Droit de rétractation : 28 avril 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/02952

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Droit de rétractation : 28 avril 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/02952
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 28/04/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/02952 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TEAE

Jugement (N° 19/01081) rendu le 23 juin 2020

par le tribunal judiciaire de Dunkerque

APPELANTE

La SA BNP Paribas Lease Group prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social, [Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Alice Dhonte, avocat au barreau de Lille

INTIMÉE

Madame [K] [X]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Jean-Pierre Mougel, membre de la SCP Mougel-Brouwer-Haudiquet, avocat au barreau de Dunkerque

DÉBATS à l’audience publique du 03 février 2022 tenue par Emmanuelle Boutié magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Christine Simon-Rossenthal, présidente de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Céline Miller, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 28 avril 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Christine Simon-Rossenthal, présidente et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 janvier 2022

****

Suivant acte sous seing privé signé le 31 janvier 2017, le Docteur [K] [X] a souscrit auprès de la SA BNP Paribas Lease Group un contrat de location portant sur divers matériels de téléphonie fournis par la société Od-IT Consulting System, moyennant un loyer mensuel de 371 euros hors taxe pendant 63 mois.

Faisant valoir le non-paiement des loyers à compter du 1er mars 2018 malgré mises en demeure des 23 août 2018, 14 septembre 2018, de l’acquisition de la clause résolutoire contenue au contrat de location à compter du 12 octobre 2018 et du caractère infructueux de la sommation de payer délivrée le 6 décembre 2018, la SA BNP Paribas Lease Group a, par acte d’huissier du 6 mai 2019, fait assigner Madame [X] afin d’obtenir sa condamnation à lui payer le solde au titre du contrat.

Par un jugement en date du 23 juin 2020, le tribunal judiciaire de Dunkerque a notamment :

Rejeté la demande de condamnation à paiement présentée par la SA BNP Paribas Lease Group à l’encontre de Madame [K] [X] ;

Rejeté la demande reconventionnelle de remboursement présentée par Mme [K] [X] à l’égard de la SA BNP Paribas Lease Group ;

Rejeté les demandes présentées au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné la SA BNP Paribas Lease Group aux dépens en ce compris les frais de sommation de payer ;

Dit n’y avoir lieu à assortir le présent jugement de l’exécution provisoire.

La SA BNP Paribas Lease Group a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 17 février 2021, la SA BNP Paribas Lease Group demande à la cour d’infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dunkerque le 23 juin 2020 en ce qu’il a rejeté la demande de condamnation à paiement présentée par la SA BNP Paribas Lease Group à l’encontre de Madame [K] [X],

Statuant à nouveau :

Condamner Madame [K] [X] à payer à la société BNP Paribas Lease Group la somme de 24 731,47 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2018.

Condamner Madame [K] [X] à payer à la société BNP Paribas Lease Group la somme de 144,09 euros, somme exposée au titre de la sommation de payer du 6 décembre 2018.

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Dunkerque le 23 juin 2020 en ce qu’il a rejeté la demande reconventionnelle de remboursement présentée par Madame [K] [X] à l’égard de la société BNP Paribas Lease Group.

En tout état de cause :

Débouter Madame [K] [X] de l’ensemble des demandes, fins et conclusions.

Condamner Madame [K] [X] à payer à la société BNP Paribas Lease Group la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La SA BNP Paribas Lease Group soutient que le présent litige porte sur l’exécution d’un contrat de location financière, le contrat précisant que le bailleur, établissement de crédit, n’intervient qu’à titre purement financier de sorte que les dispositions du code de la consommation relatifs aux contrats conclus hors établissement ne trouvent pas à s’appliquer.

Elle précise que la circonstance qu’elle ait assuré le matériel acquis ne saurait suffire à soumettre le contrat litigieux aux dispositions du code de la consommation et que Mme [X] ne démontre pas que le contrat litigieux a été conclu hors établissement au sens des dispositions de l’article L.221-1, 2° du code de la consommation.

L’appelante fait valoir que le contrat a été conclu pour satisfaire les besoins de l’activité professionnelle de Mme [X] et qu’elle ne peut se prévaloir des dispositions du code de la consommation dès lors qu’elle n’a pas la qualité de consommateur.

En outre, l’appelante expose que les dispositions relatives au droit à l’information précontractuelle et au droit de rétractation ne sont pas applicables au contrat conclu et que sa créance est certaine, liquide et exigible.

Enfin, concernant la demande reconventionnelle formée par l’intimée, elle soutient qu’elle ne rapporte pas la preuve que les paiements intervenus étaient dénués de toute contrepartie puisqu’il ressort des pièces versées aux débats que le matériel loué était à sa disposition et utilisé pour les besoins de son activité professionnelle.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 1er février 2021, Madame [K] [X] demande à la cour de :

Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il :

-Déboute BNP Paribas Lease Group de ses prétentions

Réformer le jugement dont appel en ce qu’il :

-Déboute Madame [K] [X] de sa demande reconventionnelle;

En conséquence,

Prononcer la nullité du contrat ;

Condamner la SA BNP Paribas Lease Group à verser à Madame [K] [X] la somme de 4 452 euros à titre de remboursement de mensualités indûment payées sur le contrat de location ;

Condamner la BNP Paribas Lease Group à payer à la concluante une somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code procédure civile et aux dépens.

Mme [X] soutient qu’elle n’a aucune compétence en matière de téléphonie ou d’informatique, étant médecin gynécologue.

Elle précise que le contrat ne porte pas de façon exclusive sur des services financiers mais prévoit aussi, au-delà de la location de l’équipement, le transport et l’assurance du produit.

En outre, l’intimée expose que les caractéristiques du bien ou de la prestation de service objet du contrat ne sont pas définies avec suffisamment de précision dans le contrat et que le délai de réflexion n’a pas été respecté.

Enfin, elle fait valoir que la société BNP Paribas Lease Group n’est pas en mesure de justifier quelle serait la contrepartie des versements réalisés de sorte que ces derniers doivent être remboursés, la nullité du contrat entraînant son anéantissement rétroactif.

MOTIVATION

Sur la demande principale

Aux termes des dispositions de l’article L.221-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au présent litige, issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, sont considérés comme contrat hors établissement, tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur dans un lieu qui n’est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence simultanée des parties, y compris à la suite d’une sollicitation ou d’une offre faite par le consommateur.

L’article L.221-3 du même code dispose que les dispositions des sections 2, 0, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

En l’espèce, Mme [X] a signé un contrat de location portant sur du matériel informatique et des licences Hellodoc, Netmedicom et Apicrypt, fournis par la société Od-It Consulting, ce contrat étant financé par la société BNP Paribas Lease Group.

Alors qu’il résulte des dispositions de l’article L.221-3 du code de la consommation que le professionnel employant cinq salariés au plus qui souscrit, hors établissement, un contrat dont l’objet n’entre pas dans le champ de son activité principale, bénéficie des dispositions protectrices du consommateur édictées par ce code, le premier juge a justement relevé que Mme [X] est gynécologue et que l’informatique et la téléphonie n’entrent pas dans le champ de son activité principale au sens de l’article L.221-3 du code de la consommation et ce même si le matériel informatique et les licences fournis dans le cadre du contrat litigieux s’intègrent dans le cadre de l’exercice quotidien de l’activité de son cabinet médical.

L’article L.221-5 1° et 2° du code de la consommation prévoit que préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible les informations prévues aux articles L.111-1 et L.111-2 et, lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat.

Ainsi, les dispositions relatives au droit à l’information précontractuelle ainsi qu’au droit de rétractation trouvent à s’appliquer en l’espèce.

C’est à juste titre que le premier juge a relevé d’une part, que le contrat de location n’est pas conforme à ces dispositions légales en ce qu’il se contente de mentionner un progiciel Hellodoc, un ‘lg’ Paabx et un ‘lg’ 8620 ne correspondant pas au détail de la facture produite aux débats par la société BNP lease group et établie par la SAS Od-It Consulting le 31 décembre 2016 pour un montant de 23 555,56 euros comportant le détail des logiciels et du matériel informatique installés et, d’autre part, que le contrat de location ne comporte aucune clause relative au droit de rétractation ni à ses modalités d’exercice.

Ainsi, le contrat de location litigieux n’est pas conforme aux exigences de formalisme prévues par le code de la consommation à peine de nullité.

Si la violation du formalisme prescrit par les dispositions précitées du code de la consommation, et qui a pour finalité la protection de l’acquéreur démarché, est sanctionné par une nullité relative à laquelle il peut renoncer par une exécution volontaire de son engagement irrégulier, il résulte des dispositions de l’article 1338 du code civil que la confirmation tacite d’un acte nul est subordonnée à la double condition que son auteur ait eu connaissance du vice l’affectant et qu’il ait eu l’intention de le réparer.

Il en résulte que faute pour Mme [X] d’avoir eu connaissance du vice affectant le bon de commande, aucun de ses agissements postérieurs ne saurait être interprété comme une confirmation tacite de l’obligation entachée de nullité qu’il s’agisse de l’acceptation de la livraison ou du règlement des mensualités alors même qu’elle a cessé d’honorer le paiement des mensualités à compter du mois d’avril 2018 et avait sollicité, par courriel en date du 19 février 2018 la communication des factures du matériel informatique et de téléphonie et fait part de son intention de résilier le contrat, ainsi que l’a justement souligné le premier juge.

Aucune confirmation de la nullité ne saurait donc être caractérisée en l’espèce et il y a lieu, compte tenu de la demande formulée par Mme [X] en cause d’appel, de prononcer la nullité du contrat de location, le jugement entrepris étant complété sur ce point.

Par ailleurs, l’annulation entraîne de plein droit la remise des parties dans leur état antérieur.

Il en résulte qu’il y a lieu de faire droit à la demande de Mme [X] tendant à voir la société BNP Paribas Lease Group condamnée à lui payer la somme de 4 452 euros au titre des mensualités payées entre le 1er mars 2017 et le 1er avril 2018 soit 371 euros x12 mois.

Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

La SA BNP Paribas Lease Group, partie perdante, sera condamnée à supporter les dépens d’appel en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

Il n’apparaît pas inéquitable de la condamner à payer à Mme [X] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté Mme [K] [X] de sa demande reconventionnelle ;

Statuant à nouveau sur ce seul point,

Condamne la SA BNP Paribas Lease Group à payer à Mme [K] [X] la somme de 4 552 euros au titre du remboursement des mensualités versées ;

Y ajoutant,

Prononce la nullité du contrat de location signé le 31 janvier 2017 ;

Condamne la SA BNP Paribas Lease Group aux dépens d’appel ;

Condamne la SA BNP Paribas Lease Group à payer à Mme [K] [X] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffierLa présidente

Delphine VerhaegheChristine Simon-Rossenthal

 


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