Nullité de contrat : 30 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/10116

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Nullité de contrat : 30 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/10116

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 30 MARS 2023

N° 2023/277

Rôle N° RG 22/10116 N° Portalis DBVB-V-B7G-BJXZQ

Jonction avec

Rôle N° RG 22/11030 N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ26N

[X] [B]

[M] [S], [K] [B]

[D] [J] [Z] veuve [B]

C/

[L] [B]

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Ronny KTORZA

Me Maud DAVAL-GUEDJ

Me Lise THRUPHEME

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l’exécution de Draguignan en date du 01 Juillet 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 21/06492 .

APPELANT

Monsieur [X] [B]

né le [Date naissance 5] 1967 à [Localité 9]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

Intimé dans le RG 22/11030

représenté et plaidant par Me Ronny KTORZA, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [M] [S], [K] [B]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 9],

demeurant [Adresse 8]

Intimé dans le RG 22/10116

Madame [D] [J] [Z] veuve [B]

née le [Date naissance 6] 1935 à [Localité 14],

demeurant [Adresse 4]

Intimée dans le RG 22/10116

Tous deux représentés par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE,

assistés de Me Cécilia CABRI, avocat au barreau de TOULON et Me Sandy Christ BHAGANOOA, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Monsieur [L] [B],

demeurant [Adresse 12]

assigné à jour fixe par transmission le 17/08/22 d’un acte aux autorités allemandes pour notification

défaillant

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 542 097 902,

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

assignée le 11 août 2022 à un tiers

assignée à jour fixe le 17/10/22 à personne habilitée

représentée par Me Lise TRUPHEME de l’AARPI CTC AVOCATS, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE, substituée par Me Violaine CREZE, avocat au barreau de MARSEILLE

assistée de Me Clément DEAN de la SELARL PUGET LEOPOLD COUTURIER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSTION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Février 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale POCHIC, Conseiller, et Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller.

Madame Pascale POCHIC, Conseiller, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président (rédactrice)

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2023.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2023,

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure et prétentions des parties :

La société BNP Paribas poursuit la vente sur saisie immobilière de biens immobiliers situés sur la commune de [Localité 10] à l’encontre des consorts [B] selon commandements de payer délivrés les 21, 23, 24 et 25 juin 2021, publiés le 13 août 2021 pour obtenir paiement d’une somme de 367 356.32 €, se prévalant également de l’autorité de chose jugée d’un précédent jugement d’orientation rendu le 13 février 2020 par le juge de l’exécution de Toulon.

La BNP Paribas tire ses droits à l’origine d’un contrat de crédit souscrit le1er juillet 2011 par les consorts [B] en l’étude de maitre [R], notaire à [Localité 11], pour un montant de 350 000 €, à la suite d’un prêt souscrit le 7janvier 2011 avec affectation hypothécaire.

Le juge de l’exécution de Draguignan par une décision du 1er juillet 2022 (RG21-6492) a :

– rejeté une demande de sursis à statuer,

– déclaré les consorts [B] irrecevables en leurs contestations et demandes,

– validé la procédure de saisie immobilière,

– constaté une créance de 347 031.79 euros selon décompte arrêté au 30 mars 2021 sauf intérêts au taux contractuel postérieurs jusqu’à parfait paiement,

– rejeté l’autorisation de vente amiable,

– ordonné la vente forcée des biens,

– taxé les frais à la somme de 5 982.81 euros TTC,

– statué sur la visite des lieux et les publicités,

– condamné madame [D] [B] et monsieur [M] [B] à payer à la société BNP Paribas la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Il retenait qu’une précédente saisie avait été diligentée sur la base du même titre exécutoire, sur un bien situé à [Localité 13], ayant fait l’objet d’un jugement d’orientation le 13 février 2020 puis un jugement de caducité le 28 janvier 2021. Mais que le jugement d’orientation conservait l’autorité de chose jugée. Il écartait la vente amiable alors que l’un des défendeurs, monsieur [L] [B] n’avait pas exprimé son accord à cette vente, étant défaillant à la procédure et alors qu’aucune démarche concrète des consorts [B] n’était démontrée en ce sens.

Monsieur [X] [B] a fait appel de cette décision le 13 juillet 2022. Il a été autorisé à assigner à jour fixe par ordonnance du 22 juillet 2022 (RG 22-10116).

Monsieur [M] [B] et sa mère, madame [D] [Z] veuve [B] ont fait appel de la même décision le 29 juillet 2022. Ils ont été autorisés à assigner à jour fixe par ordonnance du 4 août 2022 (RG 22-11030).

Monsieur [L] [B] qui réside en Allemage a été assigné le 17 août 2022, par acte expédié à l’Etat requis par la SCP Pappola-Souhami, huissiers de justice à Aix en Provence. Il est justifié des diligences de ce dernier qui à la date du 21 septembre 2022 indique que l’assignation a été remise au destinataire conformément à la législation de l’Etat membre d’accueil, sans toutefois, qu’il ne soit précisé si l’acte d’assignation a été remis à personne.

En application de l’article 922 du code de procédure civile, les assignations délivrées ont été déposées au greffe de la cour.

Les deux procédures ont été appelées à l’audience du 15 février 2023.

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions en date du 14 février 2023, auxquelles il est ici renvoyé, monsieur [X] [B], demande à la cour de :

– infirmer le jugement,

Par voie de réformation,

– ordonner la prescription de l’action de la société BNP Paribas Personal Finance,

– annuler la procédure de saisie immobilière,

– annuler le commandement de payer du 20 mai 2021,

– désigner un expert judiciaire qui vérifiera l’assiette du TEG et l’exactitude du TEG mentionné dans l’offre de crédit et indiquera le montant des sommes indûment perçues,

– dire que la BNP ne dispose pas d’une créance certaine, liquide et exigible,

– annuler les commandement de payer du 21 juin et 11 juillet 2017,

– condamner la BNP Paribas Personal Finance à payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Constitué dans le dossier RG 22- 11030, il expose dans des conclusions prises dans la procédure où il est appelant, qu’ils avaient souscrit avec sa famille, sa mère et ses frères, sous la forme notariée, un prêt bancaire pour l’acquisition d’un bien immobilier à [Localité 10], dont ils n’ont pu assurer le remboursement régulier. Après avoir invoqué une déchéance du terme à la date du 9 février 2016, la banque a trompé le juge de l’exécution de Toulon en affirmant ensuite que la déchéance du terme datait du 23 octobre 2013. Mais jamais, au mépris des clauses contractuelles, les consorts [B] n’ont été destinataires au sens strict, d’une mise en demeure de payer permettant d’affirmer que la déchéance du terme serait acquise. N’ignorant pas son erreur procédurale, la banque n’avait donc pas poursuivi la vente du bien et laissé devenir caduque la première procédure de saisie immobilière. Le juge de Toulon n’avait pas statué sur la prescription de l’action de la banque, au regard de l’article L218-2 du code de la consommation et on ne peut donc leur opposer la chose jugée à ce titre. Or, les fins de non recevoir peuvent être opposées en tout état de cause et même en appel. A défaut de déchéance

du terme, le jugement déféré doit être infirmé, et la créance annulée, de même que le commandement de payer. De plus, la banque n’ayant pas décaissé la totalité de la somme empruntée, mais seulement 336 519.96 €, cela a une incidence sur le calcul du TEG, alors au demeurant que les honoraires du notaire n’ont pas été inclus dans le calcul. Ils ne disposent pas de la technicité suffisante en matière de TEG pour apporter eux mêmes la preuve de l’inexactitude du taux indiqué, ce que permettra la mesure d’instruction.

Monsieur [M] [B] et madame [D] [Z] veuve [B], exposent leurs prétentions dans des conclusions du 6 février 2023 auxquelles il est renvoyé et demandent à la cour de :

– infirmer le jugement,

Statuant à nouveau,

In limine litis,

– juger que la procédure de saisie immobilière est nulle,

– surseoir à statuer dans l’attente du jugement qui sera rendu par le tribunal judiciaire de Paris sur les demandes indemnitaires qu’ils ont présentées au titre de clauses abusives et de l’exécution fautive du contrat,

A titre principal,

– rejeter les demandes de la BNP tendant à les juger irrecevables en leurs demandes et prétentions,

– juger que le contrat de crédit souscrit doit être déclaré nul et de nul effet,

– condamner la BNP Paribas Personal Finance à leur payer à chacun 90 000 €, soit 180 000 euros de dommages et intérêts résultant de la nullité du contrat,

A titre subsidiaire,

– prononcer la résolution du contrat bancaire du 7 janvier 2011,

– dire que la résolution du contrat a pour conséquence de rendre nul et a fortiori caduc le commandement de payer valant saisie immobilière et la procédure de saisie immobilière,

– condamner la BNP Paribas Personal Finance à leur payer à chacun 90 000 €, soit 180 000 euros de dommages et intérêts résultant de la résolution du contrat,

A titre infiniment subsidiaire,

– leur accorder un délai de 4 mois pour procéder à la vente amiable de la maison,

En tout état de cause,

– Juger que le tribunal de Paris, déjà saisi, est compétent pour trancher les demandes indemnitaires pour clauses abusives et exécution fautive du contrat de prêt ce selon ordonnance du juge de la mise en état du 30 septembre 2022, passée en force de chose jugée,

– condamner la BNP Paribas Personal Finance à leur verser la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et à supporter les entiers dépens de l’instance.

Le prêt souscrit devait permettre la construction d’une maison, et la banque ne libérait les fonds qu’au fur et à mesure de l’obtention de factures. Elle n’a pas débloqué l’intégralité des sommes exigeant pourtant de ses clients emprunteurs au minimum tous les mois un versement de 900€. Ils n’ont pu verser après 24 mois, une somme de 180 000 euros et la banque a donc exigé le remboursement total. Ils estiment le contrat nul et ont saisi le tribunal de Paris en août 2021. Le juge de la mise en état de Paris, le 30 septembre 2022, sur les contestations de l’établissement bancaire s’est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes en nullité et résolution du contrat de prêt du 1er juillet 2011 au profit du juge de l’exécution de Draguignan, mais a retenu une partie du dossier pour les demandes indemnitaires au titre des clauses abusives et de l’exécution fautive du contrat. Sur le fondement des articles R311-10 et 321-3 du code des procédures civiles d’exécution, ainsi que L213-6 du code de l’organisation judiciaire, la banque a entrepris une saisie immobilière sur la base de l’acte notarié de 2011 et brandit désormais en cours de procédure, le jugement de Toulon du 13 février 2020, ce titre n’a pas été visé dans le commandement de payer en saisie immobilière, or pourtant, le montant de la créance est différent. C’est cet autre titre exécutoire qui devait être visé, car cela leur fait grief, ils ne pouvaient connaître le détail de la dette.

Il y a lieu à sursis à exécution alors que la Cour de cassation a jugé que l’action en nullité d’un contrat et de responsabilité de la banque échappe à la compétence du juge de l’exécution.

Le juge de l’exécution de Toulon avait par une décision du 13 février 2020 fixé la créance de la banque à 315 692.30 euros et la banque non satisfaite de cette décision n’a pas requis la vente forcée. Ce jugement n’a pas été signifié. Une nouvelle saisie a été engagée sur un autre bien. En passant sous silence le précédent jugement, rendu pour des faits identiques, une cause identique entre les mêmes parties, la banque a implicitement renoncé à se prévaloir de l’autorité de chose jugée, ce qui les rend recevables à contester la validité du prêt souscrit en 2011 en raison de la compétence à ce titre du juge de l’exécution par application de l’article L213-6 du COJ. Le contrat était déséquilibré quant aux obligations de versements des sommes soit par la banque, soit par l’emprunteur, il s’agissait d’un contrat d’adhésion et sur la sanction de certaines défaillances de ce dernier, les frais laissés à sa charge, en vidant le contrat de sa substance. Ils sollicitent 180 000 euros de dommages et intérêts. Il s’agit en outre d’une saisie abusive et la créance n’est ni certaine, ni exigible au demeurant résultant d’un décompte peu clair et de la mise en oeuvre de clauses abusives. A titre subsidiaire, ils soutiennent la résolution du contrat de prêt puisque la somme de 350 000 euros empruntée n’a pas été versée par la banque, mais elle a procédé à des versements successifs, tandis que la libération du montant total devait leur permettre à eux même de payer les 180 000 €. La banque n’a pas exécuté son obligation contractuelle.

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 2 février 2023 auxquelles il est renvoyé, la BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de :

– Confirmer le jugement du 01/07/2022 du JEX saisie immobilière de Draguignan sauf en ce qui

concerne le montant de la créance de BNP Paribas Personal Finance,

– Rejeter la demande de sursis à statuer,

– Déclarer, par application de l’article R 311-5 du code des procédures civiles d’exécution, M. [M] [B] et Mme [D] [B] irrecevables en leurs prétentions fondées sur les dispositions des articles R 311-10 et R 321-3 du code des procédures civiles d’exécution et visant à voir remettre en cause l’autorité de chose jugée attachée au jugement du JEX saisie immobilière Toulon du 13/02/2020 et M. [X] [B] irrecevable en ses prétentions relatives à « la prescription de l’action de la banque »,

– Déclarer irrecevables ou, à défaut, mal fondées les « exceptions de procédure » soulevées par

monsieur [M] [B] et Mme [D] [B] visant à voir déclarer nulle la procédure de saisie immobilière et le commandement de saisie immobilière,

– Déclarer irrecevables l’ensemble des demandes, fins et prétentions formulées par monsieur [M] [B], Mme [D] [B] et M. [X] [B] en raison de l’autorité de chose jugée attachée au jugement d’orientation du JEX saisie immobilière près le tribunal judiciaire de Toulon du 13/02/2020 ou, à défaut, en vertu du principe de concentration des moyens et de l’article R 311-5 du code des procédures civiles d’exécution,

– Déclarer de manière générale irrecevables monsieur [M] [B], Mme [D] [B] et M. [X] [B] en l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

A défaut, les en déclarer mal fondés et les en débouter intégralement,

En conséquence :

Vu notamment les articles R 322-18 et R 322-15 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

– Valider la saisie dont s’agit,

– Fixer la créance du poursuivant à la somme de 367 356,32 € outre intérêts au taux de 3,80 % à compter du 31/03/2021 et jusqu’à parfait règlement,

– Rejeter la demande de vente amiable,

– Ordonner la vente forcée sur la mise à prix de 330 000 €,

– Renvoyer en tout état de cause devant le Juge de l’exécution pour la poursuite de la procédure

d’exécution,

– Condamner in solidum monsieur [M] [B], Mme [D] [B] et monsieur [X] [B] au paiement de la somme de 15 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Déclarer que les dépens de l’incident comprenant notamment l’émolument proportionnel

d’incident (article A 444-200 du Code de commerce) doivent être qualifiés de frais de justice privilégiés.

La banque soutient que le crédit consenti était un prêt relais sur deux ans pour 180 000 euros et sur le surplus, un prêt amortissable à long terme. Pour l’opération de construction, les fonds ont été libérés au fur et à mesure de l’avancement des travaux entre août 2011 et mars 2013 pour un montant de 336 519.95 €. Les 180 000 euros n’ayant pas été remboursés en temps utile, elle a mis les emprunteurs en demeure de les rembourser, par lettre du 23 octobre 2013 et s’est prévalu de l’exigibilité immédiate du prêt. Le juge de l’exécution de Toulon, le 13 février 2020 a statué sur les nombreuses contestations des consorts [B] et arrêté la créance à la somme de 315 692.30 euros et ordonné la vente forcée d’un autre bien immobilier situé à [Localité 13].

La BNP s’oppose à un sursis à statuer à la suite de la décision du juge de la mise en état de Paris qui n’a réservé que la demande de dommages et intérêts pour clauses abusives et exécution fautive du contrat, renvoyant pour le surplus à la compétence du juge de l’exécution. Les demandes actuellement soutenues par les débiteurs sont irrecevables tant en application de l’article R311-5 du code des procédures civiles d’exécution, comme postérieures à l’audience d’orientation, qu’en raison de l’autorité de chose jugée attachée à la décision du juge de l’exécution de Toulon du 13 février 2020. Ainsi en est il également de l’argument de prescription de la créance présenté pour la première fois au visa de l’article L218-2 du code de la consommation. Le commandement de payer valant saisie immobilière n’avait pas à mentionner le jugement précité qui, pour elle n’a jamais constitué son titre exécutoire, celui ci étant l’acte notarié de prêt. La caducité de la première saisie immobilière, n’est pas de nature à remettre en cause l’autorité de chose jugée attachée à ce qui a été tranché par le jugement d’orientation (Cass. 2 ème . civ. 2 juin 2016, n° 15-12.828, Cass. 2 ème . civ. 14 janvier 2021, n° 19-20.517). La banque invoque également le principe de concentration des moyens qui obligeait les consorts [B] dès le premier litige, à présenter les moyens leurs paraissant importants à leur défense. Contrairement à ce qui est prétendu, le jugement du 13 février 2020 avait été signifié ce qu’un arrêt de la cour du 17 décembre 2020 reprenait en visant des actes du 14 et 17 février 2020 d’où d’ailleurs une irrecevabilité de l’appel formé tardivement. Elle n’a nullement renoncé au jugement mais se prévaut au contraire de ses dispositions. La créance avait cependant été arrêtée au 24 juillet 2018 et les intérêts acquis postérieurement justifient que l’on ne puisse, à ce titre lui opposer la chose jugée, il faut tenir compte d’intérêts contractuels à 3.8 % l’an.

La BNP Paribas conteste l’existence de clauses abusives, en raison de la nature du contrat, rattaché à une opération de construction et au déblocage progressif des sommes qui ne se faisait qu’à la demande des emprunteurs, au fait que l’obligation de rembourser est une obligation fondamentale du contrat de crédit et que l’argent reçu a permis l’acquisition du bien immobilier. La demande de dommages et intérêts présentée par ses adversaires procéduraux ne relève pas du pouvoir juridictionnel de la cour d’appel, statuant en matière de voie d’exécution. Elle est irrecevable.

La créance est exigible et certaine, elle résulte de manière claire des termes du commandement de payer et de son décompte. S’il en était besoin, la banque développe ses arguments pour s’opposer à la prescription de son action en raison d’actes interruptifs successifs et réguliers. La demande d’expertise judiciaire avait déjà été rejetée, notamment en référé, la BNP rappelle que, par application des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile, il appartient à l’emprunteur ou à la caution qui se prévaut d’un TEG erroné de rapporter la preuve de ce caractère erroné (Cass. com. 4 juin 2013, n° 12-16.611 ; Cass. 1 ère . civ. 1 er octobre 2014, n° 13-22.778). Elle s’oppose à la vente amiable qui n’est étayée par aucun élément.

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

Sur la jonction des procédures :

Il est d’une bonne administration de la justice de joindre les deux procédures, qui se rapportent à un appel du même jugement.

Sur le sursis à statuer :

Les appelants que sont monsieur [M] [B] et madame [D] [B], reproduisent dans leurs écritures, la motivation d’un arrêt de la Cour de cassation qu’ils estiment favorables à un sursis à statuer, dans l’attente d’une décision du tribunal judiciaire de Paris sur les demandes indemnitaires formées en réparation des préjudices subis au titre de clauses abusives et de l’exécution fautive du contrat de prêt, ces termes repris par eux sont les suivants « Attendu que pour déclarer le tribunal de grande instance incompétent pour connaître des demandes formées par M. et Mme X…, l’arrêt retient que ces demandes, y compris l’action en responsabilité contre la banque, se rattachent au prêt contracté le 7 avril 2011, qui sert de fondement à la saisie immobilière et que seul le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Laon, saisi de cette procédure de saisie, est compétent pour en connaître ;

Qu’en statuant ainsi alors que faute de constituer une contestation de la saisie immobilière, la

demande présentée par les débiteurs tendant à la condamnation de la banque créancière au paiement de dommages-intérêts d’un montant équivalent à celui de sa créance ne relève pas de

la compétence du juge de l’exécution, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; »

(Cass. civ. 2 ème , 22 juin 2017, n° 15-24.385)

Tel est bien le cas en l’espèce, s’agissant d’un sursis à statuer facultatif.

En effet, comme le rappelle l’arrêt cité, le juge de l’exécution dont les pouvoirs sont limités par l’article L213-6 du code de l’organisation judiciaire, a compétence exclusive pour connaître des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.

Mais il ne peut statuer sur des demandes indemnitaires qui se fondent sur une mauvaise exécution contractuelle, un manquement par exemple au devoir de mise en garde, d’information, l’exécution fautive de la convention ce qui est précisément le litige soumis par les consorts [B] au tribunal de Paris en dehors de toute mesure d’exécution, mais pourrait conduire, ce qui est leur dessein s’ils sont suivis par cette juridiction, à une possibilité de compensation des créances réciproques.

Il doit être relevé que la juridiction parisienne a été saisie postérieurement à la délivrance du commandement de payer valant saisie immobilière qui entame cette procédure.

Il s’agit en l’espèce d’un sursis à statuer facultatif dont l’opportunité relève de l’appréciation souveraine de la juridiction, lequel ne sera pas admis, au regard en particulier de l’ancienneté de la dette et d’une nécessité de bonne administration de la justice.

Sur l’autorité de chose jugée :

Aux termes de l’article 480 du code de procédure civile, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non recevoir ou tout autre incident a dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche. Le principal s’entend de l’objet du litige tel qu’il est déterminé par l’article 4.

En matière de saisie immobilière, l’article R 311-5 du code des procédures civiles d’exécution dispose : ‘A peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l’audience d’orientation prévue à l’article R. 322-15 à moins qu’elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. Dans ce cas, la contestation ou la demande incidente est formée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’acte.’

Par ailleurs, ‘le principe de concentration des moyens induit un effort de projection puisque les parties, dès l’origine du litige, doivent identifier avec exactitude et formuler l’ensemble de leurs moyens, sans pouvoir en réserver pour l’avenir et ainsi offrir une deuxième chance à une prétention premièrement rejetée’ ( [A] [T] ‘ AJDI 2022. 772).

Ce qui induit que les parties ne peuvent se présenter successivement après un litige qui a déjà été examiné et été tranché, pour soulever de nouveaux points de contestation qu’ils auraient pu dès l’origine développer.

En l’espèce, un jugement était intervenu entre les parties, prononcé le 13 février 2020 par le juge de l’exécution de Toulon concernant un bien immobilier situé [Adresse 7] dont il avait ordonné la vente forcée après avoir retenu au profit de la BNP Paribas une créance de 315 692.30 euros arrêtée au 24 juillet 2018 en principal, intérêts et frais, sans préjudice de tous autres dûs, notamment frais judiciaires et d’exécution.

Contrairement à ce qui est soutenu, ce jugement a été signifié aux consorts [B] ainsi que cela résulte d’un arrêt produit aux débats, du 17 décembre 2020 (RG20-3341) qui a déclaré leurs appels irrecevables après avoir constaté que le jugement avait été signifié le 14 février 2020 à madame [D] [Z], le 17 février 2020 à ses fils [M] et [X] [B], le 6 mars 2020 à son fils, [L] [B].

Il ressort de cette décision que le titre exécutoire invoqué au soutien de la poursuite était précisément le prêt notarié du 1er juillet 2011, établi en l’étude de Me [R], notaire à [Localité 11], consenti à madame [D] [B] et ses trois fils, pour le montant de 350 000 euros aux taux de 3.80 % l’an, dont 180 000 euros remboursables dans un délai de 24 mois grâce à la vente d’un immeuble et le surplus sur une durée de 14 ans, destiné à la construction de la résidence principale de madame [B] à Cavalaire, domaine de l’eau blanche, avec affectation hypothécaire.

Il s’agit donc du même contrat de prêt, ce que les parties rapportent dans leurs écritures.

Même si l’autorité de chose jugée se rattache à un intérêt privé, personnel, le juge peut désormais soulever d’office cette fin de non recevoir et il résulte clairement des écritures des parties, en particulier de celles de la BNP Paribas qu’elle n’entend pas y renoncer.

Lors de ce litige antérieur, les débiteurs saisis avaient soutenu, la prescription de la créance, de l’action, l’irrégularité de la procédure et de la déchéance du terme, l’absence de créance liquide et exigible, l’irrégularité du TEG, avaient sollicité des dommages et intérêts, la nullité du contrat de prêt et sa résolution. Il est à ce titre renvoyé aux termes du jugement particulièrement détaillé sur les prétentions présentées par les consorts [B].

Il y a donc par la combinaison de ces différents articles et principes procéduraux, irrecevabilité des consorts [B] à contester à nouveau les termes du jugement du 13 février 2020 qui a autorité de chose jugée entre les parties concernant la validité du titre exécutoire et de la créance, sauf bien entendu à l’actualiser ce qui respecte les termes de son dispositif puisqu’elle était arrêtée au 24 juillet 2018.

Sur le titre visé au commandement :

Le commandement de payer valant saisie immobilière délivré aux consorts [B] en juin 2021, vise le titre exécutoire dont se prévaut la banque, à savoir l’acte de prêt établi en l’étude de maître [R], notaire, le 1er juillet 2021. Il n’est pas discutable que cet acte constitue un titre exécutoire au sens de l’article L111-3-4° du code des procédures civiles d’exécution, de sorte que la BNP Paribas, était fondée à le viser dans ses poursuites et n’était pas tenue de faire le rappel du jugement du 13 février 2020 de la juridiction toulonnaise, qui pour les besoins de l’instance, fixait la créance de l’établissement financier mais sans prononcer condamnation.

Sur les demandes indemnitaires des consorts [B] :

De manière assez contradictoire, les consorts [B] qui sur le principe de l’autorité de chose jugée attachée à l’ordonnance du juge de la mise en état de Paris en date du 30 septembre 2022, concluent : ‘ les demandes indemnitaires résultant de l’application des clauses abusives et de l’exécution fautive du contrat de prêt sont soumises uniquement au tribunal judiciaire de Paris et non à la Cour d’appel d’Aix-en-Provence. Il n’est donc pas possible que la Cour d’appel d’Aix-en-Provence statue sur la recevabilité ou l’irrecevabilité de telles demandes’ ‘ sollicitent tout de même des dommages et intérêts pour inexécution contractuelle ensuite de la résolution du contrat. Mais cette demande avait déjà été soumise au juge de l’exécution qui le 13 février 2020 en page 16 de sa décision avait rejeté leurs prétentions. il s’agit bien là effectivement d’une irrecevabilité qui conduira là encore à déclarer les consorts [B] irrecevables en leur demande.

Sur le montant de la créance :

Il ressort des propres écritures de la BNP Paribas Personal Finance que la Cour de cassation dans un arrêt du 9 juin 2022 n°21-10961, a retenu que le prononcé de la caducité du commandement ne fait pas perdre son fondement juridique à la disposition d’un jugement, rendu à l’occasion d’une procédure de saisie immobilière, qui a statué sur une contestation ou une demande portant sur le fond du droit, disposition revêtue de l’autorité de la chose jugée.

Ainsi la présente cour retiendra que les dispositions du jugement d’orientation, notamment sur le montant de la créance, ne sont pas anéanties et doivent être prises en compte, ce qui n’exclut toutefois pas une actualisation.

Le jugement du 13 février 2020 du juge de l’exécution de Toulon, indique une créance de 315 692.30 euros au 24 juillet 2018, qui tient compte de tous les versements effectués entre 2014 et novembre 2017, date du dernier versement. Il relevait par contre qu’une somme de 13 553.54 euros au titre de frais de procédure, n’était pas justifiée, et que l’on ne savait pas à quoi elle correspondait, de sorte qu’elle avait été rejetée.

Dans le décompte qu’elle soutient aujourd’hui, la BNP Paribas personal Finance fait figurer :

capital restant dû au 7 novembre 2017 307 377.75 euros

Intérêts au taux de 3.80 % l’an au 30.03.2021 39 654.04 euros

Frais de procédure et impayés 20 324.53 euros

———————

367 356.32 euros

Une nouvelle fois, c’est le caractère non justifié des frais, qui cette fois encore a conduit le juge de l’exécution de Draguignan à les écarter car non justifiés. La cour ne peut que constater qu’encore à ce jour, aucun décompte précis n’accompagne cette réclamation, pas davantage que des justificatifs. Dès lors, le jugement de première instance sera confirmée quant au montant de la dette.

Sur la demande d’expertise :

Il n’appartient pas au juge de pallier la défaillance de l’emprunteur dans l’administration de la preuve en ordonnant une expertise mais quoiqu’il en soit, cette demande se heurte également à l’autorité de chose jugée, de la décision du 13 février 2020 qui a fixé la créance.

Sur la vente amiable :

Comme déjà rappelé dans la précédente décision, monsieur [L] [B] fait défaut et ne s’associe pas à la demande de vente amiable. De plus, il n’est justifie d’aucune démarche concrète en ce sens. Les consorts [B] ne produisent ni évaluation du bien pour permettre à la cour de fixer un prix plancher, ni mandat de vente concédé, ni offre d’achat. Il ne sera pas fait droit de ce chef.

Sur les autres demandes :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la BNP Paribas Personal Finance les frais irrépétibles engagés dans l’instance, une somme de 4 000 euros sera mise à leur charge au profit de l’établissement financier.

Les dépens seront traités en frais de saisie immobilière, privilégiés.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant par décision de défaut, mise à disposition au greffe,

ORDONNE la jonction des dossiers ouverts sous le numéro RG 22-10116 et RG 22-11030, sous le numéro RG 22-10116,

CONFIRME la décision déférée,

Y ajoutant,

CONDAMNE in solidum madame [D] [Z] veuve [B], monsieur [X] [B] et monsieur [M] [B] à payer à la BNP Paribas Personal Finance la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DIT que les dépens seront traités en frais privilégiés de saisie immobilière comprenant l’émolument proportionnel d’incident (article A 444-200 du Code de commerce).

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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