Choisir son nom de société : le risque de contrefaçon

Choisir son nom de société : le risque de contrefaçon

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Choisir pour dénomination sociale, nom commercial ou nom de domaine, un signe déjà déposé à titre de marque par un tiers expose à une condamnation pour contrefaçon (exemple : “OVB Assurance”). 


Effets de l’enregistrement international des marques

Selon l’article 4 “Effets de l’enregistrement international” de l’Arrangement de Madrid concernant l’enregistrement international des marques du 14 avril 1891, modifié le 28 septembre 1979, “1) À partir de l’enregistrement ainsi fait au Bureau international selon les dispositions des articles 3 et 3ter, la protection de la marque dans chacun des pays contractants intéressés sera la même que si cette marque y avait été directement déposée. (…)” Il résulte corrélativement de l’article 189 du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne que tout enregistrement international désignant l’Union produit, à compter de la date d’enregistrement, les mêmes effets qu’une demande de marque de l’Union européenne.

Interdiction de l’usage de la marque d’un tiers


Conformément à l’article 9-2 de ce même règlement, “sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d’une marque de l’Union européenne, le titulaire de cette marque de l’Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou services lorsque:


a) ce signe est identique à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée;


b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque.”


Les conditions de la contrefaçon

Selon l’article L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle , constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9, 10, 13 et 15 du règlement (UE) 2017/1001.
17. Il résulte encore de l’article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle
> qu’ “Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :


1o D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;


2o D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.”


Interprétant les dispositions identiques au règlement de l’article 5 § 1 de la première Directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (89/104/CEE), la Cour de Justice de l’Union européenne a dit pour doit que, constitue un risque de confusion au sens de ce texte, le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement (voir arrêt Canon, C-39/97, point 29 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97).

L’existence d’un risque de confusion

Selon cette même jurisprudence, l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (voir, arrêt SABEL, C-251/95, point 22), cette appréciation globale impliquant une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte (voir arrêt Canon, point 17).


En outre, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants.

Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, arrêt Gut Springenheide et Tusky, C-210/96, point 31 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97, point 26).

Comment apprécier le degré de similitude ?


Afin d’apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, la juridiction nationale doit déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle et, le cas échéant, évaluer l’importance qu’il convient d’attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (voir arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97 ).

Enfin, pour apprécier la similitude entre des produits ou des services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits ou ces services ; ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (voir arrêt Canon, C-39/97, point 23).


L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause considérées chacune dans son ensemble (arrêt OHMI/Shaker, point 41).


L’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe peut, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. Toutefois, ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts OHMI/Shaker, points 41 et 42, ainsi que Nestlé/OHMI, points 42 et 43).


À cet égard, la Cour a précisé qu’il n’est pas exclu qu’une marque antérieure, utilisée par un tiers dans un signe composé comprenant la dénomination de l’entreprise de ce tiers, conserve une position distinctive autonome dans le signe composé. Dès lors, aux fins de la constatation d’un risque de confusion, il suffit que, en raison de la position distinctive autonome conservée par la marque antérieure, le public attribue également au titulaire de cette marque l’origine des produits ou des services couverts par le signe composé (arrêt Medion, C-120/04, points 30 et 36).


Cependant, un élément d’un signe composé ne conserve pas une telle position distinctive autonome si cet élément forme avec le ou les autres éléments du signe, pris ensemble, une unité ayant un sens différent par rapport au sens desdits éléments pris séparément (voir, en ce sens, ordonnance ecoblue/OHMI et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C-23/09 P, point 47; arrêt Becker/Harman International Industries, points 37 et 38 ; ordonnance Perfetti Van Melle/OHMI, points 36 et 37 ; arrêt Bimbo Sa c/ OHMI et Panrico, C-591/12 P, points 26 à 29).


