ARRET N°159
CL/KP
N° RG 21/03088 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GMSA
[N]
[R]
C/
S.A. SA COFIDIS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 04 AVRIL 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/03088 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GMSA
Décision déférée à la Cour : jugement du 23 juillet 2021 rendu par le Juge des contentieux de la protection de [Localité 8].
APPELANTS :
Monsieur [M] [N]
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 6] DU POITOU
[Adresse 4]
[Localité 6]
Ayant pour avocat plaidant Me Chloé LUCAS-VIGNER de la SELARL MANCEAU – LUCAS-VIGNER, avocat au barreau de POITIERS.
Madame [F] [R]
née le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 8]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Ayant pour avocat plaidant Me Chloé LUCAS-VIGNER de la SELARL MANCEAU – LUCAS-VIGNER, avocat au barreau de POITIERS.
INTIMEE :
SA COFIDIS, agissant poursuites et diligences de son représentant légal
domicilié audit siège, venant aux droits de la SA GROUPE SOFEMO.
[Adresse 7]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Ayant pour avocat postulant Me Gabriel WAGNER de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS
Ayant pour avocat plaidant La SELARL INTERBARREAUX, HAUSSMANN KAINIC, HASCOËT, HELAIN, avocat au barreau de L’ESSONNE.
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 01 Février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Claude PASCOT, Président
Monsieur Fabrice VETU, Conseiller
Monsieur Cédric LECLER, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
Suivant offre préalable en date du 4 décembre 2014 émanant de la société Ecb, Monsieur [M] [N] et Madame [F] [R] (les consorts [J]) ont souscrit un contrat de fourniture et de pose d’un garde-corps à leur domicile, pour un montant de 19 500 euros.
Selon offre préalable acceptée le 9 janvier 2015, les consorts [J] ont souscrit un contrat de crédit auprès de la société anonyme Sofema, aux droits de laquelle est ensuite venue la société anonyme Cofidis (la société Cofidis) d’un montant de 19 500 remboursable en 120 mensualités d’un montant 219,34 euros, au taux effectif global de 5,97% l’an, destiné à financer l’acquisition et la pose d’un garde-corps en acier blanc.
Le 26 février 2015, une attestation de livraison a été établie par Madame [R] permettant le déblocage des fonds par l’établissement de crédit au profit de la société Ecb.
Malgré trois mises en demeure émanant du prêteur, les consorts [J] n’ont payé aucune échéance du prêt.
Le 30 mai 2017, la société Cofidis, a assigné les consorts [J] devant le tribunal judiciaire de Poitiers.
En dernier lieu, la société Cofidis a demandé :
– de dire les consorts [J] irrecevables et subsidiairement mal fondés en leurs demandes ;
– la condamnation solidaire des consorts [J] au paiement de la somme de 23 337,92 euros au taux contractuel de 5,63% l’an à compter du 22 mars 2017, date de mise en demeure ;
A titre subsidiaire,
– prononcer la nullité du contrat de crédit pour dol aux torts exclusifs des consorts [J] ;
– dans un pareil cas de figure, condamner solidairement les consorts [J] à lui rembourser le capital prêté d’un montant de 19 450 euros au taux légal à compter du jugement à intervenir;
– condamner solidairement les consorts [J] à lui payer la somme de 6676,30 euros à titre des dommages et intérêts liés à la perte du bénéfice escompté et du gain espéré ;
En tout état de cause,
– la condamnation solidaire des consorts [J] à lui payer la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles.
En dernier lieu, les consorts [J] ont demandé de :
– prononcer la nullité du contrat de crédit qui les avait liés à la société Cofidis;
– condamner la société Cofidis à leur rembourser toutes sommes perçues en remboursement du crédit litigieux ;
– condamner la société Cofidis à leur payer, à titre de dommages-intérêts, une somme égale au capital prêté, sous déduction des sommes perçues par l’établissement de crédit en remboursement du prêt litigieux, et au remboursement desquelles la société Cofidis serait condamnée ;
– condamner Cofidis à leur payer une somme de 2000 euros au titre de leur préjudice moral ;
Subsidiairement,
– les dispenser de rembourser à la société Cofidis le capital qui leur avait été prêté par la banque ;
Très subsidiairement,
– déchoir la société Cofidis de tous droits à intérêts, au titre du crédit litigieux, et condamner cette dernière à lui rembourser tous intérêts perçus et augmentés de l’intérêt légal à compter du jour de leur perception ;
A titre tout à fait subsidiaire,
– surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de l’instruction en cours ;
En toute hypothèse,
– condamner la société Cofidis à leur payer la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles ;
– condamner la société Cofidis aux dépens, en ce compris le coût de l’assignation qu’ils avaient fait délivrer en suspension des obligations de l’emprunteur.
Par jugement en date du 23 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Poitiers a :
– déclaré recevable l’action en paiement de la société Cofidis ès qualités;
– prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la société Cofidis ès qualités ;
– condamné solidairement les consorts [J] à payer à la société Cofidis ès qualités la somme de 19 450 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
– condamné solidairement les consorts [J] à payer à la société Cofidis ès qualités la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles ;
– débouté les parties du surplus de leurs demandes comme inutiles ou mal fondées.
Le 26 octobre 2021, les consorts [J] ont relevé appel de ce jugement, en intimant la société Cofidis.
Le 8 décembre 2022, les consorts [J] ont demandé :
– d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau
– de procéder à la vérification des signatures qui revêtent la demande de prêt constituée par la pièce 63 visée aux présentes (pièce communiquée sous le n°7 par la société Cofidis dans la procédure de première instance) ;
– de prononcer la nullité pour dol du contrat de crédit qui avait lié les consorts [J] à la société Cofidis ;
– de condamner en conséquence la société Cofidis :
– à leur rembourser toutes sommes perçues en remboursement du crédit litigieux ;
– à leur payer à titre de dommages et intérêts, une somme égale au capital prêté, sous déduction du capital compris dans les sommes perçues par l’établissement de crédit en remboursement du prêt litigieux, et au remboursement desquelles la société Cofidis sera condamnée ;
– à leur payer, pour les indemniser de leur préjudice moral, une somme de 5000 euros chacun ;
– à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de l’instruction pénale en cours ;
-très subsidiairement, de condamner la société Cofidis à leur payer, à titre de dommages et intérêts :
– une somme égale aux sommes restant dues à la société Cofidis au titre du crédit litigieux, augmentée de celles qui avaient été payées par eux à l’établissement de crédit ;
– pour les indemniser de leur préjudice moral, une somme de 5.000 euros chacun ;
– à titre tout à fait subsidiaire seulement, de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a déchu la société Cofidis de tous droits à intérêts au titre du crédit litigieux, et la condamner en outre à leur rembourser tous intérêts perçus, augmentés de l’intérêt légal, à compter du jour de leur perception ;
– condamner en toute hypothèse la société Cofidis à leur payer la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances ;
– condamner la société Cofidis en tous dépens de première instance et d’appel, en ce compris le coût de l’assignation qu’ils lui avaient en son temps fait délivrer en suspension des obligations de l’emprunteur.
Le 22 décembre 2022 à 18 heures 10, la société Cofidis a demandé de :
– déclarer les consorts [J] prescrits, irrecevables et subsidiairement mal fondés en leurs demandes, et les en débouter ;
– la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;
Y faisant droit,
– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, notamment en ce qu’il a condamné les emprunteurs au remboursement du seul capital d’un montant de 19 450 euros ;
Y ajoutant,
– condamner solidairement les consorts [J] à lui payer la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures des parties déposées aux dates susdites.
Le 4 janvier 2023, a été rendue l’ordonnance de clôture de l’instruction de l’affaire.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur le sursis à statuer :
Selon l’article 378 du code de procédure civile,
Le sursis à statuer suspend le cours de l’instance pour le temps et jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine.
Selon l’article 4 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n°2007-291 du 5 mars 2007, la mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des actions exercées devant la juridiction civile, autre que l’action en réparation du dommage causé par l’infraction, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.
Les consorts [J] demandent à la cour de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure pénale en cours.
Ils font valoir qu’à l’issue de l’instruction préparatoire, la personne physique, préposée de la société Ecb, avec laquelle ils avaient signé le contrat principal et par l’intermédiaire de laquelle ils avaient signé le contrat de crédit affecté, par ordonnance en date du 1er août 2022, a été renvoyée devant le tribunal correctionnel des chefs de :
– pratiques commerciales agressives, commises à leur encontre du 4 janvier 2014 au 30 mars 2015 ;
– abus de faiblesse à leur encontre du 4 janvier 2014 au 30 mars 2015 ;
– escroquerie à leur encontre le 4 décembre 2014, à leur encontre,
‘pour les avoir trompés…en employant des manoeuvres frauduleuses et les avoir ainsi déterminés à remettre des fonds, valeurs ou bien quelconques à leur préjudice, en l’espèce en trompant la société Sofemo pour la déterminer à accorder aux consorts [J] un crédit finançant un garde-corps’.
Mais alors que la société Ecb n’a pas été mise en cause dans le cadre du présent procès civil, pas plus qu’il n’est allégué que la société Cofidis ès qualités aurait été mise en examen ou prévenue dans le procès pénal, ou s’y soit constituée partie civile, la seule mise en cause du préposé de la société venderesse dans l’instance pénale n’est pas de nature a exercer une influence quelconque sur l’issue du présent procès civil.
Il conviendra donc de dire n’y avoir pas lieu de surseoir à statuer.
Sur la recevabilité des demandes indemnitaires des emprunteurs dirigées contre l’établissement de crédit :
Selon l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Il résulte de l’article 2224 du Code civil que l’action en responsabilité de l’emprunteur non averti à l’encontre du prêteur au titre d’un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l’emprunteur d’appréhender l’existence et les conséquences éventuelles d’un tel manquement (Cass. 1ère civ., 5 janvier 2022, n°20-18.893, publié).
Le point de départ du délai de prescription d’une action commence à courir à compter du moment où son auteur a pris connaissance des faits, ou a décelé les erreurs lui permettant de l’exercer.
A hauteur d’appel, les emprunteurs ont réclamé des indemnités:
– égales aux sommes restant dues à la société Cofidis au titre du crédit litigieux, augmentées de celles qui ont été payées par eux à l’établissement de crédit ;
– pour les indemniser de leur préjudice moral, une somme de 5.000 euros chacun ;
en fondant ces dernières réclamations sur les manquements allégués de la banque à l’occasion de la libération des fonds, qui ne se serait pas assurée de la régularité du contrat principal.
Mais la banque soutient donc que la demande des emprunteurs, consistant à rechercher sa faute pour avoir libéré les fonds sans s’assurer de la régularité du contrat principal, présentée pour la première fois à hauteur d’appel, serait touchée par la prescription quinquennale.
Demanderesse à la fin de non-recevoir tirée de la prescription, c’est à la société Cofidis qu’il appartient de démontrer à quelle date les emprunteurs auraient pu avoir connaissance des faits propres à fonder leur action à son encontre.
Plus spécialement, il lui appartient donc de démontrer à quelle date les emprunteurs auraient eu connaissance des irrégularités alléguées touchant le contrat principal.
La banque soutient que sa responsabilité pouvait être recherchée postérieurement au 10 novembre 2015, date où les emprunteurs ont payé la première échéance.
Mais cette date représente celle à laquelle les emprunteurs ont été mis en mesure d’apprécier, dans leur ampleur et leurs conséquences, les irrégularités allégués au contrat principal: elle est susceptible de constituer le point de départ de l’action des emprunteurs, et non pasl’échéance du délai de prescription de l’action en responsabilité litigieuse.
Il sera observé que les emprunteurs avaient déjà porté plainte entre les mains du parquet le 18 septembre 2015 pour diverses pratiques commerciales trompeuses, abus de faiblesse et escroquerie.
Dans ces circonstances, la connaissance par les emprunteurs des irrégularités affectant le contrat principal ne saurait être postérieure au 10 novembre 2015, date de la première échéance du crédit affecté selon la banque.
Ainsi, le délai de prescription de leur action de ce chef viendrait à échéance au 10 novembre 2020.
En faisant valoir que les fonds avaient été libérés par la banque le 3 mars 2015, les appelants font valoir qu’aucune prescription n’était alors acquise au 29 octobre 2019, jour de leurs conclusions récapitulatives devant le premier juge.
Mais ils concèdent eux-mêmes (pages 42 et 43 de leurs écritures), que leurs conclusions de première instance ne présentaient pas de demande indemnitaire fondée sur la faute de la banque à l’occasion de la libération des fonds, tirée de l’absence de vérification de la régularité du contrat principal.
Cependant ils soutiennent, dans leurs écritures de première instance, avoir sollicité, sur ce même fondement, qu’ils fussent dispensés de rembourser le capital, et l’examen de cette pièce vient corroborer leurs affirmations (pages 20 à 23).
Ainsi, les emprunteurs soutiennent avoir invoqué les manquements prétendus de la banque à l’occasion de la libération des fonds comme un simple moyen de défense au fond opposé aux demandes de paiements adverses, et non pas comme une prétention autonome.
Or, si un moyen de défense au fond n’est pas susceptible d’être touché par la prescription, il n’en est pas de même d’une demande indemnitaire, alors que seule la demande en justice est interruptive de prescription.
Dès lors, les conclusions de première instance des emprunteurs du 29 octobre 2019, ne contenant aucune demande indemnitaire de ce chef, n’ont pu avoir aucun effet interruptif de prescription.
Or, ce n’est que par leurs premières écritures à hauteur d’appel du 25 janvier 2022 que les emprunteurs ont sollicité l’indemnisation des postes de préjudice susdits.
Il conviendra donc de déclarer irrecevable les demandes des emprunteurs tendant à condamner la banque à leur payer des indemnités :
– égales aux sommes restant dues à la société Cofidis au titre du crédit litigieux, augmentées de celles qui ont été payées par eux à l’établissement de crédit ;
– pour les indemniser de leur préjudice moral, une somme de 5000 euros chacun ;
Pour le surplus, il sera observé que la banque n’a présenté aucun moyen de prescription, ni plus largement aucun moyen d’irrecevabilité à l’encontre des autres demandes des emprunteurs, par ailleurs déjà formées en première instance, sur lesquelles le premier juge avait déjà statué, pour les en débouter, étant observé que la banque demande aussi la confirmation intégrale du jugement, et donc ce compris en ce qu’il a débouté les consorts [J] de leurs demandes.
Il y aura donc lieu de déclarer recevables le surplus des demandes des consorts [J].
Sur la vérification d’écritures :
Selon l’article 287 du code de procédure civile, alinéa 1,
Si l’une des parties dénie l’écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l’écrit contesté à moins qu’il puisse statuer sans en tenir compte. Si l’écrit contesté n’est relatif qu’à certains chefs de demandes, il peut être statué sur les autres.
Selon l’article 288 du même code,
Il appartient au juge de procéder à la vérification d’écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s’il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à comparer et fait composer, sous sa dictée, des échantillons d’écritures.
Dans la détermination des pièces de comparaison, le juge peut retenir tous documents utiles provenant de l’une des parties, qu’ils aient été émis ou non à l’occasion de l’acte litigieux.
