N° RG 20/01346 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M37L
Décision du Tribunal d’Instance de VILLEURBANNE
du 16 décembre 2019
RG : 11-18-2343
S.A. COFIDIS
C/
[P]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
6ème Chambre
ARRET DU 23 Mars 2023
APPELANTE :
SA COFIDIS
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 1983
assisté de Me HELAIN de la SELARL HAUSSMANN KAINIC HASCOËT HELAIN, avocat au barreau de l’ESSONNE
INTIME :
M. [G] [P]
né le 12 Juin 1956 à [Localité 6]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représenté par Me Yann VIEUILLE de la SARL VJA AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1132
assisté de Me Karine LEBOUCHER, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTERVENANTE FORCEE :
S.E.L.A.R.L. JEROME [U], représentée par Me [N] [U], en qualité de mandataire ad’hoc de la société ANDREA ENERGY
[Adresse 3]
[Localité 4])
défaillante
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 06 Décembre 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 21 Février 2023
Date de mise à disposition : 23 Mars 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Dominique BOISSELET, président
– Evelyne ALLAIS, conseiller
– Stéphanie ROBIN, conseiller
assistés pendant les débats de Priscillia CANU, greffier
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Clémence RUILLAT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES
Dans le cadre d’un démarchage à domicile, [G] [P] a passé commande le 15 juin 2017 de la fourniture, livraison et pose d’un équipement de production d’électricité photovoltaïque auprès de la Sarl Andrea Energy, pour le prix de 29.400 euros ttc, ainsi que pour des travaux de réfection de la toiture de son habitation, pour le prix de 5.400 euros ttc.
Le prix total de 34.800 euros a été financé au moyen d’un crédit affecté souscrit le même jour auprès de la SA Cofidis (sous l’appellation Projexio), remboursable en 180 échéances mensuelles de 279,25 euros au TAEG de 4,96 % l’an, avec un différé d’amortissement de 6 mois.
La société Andrea Energy a procédé à l’installation de l’équipement photovoltaïque et M. [P] a signé le 1er juillet 2017 une attestation de fin de travaux remise par l’entreprise à la société Cofidis qui lui a réglé la somme de 34.800 euros le 5 juillet 2017.
Selon M. [P], l’installation n’a jamais été raccordée au réseau ERDF, un branchement
n’ayant pas été réalisé par le vendeur qui n’a jamais donné suite à ses relances. Les démarches administratives en mairie n’ont pas été effectuées.
La société Andrea Energy a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lyon le 5 avril 2018, Me [B] [X] étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
Par actes d’huissiers de justice des 5 et 7 juin 2018, M. [P] a fait assigner la société Andrea Energy et la société Cofidis aux fins de voir, en principal, prononcer la nullité ou, à titre subsidiaire, la résolution des contrats de vente et de prêt.
En dernier lieu, il a demandé au tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
– la condamnation de la SA Cofidis à restituer les sommes versées par M. [P] au titre du prêt, soit la somme de 6.750,24 euros arrêtée au 15 octobre 2019, à parfaire au jour de la décision,
– la condamnation solidaire des sociétés Andrea Energy et Cofidis à prendre en charge le coût des travaux de remise en état pour 4.565 euros,
– de priver la SA Cofidis de tout droit à remboursement contre M. [P] s’agissant du capital, des frais et accessoires, qu’elle devra verser à la société Andrea Energy,
– à titre subsidiaire sur ce point, de fixer au passif de la société Andrea Energy, la créance
de M. [P] à ce titre à la somme de 29.000 euros correspondant au coût du contrat,
– la condamnation solidaire de la société Andrea Energy et la SA Cofidis au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux
dépens.
La SA Cofidis a sollicité, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, le rejet des demandes
de M. [P] et sa condamnation à poursuivre l’exécution du contrat de crédit conformément au tableau d’amortissement.
A titre subsidiaire, en cas de nullité ou de résolution du contrat de crédit, elle a demandé la condamnation de M. [P] à rembourser le capital, soit la somme de 34.800 euros outre intérêts au taux légal à compter du jugement, et de dire que les échéances déjà payées sont dues à titre de dommages et intérêts.
A titre subsidiaire, elle a sollicité le débouté de la demande de dommages et intérêts de M. [P] en l’absence de preuve d’un préjudice et sa condamnation à rembourser le capital.
En tout état de cause, elle a demandé sa condamnation à lui payer la somme de 1.200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La société Andrea Energy, prise en la personne de Maitre [B] [X], liquidateur judiciaire, n’a pas comparu.
