espèce et notamment, s’agissant de la situation du débiteur, par ses difficultés passagères, ses offres de paiement sérieuses, et par la perspective d’un échéancier raisonnable, qui doit demeurer pertinent au regard des sommes dues, de leur ancienneté, des éventuels délais amiables déjà alloués, et plus généralement de la foi due aux contrats.

Pour accorder des délais de paiement à M. [T], les premiers juges se sont fondés sur sa situation de revenus en 2018 et sur les charges dont il justifiait.

Si, en 2018, les revenus annuels de l’appelant se sont élevés à 32 734 euros et qu’il devait faire face au remboursement d’une mensualité de 625 euros au titre d’un prêt de 50 000 euros contracté le 8 novembre 2016, avant que la Banque Populaire ne le mette en demeure de satisfaire à ses engagements de caution, force est de constater que le remboursement de cet emprunt a pris fin le 10 janvier 2022 et qu’aucune des pièces que produit M. [T] ne renseigne la cour sur ses revenus et charges actuelles, l’avis d’imposition de l’année 2018, sur les revenus de l’année 2017, s’avérant trop ancien pour justifier de sa situation financière actuelle.

Dans ces conditions, il ne peut être fait application des dispositions de l’article 1343-5 du code civil à son profit et il sera débouté de sa demande de délais de paiement, infirmant sur ce point le jugement déféré.

Sur les demandes accessoires

L’appelant qui succombe principalement supportera la charge des dépens de première instance et d’appel.

Il est par ailleurs équitable de mettre à sa charge une partie des frais de procédure exposés par la société intimée et non compris dans les dépens.

Il sera ainsi condamné à lui payer une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de l’indemnité allouée à la banque en première instance au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 1er avril 2021 par le tribunal de commerce de Dijon en ce qu’il a :

‘ débouté M. [Y] [T] de sa demande aux fins de constat de la nullité du contrat n° 08711126 signé le 29 octobre 2015 par la SARL Epicurs auprès de la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté,

‘ condamné M. [T] à payer à la Banque Populaire de Bourgogne Franche-Comté la somme de 2 189,58 euros au titre de son engagement de caution du prêt consenti le 12 mars 2015 à la SARL Epicurs,

‘ condamné M. [T] à payer à la Banque Populaire de Bourgogne Franche-Comté la somme de 19 078,40 euros au titre de son engagement de caution du prêt consenti le 29 octobre 2015 à la SARL Epicurs,

‘ condamné M. [T] à payer à la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamné [T] en tous les dépens de l’instance,

L’infirme en ce qu’il a assorti les condamnations prononcées contre M. [T] des intérêts au taux contractuel et en ce qu’il a accordé des délais de paiement à la caution,

Statuant à nouveau,

Prononce la déchéance du droit aux intérêts de la Banque Populaire de Bourgogne Franche-Comté à compter du 10 décembre 2016,

Dit que les condamnations prononcées contre M. [T] au titre de ses engagements de cautions produiront intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2016,

Déboute M. [T] de sa demande de délais de paiement,

Y ajoutant,

Condamne M. [T] à payer à la Banque Populaire de Bourgogne Franche-Comté la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [T] aux dépens d’appel.

Le Greffier, Le Président,

 


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