Nullité de contrat : 13 avril 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 21/02680

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Nullité de contrat : 13 avril 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 21/02680

AFFAIRE : N° RG 21/02680 –

N° Portalis DBVC-V-B7F-G24Q

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DECISION du Tribunal de proximité de Vire en date du 02 Septembre 2021

RG n° 1120000117

COUR D’APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 13 AVRIL 2023

APPELANTE :

Madame [K] [W]

née le [Date naissance 4] 1985 à [Localité 10] ([Localité 3])

[Adresse 9]

[Localité 2]

représentée et assistée de Me Noémie HUET, avocat au barreau de CAEN

INTIMES :

Monsieur [V] [T] [B]

né le [Date naissance 5] 1985

[Adresse 1]

[Localité 7]

non représenté, bien que régulièrement assigné

CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 8]

N° SIRET : 306 897 489

[Adresse 6]

[Localité 2]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Christian LEPIC, avocat au barreau de CAEN

DEBATS : A l’audience publique du 06 février 2023, sans opposition du ou des avocats, Mme COURTADE, Conseillère, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

ARRÊT prononcé publiquement le 13 avril 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

* * *

Par acte sous seing privé en date du 21 décembre 2018, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 8] (ci-après désignée le CREDIT MUTUEL) a consenti à Mme [K] [W] un prêt personnel d’un montant de 7.500 € remboursable en 60 mensualités de 139,31 € au taux d’intérêt fixe annuel de 3%.

Par acte d’huissier du 22 octobre 2020, Mme [W] a fait assigner le CREDIT MUTUEL et M. [V] [B], son ex-concubin, devant le tribunal de proximité de Vire aux fins notamment d’annulation du crédit et de condamnation de M. [B] à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.

Par jugement du 2 septembre 2021, le tribunal de proximité a :

– Prononcé la nullité du contrat de crédit n°02129 000156752 06 conclu entre Madame [W] et le CREDIT MUTUEL de [Localité 8],

– Débouté Madame [W] de ses demandes à l’égard de Monsieur [V] [B],

– Condamné Madame [W] à payer au CREDIT MUTUEL de [Localité 8] la somme de 7.500 € correspondant au remboursement du capital emprunté,

– Condamné le CREDIT MUTUEL de [Localité 8] à rembourser à Madame [K] [W] le montant total des sommes versées par elle au titre du contrat de crédit susvisé, hormis celles correspondant à la mensualité de l’assurance prêt,

– Dit qu’en cas d’accord des parties, ces paiements réciproques pourront être réalisés par

compensation,

– Dit que le CREDIT MUTUEL de [Localité 8] effectuera les calculs liés à ces

remboursements réciproques et qu’en cas de contestation, ceux-ci seront réalisés en présence de la partie défenderesse ou de son conseil, avec intervention éventuelle d’un

huissier de justice aux frais du prêteur en cas de difficulté,

– Condamné Madame [W] au paiement d’une somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Rappelé que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire de droit,

– Condamné Madame [W] aux dépens,

– Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 28 septembre 2021, Mme [W] a interjeté appel de cette décision.

M. [B] n’a pas constitué avocat bien que la déclaration d’appel et les premières conclusions d’appelant lui ont été signifiées respectivement les 9 décembre 2021 (à l’étude d’huissier) et 27 décembre 2021 (à personne).

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 2 mai 2022, Mme [W] demande de :

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a annulé le crédit à la consommation souscrit le 21 décembre 2018,

– Infirmer le jugement et condamner Monsieur [B] à la garantir de toute condamnation pouvant intervenir à son encontre afférente à l’annulation dudit crédit à la consommation, et notamment le remboursement des sommes restant dues au titre du prêt,

– Infirmer le jugement et condamner Monsieur [B] à lui rembourser les frais bancaires exposés du fait de ses remboursements tardifs à hauteur de 150,03 €,

– Débouter le CREDIT MUTUEL et le cas échéant Monsieur [B] de l’ensemble de leurs demandes reconventionnelles,

– Infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée au versement de la somme de 800 € au visa de l’article 700 du du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

– Condamner le CREDIT MUTUEL et solidairement Monsieur [B] au versement de la

somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 3 février 2022, le CREDIT MUTUEL demande de :

– Confirmer le jugement entrepris en totalité en ce qui concerne les relations entre le CREDIT MUTUEL et Mme [W], y compris en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens ;

A titre subsidiaire,

– Dans l’hypothèse où la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 8] serait condamnée à verser une quelconque somme à Mme [W], condamner M. [B] à lui accorder recours et garantie pour la totalité de toutes les sommes qui pourraient être mises à sa charge au profit de l’appelante.

En tout état de cause,

– Condamner Mme [W] au paiement d’une indemnité d’un montant de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– Condamner Mme [W] aux entiers dépens d’appel.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 4 janvier 2023.

Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS

1. Sur la nullité du contrat de prêt

L’article 562 du code de procédure civile dispose que l’appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

Le premier juge a annulé le crédit souscrit sur le fondement des articles L312-25 du code de la consommation et 6 du code civil pour déblocage des fonds avant l’expiration du délai de rétractation.

La cour n’est pas saisie de cette disposition qui n’a fait l’objet ni d’un appel principal ni d’un appel incident et qui est donc définitive.

2. Sur les conséquences de l’annulation du contrat

La nullité du contrat de prêt emporte en principe pour l’emprunteur l’obligation de restituer le capital prêté, déduction faite des sommes versées à l’organisme prêteur.

Aux termes de ses conclusions, Mme [W] sollicite la garantie de M. [B] pour toutes les condamnations mises à sa charge à la suite de l’annulation du prêt, sans critiquer ni remettre en cause la disposition qui l’a condamnée à rembourser à la banque la somme de 7.500 € au titre du capital emprunté.

Il y a donc lieu à confirmation sur ce point.

C’est par ailleurs à juste titre que le premier juge a considéré comme étant sans objet la demande de déchéance du droit aux intérêts compte tenu de l’annulation du crédit.

3. Sur le recours en garantie contre M. [B]

Mme [W] soutient qu’elle a contracté le crédit litigieux sous l’insistance de M. [B], qui était à l’époque son employeur et son conjoint, afin d’apurer les dettes de son entreprise ; qu’elle n’a jamais bénéficié des fonds débloqués par la banque qui ont été immédiatement transférés sur le compte bancaire de ce dernier ; qu’elle a été dans l’impossibilité morale de se procurer un écrit pour faire la preuve du prêt qu’elle allègue avoir consenti à son ex-concubin.

En application de l’article 1353 du code civil, il incombe à Mme [W] d’établir l’existence du contrat de prêt allégué.

Cette preuve doit être rapportée par écrit s’agissant d’un litige supérieur à 1.500 € (article 1359 du code civil)

Cependant, la cour considère que les liens de concubinage et de subordination qui liaient M. [B] et Mme [W] à l’époque ont placé celle-ci dans l’impossibilité morale de se constituer une preuve littérale.

Dès lors, elle est autorisée à prouver par tous moyens et notamment par présomptions l’existence du prêt.

Il résulte des pièces du dossier, en particulier des relevés bancaires et des échanges de SMS entre les intéressés, que :

– la banque a débloqué les fonds (7.500 €) le 21 décembre 2021 par virement sur le compte personnel de Mme [W] sur lequel les échéances du prêt étaient prélevées ;

– cette dernière a viré, le jour même, la somme de 7.435 € (7.500 € – 65 € au titre des frais de commission et de souscription de part au CREDIT MUTUEL) sur le compte joint ouvert à son nom et celui de M. [B] ;

– puis des virements de 140 €, couvrant l’échéance du prêt, ont été opérés mensuellement du compte joint sur celui de Mme [W] ;

– en réponse à un SMS de l’appelante en date du 26 septembre 2019, lui transmettant un courrier de relance du CREDIT MUTUEL pour cause d’impayé avec ce message ‘Bonjour, est ce un oubli de ta part  », M. [B] répondait ‘Je m’en occupe’, étant précisé que le couple était alors séparé ;

– le 17 octobre 2019, Mme [W] lui adressait un nouveau courrier de relance de la banque en lui demandant : ‘Est ce encore un oubli ‘ S’il te plaît honore ton crédit je n’en peux plus de tous ces rappels’.

Ces éléments rapportent la preuve suffisante de la remise des fonds litigieux par Mme [W] à M. [B] à titre de prêt avec l’obligation pour ce dernier de rembourser la somme versée.

Il convient donc de condamner M. [B] à garantir Mme [W] de la condamnation prononcée contre elle à l’égard de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL, ce à hauteur de la somme de 7.435 € (capital prêté) – 2.238,11 € (sommes remboursées par l’intimé) = 5.196,89 € (cf pièce n°9 de Mme [W] lettre de mise en demeure adressée à l’intimé le 9 juillet 2020).

En revanche, Mme [W] est déboutée de sa demande au titre des frais bancaires exposés qui doivent lui être remboursés par la banque en vertu du jugement, non contesté sur ce point.

4. Sur les demandes accessoires

M. [B] succombant, est condamné aux dépens de première instance et d’appel et à payer à Mme [B] la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande de débouter Mme [W] et la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 8] de leurs demandes réciproques au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut, mis à disposition au greffe, dans les limites de sa saisine,

CONFIRME le jugement entrepris des chefs de disposition dont il a été interjeté appel sauf en ce qu’il a débouté Mme [K] [W] de ses demandes contre M. [V] [B] et condamné cette dernière au titre des frais irrépétibles et des dépens ;

Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,

CONDAMNE M. [V] [B] à garantir Mme [K] [W] de la condamnation prononcée contre elle à l’égard de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 8] au titre du remboursement du capital emprunté, ce à hauteur de 5.196,89 € ;

DEBOUTE Mme [K] [W] de sa demande en paiement dirigée contre M. [V] [B] au titre des frais bancaires ;

CONDAMNE M. [V] [B] à payer à Mme [K] [W] la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande fondée sur ce texte ;

CONDAMNE M. [V] [B] aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

N. LE GALL F. EMILY

 


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