Selon l’article 299 du même code,
Si un écrit sous seing privé produit en cours d’instance est argué de faux, il est procédé à l’examen de l’écrit litigieux comme il est dit aux articles 287 à 295.
Les consorts [J] dénient comme les leurs les signatures qui leur sont attribuées, figurant sur le document afférent à la demande de crédit, présenté par la société Cofidis, qu’ils qualifient de fausses.
Ils précisent fournir des pièces de comparaison où leurs signatures ne sont pas contestées :
– bon de commande de la société Ecb – double vitrage- (pièce 12);
– bon de commande de la société Ecb – volets roulants -pièce 17);
– bon de commande avenant technique (pièce 18);
– confirmation de commande Ecb volets roulants (pièce 19);
– offres du Crédit Foncier (pièces 20 et 20 bis);
– avis de chèque de banque (pièce 22).
Mais l’examen des signatures des appelants, figurant dans les pièces de comparaison qu’ils ont produites font déjà apparaître certaines variations dans leurs formes, leurs dimensions et leurs paraphes.
Et les signatures des appelants, arguées de fausses, figurant sur la demande de crédit litigieuse, n’excèdent pas les variations habituellement pratiquées par les intéressés figurant les éléments de comparaison soumis à l’appréciation de la cour.
Il y aura donc lieu de conclure à l’authenticité de la signature de chacun des consorts [J] sur la demande de crédit litigieuse.
Sur la demande d’annulation du contrat principal pour dol :
Selon l’article L. 312-55 du code de la consommation,
En cas de contestation sur l’exécution du contrat principal, le tribunal peut, jusqu’à la solution du litige, suspendre l’exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Les dispositions du premier alinéa ne sont applicables que si le prêteur est intervenu à l’instance ou s’il a été mis en cause par le vendeur ou l’emprunteur.
Les emprunteurs entendent solliciter l’annulation du contrat principal de fourniture et d’installation de panneaux photovoltaïques, selon eux affecté d’un vice du consentement pour dol, ce dont ils entendent voir déduire, au regard de leur interdépendance, l’annulation du contrat de crédit affecté.
Mais l’application de ce texte, permettant l’annulation du contrat de crédit affecté par suite de l’annulation du contrat principal, s’entend dans le cadre d’une instance à laquelle le vendeur ou le prestataire de service dont les prestations ont fait l’objet d’un crédit affecté a été appelé.
Or, il est constant que ce litige oppose seulement le prêteur et les emprunteurs, dont aucun n’a appelé en la cause le vendeur ou prestataire de service la société Ecb, ou les organes de sa procédure collective.
Dès lors, la demande tendant à l’annulation du contrat de crédit, motif pris de l’annulation pour dol du contrat principal, ne pourra manifestement pas prospérer.
Il y aura donc lieu de rejeter la demande de nullité du contrat de crédit affecté présentée par l’emprunteur, et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande d’annulation du contrat de crédit pour dol :
Selon l’article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, applicable au litige :
Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.
Il ne présume pas, et doit être prouvé.
Les consorts [J] soutiennent que le contrat de crédit serait grevé d’un dol, motif pris de la fausseté des signatures qui leur sont attribuées sur la demande de crédit, mais encore de l’existence d’une fiche de dialogue pré-remplie, taisante sur leurs précédents crédits, ainsi que de la fausseté d’autres signatures qui leur serait attribuées à l’occasion de contrats de crédit affectés qu’ils auraient souscrits auprès d’autres organismes de crédit, et notamment Cetelem, par l’entremise de la société Ecb.
Mais l’examen en écritures auquel il vient d’être procédé a retenu que les signatures figurant sur la demande de crédit litigieuse étaient bien celles des consorts [J].
En outre, s’il y a lieu d’observer que la fiche de dialogue afférente au crédit litigieux ne mentionne pas les autres crédits antérieurs dont les consorts [J] démontrent l’existence, il échet de relever que ceux-ci ont chacun pourtant signé celle-ci le 9 janvier 2015, en faisant leur la mention selon laquelle ils certifient l’exactitude des renseignements qui y sont portés.
Ils ne peuvent ainsi pas soutenir avoir été déterminés à contracter au regard des renseignements portés sur cette fiche, qu’au demeurant ils ont signée, alors qu’ils se trouvaient eux-mêmes en état de connaître leur propre situation financière et le montant des crédits qu’ils avaient antérieurement souscrits.
De plus, la circonstance, à la supposer avérée, tenant à la fausseté des signatures qui leur serait attribuée à l’occasion de la souscription d’autres contrats de crédit affectés, passée par l’intermédiaire de la société Ecb, à l’occasion d’autres ventes ou prestations, auprès d’autres établissements financiers, dont la société Cetelem, est insusceptible de démontrer l’existence, au cas d’espèce, d’un quelconque dol.
Il en va de même de la circonstance qu’à l’occasion d’autres contrats de crédit affectés souscrits auprès d’autres établissements de crédit, fût-ce par l’intermédiaire de la société Ecb, les fiches de dialogue ou de renseignement ne feraient pas mention de l’intégralité de leurs crédits antérieurs.
Les emprunteurs mettent encore en exergue le prix de la prestation objet du contrat litigieux (19 500 euros), en observant qu’il est de trois fois supérieur au prix d’une prestation similaire pourtant postérieure de 8 ans (en produisant un devis y afférent pour un montant de 6537 euros).
Mais ce faisant, ils critiquent en réalité non pas le contrat de crédit, mais le contrat principal, dont il vient d’être retenu qu’ils se trouvent malhabiles à solliciter l’annulation.
Un tel moyen ne pourra donc pas prospérer.
Les consorts [J] entendent mettre en exergue leur vulnérabilité, telle qu’elle ressortirait de leurs examens psychologiques ordonnés par le magistrat instructeur.
Ils se sont bornés à produire les seules conclusions de ces examens, dont il ressort que si chacun d’eux présentait un niveau intellectuel inférieur à la moyenne, ils étaient chacun dotés d’une intelligence concrète et d’un sens des réalités leur permettant de comprendre les situations de la vie quotidienne, même si l’expert conclut pour chacun à leur vulnérabilité.
En tout état de cause, quelle que soit la vulnérabilité avérée ou nom des emprunteurs, par la seule production des conclusions de leurs examens psychologiques, les appelants ne démontrent pas la commission de manoeuvres dolosives ayant déterminé leur consentement à souscrire le contrat de crédit litigieux.
Il conviendra donc de rejeter la demande des consorts [J] tendant à prononcer la nullité du contrat de crédit les ayant liés à la société Cofidis, et le jugement sera complété de ce chef.
En conséquence du rejet de cette demande, les consorts [J] seront aussi déboutés de leurs prétentions tendant à condamner la société Cofidis :
– à leur rembourser toutes sommes perçues en remboursement du crédit litigieux ;
– leur payer à titre de dommages et intérêts, une somme égale au capital prêté, sous déduction du capital compris dans les sommes perçues par l’établissement de crédit en remboursement du prêt litigieux, et au remboursement desquelles la société Cofidis sera condamnée ;
et le jugement sera confirmé de ces chefs.
Sur le manquement de la banque à son devoir de mise en garde :
La banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard d’un emprunteur non averti lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de l’emprunteur.
A l’égard d’un emprunteur averti, la banque n’est tenue à un devoir de mise en garde que si elle-même détenait au sujet de l’emprunteur des informations qui n’auraient pas été connues de l’emprunteur lui-même. En revanche, elle n’est pas tenue d’un devoir d’information sur l’opportunité ou les risques de l’opération financée.
C’est à l’emprunteur qu’il appartient de démontrer l’inadaptation du prêt consenti par l’établissement de crédit à ses propres facultés.
