Nullité de contrat : 6 avril 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 22/04263

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Nullité de contrat : 6 avril 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 22/04263

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre civile

ARRET DU 06 AVRIL 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/04263 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PQTM

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 JUILLET 2022

JUGE DE LA MISE EN ETAT DE BEZIERS N° RG 21/01085

APPELANTS :

Monsieur [U] [W]

né le 26 Novembre 1970 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me SEBASTIAN substituant Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Madame [K] [I]

née le 19 Avril 1975 à [Localité 7] (GABON)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me SEBASTIAN substituant Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES :

la Société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (venant aux droits du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE OUEST suite à une fusion-absorption selon PV d’AGE du 26/11/2015 et déclaration de conformité du 01er/12/2015), est une SA au capital de 124.821.703 €, inscrite au RCS de Paris sous le n° 379 502 644, dont le siège social est sis [Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me DARTIER substituant Me David BERTRAND, avocat au barreau de BEZIERS

SAS EDELIS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège social

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Marie Camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me TONDINI, avocat plaidant

S.A.S.U. LES JARDINS D’EULALIE

[Adresse 10]

[Adresse 10]

Représentée par Me Manon CLAISE de la SCP PALIES – DEBERNARD-JULIEN – MARTIN-VELEINE – CLAISE – PJDA, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 06 Février 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 FEVRIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Eric SENNA, Président de chambre

Madame Myriam GREGORI, Conseiller

Madame Nelly CARLIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Laurence SENDRA

ARRET :

– Contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Eric SENNA, Président de chambre, et par Monsieur Salvatore SAMBITO Greffier.

EXPOSE DU LITIGE :

La SCCV Le Montblanc, aujourd’hui radiée du registre du commerce et des sociétés, en qualité de vendeur des biens et droits immobiliers et la SAS [9], nouvellement dénommée Les Jardins d’Eulalie, en qualité de vendeur des droits et biens mobiliers ont entrepris la construction d’un ensemble immobilier dénommé Résidence «[9]  » à [Localité 8], destiné à être exploité en établissement d’hébergement pour personnes âgées et dépendantes (EHPAD).

Pour procéder à la commercialisation de ces biens, la SAS Akeris Promotion devenue société Edelis, gérante de la SCCV Le Montblanc et dans le cadre de son activité de promotion immobilière, a, notamment, fait appel, à la société Occitania Finances, aujourd’hui liquidée, avec laquelle elle a signé un mandat de vente le 4 avril 2008.

M. [U] [W] et Mme [K] [I] ont signé le 7 mai 2008 avec la société Occitania Finances représentant la société Akerys Promotion un contrat préliminaire de réservation portant sur l’acquisition d’un appartement de type Tl, situé au premier étage de la résidence, composant le lot n°55, d’une superficie habitable de 20,50m2 au prix de 141.389 € TTC, ce prix comprenant l’achat de l’appartement pour une somme de 112.124,43 8 € HT, soit 134. 100,88 € TTC et d’équipements mobiliers pour un montant de 6.093,75 € HT soit 7.288,12€ TTC.

Ce contrat de réservation a été suivi d’un acte authentique en date du 9 octobre 2008 entre les parties portant sur la vente en l’état de futur achèvement de ces biens.

Suivant acte authentique distinct du même jour, M. [U] [W] et Mme [K] [I] ont eu recours à un prêt souscrit auprès du Crédit immobilier de France Ouest d’un montant en principal de 141 389 € remboursable en 360 mensualités pour financer cette acquisition.

Le même jour, M. [U] [W] et Mme [K] [I] ont signé un bail commercial de logement meublé avec la société [9] pour une durée ferme de 11 ans et 9 mois moyennant un loyer annuel de 5.616€ TTC.

Dans le courant de l’année 2019, M. [U] [W] et Mme [K] [I] ont cessé de régler les mensualités de leur prêt.

Par courrier du 21 janvier 2020, le Crédit Immobilier de France Développement, venant aux droits du Crédit Immobilier de France Ouest a informés les débiteurs du prononcé de la déchéance du terme applicable au prêt en cause et les a mis en demeure de rembourser immédiatement la somme de 108.258,33€.

