2ème Chambre
ARRÊT N°171
N° RG 20/01179
N° Portalis DBVL-V-B7E-QPYP
(1)
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
C/
M. [W] [Y]
Mme [C] [L] épouse [Y]
Société FRANCE HABITAT SOLUTION
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
– Me LECLERCQ
– Me TALLENDIER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 31 MARS 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 07 Février 2023
ARRÊT :
Rendue par défaut, prononcé publiquement le 31 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de SYGMA BANQUE,
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Erwan LECLERCQ de la SCP LECLERCQ & CASTRES, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Laure REINHARD du CABINET RD AVOCATS, plaidant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
Monsieur [W] [Y]
né le 28 Juillet 1954 à [Localité 9]
[Adresse 8]
[Localité 3]
Madame [C] [L] épouse [Y]
née le 07 Novembre 1956 à [Localité 7]
[Adresse 8]
[Localité 3]
Tous représentée par Me Hugues TALLENDIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
SAS FRANCE HABITAT SOLUTION
[Adresse 10]
[Localité 5]
Assigné par acte d’huissier en date du 18/05/2020, délivré selon les modalité du PV 659, n’ayant pas constitué
INTERVENANTE :
Société PLESIOSAURUS UG
[Adresse 6]
[Localité 2] (ALLEMAGNE)
Assigné par acte d’huissier en date du 18/09/2020, n’ayant pas constitué
* * *
EXPOSÉ DU LITIGE
À la suite d’un démarchage à domicile, M. [W] [Y] et Mme [C] [L] (les époux [Y]) ont, selon bon de commande du 3 juillet 2015, commandé à la société France Habitat Solution (la société FHS) la fourniture et la pose d’une installation photovoltaïque moyennant le prix de 22 500 euros TTC.
En vue de financer cette opération, la société Sygma Banque (la société Sygma) a, selon offre acceptée le même jour, consenti aux époux [Y] un prêt de 22 500 euros au taux de 4,84 % l’an, remboursable en 180 mensualités de 218,37 euros, assurance emprunteur comprise, après un différé d’amortissement de 12 mois.
Les fonds ont été versés à la société FHS au vu d’un certificat de livraison du 15 août 2015, et le prêt a été remboursé par anticipation le 1er janvier 2017.
Prétendant que le bon de commande était irrégulier et que l’installation ne permettait pas d’obtenir le rendement promis, les époux [Y] ont, par actes des 16 et 29 mars 2018, fait assigner la société FHS et la société BNP Paribas Personal Finance (la BNP PPF), présentée comme venant aux droits de la société Sygma, devant le tribunal d’instance de Saint-Brieuc en annulation des contrats de vente et de prêt, et en remboursement des sommes versées au titre du prêt.
Par jugement du 10 septembre 2019, le premier juge a :
déclaré régulière l’assignation délivrée par les époux [Y] à la société FHS,
prononcé la nullité du contrat de vente signé entre les époux [Y] et la société FHS,
prononcé la nullité du contrat de crédit signé entre les époux [Y] et la société Sygma,
prononcé en conséquence le remboursement par la BNP PPF des sommes versées par les époux [Y] en remboursement du prêt,
constaté que la société Sygma a commis des fautes personnelles dans l’exécution de ses obligations processionnelles,
débouté en conséquence la BNP PPF de sa demande de restitution de la somme de 22 500 euros correspondant au montant total financé,
condamné la société FHS à verser à la BNP PPF la somme de 10 758,60 euros à titre de dommages-intérêts,
condamné la BNP PPF à verser aux époux [Y] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné la BNP PPF aux dépens,
ordonné l’exécution provisoire du jugement.
La BNP PPF a relevé appel de cette décision le 18 février 2020.
Par acte du 18 septembre 2020, les époux [Y] ont fait assigner en intervention forcée la société de droit allemand Plesiosaurus, associée unique de la société FHS se trouvant aux droits de celle-ci par suite de sa décision de dissolution.
La BNP PPF demande à la cour de :
dire que le vendeur n’a pas été valablement mis en cause dans le cadre de la procédure,
par conséquent, dire les époux [Y] irrecevables en leurs demandes,
subsidiairement, en cas de recevabilité, dire n’y avoir lieu à prononcer la nullité du contrat principal et du contrat de crédit affecté,
par conséquent, débouter les époux [Y] de leurs demandes,
plus subsidiairement, dans le cas où la cour prononcerait l’annulation des contrats, dire que la société Sygma n’a commis aucune faute,
dire que les époux [Y] ne justifient pas de l’existence d’un préjudice actuel et certain et d’un lien de causalité à l’égard du prêteur,
par conséquent, dire que la BNP PPF conservera le bénéfice du capital prêté, remboursé par anticipation,
débouter les époux [Y] de leurs demandes de remboursement des sommes versées,
débouter les époux [Y] de toute autre demande,
confirmer la décision entreprise pour le surplus,
en tout état de cause, condamner les époux [Y] au paiement d’une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d’appel.