Par jugement en date du 16 décembre 2019, le tribunal d’instance de Villeurbanne a :
– prononcé la nullité du contrat de vente et d’installation photovoltaïque conclu le 15 juin 2017 entre [G] [P] et la société Andrea Energy,
– prononcé la nullité du contrat de prêt n°28930000416516 accessoire consenti par la SA Cofidis à M. [P] selon offre du 15 juin 2017,
– jugé que la SA Cofidis a commis une faute dans le déblocage des fonds destinés à financer l’installation photovoltaïque, la privant de sa faculté d’obtenir le remboursement du capital prêté,
– débouté en conséquence la SA Cofidis de sa demande en paiement de la somme de 34.800 euros, dirigée contre M. [P],
– condamné la SA Cofidis à rembourser à M. [P] l’intégralité des sommes versées par lui au titre du prêt n°28930000416516 souscrit le 15 juin 2017,
– dit que M. [P] devra maintenir le matériel installé à disposition de la société Andréa Energy, prise en la personne de son Iiquidateur judiciaire, Maître [X], pour une reprise dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement, faute de quoi le matériel sera considéré comme abandonné,
– déclaré irrecevable la demande de M. [P] tendant à la condamnation de la société Andrea Energy, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, Maître [X], à prendre en charge le coût des travaux de dépose de l’installation photovoltaïque et de remise en état des existants,
– débouté M. [P] de ce même chef de demande dirigé contre la SA Cofidis,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
– condamné in solidum la SA Andrea Energy, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, Maître [X], et la SA Cofidis à payer à M. [P] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’articIe 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum la SA Andrea Energy, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, Maître [X], et la SA Cofidis aux entiers dépens de l’instance,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement.
La S.A. Cofidis a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la Cour le 19 février 2020.
En ses dernières conclusions du 22 avril 2022, la SA Cofidis demande à la Cour de réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :
– débouter M. [P] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– condamner M. [P] à rembourser à la SA Cofidis l’intégralité des sommes perçues dans le cadre de l’exécution provisoire,
– condamner M. [P] à rembourser à la SA Cofidis, en une seule fois, l’arriéré des échéances impayées depuis le jugement assorti de l’exécution provisoire jusqu’au jour de la signification de l’arrêt à intervenir,
– condamner M. [P] à reprendre l’exécution du contrat de crédit, conformément aux stipulations contractuelles telles que retracées dans le tableau d’amortissement, sous peine de déchéance du terme et d’exigibilité immédiate des sommes dues,
à titre subsidiaire, si la Cour confirmait la nullité ou prononçait la résolution judiciaire des conventions :
– juger que la SA Cofidis n’a commis aucune faute de nature à la priver de sa créance de restitution du capital,
– juger, en toute hypothèse, que M. [P] ne justifie pas d’un préjudice de nature à priver SA Cofidis de sa créance de restitution du capital,
en conséquence,
– condamner M. [P] à rembourser à la SA Cofidis le capital emprunté d’un montant de 34.800 euros, au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir,
à titre infiniment subsidiaire :
– condamner M. [P] à rembourser à la SA Cofidis une partie du capital dont le montant sera fixé souverainement par la juridiction,
en tout état de cause :
– condamner M. [P] à payer à la SA Cofidis une indemnité d’un montant de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [P] aux entiers dépens qui pourront être directement recouvrés par l’avocat par application de l’article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions du 25 février 2022, [G] [P] demande à la Cour de statuer comme suit :
à titre principal,
confirmer la décision du 16 décembre 2019 du tribunal d’instance de Villeurbanne en ce qu’elle a :
– prononcé la nullité du contrat de vente et d’installation photovoltaïque conclu le 15 juin 2017 entre [G] [P] et la société Andrea Energy,
– prononcé la nullité du contrat de prêt n°28930000416516 accessoire consenti par la SA Cofidis à M. [P] selon offre du 15 juin 2017,
– jugé que la SA Cofidis a commis une faute dans le déblocage des fonds destinés à financer l’installation photovoltaïque, la privant de sa faculté d’obtenir le remboursement du capital prêté,
– débouté en conséquence la SA Cofidis de sa demande en paiement de la somme de 34.800 euros, dirigée contre M. [P],
– condamné la SA Cofidis à rembourser à M. [P] l’intégralité des sommes versées par lui au titre du prêt n°28930000416516 souscrit le 15 juin 2017,
– dit que M. [P] devra maintenir le matériel installé à disposition de la société Andrea Energy, prise en la personne de son Iiquidateur judiciaire, Maître [X], pour une reprise dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement, faute de quoi le matériel sera considéré comme abandonné,
à titre subsidiaire,
– ordonner la résolution du contrat de vente conclu entre Andrea Energy et M. [P] au titre de l’inexécution contractuelle imputable à Andrea Energy,
– ordonner la résolution du contrat de crédit conclu entre Cofidis et M. [P],
par conséquent,
– condamner Cofidis à rembourser à M. [P] le montant des échéances versées au titre
de l’emprunt souscrit soit la somme de 7.714,56 euros,
– priver Cofidis de fait de tout droit à remboursement contre M. [P] s’agissant du capital, des frais et accessoires versés entre les mains de la société Andrea Energy du fait des fautes commises par l’organisme de crédit,
– condamner solidairement la Selarl [U], en qualité de mandataire ad’hoc de la société Andrea Energy, et Cofidis à prendre en charge le coût des travaux de dépose de l’installation photovoltaïque, et de remise en état des existants, à hauteur de 4.565 euros ttc.
