Nullité de contrat : 13 avril 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/00201

·

·

Nullité de contrat : 13 avril 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/00201

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 13 AVRIL 2023

N° 2023/

MS

Rôle N° RG 21/00201 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BGXWR

[K] [G]

C/

Association L’UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA D’ILE DE FRANCE EST

S.E.L.A.S. M.J.S. PARTNERS

S.A.S. ONET MAIN SECURITE

Copie exécutoire délivrée

le : 13/04/23

à :

– Me Philippe YOULOU, avocat au barreau de NICE

– Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE

– Me Julien GAUTIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NICE en date du 15 Décembre 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° RG F 19/917.

APPELANT

Monsieur [K] [G]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/002025 du 25/06/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Philippe YOULOU, avocat au barreau de NICE

INTIMEES

ASSOCIATION L’UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA D’ILE DE FRANCE EST, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE

S.E.L.A.S. M.J.S. PARTNERS, prise en la personne de Me [R] [X] ès qualités de mandataire liquidateur de la société CERBERE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Julien GAUTIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

et Me Vincent JARRIGE, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. ONET MAIN SECURITE, demeurant [Adresse 3]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2023.

ARRÊT

rendu par défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2023.

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Par jugement rendu le 6 juin 2018 le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de la société Cerbere et ordonné le maintien de son activité jusqu’au 6 septembre 2018, délai prolongé jusqu’au 8 octobre 2018, la Selas MJS Partners en la personne de Maître [R] [X] étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

M. [K] [G] a été engagé par la société Cerbere en qualité d’agent de sécurité, à compter du 14 juin 2018, par contrat à durée déterminée signé du gérant de la société, M. [U] [Z], avec un terme prévu le 29 février 2019, moyennant en dernier lieu un salaire de 1.501,94euros.

M.[G], le 15 mars 2019, a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir la fixation de sa créance de salaire au passif de la société Cerbere à la somme de 7211.61 euros et la condamnation du CGEA IDF EST au paiement de la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée, outre celle de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 15 décembre 2020, le conseil de prud’hommes de Nice a prononcé la nullité du contrat de travail, et a débouté M.[G] de l’ensemble de ses demandes

M.[G] a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 2 février 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 janvier 2021, M.[G]demande à la cour de:

-dire et juger que le contrat de travail qu’il a conclu avec la société Cerbere n’est pas nul et de condamner les AGS IDF au paiement de la somme de 7211.61 euros correspondant au montant figurant sur le dernier bulletin de salaire du mois d’octobre 2018, et celle de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée

-fixer la somme de 7 211.61 euros au passif de la sociétéCerbere et déclarer la décision opposable à l’AGS.

L’appelant fait valoir:

– que l’AGS refuse, à tort de lui régler son salaire alors qu’il a bien signé un contrat de travail avec la société Cerbere, sans connaître la situation de celle-ci,

– qu’il a continué à travailler sans aucune consigne ,

– qu’un courrier du mandataire judiciaire lui a fait entrevoir le paiement de son salaire, en attestant qu’une prise en charge des salaires et accessoires était actuellement en cours et serait traitée par le fonds national de garantie des salaires,

– qu’il a contacté le comptable de l’entreprise qui l’a invité à se rapprocher du mandataire,

– qu’il est demeuré sans nouvelle de ce dernier ainsi que de l’AGS, et s’est trouvé contraint de saisir la justice.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 mai 2021, la Selas MJS Partners prise en la personne de Maître [R] [X] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Cerbere, demande la confirmation du jugement et la condamnation de M.[G] à payer à la liquidation judiciaire de la société Cerbere la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’intimé réplique que :

-Maître [R] [X], ès-qualités de Mandataire liquidateur de la société Cerbere, n’a jamais été informé de l’existence de ce contrat de travail et, a fortiori, n’a jamais autorisé ni ratifié celui-ci,

– le tribunal de commerce de Bobigny, ayant mis un terme au maintien d’activité de la société Cerbere le 8 octobre 2018, le mandataire liquidateur de la société Cerbere n’a eu d’autre choix que de notifier à Monsieur [G] la suspension du contrat à durée déterminée jusqu’à son terme,

-dès lors que le contrat de travail a été conclu par l’ancien dirigeant de la société après l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire, ce contrat est inopposable à la procédure collective et à l’AGS, sauf à démontrer le consentement du mandataire liquidateur,

– le contrat de travail ne comporte pas la signature de Maître [X] et est rédigé en « deux exemplaires », soulignant le fait qu’il n’y avait que deux signataires,

– il n’est pas rapporté la preuve, ni même le moindre commencement de preuve, qui permettrait de laisser supposer que Maître [R] [X], èsqualités de mandataire liquidateur de la société Cerbere, ait consenti à la conclusion de ce contrat de travail.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 avril 2021,l’association UNEDIC délégation AGSCGEA Ile de France Est demande de:

Constater que la date de cessation des paiements a été arrêtée le 26 octobre 2017 et la liquidation judiciaire a été ouverte le 6 juin 2018 ;

Constater que le contrat de travail de Monsieur [G] a été conclu avec Monsieur [Z] le 14 juin 2018 deux semaines après l’ouverture de la liquidation judiciaire ;

Dire et juger que le contrat de travail conclu entre Monsieur [G] et Monsieur [Z] est nul de plein droit ou à tout le moins inopposable à la liquidation judiciaire de la société Cerbere.

Confirmer le jugement entrepris et débouter Monsieur [G] de sa demande visant à la fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Cerbere pour la somme de 7.211,61 euros.

Le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée ;

En tout état de cause,

Dire et juger que la somme réclamée au titre de l’article 700 du CPC n’entre pas dans le cadre de la garantie du CGEA ;

Dire et juger qu’aucune condamnation ne peut être prononcée à l’encontre des concluants et que la décision à intervenir ne peut tendre qu’à la fixation d’une éventuelle créance en deniers ou quittances.

Dire et juger que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte-tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par mandataire judiciaire, et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

Dire et juger que la décision à intervenir sera déclarée opposable au concluant dans les limites de la garantie et que le CGEA ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et L 3253-8 et suivants du Code du Travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L.3253-15, L 3253-18, L 3253-19, L 3253-20, L 3253-21 et L.3253-17 et D 3253-5 du code du travail.

Statuer ce que de droit en ce qui concerne les dépens.

La société ONET Main Sécurité, intimée n’a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l’article L 632-1 du code de commerce:

Sont nuls, lorsqu’ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants:

1° Tous les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière ;

2° Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l’autre partie ;

(…)

Il est constant en l’espèce que la société Cerbere prise en la personne de Monsieur [Z], son ancien dirigeant a embauché M. [G] le 14 juin 2018, soit après le prononcé par le tribunal de commerce de Bobigny de la liquidation judiciaire de la société Cerbere, le 6 juin 2018.

Or, il existe entre les obligations des parties un déséquilibre du seul fait de la situation du créancier, en liquidation judiciaire suite à sa cessation des paiements depuis le 26 octobre 2017.

En conséquence,

-le contrat de travail conclu 8 jours après le prononcé de la liquidation judiciaire est nul de plein droit par application des dispositions de l’article L 632-1 du code de commerce,

-le contrat de travail ne pouvait pas être conclu sans l’autorisation du mandataire liquidateur, ce contrat de travail est inopposable à la procédure collective.

Il y a lieu de rejeter en conséquence les demandes de M.[G] en fixation de sa créance de salaire au passif.

Aucune faute n’est caractérisée à l’encontre de l’association UNEDIC délégation AGS CGEA Ile de France Est, laquelle n’a aucunement résisté de manière injustifiée et abusive en ayant refusé conformément à la loi, d’avancer les créances reposant sur un contrat nul qui lui est inopposable.

Conformément au droit commun relatif aux effets de l’annulation d’un contrat à exécution successive, l’annulation du contrat de travail, ne prive pas pour autant le salarié d’un droit à indemnisation lorsque celui-ci a effectivement travaillé.

En l’espèce,le salarié soutient sans contradiction opérante :

– qu’ après la conclusion du contrat et nonobstant la liquidation judiciaire, il a continué à travailler durant quatre mois, ce qui n’est pas contesté et ressort de l’attestation Assedic ainsi que d’un courrier de la société du 1er juillet 2018 demandant aux salariés de rester fidèles et en poste,

– qu’un courrier du 21 novembre 2018 du mandataire judiciaire atteste qu’une prise en charge des salaires et accessoires était actuellement en cours et serait traitée par le fonds national de garantie des salaires.

Ainsi il est établi que M.[G] a accompli effectivement des tâches entrant dans les prévisions du contrat annulé et lui donnant droit à indemnisation.

Le jugement déféré sera infirmé et la cour, en application L1221-1 du code du travail, fixera au passif de la liquidation judiciaire de la société Cerbere une indemnité de 6.000 euros due à M. [G] en contrepartie de la prestation fournie.

Les dépens de la procédure d’appel seront fixés au passif de la liquidation judiciaire de la société Cerbere.

La Selas MJS Partners prise en la personne de Maître [R] [X] sera déboutée de sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt rendu par défaut, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,

Infirme le jugement et statuant à nouveau,

Fixe la créance indemnitaire de M.[G] au passif de la société Cerbere à la somme de 6.000 euros en contrepartie de la prestation fournie,

Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions,

Y ajoutant,

Fixe les dépens de l’instance d’appel au passif de la liquidation judiciaire de la société Cerbere,

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x