Nullité de contrat : 13 avril 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 21-23.457

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Nullité de contrat : 13 avril 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 21-23.457

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 avril 2023

Cassation

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 289 F-D

Pourvoi n° F 21-23.457

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 AVRIL 2023

La société AT patrimoine, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 21-23.457 contre le jugement rendu, selon la procédure accélérée au fond, le 1er octobre 2021, par le président du tribunal judiciaire de Paris, dans le litige l’opposant à l’Opérateur de compétence des entreprises de proximité (OPCO-EP), dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Michel-Amsellem, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société AT patrimoine, de Me Isabelle Galy, avocat de l’Opérateur de compétence des entreprises de proximité, et l’avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l’audience publique du 28 février 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Michel-Amsellem, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Paris, 1er octobre 2021), rendu selon la procédure accélérée au fond, la société AT patrimoine, qui exerce des activités de formation, a, en application de l’article 2 de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique (l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009), formé un recours précontractuel contre une décision de l’Opérateur de compétence des entreprises de proximité (l’OPCO) rejetant, pour deux lots, sa candidature à la réalisation de quatre lots d’un appel d’offre publié par celui-ci et relatif à un marché de formation professionnelle des gardiens, concierges et employés d’immeubles.

2. En dépit de l’assignation qui lui avait été délivrée, l’OPCO a conclu les marchés pour les lots 21 et 22 concernés par ce recours. La société AT patrimoine a, dans ces circonstances, modifié ses demandes devant le tribunal, transformant le recours précontractuel en recours contractuel, et conclu au prononcé de l’annulation du contrat, ainsi que d’une sanction pécuniaire.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société AT patrimoine fait grief au jugement de rejeter ses demandes de nullité et de résiliation du contrat, alors « que selon l’article 16 de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique, le juge prononce la nullité du contrat lorsque celui-ci a été signé pendant la suspension prévue à l’article 4 ou à l’article 8 de l’ordonnance si, en outre, deux conditions sont réunies : la méconnaissance de ces obligations a privé le demandeur du droit d’exercer le recours prévu par les articles 2 et 5 de l’ordonnance, et les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles la passation du contrat était soumise ont été méconnues d’une manière affectant les chances de l’auteur du recours d’obtenir le contrat ; que selon l’article 17 de la même ordonnance, dans les cas prévus à l’article 16, seule une « raison impérieuse d’intérêt général », qui ne peut être constituée par la prise en compte d’un intérêt économique que si la nullité du contrat entraîne des conséquences disproportionnées et que l’intérêt économique atteint n’est pas directement lié au contrat, permet au juge, plutôt que prononcer la nullité du contrat, de sanctionner les manquements par la résiliation du contrat, par la réduction de sa durée, ou par une pénalité financière imposée au pouvoir adjudicateur ou à l’entité adjudicatrice ; qu’en prononçant en l’espèce une pénalité financière sur le fondement de l’article 18 de l’ordonnance susvisée, sans s’interroger sur l’application des articles 16 et 17 de la même ordonnance, quand la société AT patrimoine se prévalait de la nullité du contrat pour cela qu’il avait signé pendant la suspension prévue par les articles 4 et 8 de ladite ordonnance, la privant ainsi du droit d’exercer le recours prévu par les articles 2 et 5 de ladite ordonnance, et que les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles la passation avait été soumise avaient été méconnues d’une manière affectant ses chances d’obtenir le contrat, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard desdits articles 16 et 17. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. L’OPCO conteste la recevabilité du moyen en ce qu’il soutient une thèse contraire à celle défendue par la société AT patrimoine devant le tribunal et en ce qu’il est nouveau, faute pour celle-ci d’avoir fait valoir que la sanction de substitution ne pouvait être prononcée en application de l’article 18 de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 mais devait l’être en vertu de l’article 17 de cette ordonnance.

5. Cependant, le moyen n’est, en premier lieu, pas contraire à la thèse défendue devant le tribunal par la société AT patrimoine, laquelle, comme le moyen, soutenait, à titre principal, que le contrat en cause devait être annulé tant en raison de sa conclusion en violation de l’article 4 de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009, qu’en raison de la violation, par l’OPCO, de ses obligations de mise en concurrence. Il n’est, en second lieu, pas nouveau et mélangé de fait et de droit, puisque la société AT patrimoine demandait l’annulation du contrat à titre principal, le prononcé d’une pénalité financière étant invoqué en toute hypothèse et au surplus de l’annulation.

6. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 4, 16, alinéa 3, 17 et 18 de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique :

7. Il résulte du premier de ces textes que, dans le cas où un candidat évincé d’une commande publique saisit le juge d’un recours avant la conclusion du contrat, celui-ci ne peut être signé à compter de cette saisine et jusqu’à la notification de la décision juridictionnelle.

8. Selon le deuxième, le juge prononce la nullité du contrat lorsque celui-ci a été signé avant l’expiration du délai exigé après l’envoi de la décision d’attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre, ou pendant la suspension liée à l’introduction d’un recours précontractuel si, en outre, d’une part, la méconnaissance de ces obligations a privé le demandeur du droit d’exercer le recours prévu aux articles 2 et 5, d’autre part, les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation est soumise ont été méconnues d’une manière affectant les chances de l’auteur du recours d’obtenir le contrat.

9. Aux termes du troisième de ces textes, toutefois, dans les cas prévus à l’article 16, le juge peut sanctionner le manquement soit par la résiliation du contrat, soit par la réduction de sa durée, soit, par une pénalité financière imposée au pouvoir adjudicateur ou à l’entité adjudicatrice, si le prononcé de la nullité du contrat se heurte à une raison impérieuse d’intérêt général.

10. Selon le quatrième, dans le cas où le contrat a été signé avant l’expiration du délai exigé après l’envoi de la décision d’attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l’article 4 ou à l’article 8 de l’ordonnance, le juge peut prononcer la nullité du contrat, le résilier, en réduire la durée ou imposer une pénalité financière.

11. Pour rejeter la demande d’annulation des contrats liés aux lots 21 et 22, le jugement énonce qu’en application des dispositions de l’article 18 de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009, dans le cas où l’adjudicateur conclut le contrat sans respecter la suspension prévue par l’article 4 de la même ordonnance, le juge précontractuel est tenu soit de priver d’effets le contrat en l’annulant ou en le résiliant, soit de prononcer une sanction de substitution consistant en une pénalité financière ou une réduction de la durée du contrat, au besoin d’office.

12. En statuant ainsi, alors, d’une part, que les demandes de la société AT patrimoine étaient fondées non seulement sur la signature du contrat en méconnaissance du délai prévu à l’article 4 de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009, mais aussi sur la violation par l’OPCO de ses obligations de mise en concurrence, d’autre part, que l’article 18 ne s’applique que lorsque la demande est fondée sur la seule conclusion du contrat avant l’expiration du délai de suspension exigé après l’envoi de la décision d’attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l’article 4 ou à l’article 8 de la même ordonnance, le délégataire du président du tribunal, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 1er octobre 2021, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Paris ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la juridiction du président du tribunal judiciaire de Paris autrement composée ;

Condamne l’Opérateur de compétence des entreprises de proximité aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l’Opérateur de compétence des entreprises de proximité et le condamne à payer à la société AT patrimoine la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-trois.

 


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