à titre plus subsidiaire,
– prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la société Cofidis pour avoir octroyé un crédit abusif,
en toutes hypothèses,
– condamner solidairement la Selarl [U], en qualité de mandataire ad’hoc de la société Andrea Energy, et Cofidis à payer à M. [P] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens,
– débouter la Selarl [U], en qualité de mandataire ad’hoc de la société Andrea Energy, et Cofidis de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
La Selarl [N] [U], successeur de Me [X] en qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl Andrea Energy, n’a pas constitué avocat.
La déclaration d’appel et les conclusions de l’appelante lui ont été signifiées le 3 août 2020, 10 novembre 2020.
Les conclusions de M. [P] lui ont été signifiées le 7 août 2020.
La procédure de la liquidation judiciaire de la société Andréa Energy a été clôturée pour insuffisance d’actif par jugement du 25 novembre 2020 du tribunal de commerce de Lyon.
Par ordonnance du 29 décembre 2020 du président du tribunal judiciaire de Lyon, rendue sur la requête de M. [P], la Selarl [N] [U] a été désignée en qualité de mandataire ad’hoc de la société Andréa Energy.
La Selarl [N] [U] a été appelée en cause en qualité de mandataire ad’hoc de la Sarl Andréa Energy par assignation délivrée le 1er décembre 2021 à la requête de M. [P]. Elle n’a pas constitué avocat.
Les conclusions de M. [P] lui ont été signifiées le 28 février 2022.
Les conclusions de la société Cofidis lui ont été signifiées le 13 mai 2022.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 décembre 2022.
Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l’exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Les contrats de vente et de crédit ont été signé par M. [P] le 15 juin 2017. Dès lors, les articles du code de la consommation applicables, s’entendent dans leur rédaction issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, et du décret n°2016-884 du 29 juin 2016.
Il est par ailleurs constant que ces contrats ont été conclus dans le cadre d’un démarchage à domicile. L’article L.221-5 du code de la consommation se rapportant au démarchage à domicile, désigné ‘contrats conclus à distance et hors établissement’, renvoie expressément à l’article L.111-1 du même code qui dispose ce qui suit :
‘Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1 ° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné,
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4,
3° En l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service,
4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte,
5° S’il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l’existence et aux modalités de mise en ‘uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles,
6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation, dans les conditions prévues au titre 1er du Livre VI.
M. [P] soutient que le bon de commande ne comporte pas les mentions permettant de connaître les caractéristiques essentielles du bien, que le délai de livraison est imprécis et que le borderau de rétractation n’est pas davantage conforme. Il souligne également que les démarches administratives à réaliser ne sont pas développées.
Le bon de commande préimprimé comporte des mentions manuscrites prévoyant :
‘- une installation solaire photovoltaïque d’une puissance de 6000 WC comprenant :
– 20 panneaux photovoltaïques 300 WC avec micro onduleur Enphase : 24.900 euros
– un système d’intégration au bâti – onduleur- coffrets de protection- dijoncteur- coffret parafoudre
– un forfait d’installation de l’ensemble (hors tranchées éventuelles)
– démarches administratives (mairie, région, EDF, ERDF)
– une réfection de toiture, + bac pour étanchéité extrême
– un Envoy avec suivi et connection à distance : 4.500 euros
– une réfection de toiture (40 m²) : 5.400 euros
délais : installation photovoltaïque et autre équipement au plus tard, dans les trois mois à compter de la réception de l’avis de conformité.
total ht 29.000 euros
total ttc 34.800 euros
TVA 20% 5.800 euros
Conditions de règlement
financement 34.800 euros / 1ère échéance 6 mois / Nombre de mensualités 180 / taux nominal : 4,66% / TAEG 4,96 % / montant de la mensualité : 321,01 euros / établissement Projexio.’
La société Cofidis prétend que la marque Enphase désigne l’ensemble de l’installation, panneaux et onduleurs, en soutenant ‘il est ‘évident que les panneaux, l’onduleur et les accessoires sont de même marque’. Cette affirmation, qui reste purement péremptoire à défaut de production de la facture de la société Andrea Energy, est contredite par M. [P] qui rappelle qu’Enphase est une marque de micro-onduleurs et non de panneaux.
Il ressort en tout cas des éléments précités qu’outre la marque, les références des panneaux photovoltaïques ne sont pas mentionnées, ce qui ne permet aucunement au consommateur de connaître les caractéristiques exactes et spécifiques des biens et de pouvoir effectuer des comparaisons, alors que le contrat de vente concerne principalement la pose de panneaux photovoltaïques. Il n’est pas non plus précisé les caractéristiques des coffrets de protection, disjoncteur et coffret parafoudre, aucune marque ou modèle n’étant noté, ce qui ne permettait pas à M. [P] de connaître les caractéristiques essentielles des biens acquis.
Aucune précision n’est fournie sur le système de commande à distance Envoy, d’un coût pourtant non négligeable, tout comme pour les prestations de réfection de la toiture qui restent totalement indéfinies.
En outre, si le détail des prix unitaires n’est pas exigé par la loi, l’indication d’un prix unique global participe au défaut d’information du client qui, à défaut de connaissance du coût des équipements, n’est pas mis en mesure de comparer le bon de commande avec des offres concurrentes.
Le délai de livraison figurant sur le bon de commande mentionne : ‘installation photovoltaïque et autre équipement au plus tard dans les trois mois à compter de la réception de l’avis de conformité’. Cette mention est imprécise en ce qu’elle ne prévoit pas de délai de réalisation des prestations à caractère administratif préalables à la pose des modules et, en cela, ne correspond pas aux exigences prévues par le code de la consommation.
Le bon de commande ne mentionne pas davantage la possibilité de recourir au médiateur de la consommation, alors que cela constitue une obligation au regard du texte précité. Sur ce point, la défense de la société Cofidis, qui renvoie aux clauses du contrat de crédit, est totalement inopérante.
Il ressort de ce qui précède que M. [P] ne pouvait connaître, avec précision et exactitude, les caractéristiques des produits achetés et vérifier la bonne exécution des prestations à la charge du vendeur. Les irrégularités sont multiples et substantielles.
Ces carences sont sanctionnées par la nullité du contrat de vente, conclu entre M. [P] et par la société Andrea Energy.
S’agissant d’une nullité relative, il convient de rechercher si M. [P] a entendu passer outre et exécuter le contrat en connaissance de cause, ce qui suppose qu’il ait eu connaissance de ses droits de consommateur .
La signature du bon de commande, indiquant que M. [P] a pris connaissance des articles L 221-1 et suivants du code de la consommation applicables aux contrats conclus à distance et hors établissement et a reçu un exemplaire de l’offre ne peut suffire à justifier qu’il avait connaissance de la violation des dispositions protectrices du code de la consommation, alors même qu’elles ne sont pas reproduites au verso du bon de commande. De plus, les conditions générales de vente sont imprimées dans une police de caractères minuscules, rendant leur lecture difficile.
Le bordereau de rétractation mentionne que la rétractation doit être exercée, au plus tard, au 14ème jour de la commande. Or, ce délai ne peut courir qu’à compter de la livraison du bien au regard des dispositions de l’article L.221-18 du code de la consommation.
En effet, contrairement à l’interprétation erronée soutenue par Cofidis, si le consommateur a la possibilité de se rétracter dès la conclusion du contrat conclu hors établissement, le délai de 14 jours ne court pas à compter de celle-ci mais de la réception du bien.