 

République française
Au nom du peuple français


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
1ère section
No RG 22/02801
No Portalis 352J-W-B7F-CVZ3F
No MINUTE :
Assignation du :
24 décembre 2021
JUGEMENT
rendu le 12 janvier 2023

DEMANDERESSES
Société OVB HOLDING AG
[Adresse 3]
[Adresse 3] (ALLEMAGNE)

S.A.R.L. OVB CONSEILS EN PATRIMOINE FRANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentées par Me Caroline HILTGEN LEBOUVIER de l’AARPI EKV, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0777
DÉFENDERESSE

Société OVB ASSURANCE SAS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Défaillante

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
Elodie GUENNEC, Vice-présidente
Malik CHAPUIS, Juge,
assistés de Quentin CURABET, Greffier lors des débats et de Caroline REBOUL, Greffière lors de la mise à disposition.

DÉBATS

A l’audience du 27 septembre 2022 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Malik CHAPUIS, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

Avis a été donné à l’avocat que la décision serait rendue le 1er décembre 2022. Le délibéré a été prorogé au 12 janvier 2023.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE :

1. La société de droit allemand OVB Holding AG initialement dénommée OVB Vermögensberatung AG, se présente comme proposant, depuis sa création en Allemagne en 1970, une gamme étendue de services en matière d’assurance, de prévoyance, de gestion de patrimoine, d’investissements et de financement, sous le signe “OVB”. Elle expose être titulaire des marques suivantes :
– La marque verbale internationale désignant la France “OVB” no757174, enregistrée le 21 mars 2001 en classe 36 pour désigner notamment les services suivants : “Investissements de capitaux, investissements immobiliers, contrats d’assurance ; conseils en matière d’investissements”.
– Les marques semi-figuratives internationales désignant la France no777429, déposée le 13 mars 2022 en classe 36 visant notamment les services d’ “Investissements de capitaux, contrats d’assurance; conseils en matière d’investissements” et désignant l’Union européenne no1409980, déposée le 14 mars 2018 en classe 36 et 41, pour désigner notamment les services suivants (classe 36) : “Services de souscription ; services financiers; services de conseillers en assurances; services d’investissement de capitaux, investissements immobiliers et contrats d’assurance; analyses financières; services de conseillers financiers” :
2. Ces marques sont exploitées, en France, par la société OVB Conseils en patrimoine France (ci-après “OVB France”) en sa qualité de licenciée. Cette société, créée en 2003, exerce les activités d’agent et de courtier d’assurances et propose à sa clientèle une offre globale de conseils en patrimoine avec des solutions financières dans les domaines de la santé, la prévoyance, l’épargne, la protection des biens et le financement pour l’accès à la
propriété
>. Dans ce cadre, elle développe son activité sur les réseaux sociaux et sur son site internet accessible à l’adresse <www.ovb.fr> qu’elle exploite depuis 2007 et qui a pour objet la présentation de la société, de son réseau et des services OVB qu’elle propose. En outre, elle dispose de bureaux mandataires notamment dans la région [Localité 4] et près de [Localité 5].
3. La société OVB Holding expose avoir constaté qu’une société OVB Assurance avait été immatriculée au RCS de Nice le 05 juillet 2016 avec pour activité déclarée les “activités des agents et courtiers d’assurances”, et qu’elle faisait usage du signe “OVB Assurance” à titre de dénomination sociale, de nom commercial et de nom de domaine (<ovb-assurances.com>), ainsi que sous la forme des logos suivants :
4. La société OVB Holding précise également que la société OVB Assurance offre ses services sous les signes OVB et OVB Assurance, sur les réseaux sociaux, et notamment sur ses comptes Facebook, Instagram et LinkedIn.
5. Afin de faire cesser ce qu’elle considère comme une atteinte à ses droits, la société OVB Holding a mis en demeure, par une lettre du 02 mai 2018, la société OVB Assurance de cesser tout usage du signe “OVB”. Cette dernière a répondu, par l’intermédiaire de son conseil, qu’elle refusait de donner une suite favorable à cette mise en demeure tout en précisant ne pas être opposée à une résolution amiable du litige.
6. La société OVB Holding a fait constater par huissier de justice les faits reprochés à la société OVB Assurance sur sa page Facebook et son site internet. Puis, ayant découvert qu’un nouveau nom de domaine avait été réservé par la défenderesse le 23 juillet 2018, la société OVB Holding a fait dresser un second constat le 14 novembre 2019 sur le site accessible par le nom de domaine <ovbassurances-sas06.fr>.
7. C’est dans ce contexte que par acte d’huissier du 24 décembre 2021, les sociétés OVB Holding et OVB France ont fait assigner la société OVB Assurance devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de marques.
8. Aux termes de leur assignation, les sociétés OVB Holding et OVB France demandent au tribunal, au visa des articles 9 du règlement (UE) 2017/1001 sur la marque de l’Union européenne, L. 713-2, L. 716-4, L. 716-4-2 alinéa 4 et L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle et 1240 du code civil, de :

 Faire interdiction à la société OVB Assurance , sous astreinte de 500 € par infraction constatée passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision ; de faire usage
des dénominations OVB et OVB Assurance, seules ou accompagnées, sous quelque forme que ce soit, sur quelque support que ce soit, notamment sur un site internet et les réseaux sociaux et à quelque titre que ce soit, et notamment à titre de dénomination sociale, de nom commercial, d’enseigne, de nom de domaine pour des services de conseiller en assurance et de courtage en assurances et les services similaires ;

des hashtags #ovb et #ovbassurance et de toute déclinaison #ovb pour des activités de conseil en assurance et de courtage en assurance ; Ordonner à la société OVB Assurance de procéder au transfert du nom de domaine <ovb-assurances.com> au profit de la société OVB Holding sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir ;
Ordonner à la société OVB Assurance, en tant que besoin, de procéder à la radiation du nom de domaine ovbassurance-sas06.fr si elle devait à nouveau le réserver, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir;
Ordonner, sous contrôle d’huissier et aux frais de la société OVB Assurance, la suppression de ses comptes sur les réseaux sociaux dont Instagram et Facebook des dénominations OVB et OVB Assurance, seule ou accompagnées et la destruction de tous éléments détenus directement ou indirectement par elle (tels qu’enseigne, papier-à-entête, brochures, documents commerciaux, supports publicitaires, …) reproduisant les signes “OVB” ou “OVB Assurance” ;
Condamner la société OVB Assurance à payer à la société OVB Holding la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte portée à ses marques internationales verbale OVB no757174 désignant la France, semi-figuratives OVB no777429 désignant la France et no1409980 désignant l’Union européenne ;
Condamner la société OVB Assurance à payer à la société OVB Conseils en patrimoine France, la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en sa qualité de licenciée des marques OVB ;
Condamner la société OVB Assurance à payer à la société OVB Conseils en patrimoine France la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte à sa dénomination sociale et à ses noms commerciaux;
Condamner la société OVB Assurance à payer à la société OBV Conseils en patrimoine France la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêt en réparation du préjudice subi du fait de l’enregistrement et de l’exploitations des noms de domaine <ovb-assurances.com> et <ovb-assurance-sas06>, ainsi que de l’usage récurrent des hashtags #ovb et #ovbassurance sur les réseaux sociaux ;
Ordonner la publication dans 3 journaux ou revues, au choix des sociétés OVB Holding et OVB Conseils en patrimoine France, et aux frais de la société OVB Assurance dans la limite de 5 000 euros hors taxe par insertion, du jugement à intervenir, en totalité ou par extraits ;
Se réserver la liquidation des astreintes ordonnées ;
Condamner la société OVB Assurance à payer aux sociétés OVB Holding et OVB Conseils en patrimoine France la somme de 12 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
Condamner la société OVB Assurance aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Caroline Hiltgen-Lebouvier, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
9. Bien que régulièrement citée, à son siège [Adresse 2], par remise de l’acte à M. [D] [S], employé s’étant déclaré habilité à recevoir l’acte, la société OVB Assurance n’a pas constitué avocat.
10. L’instruction a été close par une ordonnance du 14 avril 2022 et l’affaire a été plaidée à l’audience du 27 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
11. En application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
12. Les demanderesses soutiennent que la contrefaçon des marques internationales verbale OVB no757174 désignant la France et semi-figuratives OVB no777429 désignant la France et no1409980 désignant l’Union européenne est caractérisée dès lors que les signes OVB et OVB Assurance utilisés par la défenderesse comme dénomination sociale, nom commercial, nom de domaine et logo, sont fortement similaires à celui constituant les marques enregistrées. Elles ajoutent qu’ils sont utilisés dans la vie des affaires pour des services identiques, et à tout le moins similaires, à ceux visés par les enregistrements ce dont il résulte selon elles un risque de confusion dans l’esprit du public concerné. Elles sollicitent en réparation de leur préjudice l’allocation de dommages et intérêts à hauteur de 20 000 euros pour le préjudice subi par la société OVB Holding et de 15 000 euros pour la société OVB France, licenciée.


13. La société OVB France soutient également que par l’enregistrement et l’exploitation des noms de domaine <ovb-assurances.com> et <ovb-assurance-sas06>, ainsi que l’usage récurrent des hashtags #ovb et #ovbassurance sur les réseaux sociaux, la défenderesse porte atteinte à la dénomination sociale et aux noms commerciaux “OVB”, ainsi qu’ au nom de domaine <ovb.fr>, et que le préjudice qui en résulte doit être réparé par le versement d’une somme de 15 000 euros au titre de la concurrence déloyale et parasitaire.


Appréciation du tribunal


14. Selon l’article 4 “Effets de l’enregistrement international” de l’Arrangement de Madrid concernant l’enregistrement international des marques du 14 avril 1891, modifié le 28 septembre 1979, “1) À partir de l’enregistrement ainsi fait au Bureau international selon les dispositions des articles 3 et 3ter, la protection de la marque dans chacun des pays contractants intéressés sera la même que si cette marque y avait été directement déposée. (…)” Il résulte corrélativement de l’article 189 du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne que tout enregistrement international désignant l’Union produit, à compter de la date d’enregistrement, les mêmes effets qu’une demande de marque de l’Union européenne.


15. Conformément à l’article 9-2 de ce même règlement, “sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d’une marque de l’Union européenne, le titulaire de cette marque de l’Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou services lorsque:


a) ce signe est identique à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée;


b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque.”


16. Selon l’article L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle , constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9, 10, 13 et 15 du règlement (UE) 2017/1001.
17. Il résulte encore de l’article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle
> qu’ “Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1o D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2o D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.”


18. Interprétant les dispositions identiques au règlement de l’article 5 § 1 de la première Directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (89/104/CEE), la Cour de Justice de l’Union européenne a dit pour doit que, constitue un risque de confusion au sens de ce texte, le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement (voir arrêt Canon, C-39/97, point 29 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97). Selon cette même jurisprudence, l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (voir, arrêt SABEL, C-251/95, point 22), cette appréciation globale impliquant une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte (voir arrêt Canon, point 17).


19. En outre, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, arrêt Gut Springenheide et Tusky, C-210/96, point 31 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97, point 26).


20. Afin d’apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, la juridiction nationale doit déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle et, le cas échéant, évaluer l’importance qu’il convient d’attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (voir arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97 ).

Enfin, pour apprécier la similitude entre des produits ou des services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits ou ces services ; ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (voir arrêt Canon, C-39/97, point 23).


21. L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause considérées chacune dans son ensemble (arrêt OHMI/Shaker, point 41).


22. L’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe peut, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. Toutefois, ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts OHMI/Shaker, points 41 et 42, ainsi que Nestlé/OHMI, points 42 et 43).


23. À cet égard, la Cour a précisé qu’il n’est pas exclu qu’une marque antérieure, utilisée par un tiers dans un signe composé comprenant la dénomination de l’entreprise de ce tiers, conserve une position distinctive autonome dans le signe composé. Dès lors, aux fins de la constatation d’un risque de confusion, il suffit que, en raison de la position distinctive autonome conservée par la marque antérieure, le public attribue également au titulaire de cette marque l’origine des produits ou des services couverts par le signe composé (arrêt Medion, C-120/04, points 30 et 36).


