Indivisibilité contractuelle : 25 avril 2019 Cour d’appel de Paris RG n° 17/18744

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Indivisibilité contractuelle : 25 avril 2019 Cour d’appel de Paris RG n° 17/18744
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRÊT DU 25 AVRIL2019

(n° , 27 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/18744 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B4HCO

Décision déférée à la cour : jugement du 28 juin 2017 -tribunal de commerce de PARIS – RG n° 2014015381

APPELANTE

SA EXPRO, société de droit belge

Ayant son siège [Adresse 1]

[Localité 1] (BELGIQUE)

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

INTIMÉES

SAS LA DÉTECTION ELECTRONIQUE FRANÇAISE (DEF)

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945

Ayant pour avocat plaidant Me François HONNORAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P084

SA AG INSURANCE, société de droit belge

Ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 3]S (BELGIQUE)

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Virginie DOMAIN, avocate au barreau de PARIS, toque : C2440

Ayant pour avocate plaidante Me Charlotte MATCHOU, avocate au barreau de PARIS, toque : A0385

SOCIÉTÉ FIKE PROTECTION SYSTEMS LTD, société de droit anglais

Ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 4] (ANGLETERRE)

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Non représentée

SA MMA IARD

Ayant son siège social [Adresse 5]

[Localité 5]

N° SIRET : 440 048 882

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocate au barreau de PARIS, toque : B0515

Ayant pour avocat plaidant Me Guillaume BRAJEUX, avocat au barreau de PARIS, toque : J040 substitué à l’audience par Me Vincent BENEZECH, avocat au barreau de PARIS, toque : J040

SOCIÉTÉ MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

Ayant son siège social [Adresse 5]

[Localité 5]

N° SIRET : 775 652 126

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocate au barreau de PARIS, toque : B0515

Ayant pour avocat plaidant Me Guillaume BRAJEUX, avocat au barreau de PARIS, toque : J040 substitué à l’audience par Me Vincent BENEZECH, avocat au barreau de PARIS, toque : J040

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 13 décembre 2018, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Fabienne SCHALLER, Conseillère faisant fonction de Présidente

Madame Christine SOUDRY, Conseillère, chargée du rapport

Madame Estelle MOREAU, Conseillère

qui en ont délibéré,

Greffière, lors des débats : Madame Hortense VITELA

ARRÊT :

– défaut

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Fabienne SCHALLER, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Madame Cécile PENG, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE :

La société La Détection Électronique Française (ci-après la société DEF), société de droit français, a pour activité l’étude, la mise au point, la réalisation et la fabrication de systèmes en vue de l’élaboration d’ensembles opérationnels de sécurité incendie.

La société de droit anglais Fike Protection Systems (ci-après société Fike) a pour activité la conception, la fabrication et la commercialisation de systèmes d’extinction automatique d’incendie. Elle fabrique notamment des dispositifs d’extinction d’incendie par gaz inerte commercialisés sous la marque Proinert. Ces dispositifs sont constitués notamment de réservoirs pilotes ou « sparklets » ayant pour fonction de détecter la présence d’un incendie et, le cas échéant, de déclencher la libération de l’agent extincteur contenu dans les réservoirs principaux.

La société Expro, société de droit belge, distribue les dispositifs de la société Fike en Belgique et procède à leur installation. Elle est assurée auprès de la société AG Insurance, société de droit belge, au titre de la responsabilité civile.

Le 5 mars 2004, la société Fike et la société DEF ont conclu un contrat « de coopération et de fourniture » déterminant les conditions dans lesquelles la société Fike fournirait à la société DEF les systèmes Proinert afin qu’elle en assure la commercialisation à titre exclusif en France et en Algérie. Ce contrat a été conclu pour une durée expirant le 1er mars 2007 renouvelable par tacite reconduction par période d’un an sauf dénonciation avec préavis de six mois. Il contenait une clause attributive de compétence au profit du tribunal de commerce de Paris.

Le 26 août 2004, la société DEF a conclu avec la société Expro un « contrat cadre de sous-traitance » pour l’installation d’équipements utilisés pour la détection et l’extinction automatique d’incendie dans les locaux de la société France Télécom situés en France et dans les DOM. Ce contrat a été conclu pour une durée expirant le 21 avril 2006. Il était reconductible de façon expresse pour une nouvelle période d’un an à l’initiative de la société DEF. Il contenait une clause stipulant que le droit français lui était applicable et soumettant tout litige entre les parties à la compétence du tribunal de commerce de Paris.

À compter du mois d’août 2004, la société Fike a livré à la société DEF de nombreux systèmes Proinert dont un certain nombre a été destiné aux sites de la société France Télécom.

Parallèlement, la société Expro a également livré à la société DEF des systèmes Proinert à compter du mois d’octobre 2004.

En 2007, la société DEF a constaté une fuite sur les réservoirs principaux des systèmes Proinert qui s’est traduite par une perte de pression en-deçà de la pression minimum autorisée, ce qui a donné naissance à un premier litige entre les sociétés Fike et DEF.

Un premier protocole a été conclu courant 2007 entre la société DEF et la société Fike pour organiser une campagne de « resserrage » sur les valves des réservoirs fuyards et de remplacement des réservoirs dont la pression était descendue au dessous de 270 bars. Cette campagne devait être assurée par la société Expro selon ce protocole.

Par lettre en date du 20 août 2007, la société Fike a mis fin à l’accord de coopération et de fourniture avec effet au 29 février 2008.

Le protocole d’accord conclu en 2007 ayant donné lieu à des difficultés d’exécution, la société DEF a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Paris.

Par ordonnance en date du 20 décembre 2007, le Président du tribunal de commerce de Paris a constaté l’accord des parties sur un certain nombre de mesures destinées à remédier aux fuites constatées.

Un litige subsistant sur d’autres points, la société DEF a engagé une procédure au fond à l’encontre de la société Fike.

Le 25 juin 2008, les parties ont signé un second protocole d’accord transactionnel pour mettre fin aux points demeurés litigieux à la suite de l’ordonnance du 20 décembre 2007 et ayant donné lieu à l’introduction d’une instance au fond devant le tribunal de commerce de Paris.

À compter du 29 février 2008, la société DEF a cessé de se fournir en systèmes Proinert auprès de la société Fike et s’est fournie exclusivement auprès de la société Expro.

Se plaignant de nouveaux désordres constatés par la société France Télécom consistant dans le déclenchement intempestif de bouteilles de gaz inerte utilisées dans les systèmes d’extinction automatique « Proinert » et estimant que ces désordres avaient pour cause un vieillissement prématuré du joint d’étanchéité présent sur les réservoirs pilotes, la société DEF a, par lettres du 11 octobre 2013, mis en demeure les sociétés Fike et Expro de procéder, à leurs frais, au remplacement des réservoirs pilotes sur les sites stratégiques de la société France Télécom.

Par lettres du 14 novembre 2013, la société DEF a mis en demeure les sociétés Fike et Expro de procéder au remplacement immédiat des réservoirs pilotes destinés aux sites stratégiques de ses clients, de procéder au remplacement de l’ensemble des réservoirs pilotes achetés et d’indemniser les préjudices résultant de la défectuosité des réservoirs pilotes.

En réponse, la société Fike a proposé, par lettre du 2 décembre 2013, de remplacer 200 réservoirs pilotes et de prendre en charge une partie des coûts de main d’oeuvre liés aux remplacements des réservoirs sur la base d’une appréciation par ses soins de la nécessité et du coût de ces remplacements.

C’est dans ces conditions que la société Fike a procédé à la livraison de 250 réservoirs-pilotes.

Par lettre du 19 décembre 2013, la société DEF a fait part de son accord sur le remplacement des réservoirs pilotes mais a demandé l’indemnisation de ses autres préjudices (frais d’audit des sites, frais de remise en état des installations, frais juridiques, perte d’exploitation, frais de réépreuve tous les trois ans) évalués à plus de 2 millions d’euros.

N’ayant pas obtenu de réponse à sa demande, la société DEF a été autorisée le 18 février 2014 à assigner à bref délai la société Fike, la société Expro et la société AG Insurance devant le tribunal de commerce de Paris.

Par lettre du 19 février 2014, la société Fike a contesté l’existence même des vices affectant les dispositifs d’activation des réservoirs pilotes ainsi que l’indemnisation réclamée par la société DEF tout en maintenant sa proposition de résolution amiable du litige consistant d’une part, à procéder au remplacement du joint d’étanchéité des dispositifs d’activation ayant moins de dix ans et ayant été correctement entretenus et d’autre part, à assumer une participation financière aux frais liés au remplacement des dispositifs à concurrence de 40 euros par dispositif d’activation.

Par exploits délivrés les 20 et 27 février 2014, la société DEF a assigné à bref délai la société Fike, la société Expro et la société AG Insurance devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir déclarer les sociétés Fike et Expro solidairement responsables des préjudices résultant des défauts de conformité’ affectant les réservoirs pilotes, de les voir condamner solidairement à lui verser une provision, de voir ordonner, avant-dire droit, une mesure d’expertise et de voir condamner la société AG Insurance à garantir la société Expro.

Par lettre du 20 mars 2014, la société DEF a demandé à la société Fike de lui livrer de nouveaux réservoirs pour permettre la sécurisation des sites de ses clients.

Par lettre du 28 mars 2014, la société Fike a indiqué que sa proposition amiable, faite sans reconnaissance de responsabilite’, était désormais caduque compte tenu de l’engagement de la procédure introduite devant le tribunal de commerce.

Par jugement du 1er juillet 2014, le tribunal de commerce de Paris a rejeté les exceptions d’incompétence soulevées par les sociétés Fike, Expro et AG Insurance et mis solidairement à leur charge les dépens.

Par arrêt du 13 janvier 2015 rendu sur contredit, la cour d’appel de Paris a estimé que le tribunal de commerce de Paris était compétent.

Le 10 février 2015, la société DEF a donné quittance aux société MMA et MMA Assurances Mutuelles (ci-après les sociétés MMA) du paiement d’une somme de 100.000 euros à titre provisionnel à valoir sur le règlement définitif du sinistre.

Les sociétés MMA, assureurs de la société DEF, sont intervenues à l’instance devant le tribunal de commerce.

Par jugement rendu le 28 juin 2017, le tribunal de commerce de Paris a :

– dit les sociétés MMA recevables dans leur intervention volontaire,

– jugé la société Fike et la société Expro solidairement responsables vis-à-vis de la société DEF et des sociétés MMA des dommages résultant de la défaillance des systèmes Proinert vendus tant par la société Fike que par la société Expro à la société DEF entre 2004 et 2013,

– condamné la société Fike à payer à titre provisionnel à la société DEF la somme de 631.582 euros, à titre de dommages intérêts, suite à la défaillance des systèmes Proinert vendus à la société DEF,

– condamné la société Fike à rembourser 100.000 euros aux sociétés MMA au titre du versement provisionnel effectué par celles-ci à la société DEF,

– débouté la société Expro, la société DEF et les sociétés MMA de leurs demandes de garantie à l’encontre d’AG Insurance,

– ordonné une mesure d’expertise en vue de fournir les éléments de nature à répartir les commandes de la société DEF à la société Fike et les commandes de la société DEF à la société Expro et à évaluer les préjudices de la société DEF,

– condamné solidairement la société Fike et la société Expro à payer 20.000 euros à la société DEF et 5.000 euros aux sociétés MMA au titre de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant du surplus,

– débouté les parties de leurs autres demandes,

– ordonné l’exécution provisoire,

– réservé les dépens.

La société Expro a interjeté appel de cette décision le 11 octobre 2017 en intimant la société DEF et ses assureurs, les sociétés MMA, son propre assureur, la société AG Insurance, et la société Fike.

La déclaration d’appel a été signifiée à la société Fike, qui n’a pas constitué avocat, par exploit du 8 décembre 2017 selon les formalités prévues par l’article 4 paragraphe 3 du règlement CE n°1393/2007 du Conseil du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires.

***

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Dans ses dernières conclusions du 20 novembre 2018, la société Expro demande à la cour de :

Vu les dispositions de la Convention[Localité 6]du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises,

Vu l’article L. 110-4 du code de commerce,

Vu les articles 1147, 1386-1 et suivants du code civil, 1641 du code civil,

– infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :

‘ jugé la société Fike et la société Expro solidairement responsables vis-à-vis de la société DEF et des sociétés MMA des dommages résultant de la défaillance des systèmes Proinert vendus tant par la société Fike que par la société Expro à la société DEF entre 2004 et 2013,

‘ jugé les conventions intervenues le 5 mars 2004 entre les sociétés Fike et DEF le 26 août 2004 entre les sociétés Expro et DEF indivisibles,

‘ débouté la société Expro, la société DEF et les sociétés MMA de leurs demandes de garantie à l’encontre de la société AG Insurance,

‘ ordonné une mesure d’expertise,

‘ condamné solidairement la société Fike et la société Expro à payer 20.000 euros à la société DEF et 5.000 euros aux sociétés MMA au titre de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant du surplus,

‘ débouté la société Expro de ses autres demandes, à savoir :

‘sa demande visant à dire les demandes de la société DEF prescrites,

‘sa demande visant à dire la société DEF déchue de son droit à garantie,

‘sa contestation de l’existence d’un défaut affectant les réservoirs pilotes,

‘sa contestation de l’existence d’un vice caché,

‘ sa demande de prescription de l’action de la société DEF,

‘sa demande de déchéance de garantie,

‘ ordonné l’exécution provisoire,

Statuant à nouveau,

À titre principal,

– dire et juger que le contrat de sous-traitance conclu le 26 août 2004 entre les sociétés DEF et Expro est un contrat d’entreprise inapplicable aux ventes litigieuses,

– dire et juger que les contrats des 5 mars et 26 août 2004 ne sont pas indivisibles,

En conséquence,

Vu les dispositions de l’article 39 alinéa 2 de la Convention [Localité 6] du 11 avril 1980,

– dire et juger que les demandes de la société DEF sont prescrites et donc irrecevables,

– débouter la société DEF de toutes ses demandes,

– dire et juger les demandes des sociétés MMA irrecevables et subsidiairement mal fondées et les en débouter,

Subsidiairement,

– débouter la société DEF de toutes ses demandes,

– dire et juger les demandes des sociétés MMA irrecevables et subsidiairement mal fondées et les en débouter,

Plus subsidiairement,

Sur la garantie au titre des produits défectueux,

– débouter la société DEF de toutes ses demandes,

– dire et juger les demandes des sociétés MMA irrecevables et subsidiairement mal fondées et les en débouter,

Sur la garantie au titre des vices cachés,

Vu les articles les articles (sic) L.110-4 du code de commerce et 1648 du code civil,

– dire et juger les demandes de la société DEF prescrites et donc irrecevables,

– débouter la société DEF de toutes ses demandes,

– dire et juger les demandes des sociétés MMA irrecevables et subsidiairement mal fondées et les en débouter,

Sur le défaut de conformité et l’obligation d’information,

– débouter la société DEF de toutes ses demandes,

– dire et juger les demandes des sociétés MMA irrecevables et subsidiairement mal fondées et les en débouter,

Encore plus subsidiairement, sur la demande indemnitaire et son quantum,

– débouter la société DEF de toutes ses demandes,

À titre infiniment subsidiaire,

– dire que la société DEF conservera à sa charge un tiers des dépenses qu’elle prétend avoir exposées et dont elle sollicite le paiement à son profit,

À titre infiniment subsidiaire,

– dire et juger l’appel en garantie de la société Fike Protection Systems tant recevable que bien fondé,

En conséquence,

– condamner la société Fike et la société AG Insurance, in solidum, à la relever indemne et à la garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre en principal, intérêts, frais, dommages et intérêts, frais d’expertise, frais procédure et frais à caractère irrépétible,

En tout état de cause,

– dire et juger que les demandes formées par la société DEF sont couvertes et garanties par la société AG Insurance pour l’intégralité des sommes qui seraient mises à sa charge,

– condamner la société DEF au paiement d’une somme de 50.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société DEF aux entiers dépens.

A l’appui de ses prétentions, la société Expro dénie tout d’abord l’existence d’un bloc contractuel indivisible entre les contrats des 5 mars 2004 et 26 août 2004. Elle fait valoir qu’en application des dispositions de l’article 2 du contrat de sous-traitance du 26 août 2004, ce contrat a expiré le 21 avril 2006 en l’absence de volonté exprimée par la société DEF de le reconduire dans les trois mois précédant le terme. Elle soutient que les relations entre les parties se sont poursuivies postérieurement au 21 avril 2006 mais en dehors du cadre contractuel initial. En tout état de cause, elle estime que ce contrat n’était reconductible que pour une nouvelle durée d’un an et qu’en l’absence d’avenant, le contrat a expiré le 21 avril 2007. Si la cour estimait que le contrat a été poursuivi au delà de son terme, elle affirme néanmoins qu’aucun élément du débat ne peut démontrer que les parties ont eu la volonté de poursuivre leurs relations sur les mêmes bases contractuelles.

La société Expro fait valoir en outre que l’objet du contrat du 26 août 2004 était bien circonscrit à la réalisation de prestations d’installation d’équipements utilisés pour la détection et l’extinction automatique incendie dans les locaux de la société Orange situés en France et dans les DOM. Elle prétend qu’il n’y avait pas de vente prévue dans le cadre de ce contrat et qu’il s’agit exclusivement d’un contrat d’entreprise. Elle observe d’ailleurs que le contrat du 26 août 2004 ne fait aucune référence au système Proinert fabriqué par la société Fike. Elle ajoute que ce n’est que lorsque le contrat du 5 mars 2004 avec la société Fike a pris fin que la société DEF s’est fournie en matériel Fike auprès d’elle et que c’est ainsi qu’elle lui a adressé ses conditions de vente, distinctes de celles résultant du contrat du 5 mars 2004. Elle ajoute que les relations avec la société DEF n’ont pas été affectées par la fin du contrat du 5 mars 2004, ce qui démontre, selon elle, leur indépendance. Elle soutient qu’aucune indivisibilité contractuelle n’a été prévue dans les contrats litigieux et qu’il n’existe aucune indivisibilité naturelle étant donné que les prestations de ces deux contrats peuvent tout à fait être réalisées de façon indépendante. Elle observe qu’elle n’était nullement le seul installateur agréé par la société Fike. Elle considère que les ventes qu’elle a conclues avec la société DEF ne relevant pas du contrat du 26 août 2004 qui renvoie à la loi française, la Convention des Nations Unies sur le Contrat de Vente Internationale de Marchandise du 11 avril 1980 dite Convention [Localité 6] est applicable. La société Expro soutient que, même si la vente litigieuse était soumise aux conditions contractuelles du contrat du 26 août 2004 dans l’hypothèse où ce contrat se serait poursuivi au-delà de son terme, la seule référence à la loi française dans ledit contrat n’exclut pas l’application de la convention [Localité 6]. Elle prétend que les parties ont voulu faire référence au droit substantiel français, que constitue la convention [Localité 6], et non au droit interne français. Elle fait valoir que l’article 39 de la Convention [Localité 6] dispose que « l’acheteur est déchu du droit de se prévaloir d’un défaut de conformité s’il ne le dénonce pas au plus tard dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle les marchandises lui ont été effectivement remises ». Or elle souligne que les ventes litigieuses ont été facturées entre le 15 octobre 2004 et le 29 octobre 2010, de sorte qu’à la date de l’assignation du 27 février 2014, les livraisons des réservoirs prétendument défectueux étaient anciennes de plus de deux ans.