L’indication d’un délai erroné est à la fois sanctionné par la nullité du contrat et par la prolongation du délai de rétractation pour une durée de 12 mois après l’expiration du délai initial de 14 jours à compter de la livraison du bien. A tout le moins, cette mention erronée a induit en erreur M. [P] quant à ses droits et à la possibilité de se rétracter puisqu’il a pu légitimement se croire tenu d’accepter la poursuite du contrat passé le 14ème jour après la commande.
Dans ces conditions et dans la mesure où la prestation à la charge du vendeur n’est pas suffisamment décrite pour que le consommateur contractant puisse vérifier sa bonne exécution, l’exécution du contrat par M. [P] ne vaut pas renonciation de sa part à se prévaloir de la nullité du contrat, dès lors qu’il n’a pu prendre conscience des atteintes faites à ses droits de consommateur qu’après l’installation de l’équipement litigieux.
Par conséquent, le jugement est confirmé en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat de vente, étant par ailleurs observé que le contrat encourait également la résolution, sollicitée à titre subsidiaire par M. [P], à défaut d’exécution de la prestation de raccordement au réseau électrique mise contractuellement à la charge de la société Andrea Energy.
Sur la nullité du contrat de crédit
En application de l’article L.312-55 du code de la consommation, l’annulation du contrat de vente entraîne celle du contrat de crédit en vue duquel il a été conclu.
Il ne fait pas débat que le prêt souscrit par M. [P] auprès de la société Cofidis est un crédit affecté exclusivement au financement du contrat annulé conclu avec la société Andrea Energy. Le jugement est confirmé en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat de prêt.
Sur les conséquences de la nullité du contrat de crédit
Compte tenu de l’indivisibilité des contrats, la société Cofidis a commis une faute en omettant de s’assurer de la régularité du contrat de vente, notamment au regard de la législation relative au démarchage à domicile, cette faute étant de nature à le priver de son droit à restitution du capital prêté.
En l’espèce, le contrat principal est nul à raison des nombreuses irrégularités qui l’affectent au regard des dispositions de protection du consommateur, notamment dans le cadre du démarchage à domicile qui l’expose à s’engager selon un discours du démarcheur non retranscrit dans le bon de commande quant aux obligations contractuelles du vendeur
En premier lieu, le contrat est affecté de nullité à raison de son imprécision manifeste dans la désignation du matériel vendu. Il incombait à l’organisme prêteur de relever cette anomalie qui engageait l’emprunteur dans une opération de crédit pour le paiement d’une prestation insuffisamment définie. Comme il a été dit, le bon de commande ne permet aucunement de connaître les caractéristiques du matériel commandé et cela ne peut avoir échappé à la société Cofidis, société proposant ce type de financement de manière habituelle.
En second lieu, le délai de livraison imprécis, le formulaire de rétractation non conforme et les mentions erronées ou ambigües contenues dans les conditions générales sont significatifs du peu de sérieux et de fiabilité de l’entreprise à laquelle la société Cofidis a cru bon de donner son agrément en lui confiant ses formulaires de demandes de crédit. L’appui ainsi donné par le prêteur à cette entreprise a conduit M. [P] à s’engager dans une opération financièrement désastreuse en l’absence de raccordement de l’équipement et, par suite, de la production d’électricité attendue.
La société Cofidis a donc commis une faute en consentant un crédit au vu d’un bon de commande affecté d’irrégularités manifestes qui auraient dû l’alerter sur les insuffisances du vendeur.
En outre, ainsi que l’a rappelé le premier juge, les obligations de l’emprunteur ne prennent effet qu’à compter de l’exécution de la prestation de services, qui doit être complète, et le prêteur qui délivre les fonds au vendeur sans s’assurer que celui-ci a exécuté son obligation commet une faute.
On ne saurait certes imposer au prêteur de vérifier la bonne exécution de la prestation en tous ses éléments matériels, mais il lui appartient, avant de débloquer les fonds, de s’assurer que le contrat a été entièrement exécuté pour justifier le paiement du vendeur.
Une attestation de fin de travaux, contenant l’ordre de paiement donné par l’emprunteur, ne peut légitimer le déblocage des fonds si le prêteur a connaissance de l’inachèvement de la prestation contractuelle, contrepartie du prix convenu.
En l’espèce, outre que les obligations ‘administratives’ de la société Andrea Energy n’ont pas été satisfaites, il est établi que l’installation n’a pas été raccordée au réseau électrique public par :
– des attestations de M. [D] (société Lumensol) en dates des 25 mai 2018 et 13 mai 2019,
– un courrier de M. [P] adressé le 17 février 2018 à la société Andrea Energy,
– un courriel d’Enedis du 18 février 2022 confirmant l’absence de production électrique,
– et un constat d’huissier de justice dressé le 25 février 2022.