24. Cependant, un élément d’un signe composé ne conserve pas une telle position distinctive autonome si cet élément forme avec le ou les autres éléments du signe, pris ensemble, une unité ayant un sens différent par rapport au sens desdits éléments pris séparément (voir, en ce sens, ordonnance ecoblue/OHMI et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C-23/09 P, point 47; arrêt Becker/Harman International Industries, points 37 et 38 ; ordonnance Perfetti Van Melle/OHMI, points 36 et 37 ; arrêt Bimbo Sa c/ OHMI et Panrico, C-591/12 P, points 26 à 29).
25. En l’occurrence, la marque verbale no757174 désigne en classe 36 les services d’”Investissements de capitaux, investissements immobiliers, contrats d’assurance ; conseils en matière d’investissements”. La marque semi-figurative no777429 vise, quant à elle, les services d’ “Investissements de capitaux, contrats d’assurance; conseils en matière d’investissements”, également en classe 36. Enfin, la marque semi-figurative no1409980 désigne, toujours en classe 36, les “Services de souscription ; services financiers; services de conseillers en assurances; services d’investissement de capitaux, investissements immobiliers et contrats d’assurance; analyses financières; services de conseillers financiers” (pièces demanderesses no3 et 4).


26. Selon ses statuts et l’extrait de son immatriculation, la société OVB Assurance a pour objet déclaré “le courtage en assurance, le courtage et toutes prestations de services dans les domaines des voyages et des multimédias” (pièces demanderesses no12-1 et 12-2). Les procès-verbaux dressés les 30 août 2018 et 14 novembre 2019 font également apparaître que la défenderesse utilise la dénomination sociale et le nom commercial OVB Assurance pour proposer des services de conseils et de courtage en assurance (habitation, automobile, santé, professionnelle, voyage, etc.), notamment sur ses sites internet et réseaux sociaux (pièces demanderesses 19, 21 et 14). La société OVB assurance propose ainsi de négocier des contrats d’assurance à l’attention des professionnels et des particuliers afin de leur permettre de trouver l’assurance la moins chère avec les meilleures garanties.


27. Les services de courtage en assurance sont similaires aux services de conseils en assurance visés en classe 36 par la marque no1409980. Ils sont complémentaires voire concurrents des “contrats d’assurance” visés par tous les dépôts des demanderesses.


28. En outre, visuellement et phonétiquement, les signes “OVB”, d’une part, et “OVB Assurance”, d’autre part, ne se distinguent que par l’ajout du mot “Assurance”, dont le tribunal ne peut que constater qu’il est descriptif de tout ou partie de l’activité aussi bien des demanderesses que de la défenderesse.


29. Le terme “OVB”, placé en première position du signe complexe argué de contrefaçon, n’a par ailleurs aucune signification particulière, en lui-même ou comme les initiales d’un autre signe complexe. Il apparaît à cet égard fortement distinctif pour désigner des services d’assurance, de produits financiers et de conseils dans ces domaines.


30. Il en résulte que le signe “OVB” a conservé sa position distinctive autonome aussi bien dans le signe complexe “OVB Assurance” que dans les signes figuratifs utilisés par la défenderesse, la partie graphique des signes complexes argués de contrefaçon apparaissant faiblement distinctive étant constituée d’un avion à l’intérieur d’un blason pour désigner les services de courtage en assurance de voyage (cf ci-dessous la reproduction de ces signes) :


31. Eu égard à la nature des services concernés, le public pertinent apparaît d’attention élevée.

32. Il en résulte que le signe OVB ayant conservé sa position distinctive autonome dans les signes complexes argués de contrefaçon, et en raison de la très forte similitude entre les produits et services concernés, le public pertinent, même d’attention élevée, apparaît susceptible d’attribuer aux services proposés par les sociétés OVB et OVB Assurance une origine commune et, en particulier, apparaît amené à penser que ceux de la seconde sont une diversification de la gamme de services de la première. Il en résulte une atteinte à la fonction essentielle de la marque et, partant, des actes de contrefaçon par l’usage établi des signes OVB et OVB Assurance par la société OVB Asurance, que ce soit à titre de nom commercial, de dénomination sociale, de noms de domaine ou sous la forme de logos.


