Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 30 MARS 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 20/03069 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OUMZ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 25 juin 2020 – Juge des contentieux de la protection de Montpellier – N° RG 11-19-263
APPELANTE :
S.A. Financo
société anonyme à directoire et conseil de surveillance au capital de 58.000.000 euros inscrite au RCS de BREST sous le N° B 338 138 795 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité au siège social sis
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Lola JULIE substituant Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant ayant plaidé pour la SELARL HAUSSMANN, KAINIC, HASCOET, HELAIN, avocats au barreau de PARIS
INTIMEES :
Madame [N] [U]
née le 09 Février 1955 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Pauline MANGEANT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
S.A.S. [O] Ponroy et Associes
en la personne de Maître [W] [O] es qualité de liquidateur judiciaire de Rev Solaire
[Adresse 5]
assignée à personne habilité le 1er octobre 2020
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 JANVIER 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M.Frédéric DENJEAN, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère
M. Frédéric DENJEAN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT
ARRET :
– réputé contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour prévu le 16 mars 2023, délibéré prorogé au 30 mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
*
* *
FAITS, PROCÉDURE, ET PRÉTENTIONS
Dans le cadre d’un démarchage à domicile et selon bon de commande accepté le 15 avril 2013, Mme [N] [U] a fait l’acquisition auprès de la société Rev Solaire (depuis en liquidation judiciaire), d’une installation de production d’électricité photovoltaïque comprenant six panneaux solaires, un onduleur et un ballon thermodynamique, pour le montant de 22 400 euros, financé par un crédit affecté pour la totalité contracté auprès de la Sa Financo le 15 avril 2013, remboursable en 144 mensualités de 231,52 euros hors assurance, moyennant un taux nominal fixe de 5,52% et un taux annuel effectif global de 5,96 %.
Par acte d’huissier de justice du 1er février 2016, la Sa Financo a assigné Mme [N] [U] en paiement devant le tribunal d’instance de Montpellier.
Par acte d’huissier de justice en date du 5 juillet 2019, Mme [N] [U] a assigné en intervention forcée la société Rev Solaire prise en la personne de son mandataire liquidateur la Sas [O] Ponroy.
Par jugement réputé contradictoire en date du 25 juin 2020, le tribunal judiciaire de Montpellier a statué comme suit :
Rejette la demande de forclusion de l’action,
Ordonne la nullité du contrat de vente conclu le 15 avril 2013 entre Madame [N] [U] et la société Rev Solaire, prise en la personne du mandataire liquidateur la Sas [O] Ponroy,
Ordonne la nullité consécutive du contrat de prêt conclu le 15 avril 2013 entre Madame [N] [U] et la Sa Financo,
Condamne la Sa Financo à rembourser à Madame [N] [U] l’ensemble des sommes versées par elle au titre du prêt n°50437323,
Prive la Sa Financo de tout droit à remboursement contre Madame [N] [U] au titre du capital, des frais et accessoires du prêt n°50437323,
Condamne la Sa Financo à payer à Madame [N] [U] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens,
Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement,
Rejette le surplus des demandes.
En date du 24 juillet 2020 la Sa Financo a interjeté appel.
Vu les dernières conclusions en date du 17 octobre 2022 de la Sa Financo, auxquelles il est expressément référé pour complet exposé des motifs et du dispositif, aux fins de :
Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
Voir dire et juger Madame [N] [U] prescrite, irrecevable et subsidiairement mal fondée,
Condamner Madame [N] [U] à payer la somme de 28.025,09 euros au taux contractuel de 5,52 % l’an à compter du 13 mars 2015,
Condamner Madame [N] [U] à rembourser l’intégralité des sommes perçues dans le cadre de l’exécution provisoire,
A titre subsidiaire,
Si la cour venait à prononcer la nullité des conventions, condamner Madame [N] [U] au remboursement du capital d’un montant de 22.400 euros au taux légal,
A titre subsidiaire,
Si la cour venait à reprocher une quelconque faute à la Sa Financo, constater l’absence de préjudice de Madame [N] [U],
En conséquence, condamner Madame [N] [U] au remboursement du capital d’un montant de 22.400 euros au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir,
En tout état de cause, condamner Madame [N] [U] à payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
Vu les conclusions en date du 14 octobre 2022 de Madame [N] [U], auxquelles il est expressément référé pour complet exposé des motifs et du dispositif, aux fins de :
Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
A titre subsidiaire, si la nullité n’était pas ordonnée :
Constater la faute de la Sa Financo ayant débloqué les fonds du crédit au profit de la société Rev Solaire avant que sa prestation ne soit terminée,
Par conséquent, débouter la Sa Financo de ses demandes de restitution du montant du crédit,
A titre infiniment subsidiaire,
Dire et juger que la Sa Financo doit être déchue du droit aux intérêts et rejeter sa demande d’anatocisme,
En tout état de cause,
Condamner la Sa Financo à payer la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700,1° du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris le timbre fiscal de 225 euros.
Vu l’absence de constitution en appel de la Sas [O] Ponroy, à laquelle la déclaration d’appel avec conclusions a été signifiée le 1er octobre 2020 à personne habilitée.
Vu l’ordonnance de clôture en date du 2 janvier 2023.
MOTIFS
SUR LA PRESCRIPTION
L’article 2224 du code civil énonce que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
L’appelante soutient que Mme [N] [U] ne peut obtenir la nullité du contrat de vente car son action est prescrite, n’ayant mis en cause le mandataire liquidateur de la Sas Rev Solaire que par acte d’huissier en date du 5 juillet 2019.
Il est constant que :
– Mme [N] [U] sollicite la nullité du contrat de vente, qu’elle indique avoir été totalement inexécuté, les panneaux n’ayant jamais été fonctionnels, et le matériel jamais raccordé à EDF,
– Mme [N] [U] mentionne que la société Rev Solaire a bien livré le matériel mais s’est contentée d’une simple pose,
– le procès-verbal de réception n’est pas daté, le contrat de crédit a été signé le 15 avril 2013 et le premier impayé concerne la première échéance jamais régularisée, comme les suivantes,
– dés le 6 novembre 2013, Mme [N] [U] a effectué une déclaration de main courante auprès de la police nationale en signalant que les agents ERDF venus pour effectuer le raccordement au compteur ont constaté qu’il manquait un élément sur l’installation,
– par lettre recommandée adressée à la Sa Financo en date du 13 novembre 2013 avec avis de réception émargé le 18 novembre 2013, Mme [N] [U] a mentionné avoir porté plainte, fait opposition pour tout paiement ou prélèvements sur son compte alors que le matériel ne fonctionne pas,
– par lettre recommandée adressée à Mme [N] [U] en date du 13 mars 2015 avec avis de réception émargé, la société Financo a confirmé la déchéance du terme acquise à compter du 11 mars 2015 avec mise en demeure de payer la somme de 25.807,78 euros,
L’assignation en paiement en date du 1er février 2016 a interrompu le délai de prescription, qui a courru depuis la lettre recommandée adressée dés le 13 novembre 2013 par Mme [N] [U].
Cette dernière a bien sollicité la nullité des contrats.
En effet, le premier juge signale dans ‘l’exposé du litige’ qu’en défense Mme [N] [U] a conclu à la nullité des contrats de vente et de prêt, puis par conclusions en date du 16 mars 2017, la Sa Financo a demandé au tribunal d’instance de se reconnaître incompétent,
La demande de nullité des contrats a donc été manifestement présentée antérieurement à la date du 16 mars 2017, laquelle est postérieure de moins de cinq années à la date du ‘contrat d’achat’ comme du contrat de prêt, et encore plus à l’assignation en paiement, à laquelle Mme [N] [U] s’est opposée en défense.
Les demandes de nullité des contrats de vente et de prêt ne sont donc pas prescrites.
Le premier juge a justement rejeté la demande de forclusion.
SUR LES CONTRATS
L’article L221-9 ancien du code de la consommation applicable aux faits énonce que le contrat conclu hors établissement comprend toutes les informations prévues à l’article L 221-5, lequel indique que le professionnel fournit au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien, du service, du service numérique ou du contenu numérique ;
2° Le prix du bien, du service, du service numérique ou du contenu numérique, en application des articles L112-1 à L112-4.
Ces dispositions sont d’ordre public conformément à l’article L111-8 du même code.
L’article L312-55 du même code prévoit que le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
L’appelante soutient qu’il y a eu échange des consentements, et que le bon de commande est conforme aux dispositions du code de la consommation.
Le premier juge a indiqué que le document intitulé ‘contrat d’achat’ établi le 15 avril 2013 ne mentionne ni la marque de l’onduleur qui reste incertaine, ni le modèle de l’onduleur acheté, ni la taille des panneaux solaires ni leur mode de pose, ce qui a empêché le consommateur de déterminer si ces appareils correspondaient à ses besoins, de procéder à des recherches pour connaître l’avis des autres utilisateurs sur la qualité des performances des produits, et vérifier si le prix des équipements n’était pas surévalué.
Le premier juge a ajouté que Mme [N] [U] n’a jamais exprimé la volonté de poursuivre le contrat malgré l’ensemble de ces irrégularités, et qu’il n’est pas démontré qu’elle connaissait les vices affectant le bon de commande, ainsi que de les avoir acceptés, d’autant plus qu’elle s’est plainte dés octobre 2013 et à plusieurs reprises de l’absence de fonctionnement des appareils vendus.
Il apparaît établi que les caractéristiques essentielles des ‘biens et services’ ne figurent pas au contrat en cause, le bon de commande ne permettant pas la compréhension précise des produits achetés. Il est annulable sur ce seul fondement, le consommateur n’ayant pas été informé de manière lisible et compréhensible des caractéristiques essentielles des biens commandés.
Dés lors il n’est pas crédible, comme le fait l’appelante, de prétendre que l’emprunteuse ayant accepté la livraison des marchandises et signé une attestation sans réserve, elle serait irrecevable à solliciter la nullité sur ce fondement.
Alors qu’au contraire Mme [N] [U] n’a pu, par définition, signer en toute connaissance de cause cette attestation, les caractéristiques essentielles des matériels acquis ne lui ayant pas été communiquées, au vu de l’imprécision du ‘contrat d’achat’ concernant la désignation des biens commandés.
Le premier juge a donc à bon droit ordonné la nullité du contrat de vente.
Par ailleurs, le prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé et tout ou partie de sa créance de restitution, dés lors que l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien direct avec cette faute.
Il est constant que :
– la société de crédit a accordé son financement de manière pour le moins désinvolte, en ne vérifiant pas la validité du ‘contrat d’achat’,
– la prêteuse n’a pas plus vérifié la validité du procès-verbal de réception, qui n’est pas daté,
– elle se devait d’être particulièrement vigilante avant de verser les fonds compte tenu de ces irrégularités,
– il ne peut être prétendu que l’emprunteuse ne justifie pas d’un préjudice, alors même qu’il n’est pas établi d’une mise en conformité de l’installation malgré les demandes réitérées.
Il n’est donc pas contestable que ces négligences ont constitué un faute de la banque qui la prive de son droit au remboursement du capital emprunté.
Le premier juge a valablement rappelé que le crédit consenti étant un contrat accessoire au contrat de vente conclu, la nullité du contrat de crédit sera prononcée en conséquence de la nullité du contrat de vente précédemment ordonnée, et ajouté que la Sa Financo a commis une faute.
Par conséquent, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
L’article 696 du code de procédure civile énonce que la partie perdante est condamnée aux dépens, il conviendra de condamner la Sa Financo aux entiers dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la Sa Financo à payer en appel la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Sa Financo aux entiers dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT