7ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°142/2023
N° RG 20/01163 – N° Portalis DBVL-V-B7E-QPWC
Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 8]
C/
M. [T] [V]
M. [F] [E]
S.A.S. [G]-GOIC & ASSOCIES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 13 AVRIL 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 06 Février 2023
En présence de Madame [L], médiatrice judiciaire
ARRÊT :
Réputé Contradictoire, prononcé publiquement le 13 Avril 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 8] UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 8], Association déclarée, représentée par sa Directrice, Madame [C] [Z],
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représentée par Me Marie-Noëlle COLLEU de la SELARL AVOLITIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉS :
Monsieur [T] [V]
né le 19 Février 1975 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Marie-Armel NICOL de la SELARL DEBREU MILON NICOL PAPION, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
Représenté par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2020/008514 du 02/10/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de RENNES)
Monsieur [F] [E]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Non comparant, non représenté
S.A.S. [G]-GOIC & ASSOCIES La SAS [G]-GOIC & ASSOCIES, prise en la personne de Maître [A] [G], [Adresse 4], ès qualité de mandataire liquidateur de la SARL PLEC.
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Marie-Noëlle COLLEU de la SELARL AVOLITIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
***
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [T] [V] aurait travaillé en tant que plombier électricien pour le compte de M. [F] [E] à compter du 21 septembre 2015.
Un contrat de travail à durée déterminée était régularisé entre les parties pour la période du 15 juin au 15 décembre 2016, au motif d’un accroissement temporaire d’activité.
Parallèlement, un nouveau contrat de travail à durée déterminée pour la période du 16 novembre au 15 décembre 2016, a été établi entre M. [V] et la SARL Plec dirigée par M. [E].
Le 09 janvier 2017, M. [V] était de nouveau embauché par la société Plec pour accroissement temporaire d’activité, dans le cadre d’une contrat à durée déterminée jusqu’au 28 juillet 2017.
Les relations entre les parties étaient régies par la convention collective des ouvriers du bâtiment.
À partir du 10 janvier 2017, M. [V] n’avait plus de bulletins de salaire et percevait ses salaires de façon irrégulière.
Le salarié a saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes de Guingamp. Par ordonnance en date du 02 octobre 2017, la formation de référé du conseil de prud’hommes a condamné la société Plec à verser à M. [V] la somme de 5 047,46 euros à titre de salaires, prime de précarité et congés payés.
Par jugement en date du 24 janvier 2018, le tribunal de commerce de Saint-Brieuc a prononcé la liquidation judiciaire de la société Plec, désigné Me [A] [G] ès qualités de mandataire liquidateur et fixé la date de cessation des paiements au 1er novembre 2016.
***
M. [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Guingamp par requête en date du 30 juillet 2018 afin de voir :
– Dire qu’il était salarié de Monsieur [F] [E] puis de la société Plec à compter du 21 septembre 2015 dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée ;
– Dire que la rupture du contrat de travail est intervenue le 28 juillet 2017 ;
– Dire qu’il s’agit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– Fixer la créance super-privilégiée de Monsieur [T] [V] sur la société Plec aux sommes suivantes :
– rappel de salaires : 8 156,89 euros
– congés payés y afférents : 815,69 euros
– dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 7 000,00 euros
– dommages et intérêts pour licenciement irrégulier : 1 855,10 euros
– dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire : 3 000,00 euros
– dommages et intérêts pour non remise des bulletins de salaire du 21 septembre 2015 au 14 juin 2016, remise erronée de juin à décembre 2016, remise tardive de bulletins de paie erronés à compter de janvier 2017 : 3 000,00 euros
– dommages et intérêts pour non remise et remise tardive de documents de fin de contrat : 5 000,00 euros
– dommages et intérêts pour travail dissimulé : 11 130,60 euros
– indemnité compensatrice de préavis : 1 855,10 euros
– congés payés y afférents : 185,51 euros
– indemnité de licenciement : 742,04 euros
– dommages et intérêts pour absence de visite médicale : 1 000,00 euros
– rappel sur indemnités de déplacement : 2 918,00 euros
– rappel sur indemnité de repas : 3 838,00 euros
– rappel d’heures supplémentaires : 5 956,62 euros
– congés payés y afférents : 595,66 euros
– Ordonner à Maître [G] ès-qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société Plec de remettre les documents suivants :
– Bulletin de salaire récapitulatif des condamnations à caractère salarial conforme à la décision sur toute la période d’emploi, à compter du 21 septembre 2015 et à défaut à compter du 16 novembre 2016;
– Attestation chômage prenant en compte l’intégralité de la période d’emploi à compter du 21 septembre 2015, conforme à la décision ;
– Certificat de travail conforme à la décision ;
– Attestation récapitulant année par année et en conformité avec la décision, les salaires dus par Monsieur [F] [E] et la société Plec;
– Dire et juger que la remise de chacun de ces documents, conformes à la décision, sera ordonnée sous astreinte de 100 euros par jour de retard;
– Dire que le conseil de prud’hommes se réservera le droit de liquider l’astreinte ;
– Dire que l’intégralité des sommes produira intérêt légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes à l’égard de Monsieur [F] [E] et qu’en application de l’article 1154 du code de procédure civile, les intérêts dus sur une année entière seront capitalisés ;
– Condamner in solidum Monsieur [F] [E] et Maître [G], es-qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société Plec, à verser à Monsieur [T] [V] la somme de 1 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Les condamner aux entiers dépens ;
– Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
– Déclarer le jugement à intervenir opposable au CGEA, gestionnaire de l’AGS.
L’AGS-CGEA de [Localité 8] est intervenue volontairement à l’instance.
Par jugement en date du 21 janvier 2020, le conseil de prud’hommes de Guingamp a :
– Reçu le CGEA en son intervention ;
– Dit que M. [V] était salarié de M. [F] [E], puis de la SARL Plec à compter du 21 septembre 2015 dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée ;
– Dit que la rupture du contrat de travail est intervenue le 28 juillet 2017;
– Dit qu’il s’agit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– Fixé la créance super-privilégiée de M. [V] sur la SARL Plec aux sommes suivantes :
– 8 156,89 euros à titre de rappels de salaire
– 815,69 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés ;
– 7 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 3 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire ;
– 3 000,00 euros pour non remise des bulletins de salaire du 21 septembre 2015 au 14 juin 2016, remise de bulletins erronés de juin à décembre 2016, remise tardive de bulletins de salaire erronés à compter de janvier 2017 ;
– 5 000,00 euros pour non remise et remise tardive de documents de fin de contrat ;
– 11 130,00 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé;
– 1 855,10 euros à titre d’indemnité de préavis ;
– 185,51 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférente ;
– 742,04 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
– 2 918,00 euros à titre de rappel sur indemnités de déplacement ;
– 3 838,00 euros à titre de rappel sur indemnités de repas ;
– 5 956,62 6 à titre de rappel sur heures supplémentaires ;
– 595,66 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférente ;
– Condamné in solidum M. [F] [E] aux mêmes sommes
– Ordonné à M. [F] [E] de remettre à M. [V] les documents suivants:
– Bulletins de paie de septembre 2015 à novembre 2016 ;
– Certificat de travail pour la période de septembre 2015 à novembre 2016, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement ;
– Dit que le conseil se réserve le droit de liquider l’astreinte ;
– Dit que les sommes dues produiront intérêt légal à compter de la saisine pour les créances salariales, soit le 30 juillet 2018, et à compter de la présente décision pour les autres sommes ;
– Ordonné à Maître [G], es-qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL Plec, de remettre les documents suivants :
– Bulletin de salaire récapitulatif des condamnations à caractère salarial à compter du 21 septembre 2015 et à défaut à compter du 16 novembre 2016 ;
– Attestation Pôle Emploi prenant en compte l’intégralité de la période d’emploi à compter du 21 septembre 2015 ;
– Certificat de travail conforme à la décision ;
– Attestation récapitulative, année par année, les salaires dus en conformité avec la décision ;
– Déclaré la demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile inopposable au CGEA ;
– Condamné in solidum Monsieur [F] [E] et Maître [G] à verser à Monsieur [T] [V] la somme de 350 euros sur le fondement de l’artic1e 700 du code de procédure civile ;
– Condamné in solidum Monsieur [F] [E] et Maître [G] aux entiers dépens ;
– Ordonné l’exécution provisoire du présent jugement, sous condition de constituer, jusqu’à l’issue1inale du litige, une garantie sous forme de consignation pour la somme de 24 350,65 euros;
– Déclaré le jugement à intervenir opposable au CGEA, en qualité de gestionnaire de l’AGS ;
– Débouté Monsieur [T] [V] du surplus de ses demandes ;
– Débouté le CGEA du surplus de ses demandes.
***
L’AGS CGEA de [Localité 8] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 17 février 2020.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 26 janvier 2023, l’AGS CGEA de [Localité 8] demande à la cour d’appel d’infirmer le jugement entrepris et de:
– Rejeter le moyen d’irrecevabilité soulevé par Monsieur [V] ;
– Prononcer la nullité des contrats du 16 novembre 2017 et du 9 janvier 2017 ;
– Dire et juger qu’en l’absence de lien de subordination juridique permanent entre le 21 septembre 2015 et le 16 juin 2016, aucun contrat à durée indéterminée n’a été conclu entre les parties ;
– Débouter Monsieur [V] de l’ensemble de ses demandes, en ce qu’elles sont prescrites et/ou infondées ;
– Subsidiairement, débouter Monsieur [V] de toute demande excessive et injustifiée ;
– Fixer à la somme de 1.267,74 euros bruts le salaire de base ;
En toute hypothèse :
– Débouter Monsieur [T] [V] de toutes ses demandes qui seraient dirigées à l’encontre de l’AGS.
– Décerner acte à l’AGS de ce qu’elle ne consentira d’avance au mandataire judiciaire que dans la mesure où la demande entrera bien dans le cadre des dispositions des articles L.3253-6 et suivants du code du travail.
– Dire et juger que l’indemnité éventuellement allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile n’a pas la nature de créance salariale.
– Dire et juger que l’AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances du salarié confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles L.3253-17 et suivants du code du travail.
– Dépens comme de droit.
L’AGS fait valoir en substance que:
– Le moyen fondé sur la nullité d’un acte sur lequel est fondée une demande constitue une défense au fond qui peut être soulevée en tout état de cause ; le mandataire est recevable à soulever la nullité des contrats conclus en période suspecte en cause d’appel aux côtés de l’AGS ;
– Le tribunal de commerce a fixé la date de cessation des paiements au 1er novembre 2016 ; les contrats de travail à durée déterminée conclus sur les périodes du 16 novembre au 15 décembre 2016 et du 9 janvier au 28 juillet 2017 ont été conclus pendant la période suspecte ; ces contrats sont nuls en application de l’article L632-1 du code de commerce ; M. [V] ne démontre pas la réalité d’un travail accompli à compter du 9 janvier 2017 ; il reconnaît ne plus avoir eu de travail à compter d’avril 2017 ;
– M. [V] ne démontre pas l’existence d’un lien de subordination juridique permanent à compter du 25 septembre 2015 ; un tel lien n’a existé qu’à partir du 16 juin 2016, date du premier contrat de travail à durée déterminée ;
– S’agissant d’une relation salariée antérieure au 16 juin 2016, l’action du salarié est prescrite depuis le 16 juin 2018, alors qu’il n’a saisi le conseil de prud’hommes que le 30 juillet 2018 ;
– Les attestations dont se prévaut M. [V] font état de son intervention sur plusieurs chantiers pour le compte de la société de M. [E] mais ne démontrent pas qu’il était salarié de ce dernier ; M. [V] indique lui-même qu’entre le 25 septembre 2015 et le 16 juin 2016, il travaillait en parfaite autonomie avec un collègue sous-traitant ;
– La demande de reclassification est soumise au délai de prescription instauré par l’article L1471-1 du code du travail ; M. [V] a eu connaissance de la possible inadéquation de la classification de son poste, dès la conclusion du contrat du 16 juin 2016 ; son action est prescrite ;
– La demande de dommages-intérêts pour absence de visite médicale est prescrite depuis le 29 juin 2018 ; il n’est sur le fond justifié d’aucun préjudice;
– L’action en remboursement de frais de déplacement et de repas ne tend pas au paiement d’un salaire mais de frais ; elle est donc soumise à la prescription biennale de l’article L1471-1 du code du travail ; M. [V] ayant saisi le conseil de prud’hommes le 30 juillet 2018 ne peut réclamer le remboursement de frais engagés avant le 30 juillet 2016 ;
– Les attestations produites par M. [V] au soutien de sa demande en paiement d’heures supplémentaires ne sont pas probantes ; la feuille de calcul qu’il produit présente une simple multiplication sur la base d’un nombre d’heures arbitrairement fixé, sans aucun relevé d’heures ni aucun agenda ;
– Il n’est pas démontré que les bulletins de paie ne lui aient pas été adressés et qu’il ait subi un préjudice.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 12 octobre 2020, la SAS [G] Goïc & Associés demande à la cour d’appel de :
– Déclarer recevable et bienfondé l’appel incident interjeté par Maître [G] ;
– Réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Guingamp en ce qu’il a :
‘ dit que Monsieur [T] [V] était salarié de Monsieur [F] [E], puis de la Société Plec à compter du 21 septembre 2015 dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée ;
‘ dit que la rupture du contrat de travail est intervenue le 28 juillet 2017;
‘ dit qu’il s’agit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
‘ fixé la créance superprivilégiée de Monsieur [V] sur la SARL Plec aux sommes suivantes :
– 8 156,89 euros à titre de rappels de salaire,
– 815,69 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
– 7 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 3 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,
– 3 000,00 euros pour non remise des bulletins de salaire du 21 septembre 2015 au 14 juin 2016, remise de bulletins erronés de juin à décembre 2016, remise tardive de bulletins de salaire erronés à compter de janvier 2017,
– 5 000,00 euros pour non remise et remise tardive de documents de fin de contrat,
– 11 130,00 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,
– 1 855,10 euros à titre d’indemnité de préavis,
– 185,51 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférente,
– 742,04 euros à titre d’indemnité de licenciement,
– 2 918,00 euros à titre de rappel sur indemnités de déplacement,
– 3 838,00 euros à titre de rappel sur indemnités de repas,
– 5 956,62 euros à titre de rappel sur heures supplémentaires,
– 595,66 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférente ;
‘ condamné Monsieur [F] [E] solidairement aux mêmes sommes ;
‘ ordonné à Monsieur [E] de remettre à Monsieur [V] les documents de rupture ;
‘ ordonné à Maître [G], mandataire liquidateur de la Société Plec, de remettre les documents de rupture ainsi que les bulletins de salaire ;
‘ condamné Monsieur [E] et Maître [G], in solidum, à payer à Monsieur [V] une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En conséquence,
– Prononcer la nullité des contrats du 16 novembre 2017 et du 9 janvier 2017 ;
– Dire et juger qu’en l’absence de lien de subordination juridique permanent entre le 21 septembre 2015 et le 16 juin 2016, aucun contrat à durée indéterminée n’a été conclu entre les parties ;
– Débouter Monsieur [V] de l’ensemble de ses demandes, en ce qu’elles sont prescrites et/ou infondées ;
– Subsidiairement, débouter Monsieur [V] de toute demande excessive et injustifiée ;
– Fixer à la somme de 1 267,74 euros bruts le salaire de base ;
– Dépens comme de droit.
La SAS [G]-Goïc & associés ès-qualités fait valoir en substance que:
– M. [V] ne démontre pas la réalité d’un travail accompli pour le compte de la société Plec à compter du 9 janvier 2017 ; il reconnaît ne plus avoir eu de travail à compter du mois d’avril 2017 ; l’obligation de l’employeur excède notablement celle du salarié ; les contrats des 16 novembre 2016 et 9 janvier 2017 doivent être annulés en application de l’article L 632-1 du code de commerce ; il n’est démontré aucun lien de subordination à compter du 25 septembre 2015 ;
– L’action en reconnaissance d’une relation salariée antérieure au 16 juin 2016 est prescrite puisque M. [V] a eu connaissance au plus tard de l’absence de contrat de travail le liant à la société de M. [E] pour la période du 22 septembre 2015 au 16 juin 2016, lorsque la signature d’un contrat de travail à durée déterminée lui a été proposée le 16 juin 2016 ; il pouvait donc agir jusqu’au 16 juin 2018 ;
– Les pièces produites par M. [V] ne démontrent pas l’existence d’un contrat de travail à durée indéterminée antérieur au 15 juin 2016 ;
– La demande de reclassification est soumise au délai de prescription instauré par l’article L1471-1 du code du travail ; M. [V] a eu connaissance de la possible inadéquation de la classification de son poste, dès la conclusion du contrat du 16 juin 2016 ; son action est prescrite ;
– La demande de dommages-intérêts pour absence de visite médicale est prescrite depuis le 29 juin 2018 ; il n’est sur le fond justifié d’aucun préjudice;
– L’action en remboursement de frais de déplacement et de repas ne tend pas au paiement d’un salaire mais de frais ; elle est donc soumise à la prescription biennale de l’article L1471-1 du code du travail ; M. [V] ayant saisi le conseil de prud’hommes le 30 juillet 2018 ne peut réclamer le remboursement de frais engagés avant le 30 juillet 2016 ;
– Les attestations produites par M. [V] au soutien de sa demande en paiement d’heures supplémentaires ne sont pas probantes ; la feuille de calcul qu’il produit présente une simple multiplication sur la base d’un nombre d’heures arbitrairement fixé, sans aucun relevé d’heures ni aucun agenda ;
– Il n’est pas démontré que les bulletins de paie ne lui aient pas été adressés et qu’il ait subi un préjudice.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 27 janvier 2023, M. [V] demande à la cour d’appel de :
– le déclarer recevable et bien fondé en son appel incident ;
– Fixer sa créance super-privilégiée complémentaire aux sommes suivantes:
– 1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de visite médicale
– 1.855,10 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier ;
– Dire que les sommes de 8 156,89 euros liées aux rappels de salaire et de 815,69 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférente sont des sommes nettes ;
– Confirmer pour le surplus le jugement entrepris ;
– Débouter le CGEA de son appel principal et Maître [G], ès qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société PLEC de son appel incident;
– Dire irrecevables les demandes formulées par l’AGS et Maître [G] tendant à voir prononcer la nullité des contrats du 16 novembre 2016 (et non 2017) et du 9 janvier 2017 ;
– Condamner in solidum Monsieur [E] Maître [G] et le CGEA à verser à Monsieur [T] [V] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
– Les condamner in solidum aux entiers dépens.
– Dire le jugement commun et opposable aux CGEA, gestionnaire de l’AGS.
M. [V] fait valoir en substance que:
– Il a été embauché par M. [E] du 21 septembre 2015 au 28 juillet 2017 ; M. [E] a en cours de contrat créé la société Plec, immatriculée le 29 novembre 2016, qui a repris toute l’activité de l’entreprise ; les attestations de témoins versées aux débats justifient de la réalité de son activité salariée à compter du 22 septembre 2015 ;
– Le liquidateur judiciaire n’a pas soulevé la prescription en première instance;
– Salarié étranger ne pratiquant pas la langue française, il n’avait pas connaissance de ses droits, ce que démontre le fait qu’il ait accepté de signer un contrat de travail à durée déterminée le 15 juin 2016 alors qu’il était employé en contrat de travail à durée indéterminée depuis le 22 septembre 2015 ; le point de départ de la prescription est le terme du dernier contrat de travail à durée déterminée en cas de succession de contrats de ce type ; aucune prescription ne peut lui être opposée ;
– Il travaillait seul comme plombier-électricien sur les chantiers pour le compte de M. [E] et de la société Plec sur la base des instructions générales données par l’employeur ; les témoins en attestent ; il ne s’est jamais comporté comme un travailleur indépendant ; la répartition de ses horaires de travail était fixée par l’employeur ainsi que ses temps de pause ;
– Il ne pouvait lui être soumis la signature d’un contrat de travail à durée déterminée postérieurement à son embauche en contrat de travail à durée indéterminée ; d’autant qu’il ne s’agissait que de faire face à l’activité normale et permanente de l’entreprise ;
– L’AGS n’est pas recevable à invoquer la nullité du contrat de travail en période suspecte ; cette action n’appartient qu’au ‘mandataire judiciaire’ ; en application de l’article 564 du code de procédure civile, Maître [G] ne peut pas plus soulever cette nullité qu’il n’a pas invoquée en première instance ;
l’existence de contrats de travail, de bulletins de paie de janvier à juillet 2017 et de paiement d’une partie des salaires depuis le début de l’année 2017, ainsi que la reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail par la société Plec dans le cadre d’une instance en référé, contredisent la thèse de contrats nuls ; la prestation de travail est démontrée ;
– Le délai de prescription applicable à la demande en paiement des salaires est de trois ans, même si la demande est liée à une problématique de classification; il relevait du niveau 3 position 2 de la convention collective, correspondant à la classification 230 ;
– Il a réalisé de nombreuses heures supplémentaires dont il justifie notamment par voie de témoignages outre un détail du rappel de salaires qu’il estime lui être dû ;
– Aucun contrat de travail n’a été rédigé lors de l’embauche et le salarié ne comprenait pas la langue française; il ne pouvait connaître au mois de septembre 2015 l’obligation d’une visite médicale d’embauche ; faute de visite médicale, il a subi un préjudice ;
– Il justifie de l’exposition de frais professionnels puisqu’il s’est déplacé sur les chantiers, parfois éloignés de son domicile, avec sa voiture et qu’il devait prendre ses repas sur place ;
– Il ne lui a été remis aucun bulletin de paie entre septembre et juin 2016, puis des bulletins de paie erronés de juin à décembre 2016 et des bulletins tardifs en cours de référé, pour l’année 2017 ; cette situation l’a empêché de pouvoir bénéficier de prestations sociales alors que sa situation financière était très difficile ;
– L’employeur s’est intentionnellement soustrait aux obligations qui étaient les siennes en matière de paiement des salaires et cotisations sociales ;
– La rupture du contrat de travail est intervenue de façon brutale et vexatoire.
***
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 31 janvier 2023 avec fixation de la présente affaire à l’audience du 06 février 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- Sur la question de l’existence d’un contrat de travail à compter du 21 septembre 2015:
1-1: Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription:
Aux termes de l’article L1471-1 du code du travail, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
L’action en requalification fondée non pas sur l’absence d’une mention obligatoire devant figurer sur un contrat de travail à durée déterminée, mais sur l’appréciation du motif de recours se prescrit par deux ans, ce délai commençant à courir à compter du terme du dernier contrat.
En l’espèce, M. [V] n’était manifestement pas en capacité de comprendre les conséquences juridiques de la signature d’un contrat de travail à durée déterminée le 15 juin 2016 avec M. [E] alors qu’il avait commencé à travailler pour le compte de ce dernier depuis le 22 septembre 2015. En l’absence de traduction d’un tel contrat conformément aux dispositions de l’article L1221-3 alinéa 3 du code du travail, le salarié a pu considérer, à tort, qu’il constituait la consécration de son emploi occupé depuis plusieurs mois.
A ce titre, M. [B], bénévole au sein de l’association ‘Lire et écrire’, atteste le 31 janvier 2019 qu’il se rend régulièrement depuis le mois de novembre 2015 au domicile de M. [V] pour l’aider à progresser dans la pratique de la langue française, ajoutant qu’en 2015, ce dernier avait beaucoup de mal à s’exprimer en français et ne maîtrisait pas la compréhension d’un texte, même basique du type SMS.
M. [V] observe que les contrats de travail à durée déterminée soumis à sa signature avaient manifestement pour finalité de pourvoir un emploi ressortant de l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Il doit être considéré dans ces conditions que la prescription a commencé à courir à compter du 28 juillet 2017, date marquant le terme du dernier contrat de travail à durée déterminée.
Dans ces conditions, la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action sera rejetée.
1-2: Sur le fond:
Il y a contrat de travail lorsqu’une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la subordination d’une autre, moyennant rémunération.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
En l’absence de contrat de travail apparent, il appartient à celui qui se prévaut de son existence d’en rapporter la preuve
A l’inverse, en présence d’un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d’en apporter la preuve.
L’existence d’un contrat de travail apparent n’implique pas nécessairement la rédaction d’un contrat écrit puisqu’elle peut se déduire d’un faisceau d’indices tels que l’établissement d’une déclaration unique d’embauche, la délivrance de bulletins de paie, d’une attestation Pôle emploi ou encore la notification d’une lettre de licenciement.
En l’espèce, M. [V] soutient qu’il a été salarié de M. [F] [E] entre le 21 septembre 2015 et le 28 juillet 2017.
S’il est constant que trois contrats de travail à durée déterminée ont été signés:
– entre M. [E] et M. [V] du 15 juin au 15 décembre 2016
– entre la SARL Plec et M. [V] du 16 novembre 2016 au 15 décembre 2016
– entre la SARL Plec et M. [V] du 9 janvier 2017 au 28 juillet 2017,
pour exercer des fonctions d’électricien, ouvrier d’exécution, niveau 1, position 1, coefficient 150 de la convention collective nationale du bâtiment, en revanche il n’est produit aucun contrat de travail pour la période antérieure au 15 juin 2016, ni aucun document de nature à permettre de considérer que l’on se trouve en présence d’un contrat de travail apparent.
M. [V], qui doit donc rapporter la preuve de l’existence du contrat de travail dont il revendique l’existence, produit des attestations de témoins qui affirment l’avoir vu travailler antérieurement au 15 juin 2016.
Ainsi:
– Mme [D] [J], indique-t’elle dans un témoignage daté du 18 septembre 2017: ‘avoir engagé M. [E] [F] via la SARL Plec pour effectuer divers travaux dans notre maison situé (…) à [Localité 6] à partir du mois de février 2016 jusqu’à la mi-juillet 2016. M. [E] nous a présenté M. [V] [T] comme étant son employé. M. [V] [T] a travaillé dans notre maison à l’occasion de ce chantier sur toute la durée des travaux. Nous sommes très satisfaits de son travail (…)’.
Dans une autre attestation datée du 25 juin 2018, Mme [J] précise que M. [V] travaillait durant la période susvisée à raison de 5 jours par semaine de 9h à 18h et prenait ses repas sur place, ajoutant: ‘Il y travaillait en même temps que M. [M] [S]’.
– M. [S] [M] atteste le 20 juin 2018 de ce que M. [V] a travaillé sur les mêmes chantiers que lui ‘en tant qu’électricien et plombier’ prenant ses repas sur place, à raison de 5 jours par semaine.
Dans un autre témoignage daté du 21 novembre 2017, M. [M] indique que ‘M. [V] [T] a bien travaillé du 22 septembre 2015 jusqu’au 15 juin 2016. J’atteste aussi que M. [V] [T] a travaillé sur le même chantier que moi du 9 janvier 2017 au 21 avril 2017 en effectuant 40 heures par semaine’.
– Mme [Y] [R] atteste de ce que M. [V] a travaillé à son domicile d’octobre 2015 à février 2016 en qualité de plombier-électricien pour la société Plec, employeur [F] [E], repas sur place, 30 minutes de coupure. 5 jours par semaine’.
Ce même témoin précise dans une seconde attestation: ‘J’affirme avoir pris l’entreprise Plec de M. [E] pour effectuer les travaux à mon domicile. Lors de nos premières rencontres, M. [E] nous a présenté M. [V], son ouvrier, qui allait donc effectuer nos travaux, M. [E] étant de passage uniquement sur le chantier afin de donner des ordres à M. [V] sur les travaux à effectuer. Je tiens à ajouter qu’à cette période M. [V] parlait et comprenait très peu le français (…)’.
Il résulte de ces témoignages circonstanciés que M. [V] a manifestement travaillé antérieurement au 15 juin 2016 pour le compte et sous la subordination de M. [E], selon des horaires déterminés à l’avance et précisément définis (40 heures sur 5 jours) et qu’il recevait dans ce cadre des directives de M. [E] qui l’avait présenté à ses clients comme ‘son ouvrier’, contrôlant ainsi l’exécution du travail réalisé par ce dernier.
Dans ces conditions et alors qu’il ne résulte d’aucune des pièces échangées par les parties que des facturations de telles prestations de travail aient été effectuées par M. [V] entre le 22 septembre 2015 et le 14 juin 2016, c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que l’intéressé était embauché dans le cadre d’un contrat de travail depuis le 22 septembre 2015.
A défaut d’écrit et en application de l’article L1242-12 du code du travail , ce contrat de travail ne pouvait être réputé être à durée déterminée au même titre que ceux qui l’ont suivi et la relation de travail doit donc être qualifiée à durée indéterminée depuis le 22 septembre 2015.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
2- Sur la question de la nullité des contrats des 16 novembre 2016 et 9 janvier 2017:
2-1: Sur la recevabilité:
Il est constant que le moyen tiré de la nullité d’un acte sur lequel est fondé une demande constitue une défense au fond qui peut être présentée en tout état de cause et pour la première fois en cause d’appel.
Le liquidateur, comme l’AGS qui dispose d’un droit propre à soulever les moyens utiles à la défense de ses intérêts, sont donc recevables à soulever le moyen tiré de la nullité de contrats de travail au motif qu’ils auraient été conclus en période suspecte.
La fin de non-recevoir soulevée par M. [V] sera en conséquence rejetée.
2-2: Sur le fond:
Aux termes de l’article L632-1-I du code de commerce, sont nuls, lorsqu’ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants :
1° Tous les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière ;
2° Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l’autre partie (…).
Le liquidateur et l’AGS soutiennent que les contrats de travail à durée déterminée conclus les 16 novembre 2016 et 9 janvier 2017 sont nuls pour avoir été conclus en période suspecte.
Au cas d’espèce, il est constant que la date de cessation des paiements de la société Plec a été fixée par le tribunal de commerce de Saint Brieuc au 1er novembre 2016.
Les contrats de travail à durée déterminée litigieux sont postérieurs à cette date de cessation des paiements.
Le liquidateur judiciaire et l’AGS soutiennent que M. [V] n’a plus travaillé à compter du 9 janvier 2017, voire du mois d’avril 2017, de telle sorte que l’obligation de l’employeur de verser un salaire excéderait notablement celle du salarié.
Or, il ne résulte nullement des éléments de la cause que M. [V] ne soit pas demeuré tout au long de la relation contractuelle à la disposition de l’employeur, ce dernier s’étant en revanche manifestement abstenu de son obligation de fournir du travail à l’intéressé à compter du mois d’avril 2017 et de lui payer le moindre salaire pendant plusieurs mois, ainsi que cela résulte des échanges de mails entre les parties.
Ainsi, le 10 mai 2017, M. [V] écrivait à M. [E]: ‘Aujourd’hui le 10 mai 2017, pour dernier fois je te demander s’il te plaît de me donner avant vendredi 12 mai 2017 mes fiches de payes plus mes salaires janvier, février, mars, avril, ma famille situation très grave. MERCI’.
Le 19 août 2017, en réponse à un message de M. [E] lui demandant ‘de ses nouvelles’ et lui reprochant ‘de ne plus se présenter au travail depuis plusieurs semaines’, M. [V] écrivait: ‘Dernier jour de travail le 21/04/2017. Comment peut-on laisser un ouvrier sans nouvelle, sans travail, sans salaires, étant sous contrat avec toi Ste Plec (…) Depuis le mois de janvier 2017 je réclame mes fiches de salaires. Depuis tous ces mois les SMS, tous nos échanges téléphoniques, les mensonges chaque semaine pour me dire ‘[T], je viens, ne t’inquiète pas (…) Les menaces ça suffit, je n’ai plus peur’.
Il sera en outre observé que l’employeur qui n’a nullement pris l’initiative d’une instance judiciaire à l’encontre de M. [V] pour lui reprocher de ne pas se conformer à ses propres obligations, a établi une attestation destinée à Pôle emploi qui ne mentionne aucune interruption de travail à compter du mois de janvier 2017, mais fait au contraire mention des heures effectuées entre janvier et juin 2017 pour un quantum compris entre 116,67 heures et 144,67 heures ainsi que les salaires correspondants.
Dans ces conditions, la seconde condition posée par l’article L632-1 du code de commerce n’est pas remplie, puisque rien ne démontre que les obligations de l’employeur excèdent notablement celle du salarié.
La demande en nullité doit donc être rejetée et le jugement entrepris confirmé de ce chef.
3- Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail:
3-1: Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription:
Il est constant que la durée de la prescription applicable est déterminée par la nature de la créance revendiquée.
Dès lors et contrairement à ce que soutiennent le liquidateur judiciaire et l’AGS, le délai de prescription applicable à une demande de rappel de salaire fondée sur la reclassification revendiquée par le salarié est celui prévu à l’article L. 3245-1 du code du travail modifié par loi nº2013-504 du 14 juin 2013, qui dispose que l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, que la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
M. [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Guingamp le 30 juillet 2018, de telle sorte que les demandes de rappel de salaire couvrant la période d’emploi qui a débuté le 22 septembre 2015 pour s’achever le 28 juillet 2017 ne sont aucunement prescrites.
C’est donc à juste titre que le conseil de prud’hommes a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription, omettant toutefois de reprendre ce point au dispositif du jugement, omission qu’il convient de réparer en complétant de ce chef la décision entreprise.
3-2: Sur la demande de reclassification et ses conséquences:
En application de l’article R 3243-1 du Code du travail, le bulletin de paie doit comporter un certain nombre de mentions au nombre desquelles figure le nom et l’emploi du salarié ainsi que sa position dans la classification conventionnelle qui lui est applicable.
La position du salarié est notamment définie par le niveau ou le coefficient hiérarchique qui lui est attribué.
En cas de contestation sur la catégorie professionnelle dont relève le salarié, le juge doit rechercher la nature de l’emploi effectivement occupé par ce dernier et la qualification qu’il requiert.
La charge de la preuve pèse sur le salarié qui revendique une autre classification que celle qui lui a été attribuée.
En l’espèce, les contrats de travail conclus à compter du 15 juin 2016 mentionnent un poste d’électricien, ouvrier d’exécution, classé au niveau 1, position 1, coefficient 150 de la convention collective nationale du bâtiment.
En vertu de l’article 12-2 de la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment (entreprises occupant jusqu’à 10 salariés), ce niveau hiérarchique est défini comme suit:
‘Les ouvriers de niveau I/1 effectuent des travaux de simple exécution, ne nécessitant pas de connaissances particulières, selon des consignes précises et faisant l’objet d’un contrôle constant.
Les emplois de ce niveau demandent une simple adaptation aux conditions générales de travail sur chantier ou en atelier.
Cette position est une position d’accueil pour les ouvriers n’ayant ni formation, ni spécialisation professionnelle’.
Outre le fait que les attestations de témoins versées aux débats par M. [V] permettent de constater que l’intéressé, dont il n’est pas contesté comme le rappelle le jugement entrepris qu’il est titulaire d’un baccalauréat et diplômé en électricité, n’effectuait pas seulement des travaux d’électricité, mais également des travaux de plomberie, il appert de ces mêmes témoignages et notamment des attestations de Mmes [U] et [R], que l’intéressé s’est vu confier des travaux de réfection qu’il exécutait de façon complète, selon les directives de son employeur qui passait sur les chantiers pour contrôler l’exécution des travaux, et que les prestations ainsi exécutées l’ont été à la satisfaction générale des clients de l’entreprise Plec.
La classification niveau 1, position 1, coefficient 150 ne correspond manifestement pas à la réalité des conditions d’exécution des travaux confiés à M. [V] et les premiers juges ont pu considérer, au vu des éléments de fait dont se prévaut le salarié, qu’il relevait du niveau 3 position 2 que la convention collective nationale définit comme applicable aux ouvriers ‘qui exécutent les travaux délicats de leur métier, à partir d’instructions générales et sous contrôle de bonne fin. Dans ce cadre, ils disposent d’une certaine autonomie et sont à même de prendre des initiatives se rapportant à la réalisation des travaux qui leur sont confiés.
Ils possèdent et mettent en oeuvre de très bonnes connaissances professionnelles acquises par formation professionnelle, initiale ou continue, et/ou une expérience équivalente’.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef, sauf en ce qu’il a omis de préciser que la créance de rappel de salaire de M. [V] doit être fixée en net , conformément au calcul effectué par le salarié, à la somme de 8.156,89 euros net outre 815,69 euros net au titre des congés payés y afférents.
3-3: Sur la demande au titre des heures supplémentaires:
Aux termes de l’article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l’article L. 3171-3 du même code, l’employeur tient à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L 8112-1, les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Enfin, selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, il résulte des témoignages de clients versés aux débats par M. [V], les témoins ayant été présents sur les chantiers confiés à l’intéressé et ayant donc parfaitement pu mesurer l’ampleur du temps de travail de ce dernier, que le salarié était présent 8 heures par jour à raison de cinq jours par semaine, soit un total de 40 heures hebdomadaires, tandis que les bulletins de salaire permettent de constater qu’il était payé pour 35 heures par semaine. Cette observation a également été faite par M. [M], ouvrier plaquiste qui a travaillé aux côtés de M. [V] sur le chantier de Mme [J].
M. [V] produit un décompte précis des heures supplémentaires ainsi effectuées entre la 36ème et la 40ème heure de travail hebdomadaire depuis l’embauche du 22 septembre 2015, correspondant à un rappel de salaire de 5.956,62 euros.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre au liquidateur judiciaire de la société Plec de répondre en justifiant du temps effectif de travail du salarié.
Or, au-delà de contestations non étayées sur l’objectivité des attestations de témoins ou sur le caractère prétendument ‘arbitraire’ du décompte du salarié, qui s’avère au contraire précis, il n’est produit aucun élément de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par l’intéressé, de telle sorte que la demande de M. [V] n’est pas utilement contredite par des éléments objectifs.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu’il a fait droit aux prétentions du salarié au titre des heures supplémentaires et de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférente.
3-4: Sur la demande de dommages-intérêts pour absence de visite médicale:
3-4-1: Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription:
Aux termes de l’article L1471-1 du code du travail, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
En l’espèce, M. [V] dont il est établi par l’attestation susvisée de M. [B] et par celle de Mme [R] qu’il avait une très faible connaissance de la langue française, n’était manifestement pas en capacité de connaître les faits lui permettant d’exercer son droit, avant la rupture des relations contractuelles et il ne peut donc être utilement argué d’une prescription de son action en paiement de dommages-intérêts pour absence de visite médicale.
La fin de non-recevoir sur laquelle le conseil de prud’hommes a omis de statuer doit être rejetée.
3-4-2: Sur le fond:
En vertu de l’article R4624-11 du code du travail dans sa rédaction applicable au présent litige, le salarié doit bénéficier d’un examen médical d’embauche et en application de l’article R4624-16 du même code, il bénéficie d’examens médicaux périodiques, au moins tous les vingt-quatre mois.
En l’espèce, s’il est constant qu’il n’est pas justifié de la moindre visite médicale entre le 22 septembre 2015 et la date de fin des relations contractuelles, il n’est produit aucun élément objectif, ainsi que l’a justement retenu le conseil de prud’hommes, de nature à démontrer le préjudice résultant de cette situation pour M. [V], fût-il employé en qualité d’ouvrier du bâtiment et soumis aux risques inhérents à son corps de métier.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts présentée par le salarié.
3-5: Sur les frais de déplacement et de repas:
3-5-1: Sur la prescription:
Il résulte des dispositions de l’article R2262-1 du code du travail, que l’employeur doit tenir à la disposition du salarié sur le lieu de travail un exemplaire à jour de la convention collective.
En l’espèce, outre qu’il est démontré par le salarié qu’il avait une très mauvaise connaissance de la langue française, tandis qu’aucun contrat de travail n’a été signé lors de son embauche le 22 septembre 2015, il n’est nullement établi que la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment, fût-elle visée aux contrats de travail à durée déterminée ultérieurement signés, ait été tenue à sa disposition sur le lieu de travail, ce que l’intéressé conteste formellement.
Dans ces conditions, il ne peut être utilement opposé à M. [V] la prescription de son action en paiement des frais de déplacement et de repas sur le fondement de l’article L 1471-1 susvisé du code du travail.
3-5-1: Sur le fond:
Aux termes de l’article 8-11 de la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment (entreprises employant jusqu’à 10 salariés), le régime des petits déplacements a pour objet d’indemniser forfaitairement les ouvriers travaillant dans les entreprises du bâtiment des frais supplémentaires qu’entraîne pour eux la fréquence des déplacements inhérente à la mobilité de leur lieu de travail.
Le régime d’indemnisation des petits déplacements comporte les trois indemnités professionnelles suivantes:
– indemnité de repas ;
– indemnité de frais de transport ;
– indemnité de trajet,
qui sont versées aux ouvriers bénéficiaires.
Ces indemnités de remboursement de frais sont journalières, forfaitaires et fixées en valeur absolue.
L’accord du 12 décembre 2014 relatif aux indemnités de petits déplacements dans la région Bretagne, annexé à la convention collective nationale, fixe le barème des indemnités dues selon des zones circulaires concentriques.
Ainsi que l’ont exactement relevé les premiers juges, il est établi par la production de témoignages de clients de M. [V], que ce dernier devait se déplacer avec son véhicule personnel pour se rendre sur les chantiers qui lui étaient assignés par l’employeur, sans qu’il puisse lui être utilement opposé, alors que tant le liquidateur que l’AGS se dispensent de contredire par des éléments objectifs le salarié s’agissant des lieux de travail qui ont été les siens durant la période d’exécution du contrat, qu’il n’avait qu’à faire du covoiturage.
Les chantiers étant systématiquement éloignés de l’entreprise et de son domicile, il devait prendre ses repas sur place.
Le décompte versé aux débats par le salarié n’est pas plus utilement contredit.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a fixé de ce chef la créance de M. [V] à la somme de 2.918 euros au titre des frais de déplacement et à 3.838 euros au titre des frais de repas.
3-6: Sur le défaut de remise de bulletins de paie et de documents de fin de contrat:
Il est constant que M. [V] n’a reçu aucun bulletin de salaire pour la période comprise entre le 22 septembre 2015 et le 15 juin 2016, alors qu’il était employé durant cette période en contrat de travail à durée indéterminée.
Cette situation, conjuguée à la remise tardive de certains bulletins de salaire et à la remise de bulletins erronés en ce qui concerne la qualification, les horaires de travail et le salaire dû, a manifestement été la source d’un préjudice pour M. [V] qui produit le témoignage de Mme [P], responsable de l’antenne Croix-Rouge de Perros-Guirec qui atteste avoir soutenu le salarié et sa famille, notamment dans le cadre de démarches auprès de la caisse d’allocations familiales conditionnées par la justification des revenus et la production des bulletins de paie.
Il est également constant qu’aucune attestation destinée à Pôle emploi n’a été spontanément remise par l’employeur et qu’il a été nécessaire pour le salarié de saisir la formation de référé du conseil de prud’hommes pour obtenir, le 15 septembre 2017, la délivrance de ce document et d’un certificat de travail.
Il convient d’indemniser ces manquements par la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Plec d’une créance de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce qu’il a fixé à ce même titre au passif de la liquidation judiciaire les sommes suivantes:
– 3 000,00 euros pour non remise des bulletins de salaire du 21 septembre 2015 au 14 juin 2016, remise de bulletins erronés de juin à décembre 2016, remise tardive de bulletins de salaire erronés à compter de janvier 2017 ;
– 5 000,00 euros pour non remise et remise tardive de documents de fin de contrat.
4- Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail:
L’article L 1232-1 du Code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l’existence d’une cause réelle et sérieuse.
En application de l’article L1232-6 du même code, lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.
Cette lettre comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur.
En l’espèce, alors que M. [V] était lié à M. [E] par un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 22 septembre 2015, puis à la société Plec à laquelle le contrat a été transféré de plein droit en application de l’article L1224-1 du code du travail, la rupture est intervenue sans que la moindre procédure de licenciement ait été appliquée et notamment sans qu’une lettre motivée de licenciement ait été notifiée au salarié.
Dans ces conditions, la rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En application des dispositions combinées des articles L 1234-1 et L1234-5 du code du travail, M. [V] qui comptait plus de six mois d’ancienneté est en droit de percevoir une indemnité compensatrice de préavis égale à un mois de salaire, calculée sur la base du salaire dû au titre de la classification retenue relevant du niveau 3 position 2 de la convention collective.
La créance de M. [V] au titre de l’indemnité compensatrice de préavis doit donc être fixée à 1.855,10 euros brut, outre 185,51 euros brut au titre des congés payés afférents.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
En vertu des articles L 1234-9 et R 1234-2 du code du travail, dans leur rédaction applicable au présent litige, il est dû au salarié une indemnité de licenciement égale à un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté.
Sur la base du salaire moyen des trois derniers mois devant être fixé à 1.855,10 euros, l’indemnité de licenciement s’élève à 742,04 euros. Le jugement sera confirmé de ce chef.
En application des dispositions combinées des articles L1235-3 et L1235-5 du code du travail dans leur rédaction applicable au présent litige, M. [V] qui comptait moins de deux ans d’ancienneté dans une entreprise de moins de onze salariés, est en droit de percevoir l’indemnisation du préjudice résultant du caractère abusif du licenciement, en fonction du préjudice qu’il a subi.
Eu égard aux circonstances de l’espèce, à l’ancienneté de M. [V] et en l’absence toutefois d’éléments probants quant à la situation de l’intéressé postérieurement à la rupture, il est justifié de fixer la créance de dommages-intérêts du salarié à la somme de 5.000 euros.
Le jugement entrepris sera infirmé du chef du quantum de la somme allouée.
En vertu des dispositions combinées des articles L 1235-2 et L 1235-5 du Code du travail dans leur rédaction applicable au présent litige, dès lors que le salarié a moins de deux ans d’ancienneté et/ou que l’entreprise compte moins de onze salariés, le non-respect de la procédure de licenciement donne lieu au paiement d’une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire, cette indemnité étant distincte de celle allouée en réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif du licenciement.
Il est constant qu’aucune procédure de licenciement n’a été respectée au cas d’espèce, ce qui a été la source d’un préjudice pour M. [V] qui sera justement indemnisé par la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Plec d’une créance de dommages-intérêts d’un montant de 300 euros.
Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.
5- Sur la demande au titre d’un licenciement brutal et vexatoire:
S’il est constant qu’aucune procédure de licenciement n’a été respectée et que M. [V] ne s’est plus vu confier de travail après le 28 juillet 2017, pour autant, il n’est pas justifié de ce que la rupture présente un caractère vexatoire et brutal justifiant l’indemnisation d’un préjudice distinct de celui alloué au titre du caractère abusif de la rupture.
Dans ces conditions, il convient de débouter M. [V] de sa demande et d’infirmer de ce chef le jugement entrepris.
6- Sur la demande au titre du travail dissimulé:
En vertu des dispositions de l’article L 8221-5 du Code du travail, le fait se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la déclaration préalable à l’embauche ou de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, est réputé travail dissimulé.
En application de l’article L 8223-1 du même code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant les faits visés à l’article L 8221-5, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
En l’espèce, il est constant que M. [E] s’est dispensé depuis l’embauche du 22 septembre 2015, de toute remise de bulletins de paie mentionnant les heures de travail effectuées et de tout paiement d’un salaire en bonne et due forme, tandis que la société Plec qui a repris le contrat de travail n’a pas régularisé la situation et a remis des bulletins de salaire ne mentionnant pas la totalité des heures effectuées, s’abstenant de surcroît de toute remise de bulletins de paie entre les mois de janvier et juillet 2017, ce qui allait contraindre le salarié à en solliciter en référé la délivrance ainsi que le paiement des salaires correspondants.
Il résulte d’une telle situation que l’employeur a manifestement eu l’intention de dissimuler une partie des heures de travail effectuées par M. [V], ce qui justifie de faire droit à la demande fondée sur les dispositions de l’article L8223-1 susvisé du code du travail.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a fixé la créance de M. [V] au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé à la somme de 11.130,60 euros.
7- Sur la demande au titre des documents de fin de contrat:
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives à la remise de documents de fin de contrat rectifiés.
Il sera en revanche infirmé en ce qu’il a assorti cette condamnation d’une astreinte de 50 euros par jour de retard, cette mesure n’apparaissant pas justifiée au cas d’espèce.
8- Sur les dépens et frais irrépétibles:
En application de l’article 696 du code de procédure civile, M. [E] et la SAS [G] Goïc & Associés ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Plec seront condamnés in solidum aux dépens d’appel.
L’équité commande en outre de condamner M. [E] à payer à M. [V] la somme de 2.500 euros à titre d’indemnité en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt sera déclaré opposable à l’AGS-CGEA de [Localité 8] dans la limite de sa garantie légale telle que fixée par les articles L 3253-6 et suivants du Code du travail et des plafonds prévus à l’article D 3253-5 du même code.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme partiellement le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Guingamp le 21 janvier 2020 ;
Statuant à nouveau et ajoutant au jugement entrepris,
Rejette les fins de non-recevoir tirées de la prescription extinctive opposées à M. [V] ;
Fixe la créance de M. [V] au passif de la liquidation judiciaire de la société Plec à titre de rappel de salaires à la somme de 8.156,89 euros net outre 815,69 euros net au titre des congés payés y afférents ;
Fixe la créance de M. [V] au passif de la liquidation judiciaire de la société Plec pour le défaut de remise de bulletins de paie et de documents de fin de contrat à la somme de 2.000 euros ;
Fixe la créance de M. [V] au passif de la liquidation judiciaire de la société Plec à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif à la somme de 5.000 euros ;
Fixe la créance de M. [V] au passif de la liquidation judiciaire de la société Plec pour irrégularité de la procédure de licenciement à la somme de 300 euros ;
Déboute M. [V] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire ;
Dit n’y avoir lieu d’assortir la condamnation prononcée au titre de la remise de documents de fin de contrat rectifiés d’une astreinte provisoire ;
Confirme pour le surplus le jugement entrepris ;
Condamne M. [E] à payer à M. [V] la somme de 2.500 euros à titre d’indemnité en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. [E] et la SAS [G] Goïc & Associés ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Plec aux dépens d’appel ;
Déclare le présent arrêt sera opposable à l’AGS-CGEA de [Localité 8] dans la limite de sa garantie légale telle que fixée par les articles L 3253-6 et suivants du Code du travail et des plafonds prévus à l’article D 3253-5 du même code.
Le Greffier Le Conseiller
Pour le Président empêché