Mais le prêteur n’est tenu à aucun devoir de mise en garde si le remboursement du prêt n’excède pas les facultés contributives de l’emprunteur (Cass. 1ère civ., 19 novembre 2009, n°08-13.601, Bull., I, n°232).
La banque, à laquelle il appartient de démontrer qu’elle a rempli son obligation de mise en garde, est dispensée de cette obligation si elle établit que son client a la qualité de client averti.
Quelle que soit la qualité de l’emprunteur, la banque n’est pas tenue à un devoir de mise en garde en l’absence de risque, et celui s’apprécie au moment de l’engagement litigieux.
Le préjudice né du manquement de l’établissement à son devoir de mise en garde s’analyse en une perte de chance de ne pas contracter.
Sauf anomalies apparentes, la banque est en droit de se fier aux mentions de la fiche de renseignement remplie par l’emprunteur.
Les emprunteurs reprochent à la banque d’avoir consenti le crédit litigieux, alors que leurs charges d’emprunts préexistantes, dont ils ont justifié la réalité, ne leur permettaient pas de faire face à ce nouvel engagement.
Mais il ressort de la fiche de renseignement qu’ils ont eux-mêmes remplie qu’ils avaient omis d’y mentionner les charges d’emprunt dont ils se prévalent désormais, tandis que la banque a produit, outre cette fiche, leurs bulletins de paye et avis d’imposition.
Par les éléments ainsi recueillis auprès des emprunteurs, la banque s’est assurée que le crédit souscrit était adapté à leurs propres capacités financières.
La banque n’a donc pas manqué à son devoir de mise en garde.
A l’issue de cette analyse, il y aura lieu de débouter les emprunteurs de leurs demandes indemnitaires, et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la déchéance du droit aux intérêts:
Eu égard aux demandes des parties, concordantes sur ce point, il y aura lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la société Cofidis ès qualités.
Les consorts [J] ne justifient pas avoir payé la moindre somme à la banque en paiement des échéances de l’emprunt litigieux.
Il y aura donc lieu de déclarer sans objet leur demande tendant à voir condamner la banque à leur payer tous intérêts perçus, augmentés de l’intérêt légal, à compter de leur perception.
* * * * *
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté les consorts [J] de leurs demandes au titre des frais irrépétibles de première instance, et les a condamné aux dépens de première instance et à payer à la banque la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.
Les consorts [J] seront déboutés de leurs demandes au titre des frais irrépétibles d’appel, et seront condamnés aux dépens d’appel et à payer à la banque la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.
PAR CES MOTIFS:
La cour,
statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Dit n’y avoir pas lieu de surseoir à statuer ;
Déclare irrecevables les demandes de Monsieur [M] [N] et de Madame [F] [R] tendant à condamner la société anonyme Cofidis, venant aux droits de la société anonyme Sofema, à leur payer des indemnités:
– égales aux sommes restant dues à la société anonyme Cofidis au titre du crédit litigieux, augmentées de celles qui ont été payées par eux à l’établissement de crédit ;
– pour les indemniser de leur préjudice moral, une somme de 5000 euros chacun ;
Déclare recevable le surplus des prétentions de Monsieur [M] [N] et de Madame [F] [R] ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant:
Déclare sans objet la demande de Monsieur [M] [N] et de Madame [F] [R] tendant à voir condamner la société anonyme Cofidis, venant aux droits de la société anonyme Sofema, à leur payer tous intérêts perçus, augmentés de l’intérêt légal, à compter de leur perception ;
Déboute Monsieur [M] [N] et de Madame [F] [R] de leur demande au titre des frais irrépétibles d’appel ;
Condamne Monsieur [M] [N] et de Madame [F] [R] aux entiers dépens d’appel et à payer à la société anonyme Cofidis, venant aux droits de la société anonyme Sofema, la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,