M. [U] [W] et Mme [K] [I] n’ayant pas procédé au remboursement de la somme en question, le Crédit Immobilier de France Développement a fait procéder le 4 juin 2020 à une saisie- attribution sur les loyers, mesure contestée par les débiteurs devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Montpellier, lequel par jugement du 23 décembre 2020 les a déboutés de l’ensemble de leurs demandes.

Aprés avoir fait réaliser une estimation de leur bien et estimant avoir été trompés sur sa valeur vénale, sa valeur locative, ainsi que sur les avantages fiscaux de l’opération, M. [U] [W] et Mme [K] Ntsame ont, par exploit d’huissier en date du 5 mai 2021, fait assigner la SA Crédit Immobilier de France Développement , la SAS Eledis et la SAS Les Jardins d’Eulalie aux fins de voir essentiellement :

* A titre principal, au visa des articles 1116 et 1382 du code civil dans leur rédaction applicable aux faits de la cause,

– Constater l’existence d’un dol manifeste et à tout le moins un manquement à l’obligation d’information et de conseil ayant entaché la formation du contrat de réservation et du contrat de vente immobilière,

– Prononcer la nullité de l’acte de vente conclu entre les SCCV Le Montblanc et Les Jardins d’Eulalie

– Condamner en conséquence ensemble solidairement, la SCCV Le Montblanc et la société Edelis à leur rembourser le prix de vente dudit immeuble soit la somme de 134.100,88€, outre tous les frais attachés à la vente avec intérêts au taux

légal à compter de la présente assignation,

– Condamner en conséquence la société Les Jardins d’Eulalie à leur rembourser le prix de vente des meubles composant le dit immeuble soit la somme de 7288,l2 euros avec intérêts au taux légal à compter de la présente assignation,

– Prononcer en conséquence la nullité ou tout le moins la résolution du contrat de prêt consenti par la Crédit Immobilier de France,

– Condamner ensemble et solidairement la SCCV Le Montblanc, la société Edelis et la société Les Jardins d’Eulalie à payer aux demandeurs la somme de 10000 € chacun au titre de leur préjudice moral,

* A titre subsidiaire, au visa des articles L111-1 et suivants du code de la consommation et 1382 du code civil dans leur rédaction applicable aux faits de la cause,

– Dire et juger que les défenderesses ont commis une faute entraînant la mise en jeu de leur responsabilité,

– Dire et juger que les défenderesses ont manqué à leur devoir de conseil et d’information

– Condamner en conséquence solidairement les défenderesses à la somme de 86.730 € (50.000 € au titre du préjudice financier + 16.730 € au titre du manque å gagner + 20.000 € au titre du préjudice moral).

Saisi par la SA Crédit Immobilier de France Développement , la SAS Eledis et la SAS Les Jardins d’Eulalie de conclusions d’incident tendant à l’irrecevabilité des demandes de M. [U] [W] et Mme [K] [I] pour défaut de qualité à agir et en raison de la prescription de leur action, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Béziers, par ordonnance en date du 7 juillet 2022, a :

– constaté le désistement de M. [W] et Mme [I] de leur demande de nullité de vente,

– déclaré irrecevable pour défaut de droit d’agir la demande d’indemnisation du préjudice résultant de la présentation fallacieuse d’avantages fiscaux formée à l’encontre des SA Crédit Immobilier de France Développement, SAS Eledis et SAS Les Jardins d’Eulalie

– déclaré irrecevables comme prescrites les demandes d’indemnisation du préjudice résultant des man’uvres dolosives et/ou défaut d’information et de conseil concernant d’une part la valeur locative et la rentabilité et d’autre part la valeur vénale et l’espoir d’une plus-value formées à l’encontre des Crédit Immobilier de France Développement, SAS Eledis et SAS Les Jardins d’Eulalie,

– dit que chaque partie supportera la charge de ses frais irrépétibles,

– condamné in solidum M. [W] et Mme [I] aux entiers dépens.

Par déclaration au greffe du 4 août 2022, M. [U] [W] et Mme [K] [I] ont relevé appel de cette décision.

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 novembre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, M. [U] [W] et Mme [K] [I] demandent à la Cour de :

* infirmer l’ordonnance dont appel en ce qu’elle a :

– Déclaré irrecevable pour défaut de droit d’agir la demande d’indemnisation du préjudice résultant de la présentation fallacieuse d’avantages fiscaux formée à l’encontre de la SA Crédit Immobilier de France Développement, la SAS Eledis et la SAS Les Jardins d’Eulalie

– Déclaré irrecevables comme prescrites les demandes d’indemnisation du préjudice résultant des man’uvres dolosives et/ou défaut d’information et de conseil concernant d’une part la valeur locative et la rentabilité et d’autre part la valeur vénale et l’espoir d’une plus-value formées à l’encontre des SA Crédit Immobilier de France Développement, SAS Eledis et SAS Les Jardins d’Eulalie

– Condamné in solidum M. [W] et Mme [I] aux entiers dépens,

– Et ce faisant, prendre acte du désistement à l’égard de la SAS Les Jardins d’Eulalie,

– Juger que les concluants démontrent leur droit à agir à l’égard de la SA Crédit Immobilier de France Développement et de la SAS Eledis,

– Juger que le point de départ de la prescription est le jour du dépôt du rapport d’expertise soit le 1°’ octobre 2020,

– Et ce faisant, juger1’action de M. [W] et Mme [I] recevable à l’égard de la SA Crédit Immobilier de France Développement et de la SAS Eledis,

– Débouter les intimés de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

– Condamner in solidum les intimés à payer à M. [W] et Mme [I] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.

Au dispositif de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 31 octobre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, le Crédit Immobilier de France Développement, venant aux droits du Crédit Immobilier de France Ouest demande à la Cour de :

‘ confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance en date du 07 juillet 2022 (RG N°21/01085) rendue par le Juge de la mise en état près le Tribunal judiciaire de Béziers ;

Y ajoutant,

‘ condamner M. [W] et Mme [I] au paiement d’une indemnité d’un montant de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

‘ condamner M. [W] et Mme [I] en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître [U] Bertrand conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 février 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, la SAS Edelis demande à la Cour de :

– confirmer l’ordonnance rendue par le Juge de la Mise en État du Tribunal Judicaire de Béziers le 6 juillet 2022

Par conséquent,

– juger irrecevables pour défaut de droit à agir les demandes des Consorts [I]- [W] dirigées à l’encontre de la SAS Edelis.

– juger irrecevables comme étant prescrites les demandes des Consorts [I]- [W] tant sur le fondement du dol que sur celui du manquement à l’obligation d’information et de conseil, s’agissant de la surévaluation du bien pour ne pas avoir été intentée avant le 9 octobre 2013.

– A titre superfétatoire, condamner in solidum Mme [I] et M. [W] au paiement de la somme de 6000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens du procès dont les dépens d’incident, avec droit de recouvrement direct, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Au dispositif de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 3 novembre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, la SAS Les Jardins d’Eulalie demande à la Cour de :

– prononcer le désistement de M. [U] [W] et de Mme [K] [I] à l’égard de la société Les Jardins d’Eulalie

– condamner solidairement Mme [I] et M. [W] à payer à la société Les Jardins d’Eulalie la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

– condamner Mme [I] et M. [W] aux entiers dépens

– débouter les parties de toute demande plus ample ou contraire

– confirmer le surplus de l’ordonnance.

MOTIFS :

Sur le désistement des appelants à l’encontre de la Sas Les Jardins d’Eulalie

Les appelants demandent à la cour de prendre acte de leur désistement à l’égard de la SAS Les Jardins d’Eulalie.

Il convient de donner acte aux appelants de leur désistement qu’il convient d’analyser comme un désistement d’appel à l’encontre de la SAS Les Jardins d’Eulalie.

Sur l’irrecevabilité de la demande d’indemnisation du préjudice résultant de la présentation fallacieuse d’avantages fiscaux

La société Edelis soulève l’irrecevabilité de la demande d’indemnisation du préjudice résultant de la présentation fallacieuse d’avantages fiscaux formée à son encontre par les consorts [W]-[I] qui se plaignent uniquement de fausses informations contenues dans la simulation fiscale qui leur a été remise par la société Occitania Finance, son mandataire alors qu’elle n’est pas le vendeur du bien en cause et qu’elle n’a aucune responsabilité dans les faits commis par son mandataire chargé seulement, aux termes du mandat signé entre eux, de rechercher des acquéreurs et de conclure un contrat de réservation et non de proposer une projection financière destinée à réaliser un investissement défiscalisant.

Le Crédit immobilier de France Développement, qui conclut à la confirmation de l’ordonnance entreprise qui a déclaré irrecevable cette demande formée à son encontre, soutient qu’il est étranger à l’opération immobilière et fiscale en question qui n’interesse que les rapports entre vendeur et acheteur, la banque n’étant pas tenue d’une obligation d’information et de conseil portant sur cette opération.

Aux termes de l’article 30 du code de procédure civile, l’action est le droit pour l’auteur d’une prétention d’être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée tandis que pour l’adversaire, l’action est le droit de dsicuter le bien-fondé de cette prétention.

Selon l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.

Par ailleurs, en application de l’article 32 du même code, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.

Il ressort de ces dispositions que le droit d’agir est exigé de toute personne qui agit dans l’instance à un titre quelconque comme demandeur, défendeur ou tiers intervenant.

En l’espèce, les consorts [W]-[I] ont saisi le tribunal judiciaire d’une action en nullité du contrat du 9 octobre 2008 portant sur la vente du bien immobilier qu’ils ont acquis dans le cadre d’une vente en l’état de futur achèvement, nullité fondée sur l’existence de manoeuvres dolosives et subsidiairement d’une action en responsabilité délictuelle pour manquement au devoir d’information et de conseil.

Il résulte de la décision entreprise que les consorts [W]-[I] se sont désister de leur demande de nullité de la vente, à la suite de la revente de leur bien immobilier.

Subsiste en conséquence uniquement leur demande d’indemnisation dirigée à l’encontre de du Crédit Immobilier de France, qui a consenti le prêt ayant permis l’acquisition du bien en cause et de la société Edelis (anciennement Akerys Promotion), promoteur immobilier qui avait été chargé de la vente du bien en question. Les consorts [W]-[I] fondent leur demande d’indemnisation sur la faute qui aurait été commise par ces professionnels qui ont manqué à leur devoir de conseil et d’information portant :

– sur la valeur locative et la rentabilité du bien vendu,

– sur la valeur vénale du bien et l’espoir d’une plus value,

– sur la présentation d’avantages fiscaux et l’espérance de rentabilité fiscale de leur investissement immobilier.

Il ressort de l’assignation introductive d’instance que l’ensemble de ces griefs sont fondés sur les dispositions des articles L 111-1 et suivants du code de la consommation et 1382 du code civil dans leur rédaction applicable aux faits de la cause.

Ainsi et même en ce qui concerne la présentation fallacieuse invoquée d’avantages fiscaux, les acquéreurs sont fondés à agir directement tant à l’encontre de la société Edelis qu’à l’encontre du Crédit immobilier de France Développement dés lors qu’en application des articles précités, tout professionnel, qu’il soit vendeur de biens ou prestataires de services sont susceptibles de voir leur responsabilité délictuelle recherchée dans le cadre de leur obligation générale de conseil et d’information sur les caractéritiques essentielles du bien ou du service proposé.

Il ressort des pièces produites que si la SAS Akerys Promotion devenue société Edelis, n’est pas le vendeur du bien en cause, c’est elle qui dans le cadre de son activité professionnelle de promotion immobilière, s’est vue confiée la promotion des biens faisant partie de l’immeuble en état de futur achèvement et a conclu avec les consorts [W]-[I] le contrat de réservation de leur appartement signé le 7 mai 2008, ce contrat ayant été établi au nom de la SAS Akerys Promotion, représentée par la société Occitania Finances. Le fait que la société Akerys Promotion ait seulement donné mandat à la société Occitania Finances de rechercher des acquéreurs et de conclure un contrat de réservation en vue de cette vente ne fait pas obstacle à la possibilité pour les acquéreurs de rechercher la responsabilité délictuelle de la société Akeris Promotion, aujourd’hui Edelis fondée sur l’existence de fausses d’informations contenues dans des documents qui leur ont été remis par son mandataire et relatives à la rentabilité fiscale de l’opération alors même que l’un de ces documents comporte le logo de la société Akerys Promotion et que l’étendue de ce mandat est contestée par les appelants.

Il appartiendra à cet égard au seul juge du fond de déterminer si les conditions de fond sont réunies pour retenir la responsabilité délictuelle de la société Edelis.

Il en est de même en ce qui concerne le Crédit Immobilier de France Développement qui ne conteste pas avoir consenti dans le cadre de son activité professionnelle un prêt destiné au financement du bien acquis par les consorts [W]-[I] et dont la responsabilité délictuelle est également susceptible d’être recherchée sur le fondement de l’obligation de conseil et d’information concernant cette prestation de service qu’il a offerte aux appelants, en leurs qualité de consommateurs. Seul le juge du fond sera en mesure de trancher les contestations relatives au contenu et à l’étendue de cette obligation à l’égard de M. [W] et de Mme [I].

Ainsi, la SAS Edelis et la SA Crédit Immobilier de France Développement ne peuvent être considérées comme dénuées de qualité à agir en défense à l’action engagée à leur encontre par M. [W] et de Mme [I].

Il convient en conséquence d’infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau de ce chef d’infirmation, de déclarer M. [W] et de Mme [I] recevables à agir à l’encontre de la SAS Eledis et de la SA Crédit Immobilier de France Développement en ce qui concerne leur demande d’indemnisation du préjudice résultant de la présentation fallacieuse d’avantages fiscaux et de rejeter la fin de non-recevoir soulevée à ce titre par les intimés.

Sur la prescription de l’action en responsabilité délictuelle

La SAS Edelis et la SA Crédit Immobilier de France Développement soulèvent la prescription des actions engagées à leur encontre sur le fondement du dol et du manquement à l’obligation de conseil et d’information.

Cependant, il convient de rappeler que les consorts [W]-[I] se sont désister devant le premier juge de leur action en nullité fondée sur le dol et n’ont maintenu, en conséquence, que leur action en responsabilité délictuelle fondée sur les dispositions de l’article 1382 du code civil et de L 111-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la date des faits invoqués.

En conséquence, seules sont applicables les dispositions de l’article 2224 du code civil aux termes desquelles les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

A cet égard, la SAS Edelis et la SA Crédit Immobilier de France Développement font valoir que c’est au plus tard dés l’encaissement des premiers loyers en 2009 que les consorts [W]- [I] ont eu connaissance du défaut de rentabilité locative et dés le jour de la signature de l’acte authentique de vente, voire même du contrat de réservation du bien qu’ils ont été en mesure de s’assurer de la valeur du bien, la société Edelis ajoutant qu’il en de même pour le manquement relatif à l’information sur le dispositif fiscal, dont ils ont pu avoir connaissance au plus tard dés la fin du plan d’épargne fiscal qu’il leur a été remis, soit dès le 9 octobre 2014.

Les appelants soutiennent, au contraire, la recevabilité de leur action comme étant non prescrite, en exposant que ce n’est qu’à la date du rapport d’expertise du 1er octobre 2020 qu’ils ont eu connaissance de la valeur de leur bien et qu’ils ont pu se convaincre de la surévaluation du bien et du défaut de rentabilité de l’opération.

Il est de principe que la prescription d’une action en responsabilité délictuelle court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.

En recherchant la responsabilité délictuelle pour manquement à une obligation de conseil et d’information, les appelants réclament la réparation d’un préjudice s’analysant en une perte de chance de ne pas contracter ou d’éviter le risque de conclure un contrat non avantageux.

Néanmoins que ce soit en ce qui concerne le préjudice invoqué de la surévaluation du bien au moment de son acquisition ou celui résultant d’informations erronées sur les avantages fiscaux, les appelants ne sauraient valablement soutenir que le point de départ de la prescription doit être repoussé à la date de l’estimation de leur bien, telle que résultant du rapport d’expertise établi à leur demande le 1er octobre 2020 alors même qu’en qualité d’acheteurs normalement diligents , ils étaient en mesure, dés la conclusion de l’acte authentique de vente et de l’acte de prêt du 9 octobre 2008, de recueillir les informations sur le bien qu’ils envisageaient d’acheter et particulièrement concernant l’état du marché immobilier du lieu d’investissement projeté et de les comparer aux informations données par les différents intervenants à l’opération sur la valeur d’acquisition du bien et les avantages procurés par cette opération. Ils se trouvaient dés lors dans la capacité dés l’achat du bien de se rendre compte d’une éventuelle surévaluation de celui-ci et par voie de conséquence d’un risque de ne pas obtenir les bénéfices escomptés en cas de revente.

Par ailleurs, quand bien même le rapport d’expertise du 1er octobre 2020 a retenu une valeur vénale inférieure au prix d’achat, cette évaluation postérieure de douze ans à la date d’acquisition du bien n’est pas déterminante alors que la valeur d’un bien dépend d’aléas liés à l’évolution du marché immobilier et à la conjoncture économique et que le risque de perte de valeur vénale du bien plusieurs années après son achat est inhérent à tout achat immobilier. Le point de départ du délai de prescription ne saurait ainsi être fixé au gré des intérêts de l’acquéreur au moment où l’opération devient déséquilibrée pour lui après un renversement de conjoncture et après la fin des avantages fiscaux.

En ce qui concerne le préjudice portant sur la valeur locative et le défaut de rendement locatif, il convient de considérer que c’est à bon droit que le premier juge a retenu comme point de départ du délai de prescription la date des premiers encaissement des loyers par les appelants, soit dés la fin de l’année 2009, date à laquelle ils ont commencé à percevoir leurs premiers loyers résultant du bail signé avec la société [9] et date à laquelle ils ont nécessairement pris conscience du défaut de rentabilité locatif puisque le montant de ces loyers était inférieur au montant des mensualités de l’emprunt. Les appelants en contestent pas avoir perçu les loyers conformément aux termes du bail signé le 9 octobre 2008 et n’invoquent aucune vacance locative.

Dès lors, ce bail prévoyant qu’il devait prendre effet au 16 décembre 2009, c’est à cette date qu’il convient de fixer le point de départ du délai de prescription.

M. [W] et Mme [I] ayant engagé leur action par assignation du 5 mai 2021, soit plus de 5 ans après les points de départ des délais précités, c’est à juste titre que le premier juge a déclaré irrecevables comme étant prescrites leurs demandes d’indemnisation résultant d’un défaut d’information et de conseil concernant d’une part la valeur vénale et l’espoir d’une plus-value et d’autre part la valeur locative et la rentabilité et l’ordonnance entreprise sera confirmée à ce titre.

Y ajoutant, il convient également de déclarer prescrite leur demande d’indemnisation résultant d’un défaut d’information et de conseil concernant les avantages fiscaux.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Il est inéquitable de laisser à la charge des intimés les sommes exposées par elles et non comprises dans les dépens. Les appelants seront condamnés à leur payer à chacune d’elle la somme de 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La demande formée sur le même fondement par les appelants qui succombent dans l’instance sera rejetée.

Pour les mêmes motifs, ils seront condamnés aux dépens de l’instance d’appel, avec autorisation de recouvrement direct au profit de l’avocat de la SAS Edelis, et de Me David Bertrand, avocat du Crédit Immobilier de France Développement en application de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

– donne acte à M. [U] [W] et Mme [K] [I] de leur désistement d’appel à l’encontre de la SAS Les Jardins d’Eulalie,

– confirme l’ordonnance entreprise sauf en ce qu’elle a déclaré irrecevable pour défaut de droit d’agir la demande d’indemnisation du préjudice résultant de la présentation fallacieuse d’avantages fiscaux formée à l’encontre des SA Crédit Immobilier de France Développement et SAS Eledis,

Statuant à nouveau de ce chef d’infirmation,

– déclare M. [U] [W] et Mme [K] [I] recevables à agir à l’encontre de la SAS Eledis et de la SA Crédit Immobilier de France Développement en ce qui concerne leur demande d’indemnisation du préjudice résultant de la présentation fallacieuse d’avantages fiscaux,

– rejette, en conséquence, la fin de non-recevoir soulevée à ce titre par la SAS Eledis et de la SA Crédit Immobilier de France Développement,

et y ajoutant,

– déclare irrecevable comme étant prescrite la demande d’indemnisation de M. [U] [W] et de Mme [K] [I] résultant d’un défaut d’information et de conseil concernant les avantages fiscaux,

– condamne M. [U] [W] et Mme [K] [I] à payer à la SAS Eledis, la SA Crédit Immobilier de France Développement et à la SAS Les Jardins d’Eulalie la somme de 500 € à chacune d’elle, en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejette la demande formée par M. [U] [W] et Mme [K] [I] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamne M. [U] [W] et Mme [K] [I] aux dépens de l’instance d’appel, avec autorisation de recouvrement direct au profit de l’avocat de la SAS Edelis et de Me David Bertrand, avocat du Crédit Immobilier de France Développement en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

 


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