Nullité de contrat : 6 avril 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 19/02176

·

·

Nullité de contrat : 6 avril 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 19/02176

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 19/02176 – N° Portalis DBVS-V-B7D-FDKM

Minute n° 23/00057

[V]

C/

CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 4] SERPENOISE

Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de METZ, décision attaquée en date du 30 Octobre 2018, enregistrée sous le n° 16/00043

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 06 AVRIL 2023

APPELANT :

Monsieur [S] [V]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 4] SERPENOISE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Gilles ROZENEK, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 06 Octobre 2022 tenue en double rapporteurs par Mme Catherine DEVIGNOT et Mme Claire DUSSAUD, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en ont rendu compte à la cour dans leur délibéré, pour l’arrêt être rendu le 06 Avril 2023.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère

Mme DUSSAUD, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Jocelyne WILD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Le 16 décembre 2011, la SARL Lorraineburo a souscrit auprès de l’association coopérative à responsabilité limitée Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 4] Serpenoise, ci-après désignée la Caisse de Crédit Mutuel ou la CCM, un prêt professionnel d’un montant de 135 000 euros remboursable en 84 mensualités, pour l’acquisition d’un fonds de commerce et rachat de stock.

M. [S] [V], gérant de la SARL Lorraineburo s’est porté caution solidaire de la société pour un montant de 162 000 euros sur une durée de 108 mois.

Par jugement du 27 mai 2015, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Metz a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la SARL Lorraineburo et désigné la SELARL [F] et Nardi, prise en la personne de M. [F] en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 30 septembre 2015, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Metz a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL Lorraineburo.

Par courrier du 6 août 2015, la Caisse de Crédit Mutuel a notifié à Mme [F] ès qualités de mandataire judiciaire, une déclaration de créance, et l’a actualisée le 23 octobre 2015 pour un montant de 75 242,74 euros à titre privilégié, correspondant au prêt souscrit par la SARL Lorraineburo le 16 décembre 2011.

Cette créance a été admise au passif de la procédure collective.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 octobre 2015, la Caisse de Crédit Mutuel a rappelé à M. [V] son engagement de caution à l’égard de la SARL Lorraineburo et l’a mis en demeure de régler au plus tard le 28 octobre 2015 le montant de la dette de la SARL Lorraineburo correspondant au remboursement du prêt souscrit le 16 décembre 2011, avec intérêts jusqu’à parfait paiement sous peine de poursuites judiciaires.

La Caisse de Crédit Mutuel l’a assigné par exploit d’huissier du 29 décembre 2015 devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Metz.

Par conclusions du 20 mars 2018, la Caisse de Crédit Mutuel a demandé au tribunal de :

– condamner M. [V] au paiement de la somme de 47 346,20 euros, compte arrêté au 29 octobre 2015, avec frais et intérêts conventionnels pour la période du 30 octobre 2015 jusqu’à complet paiement,

– dire et juger que les intérêts dus au moins pour une année entière seront capitalisés conformément à l’article 1154 du code civil,

– condamner M. [V] à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles,

– débouter M. [V] de l’ensemble de ses prétentions,

– condamner M. [V] aux entiers frais et dépens de la procédure sur le fondement de l’article 696 du code de procédure civile,

– ordonner l’exécution provisoire du jugement.

Par conclusions du 20 mars 2018, M. [V] a demandé au tribunal de :

– déclarer nul et de nul effet le contrat de cautionnement,

– constater que la réalité des garanties qu’il a données dans le cadre du contrat de prêt souscrit par la SARL Lorraineburo n’a pas été prise en compte dans les montants sollicités,

– dire et juger que la créance revendiquée par la Caisse de Crédit Mutuel n’est pas exigible dans la mesure où celle-ci n’est pas liquide,

– débouter la Caisse de Crédit Mutuel de toutes ses demandes, fins et prétentions,

– enjoindre à la Caisse de Crédit Mutuel d’avoir à justifier du prélèvement des échéances pendant la procédure de redressement judiciaire ainsi que l’historique du compte bancaire rémunéré pour 30 000 euros sur lequel un nantissement avait été pris et qui a été absorbé par la banque,

– enjoindre à la Caisse de Crédit Mutuel d’avoir à justifier du sort du nantissement pris sur le fonds de commerce et, de manière générale, à justifier toutes les opérations afférentes aux échéances, à l’encaissement de la garantie ainsi qu’au nantissement du fonds de commerce,

– condamner la Caisse de Crédit Mutuel à lui payer la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 30 octobre 2018, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Metz a :

– déclaré M. [V] recevable mais mal fondé en son exception de nullité,

– dit que la Caisse de crédit mutuel était fondée se prévaloir de l’engagement de caution de M. [V] en date du 16 décembre 2011,

– prononcé la déchéance de la Caisse de crédit mutuel du droit aux intérêts,

– condamné M. [V] pris en sa qualité de caution de la SARL Buroteam, à payer à la Caisse de Crédit Mutuel la somme de 46 266,96 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2015,

– autorisé la capitalisation des intérêts échus pour une année entière par application de l’article 1343-2 du code civil,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement,

– condamné M. [V] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [V] aux entiers dépens.

Pour se déterminer ainsi, le tribunal a considéré qu’à défaut d’exécution de l’engagement de caution de M. [V], le moyen de défense tendant à sa nullité de l’engagement de caution de M. [V] n’était pas soumis à la prescription et était donc recevable.

Il a estimé que la seule méconnaissance de la réglementation relative à son champ d’activité n’était pas de nature à entraîner la nullité des contrats conclus par la Caisse de Crédit Mutuel et que l’admission de la créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Lorraineburo l’avait rendue opposable, faute pour M. [V] d’avoir émis une réclamation devant le juge commissaire.

Il a relevé que M. [V] ne rapportait pas la preuve d’un manquement de la Caisse de Crédit Mutuel dans la mise en ‘uvre du nantissement du fonds de commerce et que ce dernier n’avait pas permis de le désintéresser même partiellement. Il a également indiqué que seul le nantissement du compte bancaire avait permis de désintéresser partiellement la Caisse de Crédit Mutuel au regard du décompte produit, de sorte que la créance de la Caisse de Crédit Mutuel était certaine, liquide et exigible.

En revanche, il a considéré que la banque n’avait pas satisfait à son obligation annuelle d’information puisque la dernière lettre adressée était datée du 20 février 2015, de sorte que la Caisse de Crédit Mutuel devait être déchue de tout intérêt à compter de cette date.

Par déclaration enregistrée le 30 août 2019 au greffe de la cour d’appel de Metz, M. [V] a interjeté appel de ce jugement aux fins d’annulation, subsidiairement d’infirmation de chacun des chefs du dispositif, ces dispositions étant reprises dans la déclaration d’appel.

Par conclusions du 4 juin 2020, M. [V] a demandé à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau,

Vu la loi N° 47-1775 du 10 septembre 1947,

– déclarer nul et de nul effet son contrat de cautionnement personnel et solidaire invoqué par la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 4] Serpenoise,

– constater que le cautionnement invoqué par la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 4] Serpenoise n’est pas daté,

– déclarer irrecevable l’ensemble des demandes de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 4] Serpenoise formées à son encontre,

Vu l’article 2314 du code civil,

– constater les négligences de la banque dans la mise en ‘uvre du nantissement du fonds de commerce et le décharger de son engagement à hauteur de 43 200 euros,

Vu l’article 1147 du code civil applicable au litige,

Vu les manquements de la banque dans l’information de la caution et dans la rupture brutale du découvert,

– condamner la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 4] Serpenoise à lui payer une somme de 46 266,96 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2015, à titre de dommages et intérêts,

Vu l’article L. 1313-22 du code monétaire et financier,

– constater l’absence d’information annuelle de la caution,

– dire que la banque est déchue des intérêts échus et que les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés affectés prioritairement au règlement du principal de la dette,

– rejeter l’appel incident de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 4] Serpenoise, le dire mal fondé,

– condamner la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 4] Serpenoise aux entiers frais et dépens d’instance et d’appel ainsi qu’à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civil.

Par ses dernières conclusions en date du 8 octobre 2020, auxquelles il est référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la Caisse de Crédit Mutuel a demandé à la cour de :

– débouter M. [V] de son appel et de l’ensemble de ses moyens, fins et prétentions,

– dire et juger irrecevables comme nouvelles à hauteur d’appel les prétentions au titre de l’engagement de sa responsabilité pour manquements contractuels et condamnation à dommages et intérêts au profit de M. [V], les dire et juger non fondées au surplus,

– dire et juger recevables et bien fondés la demande de rectification d’erreur matérielle ainsi que son appel incident,

– infirmer partiellement le jugement entrepris,

– dire et juger que M. [V] doit être condamné pris comme caution solidaire de la SARL Lorraineburo,

– confirmer sur le surplus des dispositions non contraires,

– condamner M. [V] à lui payer une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [V] aux entiers frais et dépens d’appel.

La Caisse de Crédit Mutuel a tout d’abord sollicité la rectification d’une erreur matérielle en ce que le jugement de première instance avait condamné M. [V] en qualité de caution solidaire de la SARL Buroteam alors que la demande objet de la présente procédure concerne un engagement en qualité de caution solidaire de la SARL Lorraineburo. À défaut, l’intimée a demandé par appel incident l’infirmation du jugement dans les mêmes termes.

Ensuite, elle a invoqué l’article 2313 du code civil et soutenu que M. [V] n’était pas recevable à se prévaloir de la nullité du contrat de prêt pour défaut de communication de documents par la banque à l’emprunteur.

Sur l’impossibilité de se prévaloir de l’engagement de caution au motif de l’absence de date, elle a relevé qu’il était de jurisprudence constante que l’absence de date dans un acte de cautionnement n’avait pas de conséquence sur sa validité. Elle a aussi relevé que M. [V] s’était engagé pour le prêt en cause en qualité de gérant de la SARL Lorraineburo et en qualité de caution dans un acte annexé au prêt de sorte qu’il ne pouvait ignorer la date de son engagement de caution.