À titre subsidiaire, la société Expro fait valoir que sa responsabilité ne saurait être recherchée concernant les 43 sites de clients de la société DEF équipés de réservoirs pilotes dans la mesure où elle n’est intervenue que sur les sites de la société France Télécom. Elle dénie ensuite que les décharges inopinées des réservoirs pilotes aient eu pour cause une défaillance du matériel fabriqué par la société Fike. Elle relève en effet que des départs intempestifs ont eu lieu également sur du matériel ayant un autre fabricant. Elle fait valoir que les expertises réalisées par la société DEF ont eu lieu sans qu’elle ou son assureur ne soient appelés. Elle conteste les conditions de réalisation et les conclusions de ces expertises. Elle relève que le rapport de la société Saretec n’est qu’une première analyse incomplète portant sur un incident unique. Elle souligne que le rapport de la société CNPP n’identifie pas la cause du sinistre et ne fait qu’émettre des hypothèses. Elle ajoute que les procès-verbaux versés aux débats ne permettent pas de démontrer l’existence d’un défaut des réservoirs pilote fabriqués par la société Fike. Elle observe que la société DEF ne produit aucun élément de preuve concernant les sites dans lesquels auraient eu lieu des départs intempestifs. Elle note que non seulement la dizaine d’incidents prétendument répertoriés, sur un total de 600 installations équipées d’un matériel Fike, n’est pas compatible avec l’existence d’un défaut de produit, étant rappelé que certains incidents se seraient produits avec du matériel provenant d’autres fabricants, mais qu’en outre, la société DEF n’a jamais voulu communiquer la moindre information sur les conditions de maintenance du matériel.

La société Expro fait valoir qu’en tout état de cause, l’action en responsabilité civile formulée par la société DEF n’est pas fondée.

Concernant la responsabilité fondée sur les produits défectueux, la société Expro explique que le dommage allégué est exclu du champ d’application de ce régime puisque la société DEF se prévaut d’une altération du produit lui-même (perte inopinée de l’agent extincteur) et demande le remboursement des frais générés par le remplacement du produit défectueux. Elle ajoute que le débiteur de l’obligation de réparation est le fabricant ; le fournisseur ou le vendeur intermédiaire n’étant susceptibles d’être poursuivis que si le producteur n’est pas identifié. Or, en l’espèce, la société Fike étant identifiée comme étant le producteur, la société Expro ne peut voir sa responsabilité engagée sur ce fondement et ce, même pour les ventes intervenues avant le 29 février 2008.

Concernant la garantie des vices cachés, la société Expro considère que l’action de la société DEF est prescrite puisque l’action en garantie des vices cachés doit être engagée dans les deux ans de la découverte du vice et ne peut être exercée qu’à l’intérieur de la prescription quinquennale prévue par l’article 110-4 du code de commerce. Ainsi selon elle, seules les ventes réalisées après le 27 février 2009 pourraient faire l’objet de cette action en garantie des vices cachés. Pour les neuf ventes qui, selon elle, sont concernées, elle estime que la société DEF ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un vice caché préexistant au transfert de propriété. Elle précise que les deux rapports d’expertise des sociétés Saretec et CNPP ne permettent pas d’affirmer avec certitude que le vice préexistait à la vente puisqu’ils émettent notamment l’hypothèse que l’endommagement des joints d’étanchéité proviendrait de la fluctuation des niveaux de température entraînant en conséquence une variation de pression importante ou d’un défaut d’origine électrique.

Concernant le prétendu manquement à l’obligation d’information, la société Expro fait valoir qu’outre le fait que la société DEF n’établit pas l’existence des défauts allégués et leur cause technique et qu’elle ne démontre donc aucun lien de causalité entre le défaut d’information allégué et les préjudices invoqués, elle n’a été informée des nouvelles préconisations de températures qu’en janvier 2012 – et non en 2011 ‘ et qu’aucune vente de réservoir pilote n’est intervenue après le 29 octobre 2010, soit postérieurement à la nouvelle préconisation d’utilisation. S’agissant du dommage résultant d’un défaut d’information, elle soutient que la société DEF ne pourrait se prévaloir que d’une perte de chance d’éviter des déclenchements intempestifs et les préjudices allégués.

La société Expro conteste également le prononcé d’une mesure d’expertise en faisant valoir qu’une telle mesure n’a pas pour objet de suppléer la carence des parties. Elle critique également les dispositions du jugement ayant alloué à la société DEF une indemnité provisionnelle de 731.762,20 euros. Elle rappelle que l’indemnité provisionnelle allouée correspond au cumul d’une somme de 135.781,13 euros réclamée au titre des « diagnostics et constats » et d’une somme de 595.781,07 euros réclamée au titre de « la mise en oeuvre d’un plan de substitution ». Or elle relève tout d’abord que la société DEF a unilatéralement décidé, sans concertation avec elle-même ou la société Fike, du remplacement des dispositifs prétendument défectueux et d’une intervention sur les gros réservoirs contenant l’agent extincteur alors même qu’elle ne justifiait d’aucune réclamation en ce sens de la part de la société France Télécom. Elle ajoute que l’intervention sur les gros réservoirs n’a aucun lien avec les dysfonctionnements des réservoirs pilotes allégués. Elle soutient ensuite qu’en tant que distributeur de la société Fike, la société DEF doit également engager sa responsabilité civile. Elle ajoute que cette responsabilite’ est d’autant plus importante qu’elle a participé aux opérations précédant la mise sur le marché en France du système Proinert au titre du contrat de coopération conclu avec la société Fike. Dès lors, elle estime que la responsabilité de la société DEF devrait être retenue au moins à hauteur d’un tiers de sorte qu’un tiers des dépenses qu’elle prétend avoir exposées devrait être laissé à sa charge. Elle affirme que le préjudice invoqué au titre des « diagnostics et constats » n’est pas lié au dysfonctionnement des réservoirs pilotes. Elle soutient en outre que les sommes réclamées au titre du plan de substitution ne peuvent être mises à sa charge en totalité mais seulement pour la partie relative aux ventes de réservoirs pilotes qu’elle a effectuées. Or elle relève que la société DEF ne précise pas la part exacte des ventes conclues avec elle. Par ailleurs, elle relève que la société DEF ne justifie aucunement du préjudice qu’elle allègue au titre du coût du remplacement des réservoirs pilotes. Elle conteste également le préjudice invoqué par la société DEF au titre des frais de transports et factures diverses en soutenant qu’elle n’en justifie pas et qu’aucun lien n’est établi avec le défaut allégué des réservoirs pilotes. Elle dément encore le préjudice allégué par la société DEF au titre des frais de sous-traitance en affirmant qu’elle n’en justifie pas. Elle dénie enfin le préjudice allégué par la société DEF au titre des frais de gardiennage en ce qu’il n’est pas démontré que ces frais auraient pour origine les dysfonctionnements prétendus des réservoirs pilotes. Elle prétend qu’à défaut pour la société DEF d’avoir interjeté appel incident, elle est irrecevable à solliciter la réformation du jugement en qu’il l’a déboutée de sa demande d’indemnisation au titre des pertes et gains manqués. En tout état de cause, elle soutient que le préjudice allégué au titre des coûts de ré-épreuve ne présente pas un caractère certain et que le préjudice allégué au titre de la perte de marge et la perte du chiffre d’affaires n’est pas justifié.

Au soutien de sa demande en garantie à l’encontre de la société Fike, la société Expro invoque les dispositions des articles 5 1) et 6 du règlement CE 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000.

Elle s’oppose de surcroît à la demande des sociétés MMA au titre du paiement de la somme de 100.000 euros versée à la société DEF pour couvrir une partie des frais de dépose-repose en prétendant que ces frais ne sont ni explicités ni justifiés.

Enfin, la société Expro invoque la garantie de son assureur, la société AG Insurance. Elle soutient que contrairement à ce que cette dernière prétend, l’exclusion de garantie prévue à l’article 22. B. 4 du contrat d’assurance n’est pas applicable aux frais d’huissier et de conseils, aux frais de transport, sous-traitants et de gardiennage, aux frais d’audit. Elle considère que seuls les frais de remplacement des produits eux-mêmes sont visés par la clause d’exclusion et que cette clause doit s’interpréter dans le sens le plus favorable au preneur d’assurance conformément à l’article 23§2 de la loi belge du 4 avril 2014.

Les conclusions de la société Expro déposées au greffe le 9 janvier 2018 contenant les demandes et moyens de la société Expro à l’égard de la société Fike, non constituée, qui sont identiques à ceux contenus dans les conclusions du 20 novembre 2018, ont été signifiées à la société Fike le 31 janvier 2018 selon les formalités prévues par l’article 4 paragraphe 3 du règlement CE n°1393/2007 du Conseil du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires et remises à domicile le 24 avril 2018.

Dans ses dernières conclusions du 3 décembre 2018, la société AG Insurance demande à la cour de:

Vu la police d’assurance RC n°03/99.091.335/06 émise par AG Insurance,

Vu la loi belge du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre,

Vu les dispositions de la Convention [Localité 6] du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises, en particulier son article 39-2,

Vu l’article L. 110-4 du code de commerce,

Vu notamment les articles 1147, 1165, 1386-1 et suivants, 1604, 1641 et 1648 du code civil,

Vu les articles 146 et 909 du code de procédure civile,

À titre principal, sur sa garantie,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

‘ débouté les sociétés Expro, DEF et les MMA de leurs demandes de garantie à son encontre,

En conséquence,

– prononcer sa mise hors de cause,

Subsidiairement, dans l’hypothèse où la cour infirmerait en tout ou partie les dispositions du jugement ayant exclu sa garantie,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

‘ jugé les sociétés Fike et Expro solidairement responsables vis à vis de la société DEF et des sociétés MMA des dommages résultant de la défaillance des systèmes Proinert vendus tant par la société Fike que par la société Expro à la société DEF entre 2004 et 2013,

‘ ordonné une mesure d’expertise,

‘ condamné solidairement les sociétés Fike et Expro à payer à la société DEF la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ débouté les sociétés Expro et AG Insurance de leurs demandes,

‘ordonné l’exécution provisoire,

Statuant à nouveau,

– dire la société DEF irrecevable, à de’faut mal fondée, en son action en responsabilité civile à l’encontre de la société Expro et la débouter de toutes ses demandes ;

En conséquence,

– dire sans objet sa garantie responsabilité civile après livraison et la mettre hors de cause ;

Plus subsidiairement encore, dans l’hypothèse où la cour retiendrait, en tout ou partie, la responsabilité de la société Expro au titre des dommages allégués par la société DEF et sa garantie d’assurance :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a exclu l’indemnisation des dommages liés au gain manqué et pertes allégués par la société DEF par suite de l’application des clauses limitatives de responsabilités contractuelles ;

En conséquence,

– la mettre hors de cause,

Subsidiairement :

– limiter sa garantie aux dommages résultant des ventes passées par l’intermédiaire de son assurée, la société Expro, a’ l’exclusion de toutes autres ;

– constater que sa garantie d’assurance éventuelle est limitée par un plafond absolu de 1.500.000 euros au titre de la garantie après livraison et est soumise à une franchise de 1.250 euros par sinistre ;

– constater que sa garantie d’assurance éventuelle relative aux dommages immatériels est limitée a’ 25% du montant du capital prévu pour les dommages matériels, sans que ce montant puisse être inférieur à 250.000 euros,

– condamner la sociéte’ Fike à la garantir de toute condamnation pouvant être mise à sa charge au titre de la garantie des condamnations prononcées à l’encontre d’Expro ;

En toute hypothèse :

– condamner la société DEF ou toute partie succombante à payer à la société AG Insurance une indemnité de 50.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La société AG Insurance explique que la société Expro a souscrit, pour les besoins de son activité une police d’assurance incluant un volet « garantie après livraison » et que cette police est régie par le droit belge en vertu de l’article 57 des conditions générales. Elle soutient tout d’abord que la société DEF est irrecevable à solliciter l’indemnisation du préjudice résultant des pertes et gains manqués faute d’avoir interjeté appel incident. Ensuite elle se prévaut de clauses d’exclusion ou de limitation de garantie prévues au contrat et opposables, selon le droit belge, au tiers victime exerçant l’action directe contre l’assureur. Elle fait ainsi valoir une clause d’exclusion de garantie prévue à l’article 22.B.3 du contrat d’assurance portant sur les « frais de recherches, d’examen et de retrait du marché de produits ou de travaux défecteux ou présumés l’être, y compris les indemnités dues de ce chef à des tiers ». Elle prétend que les frais d’huissiers et de conseils, les frais de transport, de sous-traitance et de gardiennage dont la société DEF revendique la prise en charge sont compris dans cette clause d’exclusion. Elle invoque également l’article 22.B.4 du contrat d’assurance qui exclut « le remplacement ou la réparation de produits livrés ». Elle considère ainsi que les frais de dépose/repose des dispositifs litigieux sont exclus de sa garantie soit au titre de l’article 22.B.4. du contrat, soit au titre de l’article 22.B.3. La société AG Insurance fait encore valoir la clause d’exclusion de l’article 22.B.5 selon laquelle ne sont pas garantis les dommages résultant du seul fait que les produits livrés ne remplissent pas les fonctions auxquelles ils étaient destinés ou ne répondent pas aux objectifs d’efficacité, de longévité ou de qualité ou aux caractéristiques annoncées par le preneur, en raison d’un défaut de conception. Or elle relève les dommages allégués par la société DEF ont trait à la non-conformité des dispositifs aux spécifications prévoyant des plages de température précises. Elle prétend encore que les dommages immatériels ne sont pas couverts par sa garantie en vertu de l’article 24 de la police. Elle soutient à cet effet que les dommages dont se prévaut la société DEF (frais de substitution et perte de marge) sont des dommages immatériels purs non couverts. La société AG Insurance fait encore valoir que sa garantie ne saurait être recherchée qu’au titre des ventes réalisées par la société Expro, son assurée, et non au titre des ventes des tiers – à savoir les sociétés DEF et Fike. Elle invoque enfin un plafond de garantie à hauteur absolue de 1.500.000 euros pour les dommages corporels et matériels et un plafond de 25% du montant du capital pour les dommages matériels. Elle soutient qu’elle bénéficie d’une franchise de 1.250 euros par sinistre opposable à la société Expro et à tout tiers invoquant le bénéfice de la garantie.

Subsidiairement, si sa garantie était retenue, la société AG Insurance en premier lieu fait valoir que les désordres allégués et leur cause ne sont pas établis. Elle soutient que les rapports d’expertise amiables communiqués par la société DEF ne sont pas contradictoires à son égard et ne peuvent constituer à eux seuls la preuve des désordres allégués et de leur origine. En outre, elle affirme que ces rapports ne font état que d’hypothèses sur l’origine des désordres, hypothèses de surcroît contestées par la société Fike qui invoque un défaut de maintenance ou encore une installation par une société non agréée. Elle ajoute que la preuve de l’existence des désordres n’est pas davantage rapportée puisque les procès-verbaux et expertises ne concernent que quelques sites sur les 320 sites allégués et que la société DEF a empêché tout constat contradictoire des désordres qu’elle allègue en procédant au remplacement unilatéral de tous les réservoirs. Elle se prévaut enfin de l’absence de preuve du lien de causalité entre les désordres allégués et les systèmes Proinert.

En deuxième lieu, elle conteste que les contrats du 5 mars 2004 et du 26 août 2004 forment un ensemble contractuel indivisible permettant ainsi l’application de la loi française comme l’a retenu le tribunal de commerce de Paris. Elle soutient en effet que le contrat de sous-traitance a pris fin le 21 avril 2006 sans avoir été reconduit par les parties, la reconduction tacite étant exclue. Elle ajoute que si les relations entre la société Expo et la société DEF ont perduré après le terme prévu au contrat, rien ne permet d’affirmer que ces relations se sont poursuivies dans ce cadre contractuel. En outre, elle affirme que seules les prestations d’installation de matériel sur les sites de France Telecom sont régies par ce contrat et non les ventes de matériel. Enfin elle soutient que les contrats du 5 mars 2004 et du 26 août 2004 sont indépendants puisqu’ils ont été conclus par des parties différentes, à deux ans d’écart et ont un objet différent.

La société AG Insurance prétend que la responsabilité de la société Expro ne peut être retenue sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du code civil. Elle critique tout d’abord le jugement entrepris en ce qu’il n’a retenu le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux que pour les ventes antérieures au 29 février 2008 alors qu’il n’y a pas lieu d’opérer une telle distinction avec les ventes postérieures au 29 février 2008, la convention [Localité 7] étant applicable quelle que soit la date des ventes effectuées par la société Expro. Elle conteste toute responsabilité solidaire des sociétés Fike et Expro alors que la responsabilité du vendeur non fabricant est exclue lorsque le producteur est identifié et connu de la victime, ce qui est le cas en l’espèce puisque le fabricant est la société Fike et est donc connu de la société DEF.

La société AG Insurance fait également valoir que les demandes des sociétés DEF et MMA sont irrecevables tant sur le fondement des dispositions de la Convention [Localité 6] que du droit français interne. En effet, elle soutient que par la clause contractuelle désignant la loi française insérée dans le contrat de sous-traitance, à supposer que ce contrat soit applicable, les parties n’ont pas entendu pour autant écarter l’application de la Convention [Localité 6] puisque cette convention constitue le droit substantiel français, de sorte que cette convention est applicable. Par ailleurs, si l’on écarte l’application du contrat de sous-traitance, elle affirme que la Convention [Localité 6] est également applicable. Or elle soutient qu’en application de l’article 39-2 de ladite Convention, la société DEF est prescrite en ses demandes à l’encontre de la société Expro relative à la non-conformité et/ou défaut des réservoirs en l’absence de dénonciation des défauts allégués dans le délai de deux ans à compter de la livraison des marchandises. A titre subsidiaire, elle affirme que l’action fondée sur la garantie des vices cachés à l’encontre de la société Expro est prescrite, le délai de prescription étant enfermé dans le délai quinquennal de droit commun dont le terme constitue une date butoir. Ainsi, selon elle, seules six factures concernant la période postérieure au 27 février 2009 sont comprises dans le délai de prescription quinquennal interrompu par l’assignation du 27 février 2014, et sur ces six factures, seules deux ventes de réservoirs sont établies.

En tout état de cause, elle estime que la responsabilité de la société Expro ne peut être retenue. Elle affirme que les conditions de la garantie des vices cachés ne sont pas réunies, dans la mesure où la société DEF ne démontre ni l’existence d’un vice ni l’antériorité du vice allégué par rapport à la vente. Sur le défaut d’information qui est reproché à la société Expro en ce qu’elle n’aurait pas alerté la société DEF de l’amplitude thermique à respecter, elle soutient d’une part qu’aucun lien de causalité n’est établi entre ce prétendu défaut d’information et l’origine des désordres puisque ces désordres ont pu être déplorés dans des sites climatisés et d’autre part que la société Expro n’a eu connaissance de cette information qu’à compter de janvier 2012. La société AG Insurance se prévaut encore de la clause d’exclusion de garantie prévue à l’article 22.B.2, qui exclut tout dommage résultant d’un défaut dont l’assuré avait connaissance avant la survenance du sinistre, dans l’hypothèse où un défaut d’information serait retenu à l’encontre de la société Expro. Elle prétend encore que la responsabilité de la société Expro n’est pas établie au regard des conditions posées par la Convention [Localité 6], ou encore d’un défaut de conformité au sens de l’article 1604 du code civil qui n’est pas démontré. Elle ajoute que la responsabilité de la société Expro ne peut être engagée sur le fondement de l’obligation de résultat prévue au contrat de sous-traitance, à le supposer applicable, puisque cette obligation de résultat ne s’applique qu’à la défaillance des systèmes installés en cas d’incendie.

Enfin elle conteste la réalité des préjudices invoqués, leur lien de causalité avec les désordres allégués et le quantum de l’indemnisation réclamée.

La société AG Insurance invoque la garantie de la société Fike si la responsabilité de la société Expro était retenue. Elle se prévaut ainsi des conditions générales de vente de la société Fike et de sa qualité de fabricant. Elle ajoute que la société Fike, en acceptant de livrer 200 unités, de procéder aux réparations requises et de prendre en charge une partie du coût des opérations de maintenance sans faire la moindre réserve, a accepté de garantir l’intégralité de sa fourniture.

Les conclusions de la société AG Insurance déposées au greffe le 3 décembre 2018 contenant les demandes et moyens de la société AG Insurance à l’égard de la société Fike, non constituée, qui sont identiques à ceux contenus dans les conclusions du 3 décembre 2018, ont été signifiées à la société Fike le 6 juillet 2018 selon les formalités prévues par l’article 4 paragraphe 3 du règlement CE n°1393/2007 du Conseil du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires et remises à domicile le 26 juillet 2018.

Dans ses dernières conclusions du 10 septembre 2018, la société DEF demande à la cour de :

– confirmer le jugement prononcé par le tribunal de commerce de Paris en date du 28 juin 2017 en ce qu’il a :

‘ dit les sociétés MMA recevables dans leur intervention volontaire,

‘ jugé la société Fike et la société Expro solidairement responsables vis-à-vis de la société DEF et des sociétés MMA des dommages résultant de la défaillance des systèmes Proinert vendus tant par la société Fike que par la société Expro à la société DEF entre 2004 et 2013,

‘ condamné la société Fike à payer à titre provisionnel à la société DEF la somme de 631.562 euros, à titre de dommages intérêts, suite à la défaillance des systèmes Proinert vendus à la société DEF,

‘ condamné la société Fike à rembourser 100.000 euros aux Compagnies MMA au titre du versement provisionnel effectué par celles-ci à la société DEF,

‘ condamné solidairement la société Fike, la société Expro et la société AG Insurance à payer à la société DEF une somme de 20.000 euros et aux sociétés MMA une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ ordonné l’exécution provisoire,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société DEF et les sociétés MMA de leurs demandes de garantie à l’encontre de la Compagnie AG Insurance,

– faire droit aux conclusions d’appel des Compagnies MMA,

– débouter les sociétés Expro, Fike Protection Systems et AG Insurance de toutes leurs demandes,

Ajoutant au jugement,

– condamner la société Expro à payer à la société DEF une somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Expro aux entiers dépens de l’appel.

Au soutien de ses demandes à l’encontre des sociétés Fike et Expro, la société DEF se plaint de pertes inopinées d’agent extincteur sur certains sites l’ayant conduite à remplacer l’ensemble des dispositifs et à prévoir un remplissage des réservoirs pilotes tous les trois ans et non plus tous les dix ans. Elle soutient que ces pertes d’agent extincteur ont eu pour cause un vieillissement prématuré du joint d’étanchéité présent sur les réservoirs pilotes selon les rapports d’expertises établis au mois de septembre 2013 par la société Saretec et par la société CNPP. Elle ajoute que les expertises ont évoqué deux causes à ce vieillissement prématuré: soit un défaut de matière du joint d’étanchéité, soit une déformation du joint par l’effet d’une exposition des dispositifs à certaines températures.

Elle invoque également un défaut de conformité des matériels livrés aux clauses contractuelles puisqu’il était prévu au contrat la liant à la société Fike que les dispositifs Proinert pouvaient être exposés à des températures de ‘ 40°C à + 60°C alors qu’en réalité, les matériels livrés ne pouvaient supporter que des températures de 16°C à 27°C.

En ce qui concerne la responsabilité des sociétés Fike et Expro pour les ventes antérieures au 29 février 2008, la société DEF fait tout d’abord valoir que les contrats conclus le 5 mars 2004 avec la société Fike et le 26 août 2004 avec la société Expro forment un ensemble contractuel indivisible car tendant à la satisfaction d’un même objet économique, l’équipement de sa clientèle en systèmes de détection incendie Proinert, de sorte qu’il importe peu de savoir si les ventes ont été effectuées directement par la société Fike ou par l’intermédiaire de son installateur, la société Expro, pour les ventes antérieures au 29 février 2008, date à laquelle a pris fin le contrat du 5 mars 2004. Elle précise qu’elle s’est ainsi fournie en produits de la marque Fike indifféremment auprès de la société Fike ou de la société Expro, avant le 29 février 2008, selon les conditions tarifaires prévues au contrat du 5 mars 2004. Elle soutient à cet égard que les conditions générales de vente de la société Expro ne lui ont été notifiées par cette dernière que le 3 décembre 2007, à l’occasion de la rupture du contrat avec la société Fike. Elle ajoute que dans une lettre du 19 février 2014, la société Fike lui a rappelé que sa garantie des systèmes Proinert était soumise à la condition d’une installation réalisée par un installateur agréé, qui n’était autre que la société Expro. Elle fait encore observer qu’à l’occasion du premier litige l’ayant opposé à la société Fike, la société Expro est intervenue pour procéder à la campagne de resserrage des valves des réservoirs défectueux que ceux-ci aient été livrés par la société Fike ou la société Expro.

La société DEF prétend que, dans ses rapports avec la société Fike, la loi applicable à cet ensemble contractuel est la loi française au regard de la clause contractuelle insérée dans le contrat de sous-traitance signé avec la société Expro en date du 26 août 2004. Elle affirme que l’article 2 de la Convention [Localité 7] du 15 juin 1955 conduit à l’application de la loi française puisqu’en vertu de cette disposition, est applicable à la vente la loi interne du pays désigné par les parties; cette désignation pouvant résulter des dispositions indubitables du contrat. Or elle souligne qu’il existe un ensemble d’indices permettant de conclure indubitablement à l’application de la loi française : l’attribution de la compétence aux juridictions françaises pour connaître des litiges relatifs au contrat de fourniture, l’attribution de cette compétence dans les protocoles d’accords pour mettre fin aux litiges nés de l’application de ce contrat, la langue française employée par les parties dans leurs contrats successifs, la signature en France de ces conventions, la facturation en euros, la désignation de la loi française comme applicable au contrat de sous-traitance, la désignation de la loi française dans les protocoles transactionnels. Elle en déduit que la Convention des Nations Unis sur le Contrat de Vente Internationale de Marchandise du 11 avril 1980 dite Convention [Localité 6] est applicable. Toutefois elle réfute l’application des dispositions de l’article 39§2 de cette convention selon lesquelles l’acheteur est déchu de son droit à se prévaloir d’un défaut de conformité s’il ne dénonce pas au vendeur ce défaut dans un délai raisonnable à partir du moment où il l’a constaté ou aurait dû le constater. Elle fait en premier lieu valoir que ces dispositions ne sont pas applicables lorsque le vendeur connaissait ou ne pouvait ignorer le défaut de conformité et ne l’a pas révélé à l’acheteur. Elle invoque en second lieu que le délai de l’article 39§2 est incompatible avec la durée de la garantie contractuelle et n’est donc pas applicable. Elle soutient ainsi que la première vente consentie par la société Fike datant du 1er août 2004 et ayant dénoncé le défaut par lettre du 14 novembre 2013, elle est parfaitement dans le délai de garantie décennale prévue au contrat.

Elle prétend encore que la société Fike ne peut lui opposer de clause limitative de garantie prévue dans ses conditions générales alors qu’il est dérogé à ces conditions générales par les conditions spécifiques de garanties prévues au contrat du 5 mars 2004.

Elle affirme que le défaut dont elle se plaint est démontré par les rapports d’expertises amiables versés aux débats et souligne que la société Fike a participé à l’une de ces expertises. Elle ajoute que ces rapports ont été corroborés par d’autres éléments de preuve. Il en est ainsi de la connaissance de ces défauts par la société Fike et la société Expro qui résulte, selon elle, de la modification par la société Fike des températures d’utilisation des dispositifs anti-incendie au mois d’octobre 2011 et de la réduction de la durée de vie des actionneurs avec réservoirs pilotes au mois de décembre 2011.

Elle soutient qu’il ne saurait être fait de distinction entre les dispositifs ayant présenté une perte d’agent extincteur et les autres dès lors que ces dispositifs sont tous atteints du même vice de conception. Elle ajoute que les parties ont entendu, à l’article 11.3 du contrat, garantir tout risque de perte d’agent extincteur pour une durée de dix ans. Elle précise avoir été contrainte de remplacer les réservoirs pilotes sur 215 sites de la société France Télécom et sur 43 sites d’autres clients.

En ce qui concerne les produits vendus par la société Expro antérieurement au 29 février 2008, la société DEF invoque l’engagement de la responsabilité de la société Fike et de la société Expro au titre de la défectuosité des produits vendus. Elle précise que l’article 4 de la convention [Localité 7] du 2 octobre 1973 sur la responsabilite’ des produits défectueux conduit à l’application de la loi française : les faits dommageables se sont produits sur le territoire français et la France est le pays de résidence habituelle de la personne directement lésée. Elle se prévaut ainsi des dispositions de l’article 1386-1 du code civil.

En ce qui concerne les produits vendus par la société Expro postérieurement au 28 février 2008, la société DEF prétend à l’engagement de la responsabilité de cette dernière sur le fondement de la garantie des vices cachés. Elle affirme qu’en faisant une référence expresse dans le contrat de sous-traitance à l’article 1641 du code civil français les parties ont manifesté la volonté des parties d’écarter l’application de la Convention [Localité 6] et d’appliquer le droit français de sorte que l’article 39§2 de ladite convention n’est pas applicable. Elle estime avoir engagé l’action dans les délais prévus aux articles 1648, 2224 et 2232 du code civil et qu’aucune prescription ne peut lui être opposée. Elle soutient que l’impropriété de la chose à l’usage destiné, l’existence d’un vice antérieur à la vente et le caractère caché du vice sont établis notamment par les rapports d’expertises produits. Elle invoque encore un manquement de la société Expro à son obligation de délivrance conforme.

Elle reproche enfin aux sociétés Fike et Expro un défaut d’information quant à l’existence d’un vice de conception et quant aux changements de spécifications.

Elle en conclut qu’elle est fondée à réclamer le paiement d’une provision et l’instauration d’une mesure d’expertise pour arrêter le montant définitif des sommes dues à titre de dommages et intérêts.

Enfin, la société DEF fait valoir qu’elle est fondée à demander la garantie de la société AG Insurance laquelle garantit son assurée au titre de « tout dommage occasionné à des tiers par des produits après leur livraison ou par des travaux après leur exécution » conformément à l’article 22.A.1 des conditions générales de la police d’assurance. Elle prétend que les exclusions invoquées par la société AG Insurance et retenues par les premiers juges ne peuvent prospérer, aucune de ces exclusions n’étant relative aux frais de dépose-repose pour lesquels les sociétés MMA sollicitent le versement d’une provision et dont le montant définitif sera arrêté par l’expert.

Dans leurs dernières conclusions du 28 novembre 2018, les sociétés MMA demandent à la cour de :

Vu les articles 328 et suivants du code de procédure civile,

Vu les articles 1134, 1147, 1386-1 et suivants, 1641 et suivants du code civil,

Vu la Convention [Localité 6] sur la vente internationale de marchandises du 11 avril 1980,

– confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :

‘ dit les sociétés MMA recevables dans leur intervention volontaire,

‘ jugé la société Fike et la société Expro solidairement responsables vis-à-vis de la société DEF et des sociétés MMA des dommages résultant de la défaillance ds systèmes Proinert vendus tant par la société Fike que par la société Expro à la société DEF entre 2004 et 2013;

‘ condamné la société Fike à payer à payer à titre provisionnel à la société DEF la somme de 631.562 euros à titre de dommages intérêts, suite à une défaillance des systèmes Proinert vendus à la société DEF,

‘ condamné la société Fike à rembourser 100 000 euros aux sociétés MMA au titre du versement provisionnel effectué par celles-ci à la société DEF,

‘ ordonné une mesure d’expertise,

– infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a débouté les sociétés MMA de leurs demande de garantie à l’encontre de la société AG Insurance,

– condamner solidairement les sociétés Fike Protection System, Expro et AG Insurance à payer aux sociétés MMA une somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner solidairement les sociétés Fike Protection Systems, Expro et AG Insurance aux entiers dépens.

Les sociétés MMA affirment avoir versé une somme de 100.000 euros à la société DEF à valoir sur les frais de dépose-repose des réservoirs pilotes remplacés. Elles invoquent dans ces conditions leur subrogation dans les droits de leur assurée.

Elles font valoir que la société Fike doit engager sa responsabilité civile contractuelle puisque, outre le fait que les ventes litigieuses sont soumises à l’application de la loi française, d’une part, les défauts des réservoirs pilotes ont été établis par les rapports d’expertises versés aux débats et que d’autre part, la société Fike a reconnu sa responsabilité en acceptant de livrer un certains nombre de réservoirs de remplacement à la société DEF. Elles invoquent en tout état de cause le défaut de conformité présenté par les réservoirs pilotes et les dispositions de l’article 36 de la convention [Localité 6]. Elles prétendent que la société Fike doit également être déclarée responsable en sa qualité de fabricant au titre des produits défectueux vendus par la société Expro.

Les sociétés MMA font valoir qu’elles sont bien fondées à engager la responsabilité de la société Expro et de son assureur la société AG Insurance. Elle soutiennent que la loi applicable au contrat de sous-traitance est le droit interne français et non pas le droit substantiel français constitué notamment par la Convention [Localité 6] du fait que les parties ont volontairement soumis leur contrat aux dispositions de l’article 1641 du code civil relatif à la garantie des vices cachés et ont donc choisi volontairement d’écarter l’applicabilité de la Convention [Localité 6]. Elles prétendent encore que la Convention [Localité 6] n’est pas applicable à un contrat dont la part prépondérante consiste en une fourniture de main d”uvre. Elles soutiennent que la garantie des vices cachés est applicable nonobstant les affirmations de la société Expro selon lesquelles le contrat portait exclusivement sur des prestations de services. Elles affirment en effet que l’article XIII du contrat fait expressément référence à la garantie des vices cachés et que les factures émises par la société Expro mentionnaient la fourniture de matériel. Elles ajoutent que le contrat du 26 août 2004 s’est poursuivi au-delà du 21 avril 2006, ce dont témoignent les nombreuses factures émises postérieurement à cette date et l’application des mêmes conditions contractuelles.

Au soutien de leur demande en garantie à l’encontre de la société AG Insurance, elles font valoir qu’aucune exclusion de garantie n’est prévue pour les frais de dépose-repose pour lesquels elles ont versé une provision.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour l’exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 6 décembre 2018.

MOTIFS :

‘ Sur l’indivisibilité des conventions conclues le 5 mars 2004 entre les sociétés Fike et DEF et le 26 août 2004 entre les sociétés Expro et DEF

Considérant que les sociétés Expro et AG Insurance sollicitent l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a retenu l’indivisibilité des conventions conclues le 5 mars 2004 entre les sociétés Fike et DEF et le 26 août 2004 entre les sociétés Expro et DEF ;

Considérant qu’en vertu de l’article 1218 du code civil dans sa version applicable au litige, « l’obligation est indivisible, quoique la chose ou le fait qui en est l’objet soit divisible par sa nature, si le rapport sous lequel elle est considérée dans l’obligation ne la rend pas susceptible d’exécution partielle » ;

Considérant que la notion d’ensemble contractuel indivisible suppose soit une indivisibilité subjective, en ce sens que les parties qui ont conclu les contrats ont voulu les rendre interdépendants, au-delà même de leur lien objectif de finalité commune, soit d’une indivisibilité objective en ce sens que lesdits contrats concourent sans alternative à la même opération économique dans la mesure où ils poursuivent tous le même but et n’ont aucun sens indépendamment les uns des autres ;

Considérant qu’en l’espèce, les sociétés Fike et DEF ont conclu le 5 mars 2004 un « contrat de coopération et de fourniture » ; que l’article 1 du contrat prévoit qu’il a pour objet de déterminer les conditions dans lesquelles la société Fike fournira à la société DEF des systèmes Proinert ; que selon l’article 2 du même contrat, la société Fike s’est engagée à ce que la société DEF soit le seul distributeur du système Proinert sur les territoires français et algériens ; qu’en vertu de l’article 15, ce contrat a été conclu pour une durée expirant le 1er mars 2007 renouvelable par tacite reconduction par périodes d’un an sauf dénonciation avec un préavis de six mois ;

Considérant par ailleurs que le 26 août 2004, les sociétés Expro et DEF ont conclu un « contrat-cadre de sous-traitance »; que l’article I du contrat prévoit qu’au titre du contrat, « DEF a demandé au sous-traitant d’assurer la réalisation de prestations d’installation d’équipements utilisés pour la Détection Incendie et/ou l’Extinction Automatique Incendie dans les locaux de France Télécom situé en France et DOM. » ; que l’article II de ce contrat stipule que « Le contrat est établi pour une période qui court à compter de la date de sa signature par les deux parties jusqu’au 21 avril 2006. Il est reconductible de façon expresse une fois pour une nouvelle période d’un an sur l’initiative de DEF. »;

Considérant qu’il y a lieu de relever qu’aucun de ces contrats ne mentionne d’indivisibilité entre eux ni ne fait référence à l’autre contrat ; que par ailleurs, le premier contrat organise la distribution de systèmes Proinert sur l’ensemble des territoires français et algérien tandis que le second a pour objet d’organiser les conditions d’une sous-traitance à la société Expro des prestations d’installation d’équipements de détection ou d’extinction d’incendie confiées par la société France Télécom à la société DEF ; qu’ainsi l’objet et le périmètre de ces contrats est différent; que le second contrat ne fait aucunement référence à l’installation de systèmes Proinert ; que ces deux contrats ont été signés à près de six mois d’intervalle ; qu’ils ont des durées distinctes ; qu’il ressort de l’ensemble de ces éléments que ces deux contrats sont indépendants ; l’exécution de l’un ne dépendant pas de l’exécution de l’autre; que le fait que dans une lettre du 19 févier 2014, la société Fike ait rappelé à la société DEF que sa garantie des systèmes Proinert était soumise à la condition d’une installation réalisée par un installateur agréé ne démontre pas l’indivisibilité des conventions litigieuses ; qu’en effet, s’il est constant que la société Expro est un installateur agréé de la société Fike, il n’est pas le seul installateur agréé de cette société ; que cela ressort notamment de l’article 13 du contrat du 5 mars 2004 selon lequel « FIKE s’engage à former le personnel DEF sur l’utilisation et l’installation des systèmes PROINERT »; qu’ainsi une fois formée, la société DEF avait également vocation à être installateur agréé de la société Fike ; que par ailleurs, il n’est aucunement démontré, notamment par les factures produites aux débats, que l’achat des systèmes Proinert à la société Expro ait été effectué selon les mêmes conditions tarifaires que celles prévues au contrat du 5 mars 2004; qu’en outre, s’il ressort de factures versées aux débats que la société Expro a bien vendu des systèmes Proinert à la société DEF antérieurement à l’expiration du contrat liant les sociétés Fike et DEF, il n’est aucunement établi que les conditions générales de la société Fike étaient applicables à ces ventes; que ce point ne saurait résulter de la seule notification des conditions générales de vente de la société Expro par lettre du 3 décembre 2007;

Considérant qu’en conséquence, le jugement du tribunal de commerce de Paris sera infirmé de ce chef ;

‘ Sur les demandes à l’encontre de la société Fike

Attendu qu’en vertu de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond; que le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée ;

Considérant qu’il ressort des factures produites aux débats qu’avant le 29 février 2008, la société DEF s’est fournie en systèmes Proinert tant auprès de la société Fike qu’auprès de la société Expro ; qu’en revanche, postérieurement au 29 février 2008, date du terme du contrat de fourniture du 5 mars 2004, elle ne s’est fournie en système Proinert qu’auprès de la société Expro; que dès lors, pour apprécier la responsabilité de la société Fike, il y a lieu de distinguer selon qu’elle est intervenue uniquement en qualité de fournisseur direct de la société DEF ou en qualité de fabricant notamment en ce qui concerne les ventes réalisées par l’intermédiaire de la société Expro ;

1/ Sur la responsabilité de la société Fike en qualité de vendeur

* Sur la garantie contractuelle

Considérant que l’article 11.2 du contrat du 5 mars 2004 prévoit que: « Fike garantit à DEF tout défaut de conception entraînant une perte d’agent extincteur dans le réservoir sur une période de dix ans à partir de la date de remplissage. »; que l’article 11.3 du même contrat stipule que: « Tous les frais relatifs à la garantie (emballage, transport, remplacement du matériel, main d’oeuvre,…) seront à la charge de FIKE. »;

Considérant qu’il résulte de la liste des sparklets annexée à une lettre du 14 novembre 2013 adressée par la société DEF à la société Fike que la première facture de fourniture de sparklets par la société Fike date du 21 juillet 2004 et que la date des dernières factures est inconnue mais ne peut être postérieure au 28 février 2008, date du terme du contrat de coopération et de fourniture liant les deux sociétés ; que toutefois la société DEF ne produit aucun élément quant à la date de remplissage de ces sparklets de sorte qu’il n’est pas démontré que toutes entrent dans le délai de dix ans relatif à la garantie contractuelle précitée ;

Considérant qu’en outre, la mise en oeuvre de cette garantie contractuelle suppose la démonstration d’un défaut de conception ; que toutefois pour rapporter la preuve d’un tel défaut, la société DEF se contente de produire aux débats une note technique du Centre National de Prévention et de Protection (CNPP) du 6 septembre 2013 qui se borne à opérer un comparatif technique entre deux types de sparklets, l’une de 2007 et l’autre de 2010, et à émettre trois hypothèses de dysfonctionnement susceptibles de provoquer la perte d’agent extincteur ; que ces trois hypothèses sont les suivantes : un problème électrique entre le dispositif électrique de commande et de temporisation et l’électrovanne, un problème d’étanchéité au niveau du joint présent sur le piston de l’électrovanne et un problème d’étanchéité au niveau des joints présents sur le composant ayant changé de matière (vieillissement des joints) ou déformation mécanique du composant par les effets de température ; que cette note technique ne permet ainsi nullement de rapporter la preuve d’un défaut de conception à l’origine de la perte d’agent extincteur ; que la société DEF verse également aux débats un compte rendu de réunion d’expertise établi par la société Saretec le 13 septembre 2013 ainsi qu’une note de synthèse du 23 octobre 2013 de la même société selon lesquels la perte d’agent extincteur des deux sparklets installées dans des locaux de la société France Télécom à [Localité 8] peut être liée à un fonctionnement en dehors des plages de températures nouvellement définies en 2011 (de 16°C à 27°C au lieu de ‘ 20°C à + 50°C) et/ou à un défaut du joint qui se détériore dans les plages de température nouvellement définies ; qu’il sera relevé que la note de synthèse du 23 octobre 2013 ne constitue qu’un premier avis, non définitif, et ne concerne que l’incident s’étant produit sur le site [Localité 8] ; qu’en outre, il émet deux hypothèses sur l’origine des défaillances dont l’une ne constitue pas un défaut de conception mais résulte d’un défaut d’utilisation; qu’ensuite la société DEF verse aux débats trois constats d’huissier; qu’un constat du 18 novembre 2013 est relatif au démontage de huit bouteilles de marque Fike dépendant de l’installation extinction incendie d’un bâtiment de la société France Télécom à [Localité 9] ; qu’outre qu’il n’est aucunement fait mention dans ce constat d’un déclenchement intempestif d’un réservoir pilote, ce constat ne permet pas d’identifier un défaut de conception; qu’il en est de même du constat du 22 janvier 2014 concernant le démontage de deux réservoirs de marque Fike sur le même site de la société France Télécom à [Localité 9] ainsi que du constat du 22 janvier 2014 concernant le démontage de quatre réservoirs de marque Fike sur deux sites de la société France Télécom à [Localité 10] ;

Considérant par ailleurs que le fait que la société Fike ait dans un premier temps accepté, par lettres du 2 décembre 2013 puis du 19 février 2014, de remplacer des réservoirs pilotes et de prendre en charge une partie des coûts de main d’oeuvre liés aux remplacements des réservoirs ne peut permettre d’établir l’existence d’un défaut de conception ou la reconnaissance d’un tel vice par la société Fike ; qu’en effet, la lettre du 19 février 2014 mentionne expressément qu’elle n’équivaut pas à une reconnaissance de responsabilité; que la lettre du 2 décembre 2013 indique que la société Fike accepte de collaborer avec la société DEF de bonne foi pour résoudre le plus rapidement possible les difficultés dénoncées et que dans ces conditions, elle accepte d’organiser la livraison de 200 réservoirs pilotes à certaines conditions dans le but d’éviter les retards et les dépenses liés à un procédure contradictoire entre les parties ;

Considérant enfin que la modification par la société Fike de la notice d’utilisation dans des conditions extrêmes des sparklets en octobre 2011 ou de ses préconisations de remplacement des spacklets au mois d’octobre 2013 (tous les cinq ans pour les bouteilles remplies avant le mois d’août 2012 et non plus tous les dix ans) ne permet pas davantage de rapporter la preuve d’un vice de conception ;

Considérant que dès lors, la demande tendant à la mise en oeuvre de la garantie contractuelle de la société Fike sera rejetée ;

* Sur la responsabilité contractuelle légale

Considérant que les contrats de ventes de systèmes Proinert conclus entre la société Fike et la société DEF sont des contrats internationaux s’agissant de contrats conclus entre une société anglaise et une société française ; qu’il convient de rechercher la règle de conflit permettant de déterminer le droit substantiel applicable ;

Considérant que le contrat de coopération et fourniture conclu le 5 mars 2004 entre les sociétés Fike et DEF, qui constitue un contrat cadre des ventes de systèmes Proinert conclues entre les mêmes sociétés, ne comporte aucune mention sur la loi applicable; que dans ces conditions, il ne peut y avoir d’approche globale du contrat cadre et des contrats issus du contrat cadre pour rechercher la loi applicable aux contrats de vente issus du contrat cadre; qu’il convient donc, pour rechercher cette loi, de déterminer les règles de conflit applicables en matière de contrats de vente ;

Considérant qu’en vertu de l’article 21 de la convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ladite convention ne porte pas atteinte à l’application des conventions internationales auxquelles un Etat contractant est ou sera partie ;

Considérant que la France est partie à la convention [Localité 7] du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère international d’objets mobiliers corporels; que cette convention, qui est applicable sans condition de réciprocité, doit donc recevoir application en l’espèce s’agissant d’une convention spécifique aux ventes internationales d’objets mobiliers corporels ;

Considérant que l’article 2 de cette convention prévoit que la vente est régie par la loi interne du pays désigné par les parties contractantes; que cette désignation doit faire l’objet d’une clause expresse, ou résulter indubitablement des dispositions du contrat ;

Considérant que selon l’article 3 de ladite convention [Localité 7], à défaut de loi déclarée applicable par les parties, la vente est régie par la loi interne du pays où le vendeur a sa résidence habituelle au moment où il reçoit la commande ;

Considérant qu’en l’espèce, ainsi qu’il a été rappelé précédemment, à défaut de clause relative au choix de loi dans le contrat de distribution du 5 mars 2004, les contrats de vente conclus entre les sociétés DEF et Fike sont autonomes juridiquement du contrat de distribution; que dès lors et contrairement à ce que soutient la société DEF, pour rechercher si les parties aux contrats de vente ont fait un choix de loi, il ne peut être fait état des clauses du contrat de distribution; qu’il sera de surcroît relevé que le contrat de distribution du 5 mars 2004, en ce qu’il ne peut être qualifié de contrat de vente, ne peut être régi par les dispositions de la convention [Localité 7] de 1955;

Considérant qu’à défaut de choix de loi dans les contrats de vente, l’article 3 de la convention est applicable; qu’il est constant que la société Fike, vendeur, avait sa résidence habituelle en Angleterre au moment où elle a reçu les commandes de sparklets de la société DEF; que c’est donc le droit substantiel anglais qui est applicable ; que le Royaume-Uni n’étant pas partie à la convention [Localité 6] du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises, cette convention ne peut s’appliquer en vertu de son article 1er selon lequel elle s’applique aux contrats de vente de marchandises entre des parties ayant leur établissement dans des états différents lorsque ces Etats sont des Etats contractants ou lorsque les règles du droit international privé mènent à l’application de la loi d’un Etat contractant; qu’il sera de surcroît souligné qu’en première instance, la société Fike a revendiqué l’application du droit anglais ;

Considérant toutefois qu’il ressort des éléments produits aux débats par la société DEF que l’origine des déclenchements intempestifs des réservoirs-pilotes n’a pu être déterminée ; qu’en outre, dans ces conditions, aucun lien de causalité entre ces déclenchements intempestifs et les dommages allégués ne peut être prouvé ; que dès lors, aucune responsabilité du vendeur, pour un vice caché, un défaut de conformité ou un défaut d’information, ne saurait être retenue dans ces conditions, le droit anglais fusse-t-il applicable ;

Considérant que dès lors, la demande en responsabilité de la société DEF à l’encontre de la société Fike ne saurait prospérer sur ce fondement ;

2/ Sur la responsabilité de la société Fike en sa qualité de fabricant (notamment pour les produits vendus par la société Expro)

* Sur le droit applicable

Considérant que la règle de conflit pour déterminer la loi applicable résulte de la convention [Localité 7] du 2 octobre 1973 sur la loi applicable à la responsabilité du fait des produits ; qu’en effet, cette convention s’applique sans condition de réciprocité et la France est un Etat signataire ;

Considérant que selon son article premier, cette convention détermine la loi applicable à la responsabilité des fabricants pour les dommages causés par un produit, y compris les dommages résultant d’une description inexacte du produit ou de l’absence d’indication adéquate concernant ses qualités, ses caractères spécifiques ou son mode d’emploi ;

Considérant que l’article 4 de cette convention prévoit que la loi applicable est la loi interne de l’Etat sur le territoire duquel le fait dommageable s’est produit, si cet Etat est aussi l’Etat de la résidence habituelle de la personne directement lésée;

Considérant qu’en l’espèce, la société DEF, qui est la personne qui se prétend directement lésée, a sa résidence habituelle en France ; que le fait dommageable allégué s’est produit en France; que dès lors, la loi française est applicable ;

* Sur la responsabilité du fait des produits défectueux

Considérant qu’en vertu de l’article 1386-1 du code civil dans sa version applicable au litige, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime ;

Considérant que selon l’article 1386-2 du code civil dans sa version applicable au litige, les dispositions au titre de la responsabilité du fait des produits défectueux ne s’appliquent qu’à la réparation du dommage qui résulte d’une atteinte à la personne ou à la réparation du dommage qui résulte d’une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même ;

Considérant que selon l’article 1386-4 du code civil dans sa version applicable au litige, un produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre; que dans l’appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation ;

Considérant qu’en application de l’article 1386-9 du code civil dans sa version applicable au litige, le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage;

Considérant qu’en l’espèce, il est établi que certains réservoirs pilotes, dont ceux du site de la société France Télécom à [Localité 8], ont présenté une fuite d’agent extincteur sans qu’un incendie ne se soit déclaré ; que le déclenchement d’un système de protection contre les incendies sans survenance d’un incendie caractérise la défectuosité du produit ; qu’en effet, à la suite de ce déclenchement intempestif, le système d’extinction d’incendie n’est plus susceptible de se déclencher en cas de survenance d’un incendie et ne présente donc pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre ;

Considérant toutefois que les préjudices dont la société DEF demande réparation n’entrent pas dans le champ de l’article 1386-2 susvisé puisqu’il s’agit soit de dommages au produit défectueux lui-même (remplacement des réservoirs-pilotes), soit de dommages qui ne résultent pas d’une atteinte à un bien (diagnostics et constats, transports et factures diverses, sous-traitants, gardiennage, pertes ou gains manqués) ;

Considérant que dès lors, la responsabilité de la société Fike du fait des réservoirs-pilotes défectueux ne peut être retenue en l’absence de dommage réparable au titre de la responsabilité du fait des produits défectueux ;

‘ Sur les demandes à l’encontre de la société Expro

1/ Sur la responsabilité de la société Expro en qualité de vendeur

Considérant que le contrat cadre de sous-traitance conclu entre les sociétés DEF et Expro le 26 août 2004 n’est pas applicable aux ventes de systèmes Proinert conclues entre ces mêmes sociétés dès lors que le contrat cadre n’a vocation à s’appliquer qu’à des prestations d’installation de systèmes de protection contre l’incendie sur les sites de la société France Télécom ; qu’ainsi contrairement à ce que soutient la société DEF, l’article XIX du contrat du 26 août 2004 stipulant que ledit contrat est soumis au droit français n’est pas applicable aux ventes conclues entre les sociétés DEF et Expro ; que s’agissant de contrats conclus entre une société belge et une société française et donc de contrats internationaux, il convient de rechercher la règle de conflit permettant de déterminer le droit substantiel applicable; que cette règle est déterminée par la convention [Localité 7] du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère international d’objets mobiliers corporels ;

Considérant qu’en vertu de l’article 3 de cette convention et en l’absence de choix de loi par les parties, la vente est régie par la loi interne du pays où le vendeur a sa résidence habituelle au moment où il reçoit la commande ;

Considérant qu’en l’espèce, il est constant que la société Expro, vendeur, avait sa résidence habituelle en Belgique au moment où elle a reçu les commandes de la société DEF ; que c’est donc le droit substantiel belge qui est applicable ; que selon l’article 1er de la convention [Localité 6] du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises, cette convention s’applique aux contrats de vente de marchandises entre des parties ayant leur établissement dans des états différents lorsque ces Etats sont des Etats contractants; que les parties aux contrats de vente ont leur établissement en France et en Belgique et que ces Etats sont tous deux signataires de la convention [Localité 6] ; que dès lors, cette convention doit recevoir application ;

Considérant que selon l’article 39 2) de cette convention, l’acheteur est déchu du droit de se prévaloir d’un défaut de conformité, s’il ne le dénonce pas au plus tard dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle les marchandises lui ont été effectivement remises, à moins que ce délai ne soit incompatible avec la durée d’une garantie contractuelle ;

Considérant qu’il ressort clairement des travaux préparatoires de la convention [Localité 6] que l’instauration d’un délai butoir de deux ans est bien l’expression d’un choix politique pour répondre à des impératifs de sécurité juridique ; que la limite temporelle fixée est en effet destinée à écarter un risque indéfini de contestation; que le délai de deux ans ne peut donc être différé à la date à laquelle le défaut de conformité est apparu ;

Considérant en revanche que l’article 40 de la convention prévoit que le vendeur ne peut pas se prévaloir de l’article 39 lorsque le défaut de conformité porte sur des faits qu’il connaissait ou ne pouvait ignorer et qu’il n’a pas révélés à l’acheteur ;

Considérant qu’en l’espèce, la société DEF se plaint du défaut de conformité des marchandises livrées par la société Expro en ce qu’elles ne répondent pas aux spécifications contractuelles en matière de remplissage des réservoirs et d’utilisation quant aux températures et présentent un défaut au niveau du joint qui provoque des déclenchements intempestifs ;

Considérant qu’en l’espèce, la dénonciation de ces défauts de conformité à la société Expro a été effectuée par lettre du 14 novembre 2013; que toutefois la dernière facture concernant les matériels litigieux date du 29 octobre 2010 ; qu’on peut déduire de la date des factures que les livraisons sont antérieures ; qu’ainsi le délai de deux ans concernant la dernière vente de sparklets expirait le 29 octobre 2012; qu’à cette date, il n’est pas démontré que la société Expro connaissait l’existence d’un quelconque défaut au niveau du joint des sparklets alors que ce point est discuté et non établi; qu’en outre, il n’est pas démontré qu’à cette date, la société Expro connaissait les nouvelles spécifications de la société Fike en matière de remplissage des réservoirs; qu’ainsi la société DEF est déchue du droit de se prévaloir de ces défauts de conformité faute d’avoir respecté le délai de dénonciation imparti ;

Considérant qu’en revanche, la société Expro reconnaît qu’elle avait été informée, au mois de janvier 2012, de nouvelles spécifications en matière d’utilisation des sparklets quant aux températures minimales et maximales ; qu’aucune déchéance ne peut être opposée concernant le droit de se prévaloir de ce défaut pour les ventes de la société Expro postérieures au mois de janvier 2012 ;

Considérant toutefois qu’à défaut de contrat écrit concernant lesdites ventes, il n’est aucunement démontré que la société Expro s’était contractuellement engagée à ce que les réservoirs pilotes supportent une amplitude thermique de ‘ 40°C à + 60°C; que le défaut de conformité allégué n’étant pas établi, la responsabilité de la société Expro ne saurait être retenue sur ce fondement ;

2/ Sur la responsabilité de la société Expro du fait des produits

* Sur le droit applicable

Considérant que la règle de conflit pour déterminer la loi applicable résulte de la convention [Localité 7] du 2 octobre 1973 sur la loi applicable à la responsabilité du fait des produits ;

Considérant que selon son article premier, cette convention détermine la loi applicable à la responsabilité des fabricants pour les dommages causés par un produit, y compris les dommages résultant d’une description inexacte du produit ou de l’absence d’indication adéquate concernant ses qualités, ses caractères spécifiques ou son mode d’emploi ;

Considérant que l’article 3 de cette convention précise qu’elle s’applique à la responsabilité des fournisseurs de produits ;

Considérant que l’article 4 de cette convention prévoit que la loi applicable est la loi interne de l’Etat sur le territoire duquel le fait dommageable s’est produit, si cet Etat est aussi l’Etat de la résidence habituelle de la personne directement lésée ;

Considérant qu’en l’espèce, la société DEF, qui est la personne qui se prétend directement lésée, a sa résidence habituelle en France ; que le fait dommageable allégué s’est produit en France; que dès lors, la loi française est applicable ;

* Sur la responsabilité du fait des produits défectueux

Considérant qu’en vertu de l’article 1386-7 du code civil dans sa version applicable au litige, si le producteur ne peut être identifié, le vendeur ou tout autre fournisseur professionnel est responsable du défaut de sécurité du produit dans les mêmes conditions que le producteur ;

Considérant qu’en l’espèce, il est constant que le producteur des systèmes Proinert litigieux est la société Fike; que dès lors, la responsabilité du vendeur, la société Expro, ne peut être engagée sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux ; que la demande de ce chef sera rejetée ;

‘ Sur les demandes des sociétés MMA

Considérant que les sociétés MMA, qui agissent sur le fondement de la subrogation, ne sauraient avoir plus de droits que leur auteur, la société DEF ; que leurs demandes en responsabilité et de condamnation à l’encontre des sociétés Fike et Expro seront donc rejetées ;

‘ Sur la garantie de la société AG Insurance

Considérant que les demandes de la société DEF et des sociétés MMA à l’encontre de la société Expro ont été rejetées ; que dès lors, leur demande en garantie formulée à l’encontre de son assureur ne peut prospérer ;

‘ Sur les dépens et l’article 700 du code de proce’dure civile

Considérant que la société DEF et les sociétés MMA succombent à l’instance ; qu’elles supporteront in solidum les dépens de première instance et d’appel ; que le jugement entrepris sera réformé en ce qu’il a condamné la société DEF et la société Fike au titre des frais irrépétibles ; que la société DEF sera condamnée à régler à la société Expro une somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; que la société DEF et les sociétés MMA seront condamnées à régler à la société AG Insurance une somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles ; que les autres demandes sur ce fondement seront rejetées ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement par arrêt par défaut en dernier ressort,

INFIRME le jugement du tribunal de commerce de Paris du 28 juin 2017 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

DIT que le contrat conclu le 5 mars 2004 entre les sociétés Fike et DEF et le contrat conclu le 26 août 2004 entre les sociétés Expro et DEF ne constituent pas ensemble contractuel indivisible ;

DÉBOUTE la société DEF de sa demande tendant à la mise en oeuvre de la garantie contractuelle de la société Fike ;

DÉBOUTE la société DEF de sa demande tendant à la mise en oeuvre de la responsabilité contractuelle légale de la société Fike ;

DÉBOUTE la société DEF de sa demande tendant à l’engagement de la responsabilité de la société Fike au titre de la responsabilité du fait des produits défectueux ;

DIT que la société est DEF déchue du droit de se prévaloir des défauts de conformité allégués consistant en un défaut au niveau du joint des sparklets, en une modification des préconisation en matière de remplissage des réservoirs ainsi qu’en une modification des amplitudes thermiques pour les ventes antérieures au mois de janvier 2012 ;

DÉBOUTE la société DEF de sa demande tendant à l’engagement de la responsabilité de la société Expro au titre du défaut de conformité résultant d’une modification des amplitudes thermiques des réservoirs pilotes pour les ventes postérieures au mois de janvier 2012 ;

DÉBOUTE la société DEF de sa demande tendant à l’engagement de la responsabilité de la société Expro sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux ;

DÉBOUTE les sociétés MMA de leurs demandes en responsabilité et de condamnation à l’encontre des sociétés Fike et Expro ;

DÉBOUTE la société DEF et les sociétés MMA de leurs demandes en garantie à l’encontre de la société AG Insurance ;

CONDAMNE la société DEF à régler à la société Expro une somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société DEF et les sociétés MMA à régler à la société AG Insurance une somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE in solidum la société DEF et des sociétés MMA aux dépens de première instance et d’appel ;

REJETTE les autres demandes.

La Greffière La Conseillère faisant fonction de Présidente

Cécile PENG Fabienne SCHALLER

 


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