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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 12 MAI 2022
N° RG 19/03268 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LCLC
SAS LOCAM
c/
[J] [D]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/14584 du 22/08/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BORDEAUX)
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le : 12 MAI 2022
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 16 avril 2019 par le Tribunal d’Instance de PERIGUEUX (RG : 11-18-518) suivant déclaration d’appel du 11 juin 2019
APPELANTE :
SAS LOCAM au capital de 11.520.000 € immatriculée au RCS de SAINT ETIENNE sous le numéro RCS 310 880 315 prise en la personne de ses représentants légaux demeurant en cette qualité audit siège29 RUE LEON BLUM – 42048 SAINT ETIENNE CEDEX 01
Représentée par Me Bertrand GABORIAU de la SELARL B.G.A., avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ :
Beranger HARANT
né le 12 Février 1980 à [Localité 3]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Vincent MARIS de la SELARL PLUMANCY, avocat au barreau de PERIGUEUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 mars 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Vincent BRAUD, conseiller, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Roland POTEE, président,
Vincent BRAUD, conseiller,
Bérengère VALLEE, conseiller,
Greffier lors des débats : Séléna BONNET
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSÉ DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Suivant contrat du 21 septembre 2017, [J] [D], exerçant une activité de tatouage sous l’enseigne Alex Kidd Tatoo, a souscrit auprès de la société Locam la location d’un site Web et prestations au prix de 5 760 euros payable en 48 mensualités de 120 euros. Le fournisseur est la société 2FCI dont le siège est [Adresse 2].
Un procès-verbal de réception et un procès-verbal de livraison et de conformité ont été établis le 27 octobre 2017.
Le 8 novembre 2017, la société Locam a adressé une facture à [J] [D], lequel ne s’est acquitté d’aucun loyer.
Par ordonnance portant injonction de payer en date du 4 avril 2018, le tribunal d’instance de Périgueux a enjoint à [J] [D] de payer à titre principal la somme de 5 852,89 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 6 février 2018.
L’ordonnance a été signifiée à étude le 25 avril 2018. [J] [D] y a régulièrement formé opposition par déclaration au greffe le 22 mai 2018.
Par jugement contradictoire en date du 16 avril 2019, le tribunal a :
‘ Rejeté l’exception de nullité formulée par [J] [D] ;
‘ S’est déclaré compétent ;
‘ Dit que les dispositions de l’article L. 221- 3 du code de la consommation sont applicables à l’espèce ;
‘ Dit nul le contrat signé le 21 septembre 2017 entre la société Locam et [J] [D] ;
‘ Débouté la société Locam de ses demandes ;
‘ Condamné la société Locam à payer à [J] [D] la somme de 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ Rejeté les plus amples demandes ;
‘ Condamné la société Locam aux entiers dépens.
Par déclaration du 11 juin 2019, la société Locam a interjeté appel limité du jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 11 septembre 2019, la société par actions simplifiée Locam demande à la cour de :
‘ Dire et juger la société Locam recevable et bien fondée en son appel ;
En conséquence,
‘ Réformer le jugement du 16 avril 2019 par le tribunal d’instance de Périgueux en ce qu’il a :
– Dit que les dispositions de l’article L. 221-3 du code de la consommation sont applicables à l’espèce
– Dit nul le contrat signé le 21 septembre 2017 entre la société Locam et [J] [D]
– Débouté la société Locam de ses demandes
– Condamné la société Locam à payer à [J] [D] la somme de 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– Condamné la société Locam aux entiers dépens ;
Et statuant à nouveau,
‘ Dire et juger que le contrat du 21 décembre 2017 n’est pas soumis aux dispositions du code de la consommation ;
‘ Condamner [J] [D] d’avoir à payer à la société Locam la somme en principal de 5 852,89 euros, augmentée de la clause pénale de 573,28, et assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 6 février 2018 ;
‘ Condamner [J] [D] au surplus, à payer à la société Locam une indemnité de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
‘ Condamner [J] [D] aux entiers dépens d’instance et d’appel, en ceux compris les frais de la procédure d’injonction de payer, et les frais de recouvrement de 40 euros.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 4 décembre 2019, [J] [D] demande à la cour de :
Àtitre principal,
‘ Dire et juger [J] [D] recevable et bien fondé en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
‘ Confirmer en l’ensemble de ses dispositions le jugement rendu le 16 avril 2019 par le tribunal d’instance de Périgueux ;
À défaut,
‘ Débouter la société Locam de l’ensemble de ses prétentions au fond ;
En tout état de cause,
‘ Condamner la société Locam à verser à [J] [D] la somme de 800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre entiers dépens, en cause d’appel.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 mars 2022 et l’audience fixée au 17 mars 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le respect du contradictoire :
La société Locam sollicite la réformation du jugement du tribunal du 16 avril 2019 en ce qu’il a fait application d’un moyen qui n’a pas été soumis à la contradiction des parties, à savoir les dispositions de l’article L. 221-3 du code de la consommation.
L’article 16 du code de procédure civile dispose :
« Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
« Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.
« Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. »
En l’espèce, le jugement critiqué indique qu’à la suite de l’opposition formée par [J] [D], les parties ont été convoquées à l’audience du 10 septembre 2018. À cette audience, le juge d’instance a soulevé d’office le moyen tiré de l’éventuelle application des dispositions protectrices du code de la consommation par application de l’article L. 221-3 du code de la consommation qui, si elle était retenue, pourrait entraîner la nullité du bon de commande.
Les parties ont sollicité le renvoi de l’affaire qui a été retenue à l’audience du 18 février 2019.
Le juge s’est ainsi conformé aux prescriptions susrappelées, en laissant aux parties la possibilité de présenter leurs observations sur le moyen de droit qu’il avait relevé d’office. Le jugement attaqué n’encourt pas la nullité sur ce fondement.
Sur la validité du contrat de location :
L’appelante critique le jugement en ce qu’il a annulé le contrat en cause par application de l’article L. 221-3 du code de la consommation, alors que les rapports entre la société Locam et [J] [D] ne relèvent pas du droit de la consommation. La société Locam considère en effet que l’objet du contrat a un lien avec l’activité principale du locataire, qui a souscrit le contrat à des fins professionnelles de promotion de son activité.
Antérieurement à la loi no 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, sous l’empire de l’ancien article L. 121-22, 4o, du code de la consommation, étaient exclues de la législation sur le démarchage à domicile les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de services lorsqu’elles avaient un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d’une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession.
Le droit applicable à l’espèce est celui qui est issu de la loi précitée du 17 mars 2014, dont l’article 34 précise que la loi est applicable aux contrats conclus après le 13 juin 2014.
Cette loi, destinée à transposer la directive no 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, a supprimé la notion de « rapport direct » avec l’activité professionnelle. Elle a créé l’article L.121-16-1, paragraphe III, du code de la consommation, devenu l’article L. 221-3 du même code par application de l’ordonnance du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation.
Aux termes de l’article L. 221-3 du code de la consommation, les dispositions des sections 2, 3, 6 du chapitre premier Contrats conclus à distance et hors établissement applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
L’expression « rapport direct » a ainsi été remplacée par celle du « champ de l’activité principale du professionnel sollicité », ce qui constitue un élargissement du périmètre du droit de la consommation.
Il n’est pas discuté en l’espèce que le contrat litigieux a été conclu hors établissement entre deux professionnels, et que [J] [D] n’emploie aucun salarié.
La location d’un site Internet n’entre pas dans le champ de l’activité principale de [J] [D], tatoueur.
Après avoir rappelé que les dispositions du chapitre premier Contrats conclus à distance et hors établissement du code de la consommation sont d’ordre public en vertu de l’article L. 221-29 dudit code, le tribunal en a exactement déduit que les dispositions précitées du code de la consommation, en particulier ses articles L. 221-5 et L. 221-9, étaient applicables aux relations entre [J] [D] et la société Locam (1re Civ., 12 sept. 2018, no 17-17.319).
L’article L. 221-5 du code de la consommation dispose :
« Préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
« 1o Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;
« 2o Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’État ;
« 3o Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;
« 4o L’information sur l’obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d’un contrat de prestation de services, de distribution d’eau, de fourniture de gaz ou d’électricité et d’abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l’exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l’article L. 221-25 ;
« 5o Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l’article L. 221-28, l’information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;
« 6o Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l’utilisation de la technique de communication à distance, à l’existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d’État.
« Dans le cas d’une vente aux enchères publiques telle que définie par le premier alinéa de l’article L. 321-3 du code de commerce, les informations relatives à l’identité et aux coordonnées postales, téléphoniques et électroniques du professionnel prévues au quarto de l’article L. 111-1 peuvent être remplacées par celles du mandataire. »
L’article L. 221-9 du code de la consommation dispose :
« Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l’accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l’engagement exprès des parties.
« Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l’article L. 221-5.
« Le contrat mentionne, le cas échéant, l’accord exprès du consommateur pour la fourniture d’un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l’expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l’exercice de son droit de rétractation.
« Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au secundo de l’article L. 221-5. »
Le premier juge a pu vérifier que le contrat signé le 21 septembre 2017 par [J] [D] ne remplissait pas les conditions exigées par les textes précités, notamment en ce qu’il ne comprend aucune information relative au droit de rétractation.
Or, en vertu de l’article L. 242-1 du code de la consommation, les dispositions de l’article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. La société Locam en supportera donc la charge.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, la société Locam sera condamnée à payer la somme de 800 euros à [J] [D].
LA COUR,
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement ;
Y ajoutant,
Condamne la société Locam à payer la somme de 800 euros à [J] [D] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Locam aux dépens de l’appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,