12/04/2023
ARRÊT N°246/2023
N° RG 22/00254 – N° Portalis DBVI-V-B7G-OSB5
AM/MB
Décision déférée du 09 Décembre 2021 – TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE – 21/02621
[I] [S]
[H] [L]
C/
S.A. AXA FRANCE IARD
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU DOUZE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANT
Monsieur [H] [L]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Jean-Michel CROELS, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
S.A. AXA FRANCE IARD
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Marie SAINT GENIEST de la SCP SCP FLINT – SAINT GENIEST – GINESTA, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant O.STIENNE et A. MAFFRE, Conseillers chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
O. STIENNE, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
Greffier, lors des débats : M. BUTEL
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre.
FAITS
Le 14 août 2018, M. [H] [L], assuré auprès de la SA Axa France Iard suivant contrat du 26 avril 2013, a procédé à une déclaration de sinistre relative à un vol subi à son domicile le 8 août 2018.
L’assureur lui a opposé une déchéance de garantie, suivant courrier du 13 février 2019, motif pris d’une fausse déclaration de sa part.
PROCÉDURE
Par acte en date du 10 août 2020, M. [L] a fait assigner la SA Axa France Iard devant le juge chargé des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Toulouse statuant en référé pour obtenir, sur le fondement des articles 1104 et suivants du code civil et 835 alinéa 2 du code de procédure civile, sa condamnation à lui verser la somme de 7029 € à titre provisionnel.
Suivant ordonnance du 22 janvier 2021, le juge des référés a constaté que cette demande excédait ses pouvoirs et renvoyé l’examen de l’affaire devant le juge du fond.
Par jugement contradictoire en date du 9 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a :
– débouté [H] [L] de l’ensemble de ses demandes formées contre la SA Axa France Iard,
– condamné [H] [L] à verser à la SA Axa France Iard la somme de 1500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné [H] [L] aux entiers dépens,
– ordonné l’exécution provisoire.
Pour se déterminer ainsi, le juge a retenu principalement que :
. la fausse déclaration caractérisée par la production d’une fausse facture pour une tronçonneuse entache l’ensemble de la déclaration de sinistre conformément aux conditions générales,
. les biens litigieux seraient issus d’une fraude apparentée au travail dissimulé, à la fraude fiscale ou au recel de ces infractions, selon les déclarations de M. [L] et, comme tels, ils ne peuvent faire l’objet d’une indemnisation en vertu de l’article 1128 du code civil et du principe Fraus omni corrumpit..
Par déclaration en date du 12 janvier 2022, M. [L] a interjeté appel du jugement critiqué en tout ses chefs, à l’exception du prononcé de l’exécution provisoire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [L], dans ses dernières écritures en date du 1er avril 2022, demande à la cour, au visa des articles 1104 et suivants et 1231-1 et suivants du code civil, de’:
– réformer le jugement rendu le 9 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Toulouse dans toutes ses dispositions en ce qu’il a :
. débouté M. [L] de ses demandes à savoir la condamnation de la SA Axa France Iard à l’indemniser à hauteur de la somme de 7 029 euros au titre des biens suivants : téléviseur, home cinéma et enceintes et la condamnation de la SA Axa France Iard à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [L] à payer à la SA Axa France Iard la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
– constater que la déchéance du contrat d’assurance est abusive et illégale,
– dire et juger que le contrat d’assurance doit recevoir plein effet,
– condamner la SA Axa France Iard à indemniser M. [L] à hauteur de la somme de 7 029 euros au titre des biens suivants : téléviseur, home cinéma et enceintes,
– condamner la SA Axa France Iard à payer la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
M. [L] expose qu’il lui a été dérobé un ensemble home system d’une valeur de 7029 euros, acquis par M. [U] par l’intermédiaire de sa société, la SARL Nenta, en paiement d’une dette à son égard.
Il soutient tout d’abord que le premier juge n’a pas caractérisé une cause de nullité au sens de l’article 1128 du code civil et que les conditions de nullité du contrat d’assurance prévues à l’article L113-8 du code des assurances ne sont pas remplies, en l’absence de fausse déclaration de mauvaise foi ayant changé l’opinion que pouvait avoir l’assureur sur le risque.
L’appelant relève ensuite l’absence de preuve de ce que les conditions générales ont été portées à sa connaissance : elles lui sont inopposables.
Il conteste enfin avoir commis une fraude en évoquant la tronçonneuse dans sa déclaration de sinistre, d’autant que le litige ne porte pas sur ce matériel et que cette erreur est donc sans incidence sur l’indemnisation du matériel audio-vidéo sollicitée.
Au soutien de ses demandes, M. [L] fait valoir que :
. le rapport d’enquêteur privé à l’origine du refus abusif de garantie démontre qu’il fait financer certains de ses achats par ses clients, ce qui n’est pas une cause de déchéance,
. la facture de tronçonneuse n’étant pas produite, son caractère frauduleux ne peut être apprécié, et le problème de date est au plus une erreur matérielle,
. c’est M. [U] qui a établi l’attestation car, pour sa part, il ne sait pas écrire : il lui a seulement donné quitus de la reconnaissance de dette en la signant,
. il était en possession des biens ainsi acquis avant le vol, comme le prouvent les attestations et photos produites : les conditions générales n’exigent pas la production des factures d’achat,
. les factures postérieures objets de l’attestation du vendeur Sonology concernent un home cinéma différent, acquis pour la société Nenta ; M.[U] atteste des conditions d’achat du téléviseur ; et la facture des baffles, produite, établit qu’elles ont été enlevées le 4 août 2018,
. il a bien déclaré les montants correspondant au préjudice, les vendeurs Boulanger et Sonology ont attesté de leur achat par M. [U] pour son compte, même si les factures n’ont pu être rectifiées pour des raisons comptables,
. et si ce matériel est de qualité, il ne saurait avoir un usage professionnel pour l’établissement de nuit dirigé par M. [U].
La SA Axa France Iard, dans ses dernières écritures en date du 17 mai 2022, demande à la cour, au visa des articles 1102, 1128 et 1353 du code civil, de’:
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel, rendu par le tribunal judiciaire le 9 décembre 2021, qui a débouté M. [H] [L] de l’ensemble de ses demandes formées contre la SA Axa France Iard, et l’a condamné au paiement de la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Y ajoutant,
– condamner M. [L] aux entiers dépens d’appel, outre une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile supplémentaire de 5 000 €.
L’assureur rappelle que M. [L] a signé les conditions particulières aux termes desquelles il reconnaît avoir pris connaissance des conditions générales et souligne que le dépôt de plainte, qui serait du 13 août 2018, n’est pas produit.
Il affirme que l’assuré est déchu par application de la police d’assurance, et non de l’article L132-26 du code des assurances, pour avoir commis au moins deux fausses déclarations sur les conséquences du sinistre :
. il a déclaré avoir acquis un home cinéma de 999 euros et une télévision de 3879 euros auprès de la société Sonology mais ne produit pas les factures, et cette société n’a identifié que deux factures, au nom de la société Nenta, même si M. [L] leur a fait remplacer cette mention par son nom sur une troisième facture : tous ces articles correspondent en réalité à l’activité professionnelle de M. [U],
. il a également déclaré le vol de deux tronçonneuses en fournissant deux factures identiques à l’exception des dates, l’entreprise vendeuse étant radiée à la date de la seconde.
Au-delà de la déchéance de garantie, M. [L] ne prouve pas l’existence et la valeur du bien disparu, à tout le moins par une facture d’achat à son nom: il s’établit à lui-même postérieurement au vol une reconnaissance de dette, l’attestation de M. [U] n’est pas conforme à l’article 202 du code de procédure civile, et les deux autres ne correspondent pas au rapport d’enquête.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
À titre liminaire, il est rappelé que la cour, tenue par le seul dispositif des conclusions, n’est pas valablement saisie par les demandes des parties tendant à « donner acte », « constater », « dire et juger », qui constituent des moyens et non des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile.
Sur la déchéance de garantie
Aux termes des conditions particulières signées par M. [L] le 26 avril 2013, le contractant reconnaît avoir reçu un exemplaire des conditions générales, chaque page des conditions particulières précisant en leur en-tête qu’elles viennent compléter les conditions générales 150101J pour constituer le contrat d’assurance.
L’appelant est donc infondé à alléguer l’inopposabilité desdites conditions générales.
Aux termes des articles 1103 et 1004 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Au cas d’espèce, les conditions générales 150101J prévoient diverses sanctions, précisées en gras dans un paragraphe surligné en page 55, au rang desquelles figure la disposition suivante, qui a fondé la déchéance de garantie opposée par la SA AXA France Iard et dont M. [L] ne remet pas en cause la validité, :
‘Si, de mauvaise foi, vous faites de fausses déclarations sur la nature, les causes, les circonstances ou les conséquences du sinistre*, vous êtes entièrement déchu de tout droit à garantie pour ce sinistre*.’
L’assureur met ici en avant deux fausses déclarations sur les conséquences du sinistre, tenant l’une au matériel audio-vidéo, l’autre aux tronçonneuses.
S’agissant des tronçonneuses, M. [L] admet une possible erreur matérielle quant à la date de l’une des factures mais il en conteste le caractère frauduleux, arguant de ce qu’elle n’est pas produite.
Il s’évince ainsi de ses écritures que l’assuré ne prétend pas ne pas avoir fourni à l’appui de sa déclaration de sinistre les factures d’achat de tronçonneuses litigieuses.
Et il ne discute ici que la portée de l’erreur tenant à la date mentionnée sur la seconde, 2014 pour un vendeur qui a cessé son activité en 2011, envisageant une erreur lors de l’édition de la facture.
Or, il ressort :
. du rapport d’expertise amiable en date du 7 septembre 2018 que l’assuré a signalé le vol de trois tronçonneuses, l’une sans marque valant 313,50 euros, une autre également sans marque et de même valeur, et la dernière de marque Stihl évaluée à 176,50 euros,
. du rapport de l’enquêteur privé mandaté par l’assureur en date du 7 janvier 2019 que si l’achat de la machine Stihl a pu être vérifié, M. [L], interrogé sur la présentation de deux factures [J] identiques à l’exception de l’année d’édition, lui a précisé s’être fait voler une seule tronçonneuse de marque [J] : il n’a acheté qu’un matériel de cette marque et n’a pu préciser la marque de la seconde tronçonneuse, et il l’a confirmé dans l’attestation rédigée à la demande de l’enquêteur par sa soeur sous sa dictée le 30 novembre 2018, en évoquant un unique achat de tronçonneuse de marque [J] G 3200 en 2009 et un possible duplicata en 2014.
Cette dernière explication ne peut cependant pas être retenue puisque l’entreprise supposément à l’origine de la facture de 2014 avait alors cessé son activité depuis trois ans.
Dès lors, il apparaît que pour étayer sa déclaration du vol de deux tronçonneuses de marques différentes, M. [L] a produit deux exemplaires de la facture d’achat de son unique tronçonneuse [J], dont l’un est nécessairement insincère et n’a pu être obtenu du vendeur : il a donc faussement déclaré le vol de deux tronçonneuses [J], en parfaite connaissance de cause.
Ce faisant, il a réalisé de mauvaise foi la fausse déclaration sur les conséquences du sinistre qui, aux termes de la police souscrite, entraîne la déchéance de tout droit à garantie pour ce sinistre, défini dans le lexique des conditions générales comme ‘l’ensemble des conséquences d’un événement susceptible d’être garanti par [son] contrat’.
Il est dès lors indifférent que la présente instance n’ait trait qu’à l’indemnisation d’une autre partie du préjudice ainsi déclaré à l’assureur, et le premier juge a retenu à juste titre que la production d’une fausse facture de tronçonneuse entache l’ensemble de la déclaration de sinistre aux termes du contrat.
Partant, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner plus avant l’authenticité des éléments produits pour justifier de l’indemnisation sollicitée au titre du matériel audio-vidéo, il apparaît que la SA AXA France Iard était bien-fondée à opposer à M. [L] la clause contractuelle de déchéance de garantie.
La décision déférée doit en conséquence être confirmée en ce qu’elle a rejeté toutes ses demandes à l’encontre de l’assureur.
Sur les frais et dépens
M. [L] qui succombe sera condamné aux entiers dépens.
Aucune considération tirée de l’équité ou de la situation économique des parties ne commande l’octroi d’une indemnité supplémentaire en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Vu l’article 700 du code de procédure civile, déboute la SA Axa France Iard de sa demande d’une indemnité supplémentaire,
Condamne M. [H] [L] aux dépens de l’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
M. BUTEL C. BENEIX-BACHER