Or, il se déduit des indications laconiques du bon de commande que la prestation de la société Andrea Energy devait comprendre le raccordement de l’onduleur au compteur de production et l’obtention du contrat de rachat de l’électricité (auprès d’EDF).
La société Cofidis soutient vainement, par une lecture tronquée de l’article 3 des conditions générales du contrat, que le matériel commandé était destiné à l’autoconsommation et n’avait donc pas à être raccordé au réseau électrique :
Il est en réalité précisé, de manière pour le moins ambigüe, que le kit photovoltaïque vendu fonctionne en injection directe et ne sera pas raccordé au réseau, mais que le client est informé de ce qu’il faudra, pour vendre en tout ou partie l’énergie produite, conclure un contrat aux fins de raccordement avec ERDF et un contrat de vente de production avec EDF. En d’autres termes, l’équipement vendu est bien susceptible de produire de l’électricité revendue à EDF après raccordement au réseau ERDF (Enedis).
S’il était besoin, on peut ajouter qu’aucune mention du contrat ne prévoit une autoconsommation et que les matériels désignés ne sont pas complétés par des équipements à cet effet.
Il est à noter que cet article 3 des conditions générales est libellé dans des termes dépourvus de sérieux et factuellement discutables puisqu’on fait reconnaître par le client qu’il connaît parfaitement les termes des contrats à souscrire pour en avoir pris connaissance sur les sites internets d’EDF et de l’ADEME et s’être informé des coûts à sa charge. Tout cela dans le temps de la visite du démarcheur de la société Andrea Energy…
La société Cofidis n’ignorait pas que la livraison et la pose de l’installation photovoltaïque ne constituaient que l’exécution partielle du contrat et qu’en conséquence, en l’absence de spécification contractuelle du paiement d’un acompte à ce stade d’exécution, le client n’était pas tenu de payer le prix correspondant à l’exécution complète du contrat.
Sans doute consciente de cette anomalie récurrente mais pressée de débloquer les fonds pour engager le contrat de crédit, la société Cofidis a fait établir un modèle d’attestation de fin de travaux faisant constater par l’emprunteur que ‘les démarches de raccordement au réseau ont bien été engagées’. Une telle mention, qui fait attester par le client de démarches qu’il n’a pas constatées puisqu’elles relèvent du vendeur, ne saurait suffire à justifier le déblocage de la totalité des fonds, faute d’exécution de la totalité de la prestation contractuelle à la charge de la société Andrea Energy.
La société Cofidis, en débloquant la totalité de fonds dans ces conditions, a commis une faute qui a occasionné un préjudice certain à M. [P] puisqu’elle l’a privé de la possibilité de bloquer le paiement jusqu’à l’achèvement des obligations de l’entrepreneur.
En définitive, M. [P] subit un préjudice équivalent au montant du capital emprunté, dépourvu de contrepartie puisque M. [P] n’est plus propriétaire de l’équipement par l’effet de l’annulation du contrat de vente. Ce préjudice sera réparé par la privation du prêteur du droit à restitution de ce capital.
Le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté la société Cofidis de sa demande en paiement du capital de 34.800 euros et l’a condamnée à rembourser les sommes versées au titre du prêt.
Sur les autres demandes
M. [P] n’est pas recevable à demander la condamnation de la Selarl [U], en qualité de mandataire ad’hoc, à prendre en charge le coût des travaux de dépose de l’installation photovoltaïque et de remise en état des existants, la mission du mandataire ad’hoc étant limitée à la représentation en justice de la personne morale liquidée.
La même demande dirigée contre la société Cofidis est infondée, dès lors que ce préjudice est consécutif à l’annulation du contrat de vente et non à celle du contrat de crédit.
La société Cofidis, partie perdante en principal, supporte les dépens de première instance et d’appel, conserve la charge des frais irrépétibles qu’elle a exposés et doit indemniser M. [P] de ses propres frais à hauteur de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de l’indemnité allouée par le premier juge.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement prononcé le 16 décembre 2019 par le tribunal d’instance de Lyon ;
Y ajoutant,
Condamne la SA Cofidis aux dépens d’appel ;
Condamne la SA Cofidis à payer à [G] [P] la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT