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14 mars 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/03445
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 13
ARRET DU 14 MARS 2023
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/03445
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Mars 2014 – Tribunal de Grande Instance de Paris – RG n° 12/02506
APPELANT
Monsieur [U] [V]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Sandra THENOT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0791
INTIME
Monsieur [X] [M]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Roger LEMONNIER de la SCP LEMONNIER- DELION- GAYMARD – RISPAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0516
Ayant pour avocat plaidant Me françois MARCEL, avocat au barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, et devant Mme Estelle MOREAU, Conseillère chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre
Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre
Mme Estelle MOREAU, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Florence GREGORI
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 14 mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Mme Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
M. [V], propriétaire d’un terrain situé n°[Adresse 1], a été assigné devant le tribunal de grande instance de Boulogne-Billancourt, le 17 avril 2002, par M. [G], propriétaire du fonds voisin, aux fins d’élagage d’arbres situés en limite séparative des deux fonds.
Par jugement du 22 mai 2003, le tribunal d’instance de Boulogne-Billancourt a désigné M. [X] [M], inscrit sur la liste des experts judiciaires près la cour d’appel de Versailles en qualité de consultant. Ce dernier a déposé un pré-rapport de consultation le 17 octobre 2003, puis, après observations des parties, son rapport définitif le 7 novembre 2003.
Par jugement du 5 janvier 2005, le tribunal d’instance de Boulogne-Billancourt, rejetant la demande de nullité du rapport de M. [M], a condamné M. [V] à couper, au niveau de la limite séparative des fonds, les branches des arbres énumérés dans le rapport du consultant judiciaire empiétant sur le fonds [G], et à élaguer à 2,50 mètres de hauteur les 24 lauriers énumérés en page 4 de ce rapport, dans un délai de 65 jours à compter de la signification du jugement sous peine d’une astreinte de 20 euros par jour de retard.
Ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d’appel de Versailles du 28 février 2006. Le 13 juin 2007, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par M. [V] contre cet arrêt.
C’est dans ces circonstances que par acte du 30 janvier 2012, M. [V], reprochant à M. [M] d’avoir manqué à ses obligations professionnelles, l’a assigné en responsabilité devant le tribunal de grande instance de Paris.
Par jugement du 27 mars 2014, le tribunal judiciaire de Paris a :
– dit que M. [M] n’a pas commis de faute,
– rejeté les demandes de M. [V],
– rejeté la demande reconventionnelle de M. [M],
– condamné M. [V] aux dépens, avec les modalités de l’article 699 du code de procédure civile,
– condamné M. [V] à payer une somme de 5 000 euros à M. [M] au titre de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté toutes les autres demandes présentées de ce chef,
– dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration du 12 mai 2014, M. [V] a interjeté appel de ce jugement.
M. [V] a sollicité le sursis à statuer dans l’attente, notamment, de l’arrêt à intervenir sur le pourvoi en cassation qu’il avait formé à l’encontre d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles rejetant son recours en révision contre le jugement du tribunal d’instance de Boulogne-Billancourt du 5 janvier 2005.
Par ordonnance du 2 février 2016, le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation de l’affaire du rôle des affaires en cours dans l’attente de la décision de la Cour de cassation.
A la suite d’un arrêt de cassation rendu le 7 décembre 2017 pour manquement de l’obligation de communication au ministère public du recours en révision, M. [V] a sollicité le rétablissement de l’affaire au rôle par conclusions du 6 décembre 2019.
Par ordonnance du 4 mai 2021, le conseiller de la mise en état a constaté que l’incident de communication de pièces initié par M. [M] était devenu sans objet du fait de la production par M. [V] de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 17 décembre 2020 statuant sur renvoi après cassation, ayant rejeté la demande de révision du jugement du tribunal d’instance de Boulogne-Billancourt.
Par ordonnance du 19 octobre 2021, le conseiller de la mise en état a débouté M. [V] de sa nouvelle demande de sursis à statuer présentée sur le fondement du pourvoi en cassation formé contre cet arrêt.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 28 novembre 2022, M. [U] [V] demande à la cour de :
– prononcer le rétablissement de l’instance,
– le déclarer recevable et bien fondé en son appel,
– infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
– débouter M. [M] de toutes ses prétentions,
et statuant à nouveau,
– constater, dire et juger que M. [M] a commis de nombreuses fautes dans l’accomplissement de la mission confiée par le tribunal, engageant ainsi sa responsabilité vis-à-vis de lui au titre des branches charpentières coupées par M. [G] sans aucune autorisation comme reconnu par ce dernier dans ses écritures,
– condamner M. [M] à lui payer :
– la somme de 357 000 euros à parfaire en réparation des nombreux frais supportés à la suite des actions judiciaires qui ont découlé des fautes de M. [M],
– la somme de 200 000 euros au titre du préjudice moral subi,
– la somme de 45 800 euros au titre de dommages et intérêts représentant la perte de valeur des arbres litigieux coupés par M. [G] à l’intérieur de sa propriété sans aucune autorisation,
– condamner M. [M] à lui payer le coût de la destruction du massif ordonné par le tribunal et de sa remise en état par des nouvelles plantations de même essence, du même âge, de même circonférence de tronc, en tenant compte des arbres endommagés par les travaux de coupe du massif et de retrait des souches des lauriers, en lien direct avec la faute de M. [M], à dires d’expert qui sera désigné par la cour,
– condamner M. [M] à le garantir de toute réclamation qui pourrait être formée par les héritiers de M. [G] au titre de la convention de servitude qui exige le maintien du massif mais également des réclamations de la préfecture d’Ile de France et des amendes et conditions de reboisement exigées par l’administration exclusivement compétente pour statuer en cette matière,
– condamner M. [M] au paiement d’une somme de 20 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [M] aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions au fond notifiées et déposées le 19 août 2021, M. [X] [M] demande à la cour de :
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :
– dit qu’il n’a pas commis de faute,
– rejeté les demandes de M. [V],
– condamné M. [V] à lui payer une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté ses demandes reconventionnelles,
en conséquence,
– condamner M. [V] à lui payer la somme de 10 000 euros pour atteinte à son honorabilité professionnelle,
– condamner M. [V] à lui payer la somme de 2 000 euros pour procédure abusive,
y ajoutant,
– condamner M. [V] à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [V] en tous les dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 29 novembre 2022 conformément à l’ordonnance du 23 décembre 2021.
Par conclusions de rejet des conclusions adverses notifiées et déposées le 2 décembre 2022, M. [X] [M] demande à la cour de :
– écarter des débats les conclusions de M. [V] signifiées le 28 novembre 2022 comme tardives,
– lui allouer le bénéfice de ses écritures signifiées le 19 août 2021,
– condamner M. [V] à tous les dépens.
SUR CE :
Il n’y a pas lieu d’ordonner le rétablissement de l’affaire qui a déjà été rétablie au rôle du fait de son audiencement.
Sur le rejet des débats des conclusions de M. [V] :
M. [M] sollicite que les écritures de l’appelant notifiées la veille de l’ordonnance de clôture soient écartées des débats comme étant tardives, aux motifs qu’il a sollicité le report de l’ordonnance de clôture en faisant valoir qu’il n’était pas en mesure de répliquer à ces conclusions contenant des ajouts par rapport à l’argumentation qui lui était opposée dans les précédentes écritures du 6 décembre 2019, alors que pour sa part, il avait conclu au fond le 19 août 2021, et que le conseiller de la mise en état n’a pas accueilli sa demande.
Selon l’article 15 du code de procédure civile, ‘Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les élements de preuve qu’elles produisent et les moyens de défense qu’elle invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense’.
Si les écritures de M. [V] ont été notifiées la veille de l’ordonnance de clôture alors que M. [M] avait conclu le 19 août 2021 et qu’il était informé de la date de clôture depuis le 23 décembre 2021, elles sont similaires aux précédentes et ne contiennent pas de demandes et moyens nouveaux nécessitant une réponse en sorte que leur dépôt n’est pas attentatoire au principe du contradictoire.
Il n’y a donc pas lieu de les écarter des débats.
Sur la responsabilité délictuelle de M. [M] :
Le tribunal a jugé que la responsabilité délictuelle de M. [M] n’était pas engagée à défaut de caractérisation d’un quelconque manquement de sa part dans l’exécution de sa mission aux motifs que :
– s’agissant du premier grief tiré de l’absence de vérification de l’existence d’une convention de servitude antérieure, il appartenait à M. [V] de communiquer la convention de servitude du 2 juillet 1954 qu’il détenait, et non à M. [M]. de la rechercher,
– quant au grief ayant trait au défaut d’application d’une règlementation particulière, M. [M] n’avait pas pour obligation d’évoquer la réglementation relative aux coupes et abattages car les lauriers ne sont pas soumis à une autorisation d’élagage,
– il ne peut davantage être reproché à M. [M] d’avoir procédé à des prélèvements à hauteur de 1,80 mètres dans la bande des deux mètres de la limite séparative des fonds et d’en avoir conclu que les lauriers palmes avaient été élagués à environ deux mètres de hauteur depuis moins de 30 ans dans ladite bande, le tribunal ayant jugé que M. [V] n’invoquait pas utilement la prescription trentenaire,
– M. [V] ne produit aucun élément de preuve démontrant que M. [M] a été partial ou a tenté de tromper le tribunal.
L’appelant souligne à titre liminaire que M. [M] est inscrit sur la liste des experts près la cour d’appel de Versailles de l’année 2003 en qualité d’expert forestier à la fois à titre personnel mais également sous l’enseigne ‘Phytoconseil’ ce qui est contraire aux règles régissant l’inscription des experts prévues par le décret du 31 décembre 1974 interdisant l’inscription d’une personne physique ou morale sur plusieurs listes. Il considère que M. [M], qui conteste être expert forestier et n’a pas sollicité l’assistance d’un sapiteur, doit en assumer les conséquences.
Il reproche à M. [M] divers manquements dans l’exercice de sa mission, de nature à engager sa responsabilité délictuelle :
– en ne s’assurant pas de l’existence d’une convention ou servitude antérieures, en s’abstenant de solliciter la convention de servitude par destination du père de famille du 2 juillet 1954 dont il faisait personnellement état et visée dans l’acte de propriété incomplet de M. [G] du 18 novembre 1970 mentionnant l’existence de servitudes perpétuelles à la charge des deux parties, alors qu’étant pour sa part sans conseil, il ignorait qu’il pouvait se procurer la convention de servitude auprès du notaire et que cette convention prévoit qu’il doit exister perpétuellement un rideau de verdure entre les deux propriétés,
– en préconisant une solution d’élagage des lauriers palmes de 8-10 mètres à une hauteur de 2,50 mètres impossible à exécuter car revenant à couper la totalité des troncs d’arbres et non pas les branches d’arbustes, entrainant la mort des lauriers palmes en contradiction avec cette convention de servitude et alors qu’une telle mesure n’était pas nécessaire puisque les arbres ne provoquaient aucune gêne sur la propriété de M. [G],
– en ne prenant pas en compte la datation des arbres, alors que plusieurs éléments prouvent qu’ils sont âgés de plus de trente ans et exclus de la mission en raison de la prescription trentenaire,
– en faisant preuve de partialité et en cherchant à tromper le tribunal dans son croquis et son rapport,
– en ne vérifiant pas si les arbres étaient situés dans une zone protégée ZPPAUP soumettant les coupes, élagages, etêtages, abattages et déboisement à une déclaration préalable de l’autorité administrative, comme le demandait le tribunal, ce qui est le cas en l’espèce, M. [M] se bornant à retenir les éléments du POS favorables à M. [G] tout en faisant abstraction de ceux y figurant indiquant qu’il existe une zone ZPPAUP, et en induisant le tribunal en erreur alors que la décision ayant trait à la coupe des arbres dans une telle zone protégée relevait de la compétence du tribunal administratif,
– en ne procédant à aucun prélèvement à hauteur de 2,50 mètres permettant la datation correcte des arbres, M. [M] se contentant d’un prélèvement à 1,80 mètres sur une ‘branche’ plus petite que les autres et en réalisant des croquis trompeurs ayant trait au prélèvement effectué mais également à la présentation des lauriers palmes donnant à penser qu’ils peuvent être élagués.
Il(s) considère que les irrégularités consécutives et conclusions fautives du rapport démontrent la défaillance de M. [M] dans l’accomplissement de sa mission et fait valoir l’impossibilité d’exécuter le jugement du tribunal d’instance rendu au vu de son rapport définitif de consultation.
