Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 30 MARS 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 20/03232 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OUWP
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 28 mai 2020 du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Montpellier
N° RG 1119001585
APPELANTE :
S.A. Franfinance
Représentée par ses dirigeants légaux en exercice domiciliés es qualité audit siège social
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentée par Me Arnaud DUBOIS substituant Me Sandy RAMAHANDRIARIVELO de la SCP RAMAHANDRIARIVELO – DUBOIS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
INTIMES :
Monsieur [I] [G]
né le 03 Mars 1972 à LATRONCHE
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Marie CHAREAU substituant Me Karine LEBOUCHER de la SELARL LEBOUCHER AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
SELARL Etude Balincourt
représentée par Maître [L] [W] es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS HOUSING (siège social – [Adresse 2]
[Adresse 6]
[Localité 3]
assignée par acte remis à personne habilitée le 17 septembre 2020
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 FEVRIER 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M.Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère
Madame Marianne FEBVRE, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT
ARRET :
– réputé contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
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FAITS ET PROCEDURE
Le 15 janvier 2016, M. [I] [G] a passé commande auprès de la SAS Housing de travaux à son domicile pour le financement desquels il a souscrit un contrat de prêt avec la société Franfinance pour un montant de 13.500€.
Le 22 février 2016, sur présentation d’une attestation de livraison, le prêteur a débloqué les fonds entre les mains de la société Housing.
Par des actes en date du 20 et 24 juin 2019, M. [G] a saisi le tribunal de grande instance de Montpellier afin d’obtenir la nulllité des contrats qu’il a conclus avec les sociétés Housing et Franfinance.
Par un jugement du 20 septembre 2019, le tribunal de commerce de Montpellier a prononcé la liquidation judiciaire de la société Housing, désignant la Selarl Etude Balincourt en qualité de liquidateur judiciaire.
Par jugement du 28 mai 2020, le tribunal judiciaire de Montpellier a :
– ordonné la nullité du contrat de vente conclu le 15 janvier 2016 entre M. [G] et la société Housing, prise en la personne de la Selarl Etude Balincourt représentée par Maître [L] [W] es qualité de liquidateur judiciaire ;
– ordonné la nullité consécutive du contrat de prêt ;
– condamné la société Franfinance à rembourser à M. [G] l’ensemble des sommes versées par elle au titre du prêt pour un montant de 13.500 € ;
– privé la société Franfinance de tout droit à remboursement contre M. [G] au titre du capital, des frais et accessoires du prêt ;
– dit que la société Franfinance devra agir contre la société Housing, prise en la personne de la Selarl Etude Balincourt représentée par Maître [L] [W] es qualité de liquidateur judiciaire ;
– rejeté la demande de fixation au passif de la société Housing prise en la personne de la Selarl Etude Balincourt représentée par Maître [L] [W] es qualité de liquidateur judiciaire, d’une somme correspondant au coût du contrat ;
– rejeté la demande de prise en charge des travaux de remise en état par la société Franfinance et par la société Housing prise en la personne de la Selarl Etude Balincourt représentée par Maître [L] [W] es qualité de liquidateur judiciaire ;
– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
– condamné solidairement la société Housing prise en la personne de la Selarl Etude Balincourt représentée par Maître [L] [W] es qualité de liquidateur judiciaire et la société Franfinance à payer à M. [G] la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné solidairment la société Housing prise en la personne de la Selarl Etude Balincourt représentée par Maître [L] [W] es qualité de liquidateur judiciaire et la société Franfinance aux entiers dépens ;
– ordonné l’exécution provisoire.
La société Franfinance a relevé appel de ce jugement par une déclaration en date du 31 juillet 2020.
PRETENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions remises par voie électronique le 13 janvier 2023, la société Franfinance demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147, 1315 et 1321 du code civil, de l’article 9 du code de procédure civile, ainsi que des articles L.312-48 et L.311-35 du code de la consommation, d’infirmer le jugement, et, statuant à nouveau, de :
à titre principal,
– Débouter M. [G] de l’intégralité de ses moyens et demandes tels que dirigés contre la société Franfinance ;
– Condamner M. [G] à verser, au titre des remises en état et restitution du capital mis à disposition, la somme de 13.500 € avec déduction des échéances déjà versées ;
à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour priverait la société Franfinance de son droit à restitution envers l’emprunteur,
– Fixer au passif de la société Housing la créance de restitution de la société Franfinance pour la somme de 13.500 € qu’elle a reçu directement du prêteur ;
en tout état de cause,
– Condamner M. [G] à payer à la société Franfinance la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par dernières conclusions remises par voie électronique le 27 décembre 2022, M. [I] [G] demande à la cour, au visa des article L.121-21, L.311-20 et R.121-3 et suivants du code de la consommation dans leurs rédactions antérieures au 1er juillet 2016 ainsi que des articles 1134 et 1184 du code civil dans leurs rédactions antérieures au 1er octobre 2016, de confirmer le jugement, et :
à titre subsidiaire,
– Condamner la société Franfinance à restituer toutes sommes d’ores et déjà versées par M. [G] au titre de l’emprunt souscrit ;
– Priver la société Franfinance de fait de tout droit à remboursement contre M. [G] s’agissant du capital, des frais et accessoires versés entre les mains de la société Housing en raison de la faute commise par l’organisme de crédit ;
– Condamner solidairement Maître [W], es qualité de liquidateur judiciaire de la société Housing et la société Franfinance à prendre en charge le coût des travaux de remise en état ;
à titre très subsidiaire, dans le cas où la faute du prêteur n’était pas retenue,
– Fixer la créance de M. [G] au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Housing à hauteur de la somme de 13.500 € correspondant au montant du bon de commande ;
– Priver la société Franfinance de son droit aux intérêts ;
en tout état de cause,
– Condamner solidairement Maître [W], es qualité de liquidateur judiciaire de la société Housing et de la société Franfinance à payer à M. [G] la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;
– Dire que sur le fondement de l’article R.631-4 du code de la consommation, à défaut de réglement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu’en cas d’exécution par voie extrajudiciaire les sommes retenues par l’huissier instrumentaire, en application des dispositions de l’article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la partie succombante, en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Débouter Maître [W], es qualité de liquidateur judiciaire de la société Housing et la société Franfinance de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
La déclaration d’appel a été signifiée à la SELARL Etude Balincourt, liquidateur judiciaire de la société Housing, par acte d’huissier en date du 17 septembre 2020 délivré à personne habilitée.
Les conclusions initiales de la société Franfinance lui ont ensuite été signifiées par acte d’huissier du 03 novembre 2020 et les conclusions initiales de M. [G] par acte d’huissier du 26 janvier 2021.
Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
Vu l’ordonnance de clôture en date 16 janvier 2023.
MOTIFS
Sur la nullité du contrat principal
M. [G] fait valoir que le bon de commande ne comprend pas les mentions obligatoires prévues par le code de la consommation, comme les caractéristiques essentielles des biens livrés, la date de l’exécution de la prestation ou le point de départ du délai de rétractation. Par conséquent, le contrat principal est nul.
Il soutient également que le formulaire type de rétractation compris dans le contrat principal n’est pas conforme, la référence au code de la consommation étant incorrecte et le point de départ du délai de rétractation étant erroné.
La société Franfinance fait valoir qu’elle n’a été sollicité que pour financer des travaux d’isolation des combles et que le bon de commande qui lui a été transmis ne faisait pas mention d’autres prestations. Ainsi, le contrat entre l’emprunteur et le prestataire portant sur d’autres prestations serait une contre-lettre inopposable au prêteur.
La cour constate que M. [G] produit un bon de commande original portant mention du remplacement de l’onduleur et du boîtier DC existant par 6 micro onduleurs de marque APS, offert, et prévoyant un délai de livraison de 1 mois, toutes mentions absentes de l’exemplaire en copie produit aux débats par la société Franfinance qui en déduit l’existence d’une contre lettre qui ne lui est pas opposable.
L’explication s’en trouve dans les échanges de courriels entre M. [G] et M. [R], le démarcheur de la société Housing, qui relatent des discussions relatives aux prestations du contrat.
En tout état de cause, dans les relations avec la société Franfinance, ces différences sont inopérantes puisque l’appréciation de la faute du prêteur doit être réalisée sur le vu du bon de commande qui lui a été transmis et qu’elle produit, son financement étant destiné au seul paiement de l’isolation des combles puisque la pose d’un ballon Thermor existant était offerte par le prestataire.
L’étude du bon de commande original opposable à la liquidation judiciaire de la société Housing révèle :
– le prix de 12796,21 HT, soit 13500€ TTC ne finance que l’isolation des combles, les micro-onduleurs et la pose d’un ballon existant étant offerts ; il importe peu que ne soit pas précisé le coût unitaire et celui de la pose, la Cour de cassation fixant sa jurisprudence sur la suffisance d’un prix global (1re Civ., 11 janvier 2023, pourvoi n° 21-14.032) ; le prix ne finançant que cette prestation d’isolation des combles, tous les arguments de M. [G] opposés à la société Franfinance ayant trait aux prestations offertes sont inopérants ;
– est décrite une isolation des combles par pulvérisation de ouate de céllulose, la mise en place de rouleaux de laine de verre (la mention de l’épaisseur moyenne en cm coefficient R supérieur à 6 n’étant pas complétée) une surface à isoler de 95m² en thermo-reflecteur. Les caractéristiques essentielles sont données, les divers types d’isolation pouvant être cumulés ;
– il est mentionné un délai maximal d’installation de un mois qui ne répond pas aux prescriptions de l’article L111-1 du code de la consommation en ce qu’il ne précise pas le point de départ de ce délai dont on ignore s’il court à compter de la date du bon de commande ou de la date d’expiration du délai de rétractation ;
– il est mentionné au formulaire de rétractation l’article L.121 6 21 et suivants du code de la consommation, référence erronée.
S’agissant d’un contrat portant sur l’exécution d’une prestation de service portant sur l’isolation des combles, il est mentionné que le formulaire est à expédier au plus tard le 15ème jour à partir de la commande, une telle mention n’apparaissant pas erronée au visa des dispositions de l’article L. 121-21 alinéa 2 1°.
Dès lors qu’il existe au moins une cause de nullité du bon de commande, la décision du premier juge doit être confirmée en ce qu’elle a prononcé la nullité du bon de commande du 15 janvier 2016.
S’agissant du bon de commande transmis à Franfinance, dans la version qui lui est opposable, la cause de nullité est encore plus flagrante puisqu’aucun délai d’installation maximal n’est indiqué, de telle sorte que la nullité du contrat principal lui est pleinement opposable et que par application des dispositions de l’article L. 311-32 du code de la consommation dans sa version applicable, le contrat de crédit affecté est annulé de plein droit.
sur l’existence d’un faute commise par le prêteur lors du déblocage des fonds,
La société Franfinance expose qu’elle n’a pas commis de faute justifiant l’engagement de sa responsabilité, puisqu’elle n’était pas soumise à un devoir de contrôle du contrat principal.
Elle soutient que le déblocage des fonds avant l’expiration d’un délai de 15 jours à compter de la fourniture de prestation n’est pas constitutif d’une faute, puisque l’emprunteur a expréssement demandé la fourniture immédiate des biens objet du contrat principal lors de sa demande de financement auprès du prêteur.
La société Franfinance soutient que la sanction prétorienne consistant à priver le prêteur fautif de son droit à restitution ne peut lui être appliquée, puisque le prestataire a fourni toutes les prestations financées et que par conséquent l’emprunteur n’a pas subi de préjudice.
M. [G] réplique qu’en matière de crédit affecté, la libération des fonds par le prêteur doit se faire après l’achêvement total des travaux, et qu’à défaut, la sanction jurisprudentielle est la privation du remboursement du capital. Le prêteur ayant libéré les fonds alors que la prestation n’était pas achevée et le que le délai de rétractation n’était pas expiré, ce dernier a commis une faute entrainant sa privation de son droit à restitution.
M. [G] soutient que le déblocage des fonds par le prêteur au prestataire sur présentation d’une attestation de fin de travaux constitue également une faute, puisque le document serait falsifié et ne correspondrait pas avec le bon de commande objet du financement.
M. [G] fait également valoir que le prestataire représentait le prêteur lors de ses démarchages, et que par conséquent ce dernier aurait eu nécessairement connaissance des vices du bon de commande. En débloquant les fonds malgré les irrégularités, le prêteur aurait commis une faute.
C’est à ce dernier égard que la faute de la société Franfinance est particulièrement caractérisée : professionnel du crédit, rompu aux financements de prestations de service suite à des démarchages à domicile réalisés par des sociétés souvent indélicates qui sont mises en liquidation dès qu’il existe un nombre de contentieux inabsorbable, la société Franfinance a un devoir de contrôle de la régularité formelle du bon de commande qu’elle persiste à contester malgré la jurisprudence constante en ce sens.
En l’espèce, l’absence de tout délai sur le bon de commande en sa possession suivi malgré ce du déblocage des fonds entre les mains de la société Housing démontre l’absence de tout contrôle de la part de la société Franfinance sur la régularité formelle du bon de commande alors que cette obligation lui est imposée de longue date.
S’agissant du lien de causalité entre la faute et le préjudice de M. [G], celui-ci est désormais en possession d’une isolation thermique inefficace telle qu’il l’a fait constater par un architecte le 23 juin 2017, lequel relève que l’isolant mince déposé sur le sol ne joue aucun rôle d’isolation car il ne dispose pas des lames d’air de 2cm conformément au descriptif contractuel.
Le déblocage des fonds sans s’assurer de la conformité du bon de commande aux dispositions d’ordre public applicables en matière de démarcharge à domicile dans le contexte ci dessus évoqué est à l’origine de la perte pour M. [G] de l’exception d’inexécution qui lui permettait de différer le paiement jusqu’à complète et loyale exécution de la prestation. M. [G] entendait fermement exercer cette exception ainsi qu’il résulte des échanges de courriels avant d’être confronté à la déagrable surprise du déblocage des fonds sur le vu d’une attestation manifestement falsifiée. Il est également aujourd’hui privé de sa créance de restitution à l’encontre de la société Housing en l’état de la liquidation judiciaire de celle-ci. La sanction de la faute du prêteur en lien de causalité avec le préjudice subi par M. [G] a été en conséquence justement appréciée par le premier juge comme étant la privation de la créance de restitution du capital prêté.
Le jugement sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions, la cour n’étant pas saisie d’une demande d’infirmation du chef de dispositif qui rejette la demande de condamnation solidaire de la société Franfinance et du liquidateur judiciaire ès-qualités à prendre en charge le coût des travaux de remise en état.
Il y sera simplement ajouté sur la demande de la société Franfinance, la fixation au passif de la société Housing de la créance de restitution de la somme de 13500€, sous réserve des règles propres aux déclarations de créances.
Partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, la société Franfinance supportera les dépens d’appel, étant observé que les droits d’encaissement ou de recouvrement prévus à l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution seront mis à la charge de la société Franfinance par application des dispositions de l’article R. 631-4 du code de la consommation pour des raisons d’équité et tirées de la situation économique de la société Franfinance.
PAR CES MOTIFS
statuant par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition
Confirme le jugement en toutes ses dispositions
Y ajoutant
Fixe la créance de restitution de la société Franfinance au passif de la société Housing à hauteur de 13500€, sous réserve des règles relatives aux déclarations de créance.
Condamne la société Franfinance aux dépens d’appel ainsi qu’aux droits proportionnels de recouvrement et d’encaissement de l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution.
Condamne la société Franfinance à payer à M. [I] [G] la somme de 3000€ en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT