République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 13/04/2023
N° de MINUTE : 23/391
N° RG 21/00872 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TOBO
Jugement (N° 20-000363) rendu le 02 Octobre 2020 par le Juge des contentieux de la protection de Lille
APPELANTE
SA Cofidis
[Adresse 9]
Représentée par Me Xavier Hélain, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉS
Monsieur [T] [L]
né le [Date naissance 4] 1951 à [Localité 5] – de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 6]
Madame [M] [W] [Z] épouse [L]
née le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 7] (Hongrie) – de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Me Djénéba Toure-Cnudde, avocat au barreau de Lille, avocat constitué assisté de Me Harry Bensimon, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
SELAFA MJA prise en la personne de Maître [Y] [O] ès qualités de mandataire liquidateur de la Société Vivons Energy
[Adresse 2]
[Localité 5]
Défaillante, à qui la déclaration d’appel a été signifiée le 29 mars 2021 à tiers présent à domicile
DÉBATS à l’audience publique du 08 février 2023 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Catherine Ménegaire, conseiller
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 18 janvier 2023
EXPOSE DU LITIGE
Le 23 janvier 2017, M. [T] [L] a contracté auprès de la société Vivons Energy une prestation relative à l’installation d’un système photovoltaïque pour un montant TTC de 24’400 euros TTC dans le cadre d’un démarchage à domicile, suivant bon de commande n° 6453.
Le 29 mars 2017, M. [L] et Mme [M] [Z] épouse [L] ont accepté une offre préalable de crédit auprès la société Cofidis exerçant sous l’enseigne ‘Projectio by Cofidis’, affecté à la réalisation d’une prestation de ‘panneaux solaires’ d’un montant de 24’400 euros, remboursable en 180 mensualités, précédées d’un différé de paiement de 12 mois, incluant les intérêts au taux nominal annuel de 2,75 %.
Par acte d’huissier en date du 21 janvier 2020, M. [L] et Mme [Z] ont fait assigner la Selafa MJA, prise en la personne de Me [O], ès qualité de mandataire liquidateur de la société Vivons Energy ainsi que la société Cofidis aux fins de voir notamment prononcer la nullité des contrats de vente et de crédit affecté.
Par jugement réputé contradictoire en date du 2 octobre 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille a :
– prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 23 janvier 2017 entre M. [L] et la société Vivons Energy suivant bon de commande n° 6453,
– constaté la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre la société Cofidis et M. [L] et Mme [Z] en date du 29 mars 2017,
– condamné la société Cofidis à restituer à M. [L] et Mme [Z] l’ensemble des sommes versées à quelque titre que ce soit en exécution du crédit affecté conclu le 29 mars 2017,
– débouté M. [L] et Mme [Z] du surplus de leurs demandes,
– débouté la société Cofidis de ses demandes.
– condamné in solidum la Selafa MJA es qualité de liquidateur de la société Vivons Energy et la société Cofidis à payer M. [L] et Mme [Z] la somme de 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum la Selafa MJA es qualité de liquidateur de la société Vivons Energy et la société Cofidis au dépens.
Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 10 février 2021, la société Cofidis a relevé appel de l’ensemble des chefs de ce jugement sauf en ce qu’il a débouté M. [L] et Mme [Z] du surplus de leurs demandes.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 janvier 2023, la société Cofidis demande à la cour de :
– voir dire et juger la société Cofidis recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
y faisant droit,
– réformer le jugement dont appel sur les conséquences de la nullité des conventions,
statuant à nouveau,
– condamner solidairement M. [L] et Mme [Z] à rembourser à la société Cofidis le capital emprunté d’un montant de 24’400 euros au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir, déduction à faire des échéances payées,
en tout état de cause :
– condamner solidairement M. [L] et Mme [Z] à payer à la société Cofidis une indemnité d’un montant de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner solidairement M. [L] et Mme [Z] aux entiers dépens qui pourront être directement recouvrés par l’avocat soussigné par application de l’article 699 procédure
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 janvier 2023, les consorts [L] demandent à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [L] et Mme [Z] du surplus de leurs demandes à savoir en ce que le jugement a :
– débouté M. [L] et Mme [Z] de leurs demandes tendant à la condamnation des société Cofidis et Vivons Energy à leur verser la somme de 5 000 euros au titre des frais de désinstallation et de remise en état de la toiture dans son état initial,
– débouté M. [L] et Mme [Z] de leurs demandes tendant à la condamnation des société Cofidis et Vivons Energy à leur verser la somme de 8 000 euros au titre de la réparation de leur préjudice financier est de leur trouble de jouissance,
– débouté M. [L] et Mme [Z] de leurs demandes tendant à la condamnation des société Vivons Energy et Cofidis à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de réparation de leur préjudice moral,
– confirmer le jugement pour le surplus et en conséquence :
– déclarer les demandes de M. [L] et Mme [Z] recevables et bien fondées,
– déclarer que le contrat conclu entre M. [L] et Mme [Z] et la société Vivons Energy est nul car contrevenant aux dispositions édictées par le code de la consommation,
– déclarer que la société Vivons Energy a commis un dol à l’encontre de M. [L] et Mme [Z],
– déclarer que la société Cofidis a délibérément participé au dol commis par la société Vivons Energy,
au surplus,
– déclarer que la société Cofidis a commis des fautes personnelles :
– en laissant prospérer l’activité de la société Vivons Energy par la fourniture de financements malgré les nombreux manquements de cette dernière qu’elle ne pouvait prétendre ignorer,
– en accordant des financements inappropriés s’agissant de travaux de construction,
– en manquant à ses obligations d’information et de conseil à l’égard de M. [L] et Mme [Z],
– en délivrant les fonds à la société Vivons Energy sans s’assurer de l’achèvement des travaux,
– déclarer que les fautes commises par la société Cofidis ont causé un préjudice à M. [L] et Mme [Z],
en conséquence,
– déclarer que les sociétés Vivons Energy et Cofidis sont solidairement responsables de l’ensemble des conséquences de leurs fautes à l’égard de M. [L] et Mme [Z],
– prononcer la nullité ou à défaut la résolution du contrat de vente liant M. [L] et Mme [Z] à la société Vivons Energy,
– prononcer la nullité ou à défaut la résolution du contrat de crédit affecté liant M. [L] et Mme [Z] à la société Cofidis,
– déclarer la société Cofidis ne pourra se prévaloir des effets d’annulation à l’égard des emprunteurs,
– ordonner le remboursement des sommes versées par M. [L] et Mme [Z] à la société Cofidis au jour du jugement à celles à venir, soient la somme de 38’541,01 euros sauf à parfaire,
– condamner solidairement Vivons Energy et Cofidis à payer 5 000 euros au titre des frais de désinstallation et de remise en état de la toiture dans son état initial à défaut de dépose spontanée,
– condamner la société Cofidis à verser à M. [L] et Mme [Z] la somme de 8 000 euros au titre de leur préjudice financier du trouble de instance, et de 3 000 euros au titre leur préjudice moral,
– dire qu’à défaut pour la société Vivons Energy de récupérer le matériel fourni dans un délai d’un mois à compter la signification du jugement celui-ci sera définitivement acquis à M. [L] et Mme [Z],
– condamner la société Vivons Energy à garantir M. [L] et Mme [Z] de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre,
– condamner solidairement la société Vivons Energy et Cofidis au paiement des entiers dépens outre 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum la société Vivons Energy et la société Cofidis dans l’hypothèse ou à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir, une exécution forcée serait nécessaire, à supporter le montant des sommes retenues par l’huissier par application des articles 10 et 12 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 numéro 96/1080 relatifs aux tarifs des huissiers, en application de l’article R.631-4 du code de la consommation,
– fixer les créances au passif de la liquidation de la société Vivons Energy.
Par courrier du 23 juin 2021, la Selafa MJA ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Vivons Energy à indiqué à la cour que la liquidation judiciaire ne serait pas représentée à la procédure compte tenu de son impécuniosité, et qu’aucune demande en paiement ne pourra valablement prospérer en application des dispositions d’ordre public des article L622-21 et L.631-14 du code de commerce.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 janvier 2023, et l’affaire fixée pour être plaidée à l’audience du 8 février 2023.
MOTIFS
A titre liminaire, il convient de préciser que les demandes tendant à voir « constater, dire et juger » ne sont pas en l’espèce des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile mais le rappel des moyens.
Sur la nullité des contrat de vente et de crédit
Le premier juge a prononcé la nullité du contrat de vente sur le fondement des article L.221-5, L.221-9 et L.111-1 du code de la consommation à raison des vices affectant le bon de commande.
Si aux termes de sa déclaration d’appel, la société Cofidis a dévolu à la connaissance de la cour l’ensemble des chefs du jugement, il s’observe qu’aux termes du dispositif de ses conclusions en date du 10 janvier 2023, elle demande à la cour de :
‘Réformer le jugement dont appel sur les conséquences de la nullité des conventions’ .
Elle ne demande donc pas de voir infirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la nullité des contrats de vente et de crédit affecté.
Par ailleurs, dans le dispositif de leurs conclusions en date du 17 janvier 2023, les consorts [L] demandent à la cour ‘d’infirmer le jugement en ce qu’il les a :
– débouté de leurs demandes tendant à la condamnation des société Cofidis et Vivons Energy à leur verser la somme de 5 000 euros au titre des frais de désinstallation et de remise en état de la toiture dans son état initial,
– débouté de leurs demandes tendant à la condamnation des société Cofidis et Vivons Energy à leur verser la somme de 8 000 euros au titre de la réparation de leur préjudice financier est de leur trouble de jouissance,
– débouté de leurs demandes tendant à la condamnation des société Vivons Energy et Cofidis à leur verser la somme de 3000 euros au titre de réparation de leur préjudice moral,’
et demandent la confirmation du jugement pour le surplus.
La cour n’est donc pas saisie d’une demande d’infirmation des chefs du jugement ayant prononcé la nullité des conventions. Il convient en conséquence de confirmer les chefs du jugement ayant prononcé la nullité du contrat de vente et du contrat de crédit affecté, en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile.
Sur les conséquences de l’annulation des conventions
L’annulation d’un contrat entraînent en principe la remise des parties en l’état antérieur à la conclusion dudit contrat. Ainsi, l’annulation du contrat de prêt en conséquence de celle du contrat de vente qu’il finançait emporte, pour l’emprunteur, l’obligation de rembourser au prêteur le capital prêté, peu important que ce capital ait été versé directement au vendeur par le prêteur, sauf si l’emprunteur établi l’existence d’une faute du prêteur et d’un préjudice consécutif à cette faute. Elle emporte également pour le prêteur l’obligation de restituer les sommes déjà versées par l’emprunteur.
Cependant, le prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution peut être privé de tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
En l’espèce, la société Cofidis ne conteste pas que le bon de commande annulé par le premier juge était affecté de vices de forme au regard des dispositions du code de la consommation, et qu’elle a commis une faute en ne vérifiant pas sa régularité avant le déblocage des fonds.
Par ailleurs, il ressort du bon de commande du 23 janvier 2017 que la prestation complète de la société Vivons Energy comprenait non seulement l’installation des panneaux, mais également l’ensemble des démarches auprès de la Mairie et du [8], le raccordement de la centrale au réseau électrique, et l’obtention du contrat de rachat d’électricité auprès d’ERDF. Dès lors, l’obligation de vérifier la complète exécution du contrat pesant sur la banque impliquait de s’assurer aussi de la réalisation de ces prestations.
Or, aux termes de l’attestation de livraison et d’installation/demande de financement du 17 avril 2017, M. [L] ‘constate expressément que tous les travaux et prestations qui devaient être effectués par la société Vivons Energy au titre de l’installation ont été pleinement réalisés’ et demande à la société Cofidis de procéder au déblocage du montant du crédit entre les mains de la société Vivons Energy ‘au moment de la délivrance par le Consuel de l’attestation certifiant que l’installation des panneaux est conforme’.
Le prêteur ne pouvait ignorer que cette attestation de fin de travaux prévoyant le déblocage des fonds au vue de la seule attestation établie par le Consuel, et excluant par conséquent une partie de la prestation pourtant incluse dans le contrat principal, à savoir le raccordement de l’installation et l’obtention du contrat de rachat d’électricité, ne pouvait suffire à lui permettre de s’assurer de l’exécution complète du contrat principal. Il n’est d’ailleurs pas contesté par la banque que l’installation a été raccordée et mise en service en juillet 2017, soit postérieurement au déblocage des fonds.
En s’abstenant de s’assurer que le contrat était entièrement exécuté, le prêteur a également commis une faute dans le déblocage des fonds.
La banque soutient que l’emprunteur ne subi pas de préjudice au motif que le matériel fonctionnerait et lui procurerait un revenu.
Cependant, les fautes commises par la banque entraînent manifestement un préjudice pour l’emprunteur en l’espèce dans la mesure où il ne sera pas en mesure d’obtenir la restitution du prix, ni la désinstallation de l’équipement et la remise en état de son habitation du fait de la déconfiture de la société Vivons Energy, placée en liquidation judiciaire, alors que la restitution du prix et la remise en état par la société installatrice aurait dû être la conséquence normale de l’annulation du contrat principal.
Au regard de ces éléments, il convient de confirmer le jugement entrepris et compte tenu du préjudice manifeste subi par les intimés, de priver la société Cofidis de son droit à restitution de l’intégralité du capital, et de la condamner à restituer à M. [L] et Mme [Z] la totalité des sommes versées par eux à quelque titre que ce soit en exécution du contrat de crédit.
Les époux M. [L] [L] ayant été dispensés de rembourser le capital prêté à la banque, ils seront déboutés de leur demande en garantie à l’encontre de la société Vivons Energy.
Sur les demandes de dommages et intérêts complémentaires formée par les consorts [L]
C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a estimé que M. [L] et Mme [Z] ne rapportaient pas la preuve de ce que leur niveau de vie avait été réduit, ni que l’installation photovoltaïque présenterait un caractère inesthétique et occasionnerait des désordres, ni encore de ce qu’ils subiraient un préjudice moral, et les a débouté de leurs demandes de dommages et intérêts de ces chefs. Le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point.
C’est également par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a relevé que M. [L] et Mme [Z] ne rapportaient pas la preuve du coût du démontage de l’installation et les a débouté de leur demande à ce titre. Le jugement sera également confirmé sur ce point.
Sur les demandes accessoires
Les motifs du premier méritant d’être adoptés, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.
Partie perdante, la société Cofidis sera condamnée au dépens d’appel conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer à M. [L] et Mme [Z] la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt réputé contradictoire ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant ;
Condamne la société Cofidis payer à M. [L] et Mme [Z] la somme de
1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Cofidis aux dépens d’appel.
Le greffier
Gaëlle PRZEDLACKI
Le président
Yves BENHAMOU