Les époux [Y] demandent quant à eux à la cour de :
dire la BNP PPF irrecevable en ses demandes, nouvelles en appel, tendant à voir déclarer les demandes des époux [Y] irrecevables, dire n’y avoir lieu à prononcer la nullité du contrat principal et du contrat de crédit, et conserver le capital emprunté,
en tout état de cause, dire la BNP PPF mal fondée en toutes demandes et l’en débouter,
dire les époux [Y] recevables et bien fondés en leurs demandes,
confirmer le jugement attaqué, sauf en ce qu’il a ‘prononcé’ le remboursement par la BNP PPF des sommes versées par les époux [Y] en remboursement du prêt, et dire que la BNP PPF est condamnée à rembourser ces sommes, d’un montant total de 1 093,10 euros,
condamner la BNP PPF à rembourser aux époux [Y] l’emprunt, contracté auprès de la Caisse d’épargne en vue de rembourser le crédit Sygma, pour un montant de 23 050,20 euros,
condamner la BNP PPF au paiement d’une indemnité de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.
Ni la société FHS, ni la société Plesiosaurus n’ont constitué avocat devant la cour.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées pour la BNP PPF le 29 novembre 2022 et pour les époux [Y] le 4 novembre 2022, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 8 décembre 2022
EXPOSÉ DES MOTIFS
Sur la fin de non-recevoir tirée de la nouveauté des demandes de la BNP PPF
Les époux [Y] prétendent que, seraient irrecevables comme nouvelles en cause d’appel, les demandes de la BNP PPF tendant à voir déclarer l’action en annulation du contrat de vente des époux [Y] irrecevable, dire n’y avoir lieu à annulation des contrat de vente et de prêt, et dire que la BNP PPF peut conserver le capital emprunté.
Il résulte cependant des articles 118 et 123 du code de procédure civile que les irrégularités de fond et les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, y compris pour la première fois devant la cour.
Par ailleurs, en demandant à la cour de dire qu’il n’y a pas lieu d’annuler les contrats de vente et de prêt, et que le prêteur pourra conserver le capital emprunté remboursé par anticipation, la BNP PPF ne fait qu’opposer à la partie adverse des moyens de défense, toujours recevables devant la cour en application de l’article 563 du code de procédure civile au soutien de sa demande de débouté déjà exprimée devant le premier juge.
Sur la recevabilité de l’action en annulation des contrats de vente et de prêt
Il ressort des énonciations exemptes de critiques du jugement attaqué que la SAS FHS a fait l’objet d’une dissolution sans liquidation par décision de son associé unique, la société Plesiosaurus, et a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 8 octobre 2015.
Or, aux termes de l’article 1844-5 du code civil, la dissolution d’une société dont les parts sont réunies en une seule main entraîne la transmission du patrimoine à l’associé unique et la disparition de la personnalité morale à l’issue du délai d’opposition des créanciers à la dissolution, lequel est de trente jours à compter de la publication de celle-ci.
Il en résulte que, contrairement à ce qu’a considéré le jugement attaqué, la société FHS avait perdu sa personnalité morale au moment où elle a été assignée le 16 mars 2018, de sorte que cet acte, délivré à une personne morale inexistante, est irrégulier en application de l’article 117 du code de procédure civile.
Par ailleurs, il résulte de l’article 14 du code de procédure civile que nul partie ne peut être jugé sans avoir été entendue ou, à tout le moins, appelée à la cause.
Or, il vient d’être relevé que la société venderesse, contre laquelle est poursuivie l’action en annulation du contrat de vente, a été assignée postérieurement à la disparition de sa personnalité morale, de sorte qu’elle n’a pas été régulièrement appelée à la cause.
Les époux [Y] ont certes fait assigner la société Plesiosaurus, qui a absorbé la société FHS par suite de la dissolution de cette société dont elle était l’associée unique, en intervention forcée devant la cour par acte du 18 septembre 2020.
Cependant, aux termes de l’article 555 du code de procédure civile, un tiers ne peut être appelé devant la cour que lorsque l’évolution du litige implique sa mise en cause.
Or, il ressort des énonciations du jugement attaqué que l’absorption de la société FHS par la société Plesiosaurus et la perte de sa personnalité morale remontaient à 2015, et étaient par surcroît déjà dans le débat instauré devant le premier juge sans que les demandeurs aient alors cru bon d’appeler la société absorbante à la cause.
Il s’en évince que le litige n’a pas connu, en cause d’appel, d’évolution du litige justifiant que la société Plesiosaurus soit appelée à la cause à ce stade de la procédure.
Il s’évince de ce qui précède que l’action en annulation du contrat de vente des époux [Y], exercées contre une société absorbée qui n’a pas été régulièrement assignée et une société absorbante qui a tardivement été appelée à la cause, est irrecevable.
Dès lors, l’action en annulation du contrat de crédit lié, qui repose exclusivement sur l’annulation préalable du contrat principal, est mal fondée et doit être rejetée.
Le jugement attaqué sera réformé en ce sens.
Sur les frais irrépétibles
Il n’y a pas matière à en application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de quiconque, tant en première instance qu’en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Déclare recevables les demandes de la société BNP Paribas Personal Finance tendant à voir déclarer l’action en annulation du contrat de vente des époux [Y] irrecevable, dire n’y avoir lieu à annulation des contrats de vente et de prêt, et dire que la BNP PPF peut conserver le capital emprunté ;
Infirme le jugement rendu le 10 septembre 2019 par le tribunal d’instance de Saint-Brieuc en toutes ses dispositions ;
Déclare l’action en annulation du contrat principal dirigée contre la société France Habitat Solution irrecevable ;
Déboute les époux [Y] de leur demande d’annulation du contrat de prêt ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne les époux [Y] aux dépens de première instance et d’appel ;
Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT