COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 06 Avril 2023
N° RG 21/00823 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GVXB
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON LES BAINS en date du 15 Février 2021, RG 17/02356
Appelante
Mme [H] [P] [Y] [M]
née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 6], demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Agnès UNAL, avocat postulant au barreau d’ANNECY et Me Anne-Sophie RAMOND, avocat plaidant au barreau de PARIS
Intimée
CAISSE LOCALE DE CREDIT MUTUEL DU [Localité 7], dont le siège social est sis [Adresse 3] prise en la personne de son représentant légal
Représentée par Me Corine BIGRE de la SELAS AGIS, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l’audience publique des débats, tenue le 07 février 2023 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,
Et lors du délibéré, par :
– Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
– Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
– Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par offre du 7 décembre 2011, acceptée le 20 décembre 2011, la caisse du crédit mutuel du [Localité 7] a accordé à Mme [H] [M] un prêt immobilier d’un montant de 445 500 francs suisses, remboursable en 241 mensualités au taux d’intérêts variable indexé sur l’indice libor 3 mois au jour le jour, plafonné à 4,250 %. Le taux initial était fixé à 2,550 % l’an et la valeur de l’index retenu lors de la conclusion du contrat était de 0,00667 %. Les mensualités initiales étaient de 2 460,60 CHF. Ce prêt avait pour objectif le rachat d’un prêt précédent souscrit en 2008 pour financer la construction d’une maison.
A l’époque de la souscription de ce nouveau prêt Mme [H] [M] travaillait en Suisse.
A la suite d’impayés, survenus à compter de la mensualité du 10 juillet 2016, la caisse du crédit mutuel du [Localité 7] a prononcé la déchéance du terme par lettre recommandée avec avis de réception du 20 octobre 2017 et a réclamé à Mme [H] [M] le paiement d’une somme de 405 138,33 CHF.
Par acte d’huissier du 30 novembre 2017, Mme [H] [M] a assigné la caisse du crédit mutuel du [Localité 7] aux fins notamment d’annulation du contrat litigieux comme contraire l’ordre public économique, de caractérisation en clause abusive de la clause d’indexation et en responsabilité de la banque pour manquement à son devoir d’information et de conseil, non respect du taux d’intérêt contractuel.
Par jugement contradictoire du 15 février 2021, le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains a :
– déclaré irrecevable comme étant prescrite l’action en nullité du contrat de prêt souscrit le 20 décembre 2011 par Mme [H] [M] auprès de la caisse du crédit mutuel du [Localité 7],
– rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action de Mme [H] [M] en responsabilité de la caisse du crédit mutuel du [Localité 7],
– débouté Mme [H] [M] de l’ensemble de ses demandes,
– fixé la créance de la caisse du crédit mutuel du [Localité 7] à la somme de 399 868,53 euros, outre, à compter du 30 juin 2018, intérêts au taux de 5,544 % et cotisations d’assurance,
– condamné Mme [H] [M] à payer la somme de 2 000 euros de la caisse du crédit mutuel du [Localité 7] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [H] [M] aux entiers dépens,
– accordé le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile à maître Bigre,
– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration du 15 avril 2021, Mme [H] [M] a interjeté appel du jugement.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 02 janvier 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Mme [M] demande à la cour de :
– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains le 15 février 2021 sauf en ce qu’il a déclaré l’action en responsabilité recevable,
– débouter la caisse du crédit mutuel du [Localité 7] de l’ensemble de ses demandes, fins, conclusions y compris de son appel incident,
en statuant à nouveau,
– la recevoir en ses demandes et les dire bien fondées,
– débouter la caisse du crédit mutuel du [Localité 7] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– déclarer le contrat de prêt souscrit auprès la caisse du crédit mutuel du [Localité 7] contraire à l’ordre public économique,
en conséquence,
– déclarer le contrat de prêt litigieux nul et non avenu,
– constater que les parties doivent être remises en la même situation que si l’opération litigieuse n’avait jamais existé,
– ordonner la restitution des sommes perçues par chacune des parties et,
– constater leur compensation à due concurrence,
– déclarer abusive la clause d’indexation du contrat de prêt conclu avec la caisse du crédit mutuel du [Localité 7],
en conséquence, s’agissant d’une clause constituant l’objet principal du contrat,
– déclarer le contrat de prêt litigieux nul et non avenu,
– constater que les parties doivent être remises en la même situation que si l’opération litigieuse n’avait jamais existé,
– ordonner la restitution des sommes perçues par chacune des parties et,
– constater leur compensation à due concurrence,
– dire et juger que la caisse du crédit mutuel du [Localité 7] a manqué à son obligation d’information et de conseil,
– condamner la caisse du crédit mutuel du [Localité 7] à lui payer la somme de 46 124,71 euros à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
– dire et juger que la caisse du crédit mutuel du [Localité 7] a manqué à ses obligations contractuelles en ne respectant pas le taux d’intérêt contractuellement au titre du prêt souscrit,
– condamner la caisse du crédit mutuel du [Localité 7] à appliquer au contrat le taux d’intérêt indexé sur l’évolution de l’index libor chf 3 mois réel,
– condamner la caisse du crédit mutuel du [Localité 7] à établir un nouveau tableau d’amortissement du prêt en tenant compte, dès l’origine du contrat, du taux d’intérêts indexé sur l’évolution de l’index libor chf 3 mois réel,
– ordonner la restitution du trop-perçu au titre du paiement des intérêts,
en tout état de cause,
– débouter la caisse du crédit mutuel du [Localité 7] de sa demande reconventionnelle,
– condamner la caisse du crédit mutuel du [Localité 7] à lui payer la somme de 6 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
– prononcer l’exécution provisoire de l’arrêt à intervenir.
Dans ses conclusions adressées par voie électronique le 5 janvier 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la caisse du crédit mutuel du [Localité 7] demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu le 15 février 2021 par le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains, sauf en ce qu’il a :
– déclaré non prescrite la demande en responsabilité de Madame [M],
– fixé sa créance à la somme de 399 868,53 euros outre intérêts,
et, statuant à nouveau,
– déclarer prescrite la demande en responsabilité de Madame [M],
– fixer sa créance à la somme de 418 087.39 chf outre intérêts au taux conventionnel majoré de 5.544 % et cotisations d’assurance à compter du 30 juin 2018, suivant décompte de la créance arrêtée au 29 janvier 2018,
– débouter Madame [M] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions contraires,- condamner la même à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la même aux entiers dépens dont distraction au profit de maître Bigre, avocat sur son affirmation de droit.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur la nullité du contrat de prêt
L’article 2224 du Code civil dispose que : ‘les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer’.
A titre liminaire, la cour relève que la réforme de la prescription, opérée par la loi du 17 juin 2008, a réduit le délai de 10 à 5 ans. Le nouveau délai est dans ce cas applicable, selon l’article 26-II de la loi du 17 juin 2008, à compter de l’entrée en vigueur de la loi (en l’espèce le 19 juin 2008). A cet égard, les dispositions de l’article 2232 du code civil, invoquées par Mme [H] [M] (prévoyant que le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au delà de 20 ans à compter du jour de la naissance du droit), n’ont pas, contrairement à ce qu’elle affirme, eu pour effet de créer un délai de prescription de 20 ans qui se serait achevé en l’espèce en 2031. Ce texte signifie au contraire et uniquement que, si le délai de 5 ans se trouve impacté soit par une cause de report du point de départ, soit par une cause d’interruption ou de suspension, le délai maximal depuis la naissance du droit est de 20 ans. Or en l’espèce, il n’est question ni de report du point de départ du délai, ni de cause de suspension, ni de cause d’interruption.
Il est constant que la prescription de l’action court à compter est le jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître la cause de nullité dont il se prévaut. Selon Mme [H] [M] ce point de départ se situe au jour où le titulaire du droit est en mesure d’agir efficacement. Elle appuie sa demande de nullité sur le contenu de la clause de remboursement qui lui impose soit de payer les échéances en francs suisses, soit d’acheter des devises pour approvisionner le compte dédié au remboursement.
La cour relève cependant que le contrat de prêt litigieux (pièce intimé n°1) exprime sans la moindre ambiguïté, notamment en pages 1 et 2 les montants, coûts et modalités de remboursement relatifs aux prêts litigieux en francs suisses, avec l’indication systématique, après les montants, de la mention ‘CHF’ ainsi que l’indication de la devise en toutes lettres. Dès lors que Mme [H] [M] fonde sa demande de nullité du contrat précisément sur le fait que le remboursement se fera en francs suisses, elle avait, dès la souscription de l’engagement, connaissance des éléments lui permettant de solliciter une telle nullité. Au demeurant la situation de l’emprunteur ne saurait ici être comparée à celle des arrêts rendus par la cour d’appel de Metz invoqués par l’appelante. En effet, dans la présente espèce, la clause 7.2 du contrat indique bien que les emprunteurs ont toujours la faculté de régler les échéances en euros ce qui n’était pas le cas dans les espèces rapportées. Par ailleurs il est constant que Mme [H] [M] travaillait en Suisse au temps de la conclusion du contrat dans le présent dossier et était donc rémunérée en francs suisses. Par conséquent, il n’existait aucun risque de change dans le remboursement des prêts ni aucune atteinte à l’ordre public économique.
En conséquence, en ce qui concerne l’action en nullité du contrat, le point de départ de la prescription doit être fixé au jour de l’acceptation de l’offre soit le 20 décembre 2011. L’action engagée le 30 novembre 2017 était donc prescrite. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action en nullité du contrat de prêt.
2. Sur le caractère abusif de la clause d’indexation
La cour relève que, par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19), la cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que l’article 6, § 1, et l’article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d’effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale soumettant l’introduction d’une demande par un consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d’une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai de prescription. Il s’en déduit que la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l’article L. 132-1 précité n’est pas soumise à la prescription quinquennale.
Il convient encore de noter que l’appréciation du caractère abusif des clauses, au sens du premier alinéa de l’article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation, ne porte pas sur la définition de l’objet principal du contrat pour autant que ces clauses sont rédigées de façon claire et compréhensible. A cet égard, la cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce que la notion d’«objet principal du contrat», au sens de cette disposition, couvre une clause contractuelle insérée dans un contrat de prêt libellé en devise étrangère, n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle et selon laquelle le prêt doit être remboursé dans la même devise étrangère que celle dans laquelle il a été contracté, dès lors que cette clause fixe une prestation essentielle caractérisant ce contrat et que, par conséquent, cette clause ne peut pas être considérée comme étant abusive, pour autant qu’elle soit rédigée de façon claire et compréhensible (arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a.C-186/16). A ce titre la clarté de la rédaction de la clause ne se confond pas avec l’obligation d’information incombant à la banque sur laquelle repose l’action en indemnisation mais pas l’action en inopposabilité de la clause abusive.
En l’espèce, la clause d’indexation (clause 8 du contrat) porte bien sur l’objet principal du contrat car elle concerne la définition du taux d’intérêt. Elle définit par ailleurs clairement la variabilité du taux, à la hausse comme à la baisse, selon l’index ‘Libor trois mois’ dont la dernière valeur connue est donnée. Elle mentionne ensuite les modalités d’actualisation de l’index, la répercussion de l’index sur le taux d’intérêt et sur le terme de remboursement avec des exemples à la clé. Il est enfin indiqué toujours très clairement que l’emprunteur sera informé de toute modification du taux d’intérêt.
Il en résulte qu’il n’existe aucune méprise ni ambiguïté sur les modalités de calcul du taux d’intérêt par utilisation d’une l’indexation. Par conséquent, la clause arguée d’abusive, portant sur l’un des objets principaux du contrat mais rédigée en termes parfaitement clairs, compréhensibles et précis ne peut pas être qualifiée d’abusive. En conséquence, il convient de débouter Mme [H] [M] de sa demande tendant à déclarer abusive la clause d’indexation et des demandes subséquentes.
3. Sur la responsabilité de la banque
a. Sur la prescription
Il résulte de la jurisprudence de la cour de cassation que, sur le fondement de l’article 2224 du code civil, l’action en responsabilité de l’emprunteur non averti à l’encontre du prêteur au titre d’un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l’emprunteur d’appréhender l’existence et les conséquences éventuelles d’un tel manquement (cass. civ. 1ère, 1er mars 2023, n°21-20.260).
En l’espèce, selon les écritures de la caisse du crédit mutuel du [Localité 7] (conclusions p.2) le premier incident de paiement date de juillet 2017. Par conséquent, l’action en responsabilité engagée par assignation du 30 novembre 2017 n’est pas prescrite. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
b. Sur le manquement à l’obligation d’information et de conseil
Il convient de rappeler que la banque n’est pas débitrice d’une obligation de conseil en raison du devoir de non-immixtion dans les affaires de son client, sauf si elle est s’y est engagée contractuellement. En l’espèce, Mme [H] [M] ne démontre pas qu’un tel engagement a été souscrit par la banque à son égard.
Sur le manquement à l’obligation d’information, la cour de cassation juge que, lorsqu’elle consent un prêt libellé en devise étrangère, stipulant que celle-ci est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l’emprunteur, la banque est tenue de fournir à celui-ci des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d’une telle clause sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, notamment en cas de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l’État où celui-ci est domicilié et d’une hausse du taux d’intérêt étranger (cass. civ. 1ère, 30 mars 2022 n°19-17.996).
Il convient de noter que Mme [H] [M] n’est pas une professionnelle de la banque et ne peut pas se voir attribuée la qualité d’emprunteuse avertie sur seul fait qu’au temps du prêt elle travaillait en Suisse.
En l’espèce, il est stipulé, à la clause 7.2 du contrat, que ‘la monnaie de paiement est l’euro, l’emprunteur ayant toujours la faculté de rembourser en euros les échéances au moment de leur prélèvement’. Il est également prévu que ‘les échéances sont débitées sur tout compte en devises ouvert au nom de l’un quelconque des emprunteurs dans les livres du prêteur’. Il est enfin stipulé que ‘il est expressément convenu que l’emprunteur assume toutes les conséquences du changement de parité entre la devise empruntée et l’euro qui pourrait intervenir jusqu’au complet remboursement du prêt’. Par conséquent le contrat litigieux est bien de ceux pour lesquels la cour de cassation fait peser sur le prêteur une obligation d’information renforcée se prolongeant pendant toute la vie du contrat et portant notamment sur les risques de change en cas de dépréciation importante de la monnaie.
Il convient enfin de noter que la caisse du crédit mutuel du [Localité 7] ne justifie pas avoir fourni une telle information, de sorte qu’elle engage sa responsabilité contractuelle pour non respect de son devoir d’information.
Mme [H] [M] réclame à titre de dommages et intérêts une somme de 46 124,71 euros correspondant à la somme qu’elle estime avoir remboursé en pure perte. Elle explique en effet que le taux de change a significativement évolué pour passer de 1 euro pour 1,5166 CHF en juin 2019 à 1 euro pour 1,05711 CHF en 2015. Ainsi, le capital restant dû était, selon elle de 341 353 CHF en octobre 2017, soit 295 897,50 euros et que donc il n’avait pas significativement diminué malgré des remboursements intervenus pendant 4 ans et 7 mois n’entraînant qu’une diminution de 69 724,10 euros. Elle calcule ainsi la somme payée en pure perte en soustrayant la baisse du capital restant dû (69 724,10 euros) au montant des échéances remboursées (115 848,81 euros). Elle estime sa perte de chance de ne pas contracter le prêt litigieux à 90% du préjudice total.
La cour observe que :
– Mme [H] [M] fonde son raisonnement uniquement sur des chiffres issus d’un tableau dressé par ses soins (pièce n°3) ;
– bien que Mme [H] [M] estime la perte de chance de ne pas souscrire le prêt litigieux à 90% du préjudice total, elle réclame néanmoins la totalité de ce qu’elle estime être le montant des sommes payées en pure perte ;
– les échéances réglées n’ont pas vocation à venir en diminution du seul capital mais comprennent une part d’intérêts laquelle, élevée en début de remboursement, s’amenuise peu à peu.
En se référant à l’échéancier prévisionnel du contrat litigieux (pièce débitrice n°2) et au fait constant selon lequel les paiements des mensualités ont été honorés jusqu’au mois de juillet 2016, soit sur 55 mois comme l’affirme Mme [H] [M] dans ses écritures, il convient de noter que :
– l’emprunteuse a payé un total de 135 337,40 CHF (55 x 2 460,68), ce qu’elle reconnaît elle même dans sa pièce n°3 ;
– après paiement de la 55ème échéance le capital restant dû aurait dû s’élever à la somme de 364 058,89 CHF, les paiements auraient donc permis de diminuer le capital restant dû de 81 441,11 CHF et de payer 53 896,29 CHF d’intérêts.
Or, selon le décompte de la banque (pièce banque n°2), au 10 juillet 2016, demeurait un capital restant dû de 339 706,66 CHF, soit 24 352,23 CHF de moins que par rapport aux prévisions du tableau d’amortissement initial. C’est d’ailleurs sur la base de ce capital restant dû que la banque calcule les sommes aujourd’hui réclamées (pièce banque n°3).
Il convient encore de noter que, selon le contrat le coût total du crédit s’élevait à la somme de 153 487,02 CHF ce qui, ajouté au capital emprunté, portait à la somme de 580 987,02 CHF le total des sommes que Mme [H] [M] aurait dû verser. Or selon le décompte produit (pièce banque n°3), en ne prenant en compte ni les intérêts de retard ni le montant de la clause pénale, le montant total des sommes représente 512 457,11 CHF [135 337,40 CHF (sommes déjà payées) + 37 384,31 CHF (échéances échues impayées) + 28,74 CHF (assurance vie) + 339 706,66 CHF (capital restant dû)], soit 68 529,91 CHF de moins.
En conséquence, quand bien même la caisse du crédit mutuel du [Localité 7] a commis une faute, Mme [H] [M] ne démontre pas la réalité du préjudice qui en serait résulté. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a déboutée Mme [H] [M] de sa demande en dommages et intérêts.
c. Sur les manquements contractuels relatifs à la non-application du Libor négatif
Mme [H] [M] précise que, dans la mesure où le prêt n’est pas capé, le taux d’intérêt doit évoluer en fonction de l’évolution du Libor même si celle-ci est négative. Elle ajoute qu’en 2015 l’index Libor est passé sous 0%. Elle estime en conséquence qu’elle n’était plus redevable d’intérêts depuis cette date et qu’en refusant de lui faire application du taux Libor négatif la banque a manqué à ses obligations contractuelles.
Le contrat de prêt litigieux prévoit que
– ‘les intérêts sont stipulés à taux variable, l’index retenu est l’index Libor 3 mois. Le taux d’intérêt du prêt, variable ou indexé, pendant toute sa durée, ne pourra être supérieur à 4,250 %’ ;
– ‘Le taux d’intérêts du prêt variera à la hausse comme à la baisse en fonction de l’évolution du LIBOR TROIS MOIS (taux interbancaire offert à [Localité 5] ou [Localité 4] Interbank Offered Rate), publié par l’Association des banques britanniques. Le taux d’intérêt mentionné au présent contrat est donné à titre purement indicatif sur la base du dernier LIBOR TROIS MOIS connu au moment de l’établissement du contrat. La valeur de l’index à la date du 15/09/2011 est de 0, 00667″ ;
– le taux initial est fixé à 2,550%.
Il en résulte que le prêt, capé à la hausse contrairement à ce que prétend Mme [H] [M], connaît un taux d’intérêt variable dont la base de calcul initiale est fixée à 2,550%. C’est sur ce taux que vient s’appliquer la variation du LIBOR, lui-même initialement fixé à 0,00667. Par conséquent, même si l’indice LIBOR est parvenu à 0 % cela ne peut avoir pour effet d’avoir rendu nul le taux d’intérêt dû par l’emprunteur, étant entendu par ailleurs qu’il n’est pas possible d’appliquer un taux d’intérêt négatif.
En effet, il est de jurisprudence constante que, constitue une opération de crédit, tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d’une autre personne. Ainsi, dans un contrat de prêt immobilier, l’emprunteur doit restituer les fonds prêtés dans leur intégralité, les intérêts conventionnellement prévus sont versés à titre de rémunération de ces fonds et, dès lors que les parties n’ont pas entendu déroger aux règles du code civil, le prêteur ne peut être tenu, même temporairement, au paiement d’une quelconque rémunération à l’emprunteur (par exemple : Cass. civ. 1, 25 mars 2020, n°18-23.803).
Enfin, il convient de noter que Mme [H] [M] se contente d’affirmer qu’elle ne devait plus payer d’intérêt à compter de 2015 sans fournir d’élément de nature à montrer la réalité du taux d’intérêt qui lui a été appliqué à compter de cette date.
En conséquence le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [H] [M] de ses demandes relatives au manquement contractuel lié à la non-application du taux Libor négatif.
4. Sur la demande en paiement de la caisse du crédit mutuel du [Localité 7]
La caisse du crédit mutuel du [Localité 7] précise que Mme [H] [M] est redevable de la somme de 418 087,39 CHF, outre intérêts au taux conventionnel majoré de 5,554 % et des cotisations d’assurance à compter du 30 juin 2018, selon le décompte arrêté au 29 juin 2018 qu’elle produit. Elle ajoute que l’emprunteuse prétend sans le démontrer que la clause pénale appliquée est manifestement excessive alors que, selon elle, elle ne l’est pas en raison de l’ancienneté de la dette (déchéance du terme prononcée le 27 octobre 2017), du montant de la dette (392 580,99 CHF) et du préjudice qu’elle subit en se trouvant privée de sa rémunération du fait de la résiliation du contrat.
Mme [H] [M] prétend, pour sa part, que les indemnités de recouvrement sont excessives et qu’il convient d’en réduire le montant.
Il résulte du décompte produit par la caisse du crédit mutuel du [Localité 7] que Mme [H] [M] est redevable d’une somme totale de 418 087,39 CHF ainsi composée :
– capital restant dû à la déchéance du terme : 339 706, 66 CHF
– échéances échues : 37 384,31 CHF,
– intérêts arrêtés au 20 octobre 2017 : 1 514,24 CHF,
– intérêts du 21 octobre 2017 au 29 juin 2018 : 13 947,04 CHF
– assurance : 28,74 CHF
– indemnité conventionnelle : 25 506,40 CHF
Mme [H] [M] n’apporte aucun élément de nature à démonter qu’elle s’est acquittée des sommes réclamée. Elle se contente de contester le seul montant de la clause pénale. Il convient de relever que la somme réclamée au titre de ‘l’indemnité conventionnelle’ s’analyse en clause pénale comme l’a justement relevé le tribunal.
L’article 1152 ancien du Code civil, applicable au présent contrat, dispose que : « Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite».
En l’espèce, la caisse du crédit mutuel du [Localité 7] réclame une pénalité d’un montant de 25 506,40 CHF représentant 7% du capital restant dû. La disproportion d’une clause pénale s’apprécie nécessairement in concreto en comparant le montant de la pénalité et le préjudice effectivement subi. En l’espèce, il convient de relever que le montant de la clause pénale légèrement inférieur à celui du montant des intérêts réclamés, lequel ne comprend pas le montant des intérêts déjà payés à l’occasion des 55 échéances honorées (25 506,40 contre 26 678,78). Son application telle que demandée reviendrait donc à quasiment doubler la part de rémunération de l’emprunteur dont la situation est, par définition, obérée. En conséquence, c’est à bon droit que le premier juge a réduit la clause pénale à 2 % du capital restant dû soit la somme de 7 287,54 CHF.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a fixé la créance de la caisse du crédit mutuel du [Localité 7] à la somme de 399 868,53 euros outre intérêts au taux de 5,544 % à compter du 30 juin 2018, la majoration de 3 % du taux d’intérêt n’étant pas plus contestée en appel qu’en première instance. En revanche, dans la mesure où d’après la caisse du crédit mutuel du [Localité 7] la déchéance du terme a été prononcée le 20 octobre 2017, il n’y a pas lieu de faire application des cotisations d’assurance, le contrat ayant pris fin. Sur ce point le jugement sera infirmé et la banque déboutée de sa demande.
5. Sur les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, Mme [H] [M] qui succombe sera tenue aux dépens de première instance et d’appel, avec distraction au profit du conseil de la caisse du crédit mutuel du [Localité 7] par application de l’article 699 du code de procédure civile. Elle sera corrélativement déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile comme n’en remplissant pas les conditions d’octroi.
Il n’est pas inéquitable de faire supporter par Mme [H] [M] partie des frais irrépétibles non compris dans les dépens et exposés par la caisse du crédit mutuel du [Localité 7] en première instance et en appel. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il l’a condamnée à payer à la banque la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle sera en outre condamnée à lui verser la somme de 2 000 euros au même titre en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne la demande au titre des cotisations d’assurance à compter de juin 2018,
Statuant à nouveau sur ce point,
Déboute la caisse du crédit mutuel du [Localité 7] de sa demande en paiement des cotisations d’assurance à compter du 30 juin 2018,
Y ajoutant,
Condamne Mme [H] [M] aux dépens d’appel, maître Bigre étant autorisée à recouvrer directement auprès d’elle ceux dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision,
Déboute Mme [H] [M] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [H] [M] à payer à la caisse du crédit mutuel du [Localité 7] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Ainsi prononcé publiquement le 06 avril 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente