République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 13/04/2023
N° de MINUTE : 23/397
N° RG 21/00999 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TOM4
Jugement (N° 19/01321) rendu le 07 Janvier 2021 par le Tribunal Judiciaire de Cambrai
APPELANTE
Madame [E] [W]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Stephane Dominguez, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué
INTIMÉES
SA BNP Paribas Personal Finance agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Francis Deffrennes, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
SELAFA MJA pris en la personne de Me [L] [N] es qualité de liquidateur judiciaire de la société Viva (Renola)
[Adresse 2]
[Localité 6]
Défaillante, à qui la déclaration d’appel a été signifiée le 28 avril 2021 par acte remis à domicile
Société CETELEM
[Adresse 1]
[Localité 6]
Défaillante, à qui la déclaration d’appel a été signifiée le 29 avril 2021 par acte remis à domicile
SARL Vieco
[Adresse 5]
[Localité 6]
Défaillante, à qui la déclaration d’appel a été signifiée le 05 mai 2021 (PV 659)
DÉBATS à l’audience publique du 08 février 2023 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Catherine Ménegaire, conseiller
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
ARRÊT PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 18 janvier 2023
EXPOSE DU LITIGE
Le 6 février 2017, dans le cadre d’un démarchage à domicile, Mme [E] [W] a conclu avec la société Vieco un contrat portant sur l’achat et l’installation d’une centrale photovoltaïque et d’un ballon thermodynamique pour un montant TTC de 26’000 euros, suivant bon de commande numéro 6708.
Aux fins de financer cette installation, Mme [W] a, selon offre préalable acceptée le 7 février 2017, conclu avec la société BNP Paribas personal finance un crédit affecté d’un montant de 26’000 euros, remboursable en 132 mensualités, au taux d’intérêt contractuel de 4,70 % l’an.
La société Vieco a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 7 février 2018, la société MJA, ayant été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de ladite société.
Par acte d’huissier délivré le 17 juillet 2019, Mme [W] a assigné en justice la société BNP Paribas personal finance, la société Cetelem et et la société Vieco aux fins d’obtenir l’annulation des contrats de vente et des contrats de crédit, le paiement de la somme de 10’000 euros à titre de dommages-intérêts, et sa radiation sous astreinte du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers.
Par exploit d’huissier en date du 27 juillet 2020, le liquidateur a été appelé en intervention forcée devant le tribunal.
Par jugement réputé contradictoire en date du 7 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Cambrai a :
– dit ne pas y avoir lieu à statuer sur les demandes de ‘donner acte’ ‘dire que’ ‘constater que’,
– déclaré recevable la demande de Mme [W],
– débouté Mme [W] de ses demandes,
– condamné Mme [W] aux dépens,
– débouté les parties de leurs autres demandes.
Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 12 février 2021, Mme [W] a relevé appel de l’ensemble des chefs du jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 avril 2021, elle demande à la cour de :
Vu les dispositions de l’article 1101 et suivants du Code civil,
vu la jurisprudence précitée,
vu les articles L.221-1 et suivants du code de la consommation,
– dire bien appelé mal jugé,
– infirmer en tout point le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Cambrai le 7 janvier 2021,
statuant à nouveau,
– constater l’existence d’une man’uvre dolosive de la part de la société Vieco,
– prononcer en conséquence l’annulation pure et simple du contrat principal de prestation de services et de vente signé entre les parties, et prononcer en conséquence la restitution réciproque du prix payé et la restitution du kit photovoltaïque d’autre part,
– ordonner en conséquence l’annulation du contrat de crédit subséquent souscrit auprès de la société BNP Paribas personal finance et de la société Cetelem,
– condamner en outre au titre des préjudices subis la société Vieco à verser à Mme [W] la somme de 10’000 euros sur le fondement de l’article 1101 et suivants du code civil,
– dire le jugement à intervenir opposable aux organismes de crédit, à savoir la société Cetelem et la société BNP Paribas personal finance,
– ordonner le défichage de Mme [W] du fichier des incidents de crédits aux particuliers sous astreinte de 500 euros par jour de retard,
– débouter la société BNP Paribas personal finance, la société Cetelem, et la société Vieco de toutes leurs demandes fins et conclusions,
– condamner en outre solidairement les défendeurs à verser à Mme [W] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 27 juillet 2021, la société BNP Paribas personal finance demande à la cour de :
– confirmer le jugement intervenu devant le tribunal judiciaire de Cambrai en date du 7 janvier 2021 en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu’il a débouté Mme [W] de ses demandes,
– constater la carence probatoire de Mme [W],
– dire et juger que les conditions d’annulation du contrat principal conclu le 6 février 2017 avec la société Vieco sur le fondement d’un prétendu dol ne sont pas réunies et qu’en conséquence le contrat de crédit affecté conclu avec Mme [W] n’est pas annulé,
– dire et juger que le bon de commande régularisé le 6 février 2017 par Mme [W] respecte les dispositions des articles L.121-5 et suivants du code de la consommation,
– à défaut, constater dire et juger que Mme [W] a amplement manifesté sa volonté de renoncer à invoquer la nullité des contrats au titre des prétendus vices les affectant sur le fondement des articles L.121-5 et suivants du code de la consommation et ce, en toute connaissance des dispositions applicables,
– en conséquence, débouter Mme [W] de l’intégralité de ses prétentions demandes fins et conclusions telles que formulées à l’encontre de la BNP Paribas personal finance,
à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la résolution du contrat principal de vente conclu le 6 février 2017 entre Mme [W] et la société Vieco entraînant la nullité du contrat de crédit affecté,
– constater, dire et juger que la société BNP Paribas Personal finance n’a commis aucune faute en procédant la délivrance des fonds, ni aucune faute dans l’octroi du crédit,
– par conséquent, condamner Mme [W] à rembourser à la société BNP Paribas Personal finance le montant du capital prêté, déduction faite des paiements d’ores et déjà effectués,
à titre infiniment subsidiaire, si par impossible la cour considérait à l’instar du premier magistrat que la société BNP Paribas Personal finance a commis une faute dans le déblocage des fonds,
– dire et juger que le préjudice subi du fait de la perte de chance de ne pas contracter les contrats de crédit affecté litigieux ne peut être égale au montant de la créance de la banque,
– dire et juger que Mme [W] conservera l’installation du ballon thermodynamique et des panneaux solaires photovoltaïques qui ont été livrés et posés à son domicile par la société Vieco (puisque ladite société est en liquidation judiciaire et qu’elle ne se présentera donc jamais au domicile de Mme [W] pour récupérer le matériel installé à son domicile), que l’installation photovoltaïque fonctionne parfaitement puisque ladite installation est raccordée au réseau ERDF ENDIS, que l’installation a bien été mise en service et que Mme [W] perçoit chaque année depuis 2018 des revenus énergétiques grâce à l’installation photovoltaïque litigieuse,
– par conséquent, dire et juger que la société BNP Paribas Personal finance ne saurait être privée de sa créance de restitution compte tenu de l’absence de préjudice avéré pour Mme [W],
– par conséquent, condamner Mme [W] à rembourser à la société BNP Paribas Personal finance le montant du capital prêté, déduction faite des échéances d’ores et déjà acquittées par elle,
– à défaut, réduire de bien plus justes proportions le préjudice subi par Mme [W] et condamner à tout le moins cette dernière à restituer à la BNP Paribas Personal finance une fraction du capital prêté, fraction qui ne saurait être inférieure aux deux tiers du capital prêté,
en tout état de cause,
– condamner Mme [W] à payer à la société BNP Paribas Personal finance la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [W] aux entiers frais et dépens, y compris ceux d’appel, dont distraction profit de Me Francis Deffrennes, avocat aux offres de droit, conformément dispositions de l’article 699 code de procédure;
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 janvier 2023, et l’affaire fixée pour être plaidée à l’audience du 8 février 2023.
En délibéré, la cour a invité le conseil de la société BNP paribas personal finance à déposer son dossier de plaidoiries. Le conseil de ladite société a indiqué qu’iln’intervenait plus pour la Société BNP paribas personal finance, eu égard à la cession de créance par cette dernière.
MOTIFS
Les texte du code civil mentionné dans l’arrêt sont ceux issus de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, applicables à la date de conclusion des contrats de vente et de crédit.
Sur la recevabilité des demandes de nullité et de dommage et intérets
Mme [W] forme une demande de nullité fondée sur le dol ainsi que sur les irrégularités formelles du bon de commande au regard des dispositions d’ordre public du code de la consommation en matière de démarchage à domicile. Elle forme également une demande de dommages et intérêts à l’encontre de la société Vieco sur le fondement de l’article 1101 du code civil pour manquements de la venderesse au titre de ses obligations précontractuelles.
Dans le dispositif du jugement, le premier juge a déclaré ‘la demande de Mme [W] recevable’, mais dans les motifs, a déclaré que si les demandes de nullité étaient recevables, la demande de dommages et intérêts formée contre la société Vieco était irrecevable.
L’article L.622-22 du code de commerce dispose que sous réserve des dispositions de l’article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu’à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l’administrateur ou le commissaire à l’exécution du plan nommé en application de l’article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.’
Selon l’article L. 622-21, I du code de commerce dispose que jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17 (créances nées après le jugement d’ouverture) et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.
Dès lors que l’emprunteur fonde sa demande d’annulation du contrat de vente sur le dol et les vices affectant le bon de commande au regard du code de la consommation, sans invoquer le défaut de paiement d’une somme d’argent, ses demandes en nullité ne se heurtent pas à l’interdiction des poursuites prévue à l’article L. 622-2, I (Com., 7 octobre 2020, pourvoi n° 19-12.640).
La demande en nullité des contrats de vente et de crédit est par conséquent recevable, étant observé que Mme [W] ne forme pas de demande de restitution du prix à l’encontre du mandataire liquidateur.
Invoquant le non-respect par la venderesse au titre de son devoir de conseil ainsi que les manoeuvres dolosives, l’appelante forme une demande de dommages et intérêts.
Le fait générateur de cette dette est la faute alléguée commise par la société venderesse au titre de son obligation de conseil lors de la conclusion du contrat, et trouve en conséquence son origine antérieurement à la procédure collective ouverte le 7 février 2018.
Elle est soumise à l’arrêt des poursuites individuelles, et s’agissant d’une créance antérieure à la procédure collective ouverte le 7 février 2018, et il appartenait à Mme [W] de déclarer sa créance entre les mains du liquidateur, pour qu’elle puisse être fixée au passif de la liquidation.
Ainsi que l’a relevé le premier juge, Mme [W] ne justifie pas d’une déclaration de créance régulière.
Cette demande en paiement de dommages et intérêts est par conséquent irrecevable.
Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré la demande recevable, sauf à préciser qu’il s’agit de la demande de nullité des contrats, et y ajoutant ( puisque le premier juge ne l’a pas précisé dans le dispositif de son jugement, mais seulement dans les motifs) de déclarer irrecevable la demande de dommages et intérêts formée contre la société Vieco.
Sur les demandes formées contre la société Cetelem
Mme [W] forme des demandes tant à l’encontre de la société BNP paribas personal finance qu’à l’encontre de la société Cetelem.
La cour constate que le contrat de crédit affecté litigieux, qui porte la mention en première page ‘BNP paribas personal finance, ci après le prêteur’, a été conclu entre cette société et Mme [W], et non entre cette dernière et la société Cetelem.
Il y a donc lieu de débouter l’appelante de toutes ses demandes à l’encontre de la société Cetelem.
Sur la nullité du contrat de vente pour dol
Selon l’article 1130 du code civil, ‘l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.’
Il appartient à Mme [W] de rapporter la preuve des manoeuvres dolosives qui l’auraient conduite à une erreur déterminante dans la conclusion du contrat de vente.
Or, il se constate au regard des pièces versées aux débats que l’appelante ne rapporte nullement la preuve que la société Vieco lui avait promis que la revente d’électricité lui permettrait de rembourser les échéances du crédit souscrit pour l’achat du matériel et de s’autofinancer. De même, aucun élément ne vient étayer la thèse selon laquelle la société Vieco aurait sciemment caché à son cocontractant des éléments qui aurait déterminé son consentement, concernant notamment le prix de rachat de l’électricité par ERDF, ou en matière fiscale.
La preuve d’un dol commis par la venderesse n’étant pas rapportée, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de nullité de ce chef.
Sur la demande de nullité pour vice de forme du bon de commande
En vertu de l’articles L.221-9 du code de la consommation, les contrats hors établissement doivent faire l’objet d’un contrat écrit daté dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat. Il comprend toutes les informations prévues par l’article L.221-5. Le contrat doit être accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l’article L.221-5.
Selon l’article L.221-5 du code de la consommation ‘Préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;
2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat ;
3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;
4° L’information sur l’obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d’un contrat de prestation de services, de distribution d’eau, de fourniture de gaz ou d’électricité et d’abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l’exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l’article L. 221-25 ;
5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l’article L. 221-28, l’information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;
6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l’utilisation de la technique de communication à distance, à l’existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d’Etat. (…)’
Selon l’article L.111-1 du code de la consommation, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° les caractéristiques essentielles du bien ou du service compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné,
2° le prix du bien ou du service en application de l’article L.112-1 à L.112-4,
3° en l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service,
4° les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte ;
5° s’il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique, et le cas échéant, à son interopérabilité, à l’existence et aux modalités de mise en oeuvre des garanties et autres conditions contractuelles ;
6° la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre 1er du livre VI. (…)’
En vertu de l’article L.242-1du code de la consommation, les dispositions de l’article L.221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.
En l’espèce, le bon de commande porte que la fourniture et la pose d’une centrale photovoltaïque composée de 12 modules solaires de marque Soluxtec d’une puissance totale de 3 000 Wc pour la revente à ERDF, la société Vieco devant accomplir à sa charge l’ensemble des démarches administratives et le raccordement. Il porte également sur l’installation d’un système Gse Air System – TM V3 avec l’installation complète d’un Kit de chauffage, et d’un ballon termodynamique de marque Thermor ou similaire.
Il est indiqué au verso du bon de commande la mention ‘date de livraison/
travaux : 120 jours à compter de la signature du bon de commande.’
Alors que le contrat conclu impliquait des opérations à la fois matérielles de livraison et d’installation du matériel commandé, mais également des démarches administratives, cette mention était insuffisante pour répondre aux exigences de l’article L. 111-1, 3°du code de la consommation, dès lors qu’il n’était pas distingué entre le délai de pose des modules, et autre matériels et celui de réalisation des prestations à caractère administratif et qu’un tel délai global ne permettait pas aux acquéreurs de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aurait exécuté ses différentes obligations.
En outre, le bon de commande n’est pas conforme aux dispositions d’ordre public de code de la consommation relatives aux démarchage à domicile, prescrites à peine de nullité, en ce qu’il ne comporte pas l’ensemble des caractéristiques essentielles des biens offerts : En effet, le bon de commande ne comporte pas la marque de l’onduleur, élément essentiel de l’installation de la centrale photovoltaïque, ni le modèle des panneaux et du GSE Air System. Il prévoit en outre que le chauffe-eau termodynamique sera de marque Themor ‘ou similaire’, ce qui permet à la société venderesse d’installer un matériel de marque différente de celui qu’elle s’est engagé à livrer, et ne mentionne ni le modèle, ni le volume de ce chauffe-eau, interdisant au consommateur d’être parfaitement renseigné sur les biens fournis à la vente.
Dès lors, le bon de commande litigieux présente des irrégularités susceptibles de justifier son annulation.
Sur le fondement de l’article 1182 du code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la société BNP Paribas Personal Finance fait valoir que Mme [W] a renoncé invoqué la nullité encourue au titre des vices l’affectant et confirmé la nullité invoquée dans la mesure où n’ayant pas usé de sa faculté de rétractation, il a exécuté le contrat en réceptionnant sans réserve l’installation, en demandant le versement des fonds, en remboursant les échéances du crédit, et en signant un contrat d’énergie avec la société ERDF, alors que le bon de commande mentionnait l’ensemble des articles du code de la consommation relatifs au démarchage à domicile.
Si la violation du formalisme prescrit par les dispositions précitées du code de la consommation, et qui a pour finalité la protection des intérêts de l’acquéreur démarché, est sanctionnée par une nullité relative à laquelle il peut renoncer par une exécution volontaire de son engagement irrégulier, il résulte des dispositions de l’article 1882 du code civil dans sa version applicable à la date de conclusion du contrat que la confirmation tacite d’un acte nul est subordonnée à la double condition que son auteur ait eu connaissance du vice l’affectant et qu’il ait eu l’intention de le réparer.
La renonciation à se prévaloir de la nullité du contrat par son exécution doit, dès lors que la confirmation d’une obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d’un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l’obligation et l’intention de le réparer, être caractérisée par sa connaissance préalable de la violation des dispositions destinées à le protéger.
Or, la société BNP Paribas personal finance ne démontre pas que Mme [W] aurait en toute connaissance de cause confirmé la nullité encourue.
Il ressort en effet de l’examen du bon de commande que sont mentionnées au verso les dispositions des articles L.121-17, L.121-18, L.121-18-1, L.121-18-2, L.121-19-2, L.121-21, L.121-21-2, L.121-21-5 du code de la consommation, alors que ces textes n’étaient plus applicables à la date de conclusion du contrat.
Le rappel de ces dispositions erronées ne sauraient suffire à établir que l’acquéreur a agi en toute connaissance de cause et renoncé à invoquer les vices de forme du contrat de vente alors que, pour que la confirmation soit valable, il faut que son auteur ait pris conscience de la cause de nullité qui affecte l’acte et que la connaissance certaine de ce vice ne peut résulter, pour un consommateur profane, du seul rappel des dispositions du code de la consommation.
Ni l’écoulement du délai de rétractation, ni l’absence de protestation lors de la livraison et de la pose des matériels commandés, ni la signature par le consommateur de l’attestation de fin de travaux, ni le versement des fonds par la société de crédit à la société venderesse, ni l’acceptation des démarches de raccordement, ni la signature du contrat d’énergie, ni le paiement des échéances du crédit, ne sauraient constituer à cet égard des circonstances de nature à caractériser une telle connaissance et une telle intention de la part de l’acquéreur et ne peuvent donc couvrir la nullité relative encourue.
Il convient donc de réformer le jugement en ce qu’il a estimé que la nullité du contrat a été couverte par la confirmation de Mme [W].
Sur les conséquence de la nullité du contrat de vente
En application du principe de l’interdépendance des contrats constatée par l’article L.312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Il y a lieu en conséquence de constater la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté conclu entre Mme [W] et la société BNP paribas Personal finance en application des dispositions susvisées.
Sur les conséquences de l’annulation du contrat accessoire de crédit
Les annulations prononcées entraînent en principe la remise des parties en l’état antérieur à la conclusion des contrats. Ainsi, l’annulation du contrat de prêt en conséquence de celle du contrat de vente qu’il finançait emporte, pour l’emprunteur, l’obligation de rembourser au prêteur le capital prêté, peu important que ce capital ait été versé directement au vendeur par le prêteur, sauf si l’emprunteur établit l’existence d’une faute du prêteur et d’un préjudice consécutif à cette faute. Elle emporte également pour le prêteur l’obligation de restituer les sommes déjà versées par l’emprunteur.
Cependant, il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour suprême que le prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution peut être privé de tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
En l’espèce, il est manifeste que la société BNP paribas personal finance a commis une faute en acceptant de financer un bon de commande manifestement affecté d’irrégularités.
Par ailleurs, en vertu de l’article L.312-48 du code de la consommation, les obligations de l’emprunteur ne prennent effet qu’à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation de services.
Or, en l’espèce, la société BNP paribas personal finance, qui ne produit aucune pièce, ne démontre pas qu’elle a versé les fonds à la société venderesse au vu d’une attestation certifiant la réalisation complète de l’installation de la centrale photovoltaïque.
En s’abstenant de s’assurer que le contrat était entièrement exécuté, le prêteur a également commis une faute dans le déblocage des fonds.
Les fautes commises par la banque dans le déblocage des fonds entraînent manifestement un préjudice pour l’emprunteur en l’espèce dans la mesure où il ne sera pas en mesure d’obtenir la restitution du prix, ni la désinstallation de l’équipement et la remise en état de son habitation du fait de la déconfiture de la sociétéVieco, placée en liquidation judiciaire, alors que la restitution du prix et la remise en état par la société installatrice aurait dû être la conséquence normale de l’annulation du contrat principal.
Alors que la société BNP paribas n’aurait pas dû financer l’opération litigieuse, Mme [W] se retrouve à devoir rembourser les fonds sans pouvoir obtenir restitution du prix de vente.
Par ailleurs, à supposer même que l’installation litigieuse fonctionne, il n’est nullement démontré que Mme [W] veuille conserver une installation dont la vente a été annulée, et se trouvera en conséquence contrainte de procéder elle-même à la désinstallation du matériel, sauf à conserver une installation génératrice de frais (assurance, location d’un compteur, changement de l’onduleur à durée de vie limitée).
Au regard de ces éléments, il convient de réformer le jugement entrepris et compte tenu du préjudice manifeste subi par l’appelante, de priver la société BNP Paribas personal finance de son droit à restitution de l’intégralité du capital, et de la condamner à restituer Mme [W] la totalité des sommes versées par elle à quelque titre que ce soit en exécution du contrat de crédit.
Sur la demande de radiation du FICP
L’article L751-1 du code de la consommation dispose:
‘Un fichier national recense les informations sur les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels.
Ce fichier est géré par la Banque de France, laquelle est seule habilitée à centraliser ces informations.
Il est soumis à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.’
De plus l’article L213-4-6 du code de l’organisation judiciaire résultant de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 dispose:
‘Le juge des contentieux de la protection connaît des actions relatives à l’inscription et à la radiation sur le fichier national recensant les informations sur les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels prévu à l’article L. 751-1 du code de la consommation.’
Dans le cas présent, le contrat de crédit ayant été annulé, et la banque privée de son droit à restitution du capital prêté, Mme [W] ne peut être considérée comme se trouvant en incident de remboursement de crédit.
Il convient donc d’ordonner la suppression à la charge de la société BNP paribas personal finance des informations concernant Mme [W] inscrites aux fichiers des incidents de remboursement des crédits aux particuliers au titre du contrat de crédit affecté du 7 février 2017.
Il y a lieu de réformer le jugement en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande d’astreinte et d’ordonner cette suppression sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard qui commencera à courir 15 jours après la signification de l’arrêt.
Sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile.
Partie perdante, la société BNP paribas personal finance sera condamnée au dépens de première instance et d’appel conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer à Mme [W] la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt rendu par défaut ;
Confirme le jugement en qu’il a déclaré la demande de nullité des contrats de vente et de crédit affecté formée par Mme [W] recevables, et en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile ;
L’infirme pour le surplus et y ajoutant ;
Déclare irrecevable la demande en dommages et intérêts formée par Mme [W] contre la société Vieco ;
Déboute Mme [W] de toutes ses demandes à l’encontre de la société
Cetelem ;
Prononce la nullité du contrat de vente conclu entre la société Vieco et Mme [W] le 6 février 2017 ;
Constate la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté conclu entre Mme [W] et la société BNP paribas personal finance le 7 février 2017 ;
Condamne la société BNP paribas personal finance à restituer à Mme [W] l’ensemble des sommes versées par l’emprunteur au titre du contrat de crédit du 7 février 2017 ;
Ordonne la suppression à la charge de la société BNP paribas personal finance des informations concernant Mme [W] inscrites aux fichiers des incidents de remboursement des crédits aux particuliers au titre du contrat de crédit affecté du 7 février 2017, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard qui commencera à courir 15 jours après la signification de l’arrêt.
Condamne la société BNP paribas personal finance aux dépens de première instance et d’appel conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile ;
Condamne la société BNP Paribas personal finance à payer à Mme [W] la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
[M] [P]
Le président
Yves BENHAMOU