Concernant le moyen soulevé par M. [V] relatif au nantissement de fonds de commerce de la SARL Lorraineburo, l’intimée a indiqué que le seul fait pour le créancier bénéficiaire du nantissement de fonds de commerce de ne pas faire ordonner la vente de ce dernier dès la défaillance du débiteur principal ou après l’ouverture de la liquidation judiciaire du débiteur ne constituait pas une faute au sens de l’article 2314 du code civil. Elle a ajouté qu’il incombait à la caution d’apporter la preuve que c’est par le fait exclusif du créancier qu’elle a subi un préjudice. Elle a précisé qu’un certificat d’irrecouvrabilité lui a été transmis par le mandataire liquidateur le 1er février 2016, ce qui dénotait pour elle l’absence d’actifs à partager pour les créanciers inscrits.

Par ailleurs, sur les prétentions de l’appelant concernant la responsabilité de la caisse pour manquements contractuels, elle a soutenu que ces prétentions étaient irrecevables car nouvelles en cause d’appel, eu égard au dispositif des dernières écritures de l’appelant en première instance. L’intimée a souligné qu’une prétention devait être considérée comme nouvelle et donc jugée comme irrecevable en appel si elle se démarquait de la prétention soumise aux premiers juges par son objet dans la mesure où elle ne tendait pas aux mêmes fins que celle formée en première instance.

Sur l’information annuelle de la caution, elle a estimé avoir rempli ses obligations et indiqué que la seule sanction prévue était la déchéance du droit aux intérêts. Elle a en outre soutenu que la créance était certaine car admise et objet d’aucun recours suite à l’avis de dépôt de l’état des créances.

Par arrêt avant-dire-droit du 6 janvier 2022, la cour d’appel de Metz a :

– ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture du 2 septembre 2021,

– ordonné la réouverture des débats, tout droit et moyens des parties réservés,

– enjoint à l’association coopérative à responsabilité limitée Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 4] Serpenoise de produire au titre du prêt de 135 000 euros souscrit par la SARL Lorraineburo le 16 décembre 2011 :

– un décompte de sa créance, expurgé des intérêts ayant couru du 31 mars 2012 au 18 février 2013, du 31 mars 2014 au 20 février 2015 et du 31 mars 2016 à ce jour,

– le montant des paiements effectués par la SARL Lorraineburo,

– un tableau d’amortissement depuis le 15 novembre 2011,

– renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 3 février 2022 à 14 heures 00, la présente décision valant convocation des parties pour cette date,

– réservé les demandes ainsi que les dépens.

Pour se déterminer ainsi, la cour a considéré qu’il ressortait du contrat de crédit du 16 décembre 2011 que la première échéance du contrat était fixée au 15 novembre 2011, de sorte que la Caisse de Crédit Mutuel disposait d’une obligation annuelle d’information avant le 31 mars 2012.

Elle a ensuite considéré ne pas disposer d’informations suffisantes pour prononcer une éventuelle déchéance du droit aux intérêts sur le fondement de l’article L. 313-22 du code monétaire et financier, de sorte qu’il y avait lieu d’enjoindre à la banque de produire de nouvelles pièces.

La caisse de Crédit Mutuel a déposé un bordereau de communication de pièces n° 2 le 10 mars 2022, mais n’a pas actualisé ses conclusions.

Par conclusions déposées le 2 août 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, M. [V] demande à la cour de :

– recevoir son appel et le dire bien fondé,

– infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau,

Vu la loi N° 47-1775 du 10 septembre 1947,

– déclarer nul et de nul effet son contrat de cautionnement personnel et solidaire invoqué par la Caisse de Crédit Mutuel,

– constater que le cautionnement invoqué par la Caisse de Crédit Mutuel n’est pas daté,

– déclarer irrecevable l’ensemble des demandes de la Caisse de Crédit Mutuel à son encontre,

– condamner la Caisse de Crédit Mutuel à lui rembourser la somme de 47 493,99 euros avec intérêts au taux légal à compter de la demande,

Vu l’article 2314 du code civil,

– constater les négligences de la banque dans la mise en ‘uvre du nantissement du fonds de commerce et le décharger de son engagement à hauteur de 43 200 euros,

Vu l’article 1147 du code civil applicable au litige,

Vu les manquements de la banque dans l’information de la caution et dans la rupture brutale du découvert,

– condamner la Caisse de Crédit Mutuel à lui payer une somme de 46 266,96 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2015, à titre de dommages et intérêts,

Vu l’article L. 1313-22 du code monétaire et financier,

– constater l’absence d’information annuelle de la caution,

– dire que la banque est déchue des intérêts échus et que les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés affectés prioritairement au règlement du principal de la dette,

– rejeter l’appel incident de la Caisse de Crédit Mutuel, le dire mal fondé,

Vu l’arrêt du 6 janvier 2022,

Vu le décompte produit par la banque en pièce N° 19,

– déclarer irrecevable, subsidiairement mal fondé, l’ensemble des demandes de la Caisse de Crédit Mutuel à son encontre, les rejeter,

A titre infiniment subsidiaire,

– limiter la créance de la banque à 15 494,83 euros et débouter la Caisse de Crédit Mutuel du surplus de ses demandes,

– condamner la Caisse de Crédit Mutuel à lui rembourser la somme de 47 493,99 euros avec intérêt au taux légal à compter de la demande,

– condamner la Caisse de Crédit Mutuel aux entiers frais et dépens d’instance et d’appel ainsi qu’à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, M. [V] invoque la nullité du contrat de cautionnement en soutenant que la Caisse de Crédit Mutuel n’avait pas informé la SARL Lorraineburo qu’elle était sociétaire alors qu’elle aurait dû le faire. Il en a déduit qu’elle ne pouvait lui consentir un prêt et qu’en conséquence le prêt consenti était nul.

M. [V] soutient également que le cautionnement produit par la banque en première instance ne comportait aucune date et que celle-ci ne pouvait se prévaloir d’un cautionnement non daté.

M. [V] invoque la possibilité en tant que défendeur de former à tout moment une demande reconventionnelle même pour la première fois à hauteur d’appel et ajoute que sa demande en responsabilité a bien un lien avec les demandes de la banque puisqu’il s’agit du même rapport contractuel.

Par ailleurs, il fait valoir à l’appui de sa demande en dommages-intérêts que la banque n’avait pas pris en compte un nantissement de fonds de commerce pour une inscription d’un montant de 43 200 euros et s’estime déchargé à cette hauteur.

Il dénonce également les négligences de la banque pour ce qui est de son obligation d’information annuelle de la caution sur les difficultés de remboursement du prêt par l’emprunteur. Il affirme que la SARL Lorraineburo disposait d’un découvert autorisé que la banque a maintenu pendant plus d’un an puis rompu brutalement, et que cela a entraîné des difficultés de trésorerie et l’ouverture de la procédure collective à l’encontre de la SARL Lorraineburo. Il se prévaut également d’un compte bloqué de 30 000 euros qui aurait été absorbé par la Caisse sans que cela n’apparaisse dans l’assignation.

Il estime n’avoir reçu aucune information annuelle en tant que caution et considère que la banque devrait produire un nouveau décompte expurgé de tous les intérêts.

M. [V] ajoute qu’il ressort du nouveau décompte du 1er mars 2022 édité par la Caisse de Crédit Mutuel qu’elle est débitrice à son encontre. Il en conclut que la demande de cette dernière est irrecevable pour défaut de qualité à agir, et subsidiairement mal fondée.

Il soutient à titre infiniment subsidiaire que l’éventuelle créance de la banque à l’encontre de la SARL Lorraineburo s’élèverait tout au plus à la somme de 15 494,83 euros après déduction du versement de 35 632,55 euros au titre d’un paiement en date du 18 janvier 2017 relatif à un compte à terme.

En tout état de cause, il demande le remboursement des trois versements d’un montant total de 47 493,99 euros qui ressortent du décompte de la banque au 1er mars 2022, avec intérêts au taux légal à compter de la demande.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 1er septembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de la demande de la Caisse de Crédit Mutuel :

Les causes d’irrecevabilité sont régies par les articles 122 à 126 du code de procédure civile.

Selon l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Conformément à l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

L’éventuel défaut de créance de la Caisse de Crédit Mutuel contre M. [V] au titre de son engagement de caution de la SARL LorraineBuro ne révèle pas un défaut de qualité à agir, mais un éventuel défaut d’intérêt à agir contre lui.

L’intérêt à agir en justice s’apprécie à la date d’introduction de la demande en justice, et ne peut pas dépendre d’évènements postérieurs qui l’auraient rendu sans objet.

La Caisse de Crédit Mutuel a introduit l’instance contre M. [V] par exploit d’huissier du 29 décembre 2015 déposé devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance.

Il n’est pas contesté qu’à la date de l’introduction de la procédure, la Caisse de Crédit Mutuel détenait une créance contre la SARL Lorraineburo au titre du prêt cautionné par M. [V], qui avait été admise dans le passif de la procédure collective de celle-ci. La Caisse de Crédit Mutuel avait intérêt à agir en paiement de sa créance contre la caution.

Dans le décompte au 1er mars 2022 édité par la Caisse de Crédit Mutuel et produit après réouverture des débats, des règlements postérieurs à l’introduction de l’instance, à compter du 18 janvier 2017 jusqu’au 24 décembre 2022, ont été pris en compte. Ces règlements sont à prendre en compte dans le cadre de l’examen de la demande au fond, et ne remettent pas en cause rétroactivement la recevabilité de la demande.

La demande de la Caisse de Crédit Mutuel est recevable.

Sur la recevabilité de la demande en dommages-intérêts formée par M. [V] :

Aux termes de l’article 64 du code de procédure civile, constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.

L’article 70 du code de procédure civile dispose que les demandes reconventionnelles sont recevables si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Il découle des articles 564 à 567 du code de procédure civile que les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel, quand bien même elles sont nouvelles.

Il est acquis que l’instance a été introduite par la Caisse de Crédit Mutuel et que M. [V] est donc défendeur à l’instance. La demande en dommages-intérêts formée par M. [V] contre la Caisse de Crédit Mutuel est une demande reconventionnelle qui est recevable en application de l’article 567 du code de procédure civile si elle a un lien suffisant avec la demande initiale.

La question de la responsabilité de la Caisse de crédit Mutuel soulevée par M. [V] est relative à l’exécution du contrat de cautionnement de la SARL LorraineBuro pour lequel il s’est engagé, et à la rupture par la CCM d’un découvert autorisé ayant engendré des difficultés financières pour la SARL Lorraine Buro selon M. [V]. La Caisse de crédit Mutuel fonde sa demande en paiement initiale sur cet engagement de caution, et sollicite paiement de la dette de la SARL Lorraine Buro. La demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour responsabilité de la Caisse de Crédit Mutuel dispose donc d’un lien suffisant avec la demande initiale et est donc recevable conformément aux articles 70 et 567 du code de procédure civile.

Dès lors, il convient de déclarer recevable la demande en dommages-intérêts formée par M. [V].

Au fond :

Sur la demande de nullité du contrat de cautionnement :

– concernant le défaut d’information délivrée à la SARL Lorraineburo quant à sa qualité de sociétaire de la Caisse de Crédit Mutuel  :

Selon l’article 2313 du code civil , dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette ; mais elle ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur.

Si M. [V] fait valoir le défaut d’information de la SARL Lorraineburo quant à sa qualité de sociétaire de la Caisse de Crédit Mutuel, il s’agit tout au plus d’une cause de nullité relative, susceptible d’être soulevée par les sociétaires auxquels ce défaut fait, le cas échéant, grief.

Ainsi, M. [V] ne peut se prévaloir du manquement de cette information par la SARL Lorraineburo pour solliciter la nullité du cautionnement.

– concernant la date et la durée de l’engagement de caution :

La mention de la date sur un acte de cautionnement n’est pas obligatoire et son absence ne saurait entraîner l’annulation de l’engagement de caution.

En outre, il ressort de l’exemplaire détenu par la Caisse de Crédit Mutuel de l’acte du 16 décembre 2011 que le cautionnement est annexé au contrat de crédit de 12 pages et a été conclu en même temps, puisqu’il vient à sa suite en page 13, et qu’il comporte la même référence 11284 en bas de page ainsi que le même type de paraphe.

De plus M. [V], caution, a également signé le contrat de crédit en tant que gérant de la SARL Lorraineburo emprunteuse. Or le contrat de crédit comporte la date du 16 décembre 2011. De surcroît l’acte entier de 13 pages a fait l’objet d’un enregistrement réalisé le même jour, 16 décembre 2011, au Service des Impôts des Entreprises, bordereau n°2011-1308, et la mention de cet enregistrement a été apposée sur la dernière page comportant l’engagement de caution signé par M. [V] (cf pièce 1 de la CCM), de sorte que la date du cautionnement est certaine.

Ainsi M. [V] était parfaitement informé de la date de son engagement de caution, à savoir le 16 décembre 2011. Il a expressément consenti à un cautionnement d’une durée de 108 mois, et a pu mesurer la portée de son engagement.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de nullité du contrat de cautionnement. Il y a lieu en outre de rejeter la demande de M. [V] tendant à constater que le cautionnement n’est pas daté.

Sur la demande de M. [V] tendant à constater des négligences dans la mise en ‘uvre du nantissement du fonds de commerce et à le décharger de son engagement de caution :

Selon l’article 2314 du code civil, la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s’opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite.

La caution ne peut être déchargée de son engagement qu’en présence d’un manquement du créancier lui ayant causé un préjudice.

Conformément à l’article 6 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie d’alléguer les faits propres à fonder ses prétentions. Or M. [V] n’explicite pas son reproche fait à la Caisse de Crédit Mutuel de « ne pas avoir pris en compte » le nantissement de fonds de commerce. Il n’invoque aucune faute ou négligence précise de la Caisse de Crédit Mutuel.

En tout état de cause, M. [V] ne démontre pas non plus que le défaut de « prise en compte » du nantissement lui a, le cas échéant, causé un préjudice.

Par conséquent, il convient de rejeter les demandes de M. [V] sur le fondement de l’article 2314 du code civil.

Sur la demande en dommages-intérêts formée par M. [V] contre la Caisse de Crédit Mutuel :

– concernant l’information sur les difficultés de paiement rencontrées par la SARL Lorraineburo :

Selon l’ancien article L. 341-1 du code de la consommation, « sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s’est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée. » 

Il ressort de la lettre recommandée du 28 juillet 2015, reçue par M. [S] [V] le 30 juillet 2015, que la Caisse de Crédit Mutuel l’a informé de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire en date du 27 mai 2015 à l’égard de la SARL Lorraineburo, et du défaut de paiement des deux échéances précédentes du 15 juin 2015 et du 15 juillet 2015.

M. [V] ne démontre pas que le premier incident de paiement serait antérieur au 15 juin 2015

Il résulte de ce qui précède que la Caisse de Crédit Mutuel n’a pas informé M. [V] dans le mois de l’exigibilité du premier incident de paiement non régularisé datant de l’échéance du 15 juin 2015, soit au plus tard le 15 juillet 2015.

Toutefois la sanction prévue par l’article L. 341-1 du code de la consommation précité est la dispense de paiement des pénalités ou intérêts de retard échus entre la date du premier incident, le 15 juin 2015, et la date à laquelle M. [V] en a été informé, le 30 juillet 2015. Or M. [V] ne formule pas de moyens spécifiques ni de demande de déduction de pénalités et intérêts de retard pour cette période.

Pour le surplus, il a été informé de la défaillance de l’emprunteur par la lettre du 28 juillet 2015. En outre par lettre recommandée du 15 octobre 2015, reçue le 20 octobre 2015, il a été informé de la liquidation judiciaire de la SARL Lorraineburo, prononcée le 30 septembre 2015. La demande en dommages-intérêts à ce titre est mal fondée.

– concernant la rupture brutale du découvert consenti par la banque à la SARL Lorraineburo  :

Selon l’article L. 313-22 du code monétaire et financier, Tout concours à durée indéterminée, autre qu’occasionnel, qu’un établissement de crédit ou une société de financement consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l’expiration d’un délai de préavis fixé lors de l’octroi du concours. Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours. Dans le respect des dispositions légales applicables, l’établissement de crédit ou la société de financement fournit, sur demande de l’entreprise concernée, les raisons de cette réduction ou interruption, qui ne peuvent être demandées par un tiers, ni lui être communiquées. L’établissement de crédit ou la société de financement ne peut être tenu pour responsable des préjudices financiers éventuellement subis par d’autres créanciers du fait du maintien de son engagement durant ce délai.

L’établissement de crédit ou la société de financement n’est pas tenu de respecter un délai de préavis, que l’ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s’avérerait irrémédiablement compromise.

Le non-respect de ces dispositions peut entraîner la responsabilité pécuniaire de l’établissement de crédit ou de la société de financement.

Une lettre de la CCM en date du 03 septembre 2013 indique l’existence d’un découvert autorisé consenti à la SARL Lorraineburo, pour un montant global de 30 000 euros, et temporairement de 35 000 euros jusqu’au 10 septembre 2013 (pièce 8 de l’appelant). Toutefois dans une lettre du 28 décembre 2013 la CCM a informé la SARL Lorraineburo de ce qu’elle dénonçait l’autorisation de découvert consentie en date du 12 octobre 2012, et ce avec à l’issue d’un délai de 60 jours (pièce 8 -deuxième document- de l’appelant). Il en ressort que la CCM a notifié à la SARL Lorraine l’interruption de découvert autorisé en lui laissant le délai imposé par la loi.

M. [V] ne produit aucune pièce concernant spécifiquement la SARL Lorraineburo de nature à démontrer une rupture abusive d’un découvert autorisé.

– concernant le paiement d’échéances postérieures à l’ouverture du redressement judiciaire :

Il résulte des pièces produites par la Caisse de Crédit Mutuel qu’elle a évalué sa créance à 65 892,98 euros en principal au 30 septembre 2015 outre intérêts, assurance et indemnités, et l’a déclarée dans la procédure collective, et que cette créance a été admise à titre privilégié au montant de 65 892,98 euros en principal (pièce 9 de la CCM).

Il résulte du tableau d’amortissement du prêt de 135 000 euros que la somme de 65 892,98 euros correspond au capital restant dû avant le paiement de l’échéance du 15 juin 2015.

Or il ressort des relevés de compte bancaire de la SARL Lorraineburo qui sont versés aux débats par M. [V] que la CCM [Localité 4] Serpenoise a effectivement débité les échéances du prêt de 135 000 euros n° 5001 209582, en date du 15 juin 2015 pour 1864,72 euros, en date du 15 juillet 2015 pour 1859,16 euros, en date du 15 août 2015 pour 1855,15 euros et en date du 15 septembre 2015 pour 1849,60 euros (pièce 9 de l’appelant).

La CCM ne soutient pas que ces trois paiements viendraient régulariser des échéances antérieures impayées.

Dans sa lettre du 28 juillet 2015 précitée la CCM avait affirmé que les échéances du 15 juin 2015 et du 15 juillet 2015 étaient impayées, et lui avait demandé de payer la prochaine échéance du 15 août 2015. M. [V] rapporte la preuve que ces indications étaient fausses.

En outre dans sa déclaration de créance du 23 octobre 2015 adressé au mandataire à la liquidation judiciaire (pièce 2), la CCM n’a nullement tenu compte du règlement des échéances de juin à septembre 2015 inclus, puisqu’elle a déclaré une créance en principal de 65 892,98 euros correspondant au capital restant dû avant le paiement de l’échéance du 15 juin 2015.

Il s’ensuit qu’en déclarant et en obtenant l’admission d’une créance de 65 892,98 euros en principal à la date du 30 septembre 2015, alors que sa créance en capital ne pouvait s’évaluer qu’à 54 464,42 euros au 30 septembre 2015 selon le tableau d’amortissement, la CCM a causé un préjudice à M. [V], puisqu’il n’a pas été tenu compte de 4 échéances payées de juin à septembre 2015. Au vu du tableau d’amortissement les échéances du prêt intégraient une somme fixe de 1607,14 euros au titre de la part de capital, le préjudice s’élève à 1607,14 x 4 = 6 428,56 euros. La question des intérêts échus de juin à septembre 2015 sera examinée plus loin.

Au regard de ce qui précède M. [V] est fondé à obtenir réparation d’un préjudice de 6 428,56 euros, et il y a lieu de condamner la Caisse de Crédit Mutuel à lui payer cette somme à titre de dommages-intérêts.

– concernant un compte bloqué de 30 000 euros :

M. [V] évoque des manquements au titre d’un compte bloqué de 30 000 euros qui aurait été absorbé par la caisse sans qu’elle n’en fasse état dans l’assignation, mais il ne fournit ni renseignement précis, ni aucun élément à l’appui de ses allégations, de sorte qu’il ne rapporte ni la preuve d’une faute, ni la preuve d’un préjudice à cet égard.

Au surplus il ressort du contrat de crédit du 16 décembre 2011 que la SARL Lorraineburo avait remis en nantissement à la banque un compte à terme de 30 000 euros, et d’une lettre du 6 décembre adressée par la CCM au mandataire judiciaire qu’elle procéderait à la compensation de ce montant garanti avec sa créance déclarée (pièce 13 de l’intimée), et enfin du dernier décompte en date du 1er mars 2022 qu’elle a déduit de sa créance, à la date du 18 janvier 2017, le compte à terme à hauteur de 35 632,55 euros (pièce 19).

Ainsi la demande en dommages-intérêts n’est pas fondée à cet égard.

Par conséquent, la demande en dommages-intérêts n’est justifiée que pour la somme de 6 428,56 euros évoquée plus haut, et il convient de rejeter le surplus de la demande de M. [V].

Sur le défaut d’information annuelle de la Caisse de Crédit Mutuel

Selon l’article L313-22 du code monétaire et financier, dans sa version applicable au litige, les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

Il ressort du contrat de crédit du 16 décembre 2011 que la première échéance du contrat est fixée au 15 novembre 2011. Aucune pièce produite ne contredit cette affirmation, de sorte qu’il doit être considéré que la Caisse de Crédit Mutuel disposait d’une obligation annuelle d’information avant le 31 mars 2012.

A cet égard, les deux lettres d’information produites par la Caisse de Crédit Mutuel du 18 février 2012 et du 18 février 2013 sont des lettres simples. En outre, les deux procès-verbaux de constats dressés le 13 mars 2012 et le 12 mars 2013 par M. [X] [U], huissier de justice, ne permettent pas d’attester de leur envoi puisqu’ils évoquent des numéros de lots informatiques sans qu’il soit possible de savoir si les lettres visées relevaient de l’un des lots informatiques en question.

Par ailleurs, la Caisse de Crédit Mutuel ne fournit aucune information postérieure à celle du 18 février 2013.

M. [V] produit lui-même deux courriers d’information annuelle en date du 18 février 2013 et du 20 février 2015, qui ont été envoyés à son adresse personnelle (pièce 4). Cependant il ne produit que le recto de ces deux lettres, sur lesquels les informations exigées ne sont pas mentionnées. Ainsi s’il peut être admis que la Caisse de Crédit Mutuel a satisfait à son obligation annuelle au 31 mars 2013, puisqu’elle produit le recto-verso de la lettre du 18 février 2013 comportant l’ensemble des informations nécessaires et que M. [V] a reçu cette lettre dont il produit le recto, en revanche tel n’est pas le cas s’agissant de la lettre du 20 février 2015 dont l’exemplaire produit par M. [V] ne comporte pas les informations exigées par la loi, et qui n’est pas produite par la CCM.

Dès lors, au vu de l’ensemble des pièces produites il apparaît que la Caisse de Crédit Mutuel a uniquement satisfait à son obligation d’information annuelle du montant du prêt cautionné au 31 mars 2013.

Conformément à l’article L313-22 du code monétaire et financier, le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

En application de cette disposition, dès lors que l’information était due à compter du 31 mars 2012 et n’a pas eu lieu, et que seule une information annuelle par lettre du 18 février 2013 est admise, la déchéance totale du droit aux intérêts échus depuis le 31 mars 2012 doit être prononcée.

A supposer même que la Caisse de Crédit Mutuel ait délivré une information annuelle régulière par lettre du 20 février 2015, ce qu’elle ne démontre pas, la sanction serait identique, faute d’information délivrée au plus tard le 31 mars 2014, et faute d’une information délivrée au plus tard le 31 mars 2016 et ultérieurement.

Compte tenu de la déchéance du droit aux intérêts depuis le 31 mars 2012, au vu du tableau d’amortissement du prêt n° 209582 002 02 de 135 000 euros consenti à la SARL Lorraineburo qui est produit en pièce 18 par la Caisse de Crédit Mutuel, et sachant que les échéances de juin 2015 à septembre 2015 ont été réglées, ainsi qu’il a déjà été observé plus haut, et sachant en outre qu’aucune échéance impayée et non régularisée n’est invoquée par la CCM, les intérêts échus et payés pour la période du 31 mars 2012 au 31 septembre 2015 réputés affectés prioritairement au règlement du principal de la dette s’évaluent à la somme de 13 656,09 euros.

Dès lors la somme de 13 656,09 euros doit être déduite du principal de la créance de la Caisse de Crédit Mutuel.

Sur la créance de la Caisse de Crédit Mutuel et la demande en remboursement formée par M. [V] :

La créance de la Caisse de Crédit Mutuel a été admise dans la procédure de liquidation judiciaire de la SARL Lorraineburo à hauteur de 65 892,98 euros en principal, ce qui est opposable à la caution.

Ainsi, compte tenu de la déchéance du droit aux intérêts, la créance de la Caisse de Crédit Mutuel est susceptible de s’évaluer à la somme de 65 892,98 – 13 656,09 = 52 236,89 euros à la date du 30 septembre 2015.

Dans son dernier décompte de créance au 1er mars 2022 la CCM admet toutefois que sa créance représente 51 127,38 euros à cette date compte tenu de la déchéance du droits aux intérêts, ce qui est également admis par M. [V].

Le décompte de créance au 1er mars 2022 produit en pièce 18 indique 4 remboursements affectés au paiement du capital restant dû :

– 18.01.2017 : compte à terme garanti à hauteur de 35 632,55 euros,

– 05.11.2019 : versement ACTA Huissiers de 3 250 euros,

– 12.12.2020 : versement ACTA Huissiers de 3 880 euros,

– 24.12.2020 : versement ACTA Huissiers de 40 363,99 euros,

soit un total de remboursements affectés au capital dû de 83 126,54 euros.

Dès lors, et en l’absence de contestation par l’intimée, M. [V] est fondé à solliciter que la créance de la CCM soit évaluée à la somme de 51 127,38 – 35 632,55 = 15 494,83 euros après déduction du compte à terme. Cette somme est productive d’intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 16 octobre 2015. Le jugement n’est pas critiqué en ce qu’il a admis la capitalisation des intérêts échus pour une année entière par application de l’article 1343-2 du Code civil.

Par conséquent, il convient d’infirmer le jugement entrepris s’agissant du montant de la créance de la CCM, mais non pas s’agissant de la capitalisation des intérêts, qui ne concernera que les intérêts au taux légal.

Enfin M. [V] estime être en droit d’obtenir le remboursement de la somme de 47 493,99 euros qui correspondent aux trois derniers paiements opérés par voie forcée et transmis par l’étude d’Huissiers de justice, visés dans le décompte du 1er mars 2022 . La CCM ne conteste pas cette demande de remboursement. Il y sera donc fait droit, et ce avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Il convient d’infirmer le jugement entrepris dans ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

La Caisse de Crédit Mutuel, qui succombe à hauteur de cour, sera condamnée aux dépens de première instance et de l’appel.

Pour des considérations d’équité, elle devra également payer la somme de 3 000 euros à M. [V] au titre de l’instance d’appel en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La demande de la Caisse de Crédit Mutuel au titre de l’article 700 du code de procédure civile est rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ce qu’il a :

– rejeté la demande en annulation du cautionnement de M. [V] s’agissant du prêt de 135 000 euros souscrit par la SARL Lorraineburo ;

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Metz du 30 octobre 2018 en ce qu’il a :

prononcé la déchéance de la Caisse de crédit mutuel du droit aux intérêts,

condamné M. [V] pris en sa qualité de caution de la SARL Buroteam, à payer à la Caisse De Crédit Mutuel la somme de 46 266, 96 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2015,

condamné M. [V] à payer à la Caisse De Crédit Mutuel la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

condamné M. [V] aux entiers dépens.

et statuant à nouveau,

Condamne M. [V] pris en sa qualité de caution de la SARL Lorraineburo, à payer à la Caisse de Crédit Mutuel la somme de 15 494,83 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2015 ;

Rejette le surplus de la demande de la Caisse de Crédit Mutuel ;

Condamne la Caisse de Crédit Mutuel aux dépens de première instance ;

Rejette la demande de la Caisse de Crédit Mutuel en indemnité titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ;

Confirme le jugement en ce qu’il a autorisé la capitalisation des intérêts échus pour une année entière par application de l’article 1343-2 du code civil;

Y ajoutant,

Déclare recevable la demande principale formée par la Caisse de Crédit Mutuel contre M. [V] ;

Déclare recevable la demande en dommages-intérêts formée par M. [S] [V] contre la Caisse de Crédit Mutuel ;

Rejette la demande de M. [V] tendant à constater que le cautionnement n’est pas daté ;

Rejette la demande de M. [V] tendant à constater des négligences de la banque dans la mise en ‘uvre du nantissement du fonds de commerce et à le décharger de son engagement à hauteur de 43 000 euros ;

Condamne la Caisse de Crédit Mutuel à payer à M. [V] la somme de 6 428,56 euros à titre de dommages-intérêts ;

Rejette le surplus de la demande en dommages-intérêts de M. [S] [V] ;

Condamne la Caisse de Crédit Mutuel à payer à M. [V] la somme de 47 493,99 euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

Condamne la Caisse de Crédit Mutuel aux dépens de la procédure d’appel ;

Condamne la Caisse de Crédit Mutuel à payer à M. [S] [V] la somme de

3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la Caisse de Crédit Mutuel formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente de chambre

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x