M. [M] conteste tout manquement aux motifs que :
– la recherche d’une servitude conventionnelle ne rentrait pas dans sa mission et il n’avait pas qualité pour l’entreprendre, étant désigné comme consultant inscrit dans la rubrique ‘horticulture’ et non pas en qualité d’expert en droit notarial, qu’en tout état de cause il appartenait aux parties de lui communiquer spontanément toute pièce utile et il ne pouvait se procurer en 2003 une convention dont M. [V] ne justifie pas lui avoir fait état et qu’il précise avoir obtenue en 2012 et qu’au demeurant une telle recherche aurait été vaine, l’état hypothécaire ne révélant l’existence d’aucune servitude publiée,
– au surplus, il n’a préconisé aucune mesure de coupe ou d’abattage mais d’élagage des branches d’arbres empiétant sur la propriété de M. [G] et l’étêtement de végétaux à hauteur de 2,50 mètres, en sorte qu’il n’est porté aucune atteinte à la convention de servitude,
– il n’a pas méconnu la règlementation ZPPAUP relative aux coupes et abattage, non applicable, s’étant pour sa part borné à rappeler et préconiser le respect de la réglementation en vigueur s’agissant de la taille de végétaux en vertu du code civil et du POS, M. [V] invoquant vainement les avis d’ingénieurs de l’INRA et un courrier de l’architecte de France alors que les lauriers palmes ne sont pas des arbres mais des arbustes de haie insusceptibles de dépasser une hauteur de 5 mètres, en sorte que l’élagage des lauriers palmes ne nécessitait aucune autorisation administrative,
– il n’a commis aucune erreur de datation, les rapports de l’INRA invoqués par M. [V] n’étant pas incompatibles avec ses constatations et conclusions,
– les accusations de partialité formulées par l’appelant ne reposent sur aucun justificatif et sont dénuées de tout fondement.
Le consultant engage sa responsabilité personnelle à raison des fautes commises dans l’accomplissement de sa mission, conformément aux règles de droit commun de la responsabilité civile qui imposent la démonstration d’une faute, d’un lien de causalité et d’un préjudice.
A titre liminaire, M. [M] est inscrit sur la liste des experts près la cour d’appel de Versailles dans la rubrique ‘forêt-horticulture’ et ni les irrégularités d’inscription sur ladite liste, ni son défaut de compétence pour procéder à la consultation ordonnée par le tribunal d’instance ne sont démontrées.
M. [M] a été désigné aux fins de consultation, avec notamment pour mission de :
‘- se rendre sur place,
– entendre les parties et se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utile à l’accomplissement de sa mission,
– rechercher si une réglementation particulière (POS, ZPPAUD, etc…) s’applique à la plantation, à l’arrachage, à la réduction ou à l’élagage des arbres, arbrisseaux et arbustes des propriétés de MM. [V] et [G],
– dresser un schéma sur lequel seront représentés les arbres, arbrisseaux et arbustes de M. [V] se trouvant sur la limite du fonds voisin de M. [G] et ce, sur toute la longueur de l’allée donnant accès à la propriété de ce dernier,
– indiquer à quelle distance se trouvent ces plantations de la ligne séparative des deux héritages à l’exception des deux ifs, des deux érables sycomores et des lauriers pour lesquels les mesures ont été prises par l’Office National des Forêts,
– préciser si les plantations situées à une distance comprise entre 50 centimètres et 2 mètres dépassent 2 mètres de hauteur,
– décrire les éventuels troubles subis par M. [G] du fait de l’existence des plantations situées à une distance inférieure à celle prévue par l’article 671 du code civil,
– rechercher, hormis pour les arbres ayant fait l’objet de l’étude de l’ONF, si les plantations situés à moins de 50 centimètres de la limite séparative, ou se trouvant à une distance comprise entre 50 centimètres et 2 mètres mais mesurant plus de 2 mètres de hauteur, existaient à l’époque de la division des fonds, intervenue le 18 mars 1953 ; vous pourrez notamment, à cet effet, déterminer l’âge des arbres concernés ;
– établir une liste précise et un schéma des arbres, arbustes et arbrisseaux se trouvant le long de cette limite séparative dont les branches avancent sur la propriété de M. [G]’.
Selon l’article 256 du code de procédure civile, ‘Lorsqu’une question purement technique ne requiert pas d’investigations complexes, le juge peut charger la personne qu’il commet de lui fournir une simple consultation’.
Ainsi que l’a pertinemment retenu le tribunal, il n’entrait pas dans la mission du consultant de rechercher l’existence d’une servitude conventionnelle.
M. [M] n’avait aucune obligation d’exiger de M. [G] la communication complète de son acte de propriété produit par extraits devant le tribunal d’instance, tant le libellé de sa mission que l’article 243 du code de procédure civile sur lequel M. [V] fonde (sur) ses prétentions lui offrant la faculté de se faire communiquer tout document utile, sans le lui imposer, et aucun élément ne justifiant qu’il exige la communication d’une pièce dont le tribunal d’instance lui même n’a pas relevé le caractère incomplet.
Le consultant n’avait pas davantage pour obligation de solliciter les actes enregistrés auprès du notaire ou des services fiscaux, démarche qui lui aurait prétendument permis de découvrir l’existence de la servitude conventionnelle conclue le 2 juillet 1954, au demeurant non expressément visée dans l’acte de propriété de M. [G].
Il ne ressort pas du jugement du 22 mai 2003 que M. [V] aurait fait valoir l’existence d’une servitude conventionnelle, ce dernier ayant seulement prétendu que ‘tous les arbres dont l’arrachage est demandé existaient avant la division de la propriété et bénéficiaient donc d’une servitude par destination du père de famille’. Il ne justifie pas avoir informé M. [M] de l’existence d’un tel acte et il lui appartenait le cas échéant de communiquer cette pièce qu’il estimait utile au déroulement des opérations de consultation.
Au surplus, la servitude conventionnelle du 2 juillet 1954 qui prévoit de ‘conserver les arbres qui existent actuellement et même de les remplacer dans l’avenir, afin de maintenir un rideau de verdure’ ne fait pas obstacle à l’élagage des arbres, leur coupe voire même leur arrachage sous réserve de l’adoption d’une solution permettant le maintien d’un rideau de verdure.
M. [M], recherchant si une règlementation particulière était applicable aux lauriers palmes implantés entre 0,50 et 2 mètres de la limite de propriété, a mentionné les dispositions du plan d’occupation des sols (POS) relatives aux plantations, précisant que ‘Les clôtures peuvent être constituées par une haie végétale doublée au centre par un griffage, afin de respecter la continuité paysagère des jardins, l’ensemble ne dépassant pas 2,50 mètres’, et en a déduit que ‘la règlementation impose la taille des végétaux de haie à 2,50 mètres de hauteur maximum’.
Les lauriers palmes ne constituent pas des arbres mais des arbustes de haie, comme les qualifie d’ailleurs M. [K], technicien de l’Institut national de recherche agronomique (INRA) dont M. [V] produit les courriers (pièces 12 et 45), peu important à ce titre que leur hauteur ait été de 4,5 à 5 mètres lors des opérations de consultation. M. [M] n’a donc commis aucune faute en se référant à la règlementation spécifique prévue dans le POS en vigueur relativement aux plantations constituant une haie de clôture végétale. Il n’avait pas à écarter ces dispositions spécifiques au profit de celles, générales, annexées au POS et prévues au titre la Zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), dont l’article 13-1 prévoit que ‘Les plantations existantes doivent être conservées dans toute la mesure du possible et chaque sujet abattu doit être remplacé par un arbre de même essence ou à défaut, par des sujets appropriés’. Au demeurant, il n’a été préconisé aucune solution d’abattage, ni même de déboisement, mais d’élagage à 2,50 mètres de hauteur, mesure non prohibée ni soumise à autorisation administrative par la règlementation invoquée par l’appelant.
M. [M] a déduit de ses opérations la présence de 24 lauriers palmes situés entre 0,50 et 2 mètres de la limite séparative des fonds et ayant dépassé deux mètres de hauteur il y a moins de 30 ans.
Pour déterminer l’âge des lauriers palmes et après avoir constaté que les arbustes avaient été taillés en hauteur assez régulièrement ainsi que le montre la ramification du tronc et des branches principales, il a procédé au carottage immédiatement au desus de la première ramification, vers 1,80 mètres, d’un arbuste taillé plus bas que ses voisins et ce afin de déterminer si les arbustes dépassaient 2 mètres de hauteur lors de la séparation du fonds intervenue en 1954. Il indique que le comptage des cernes sur cette branche a montré que celle-ci était, à sa base, âgée autour de 28 ans.
Il précise, au vu du courrier de l’ONF du 2 octobre 2002 ayant trait à l’estimation de l’âge des arbres produit par l’appelant que, comme le précise justement l’ONF dans cette étude, les bas de ces arbres sont âgés de plus de 57 ans mais les lauriers palmes ont tous été anciennement écimés vers 2 mètres de hauteur, hauteur à laquelle ils étaient probablement taillés précédemment. Les prélèvements effectués sur la base des nouvelles branches formées au dessus de ces coupes montrent que les rejets actuels, qui dépassent la hauteur de 2 mètres, se sont formés il y a envirosn 28 ans si bien que, si la haie discontinue a été implantée il y a 57 ans au plus, les tailles d’entretien qu’elle a subies font qu’elle a dépassé 2 mètres de hauteur il y a moins de 30 ans.
M. [V] ne conteste pas utilement la méthode employée par le consultant qui est explicitée et conforme aux usages. Le fait qu’il ait effectué le carottage à bout de bras à 1,80 m du sol plutôt que 2,50 mètres est sans incidence quant à la pertinence de ses constatations puisqu’il a retenu une ancienneté inférieure à 30 ans et que les ramifications supérieures étaient nécessairement plus jeunes. La circonstance que l’ONF daterait différemment les arbustes dans de nouvelles études, postérieures audit rapport, en effectuant des prélèvements à la base du tronc ou en deça de la hauteur de 2 mètres n’est pas pertinente pour démontrer la faute du consultant.
Le tribunal d’instance de Boulogne-Billancourt, par jugement passé en force de chose jugée du 5 janvier 2005, a retenu que les imprécisions alléguées au titre de la consultation étaient sans incidence, dès lors que le point de départ de délai de la prescription trentenaire se situe à la date à laquelle les arbustes litigieux ont dépassé non la hauteur de 2 mètres mais celle de 2,50 mètres.
Le rapport de l’INRA consulté le 10 juillet 2006 par M. [V], soit après ledit jugement et indiquant que le 3ème prélèvement réalisé sur le 5ème arbuste à 2,50 mètres de hauteur révèle un âge se situant dans une fourchette comprise en 34 et 37 années, et la lettre de l’ONF du 9 avril 2010 portant une appréciation de ce rapport, ne sont pas nécessairement incompatibles avec les constatations de M. [M] trois ans plus tôt.
D’ailleurs, l’examen scientifique par un laboratoire de l’échantillon prélevé à une hauteur de 1,80 mètres par M. [M] révèle une datation de 30 ou 31 ans ou de 31 ou 32 ans, ce qui exclut une datation de plus de 30 ans à hauteur de 2,50 mètres.
Il n’est aucunement justifié que l’élagage des lauriers palmes à hauteur de 2,50 mètres serait impossible en ce qu’une telle mesure reviendrait à rabattre leurs troncs et entraînerait leur mort, alors que M. [M] a fait le constat que ‘Comme le précise justement l’ONF dans son étude, les bas de ces arbres sont âgés de plus de 57 ans, mais les lauriers palmes ont tous été anciemment écimés vers 2 mètres de hauteur, hauteur à laquelle ils étaient probablement taillés précédemment. Les prélèvements effectués sur la base des nouvelles branches formées au dessus de ces coupes montrent que les rejets actuels, qui dépassent la hauteur de 2 mètres, se sont formées il y a environ 28 ans (…)’. L’ONF reconnaît d’ailleurs que ‘la haie a subi un étêtage ancien au delà de deux mètres de hauteur’ (pièce 13). L’allégation par M. [M] que les lauriers palmes peuvent repousser après coupe avec une grande facilité, même au ‘ras du sol’, et a fortiori à 2 mètres 50 de hauteur ne constitue aucunement la reconnaissance qu’ils allaient disparaître.
Pas plus devant le tribunal d’instance ayant rejeté la demande d’annulation du rapport de M. [M], que devant le tribunal et la cour, M. [V] ne démontre la partialité alléguée du consultant. En particulier, le croquis de M. [M] représentant le laurier palme avec un seul tronc, et non pas une souche d’où partiraient plusieurs troncs lisses dépassant 2,50 mètres comme le soutient l’appelant, ne démontre ni son incompétence, ni sa partialité, ni sa volonté de tromper le tribunal, ce schéma figuratif ayant pour objet de renseigner la hauteur de l’arbre et de localiser les rejets après élagage et la branche sur laquelle la ramification a été effectuée.
Quant aux autres griefs formés à l’encontre de M. [M], ce dernier s’est bien prononcé sur la gêne occasionnée par la haie de lauriers palmes, en signalant une perte de luminosité modérée. Il ne saurait lui être reproché d’avoir reproduit en annexe de son rapport les documents remis par les parties dont le courrier de M. [G] et les photographies jointes adressés au juge d’instance pour s’opposer à la demande d’extension de la consultation formée par M. [V] au titre de la prétendue gêne causée par les arbres implantés sur la propriétéde M. [G]. De même, il n’est démontré aucune partialité de M. [M] pour avoir indiqué que les ifs dépassaient la limite séparative des propriétés de MM. [G] et [V], lequel n’a d’ailleurs fait aucune observation à ce titre à la réception du pré-rapport.
En l’absence de caractérisation d’une faute de M. [M], M. [V] a été débouté à bon droit de l’ensemble de ses demandes. Le jugement est donc confirmé de ce chef.
Sur les demandes indemnitaires de M. [M] :
Le tribunal a rejeté les demandes indemnitaires de M. [M] aux motifs que les faits diffamatoires allégués n’étaient pas étrangers à la cause au sens de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 en sorte que la demande au titre de l’atteinte à l’honorabilité professionnnelle n’était pas fondée et qu’il n’était caractérisé aucun abus du droit d’ester en justice.
M. [M] fait valoir une atteinte à son honorabilité et à sa réputation par M. [V] l’accusant de partialité et d’intention délibérée de tromper le juge qui l’a nommé, soit de manquements à la morale, à la déontologie et aux obligations professionnelles auxquelles sont astreints les experts judiciaires, ainsi que l’acharnement et le jusqu’auboutisme procéduraux de M. [V] sans limite et dégénérant en abus de droit.
Quand bien même M. [V] a remis en cause la compétence et l’impartialité de M. [M], ces propos, circonscrits au débat judiciaire, n’ont fait l’objet d’aucune publicité et n’ont pas porté atteinte à son honneur et son honorabilité. La demande indemnitaire de ce chef formée par M. [M] a donc été pertinemment rejetée par les premiers juges.
En revanche, il est démontré par les pièces produites aux débats que l’action en responsabilité est exercée à l’égard de M. [M] à la seule fin de permettre à M. [V] d’échapper aux conséquences du jugement du tribunal d’instance du 5 janvier 2005 devenu irrévocable, ayant rejeté la demande d’annulation du rapport d’expertise et condamné M. [V] à élaguer les lauriers palmes litigieux à hauteur de 2,50 mètres, condamnation qu’il a tenté de combattre par tout moyen, tant au titre de recours en révision qu’à l’occasion de diverses procédures devant le juge d’exécution et le juge des référés. Il tente de faire endosser les conséquences de cette condamnation à M. [M] en formulant à son encontre des moyens déjà vainement invoqués devant le juge d’instance et plusieurs juges d’exécution au soutien de ses demandes d’annulation du rapport mais également des difficultés faisant obstacle à l’exécution du jugement du tribunal d’instance.
M. [V] qui ne pouvait dès lors se méprendre quant à l’étendue de ses droits et dont la volonté de se soustraire à ses obligations a déjà été soulignée par le juge d’exécution, a donc commis un abus du droit d’ester en justice, source de soucis et tracas pour M. [M], lequel préjudice doit être indemnisé à hauteur de 2 000 euros.
Il convient en conséquence de condamner M. [V] au paiement de cette somme en infirmation du jugement.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
M. [V] échouant en ses demandes est condamné aux dépens d’appel et à payer à M. [M] une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à 10 000 euros, cette indemnité incluant les frais exposés au titre des incidents de mise en état et qui avaient été réservés.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Dit n’y avoir lieu à écarter des débats les conclusions de M. [U] [V] notifiées le 28 novembre 2022,
Confirme le jugement en ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté M. [X] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Statuant de ce chef,
Condamne M. [U] [V] à payer à M. [X] [M] la somme de 2 000 euros pour procédure abusive,
Condamne M. [U] [V] à payer à M. [X] [M] la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [U] [V] aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,