33. Il sera fait droit aux demandes d’interdiction selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision, à l’exclusion de la mesure de destruction sous astreinte et sous le contrôle d’un huissier, qui apparaît disproportionnée ici.


34. Il sera également fait droit aux demandes de suppression et de transfert des noms de domaine conformément aux dispositions des articles L.45-2 et R.20-44-46 du code des postes et communications électroniques, en raison de la confusion recherchée, et précédemment retenue, par l’utilisation du signe “OVB” pour désigner des services de courtage d’assurance, qui n’apparaît pas, en l’état des éléments soumis à l’appréciation du tribunal, comme étant le fruit du hasard le terme “OVB” n’ayant aucune signification.


35. Aux termes de l’article L. 716-4-10 du code de la <
propriété intellectuelle
> :
“Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.”
36. En l’espèce, la société OVB Holding sollicite l’allocation d’une somme forfaitaire, n’apportant néanmoins aucun élément sur le montant des redevances qu’elle perçoit, le tribunal observant au surplus que les sociétés n’interviennent pas sur le même secteur géographique. Il doit donc être retenu un préjudice relativement minime constitué par la dilution de la marque et qui sera ici réparé par le versement de la somme de 3.000 euros.


37. La même somme sera allouée à la société OVB Conseils en patrimoine France en réparation du préjudice propre que lui ont causés les actes contrefaisants.


38. Concernant les demandes formulées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, les sociétés OVB Holding et OVB Conseils en patrimoine France ne démontrent pas l’existence de faits distincts des actes de contrefaçon de marques non plus qu’aucun préjudice distinct de celui déjà réparé au titre de la contrefaçon. En conséquence, les demandes de ce chef doivent être rejetées.


39. Le préjudice apparaissant suffisamment réparé par les dispositions qui précèdent la demande de publication de la présente décision sera rejetée.

40. Partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, la société OVB Assurance sera condamnée aux dépens, ainsi qu’à payer aux sociétés OVB Holding et OVB Conseils en patrimoine France la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.


41. Il n’y a pas de motif au cas présent pour écarter l’exécution provisoire, qui est de droit conformément aux dispositions de l’article 514 du code de procédure civile.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

FAIT DÉFENSE à la société OVB Assurance de faire usage des signes “OVB” ou “OVB Assurance”, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, et ce sous astreinte de 500 euros par infraction constatée (c’est à dire par usage du signe “OVB”) courant à l’expiration d’un délai de 30 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours ;

ORDONNE à la société OVB Assurance de procéder au transfert du nom de domaine &lt;www.ovb-assurances.com&gt; au profit de la société OVB Holding et la suppression du nom de domaine &lt;www.ovbassurance-sas06.fr&gt;, en justifiant auprès d’elle de l’effectivité de ses démarches auprès des personnes concernées, et ce dans un délai de 30 jours à compter de la signification du jugement, puis sous astreinte de 500 euros par jour et par nom de domaine, qui courra pendant au maximum 180 jours ; ce délai de 30 jours étant le délai total pour que le transfert soit effectif, et non le délai pour engager les démarches nécessaires ;
CONDAMNE la société OVB Assurance à payer à la société OVB Holding la somme de 3.000 euros en réparation de son préjudice causé par la contrefaçon de ses marques internationales no757174 désignant la France, semi-figuratives OVB no777429 désignant la France et no1409980 désignant l’Union européenne ;
CONDAMNE la société OVB Assurance à payer à la société OVB Conseils en patrimoine France la somme de 3.000 euros en réparation de son préjudice propre causé par les mêmes faits de contrefaçon des marques;
REJETTE les demandes de destruction et de publication de la présente décision ;
CONDAMNE la société OVB Assurance aux dépens et autorise Maître Caroline Hiltgen-Lebouvier à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu provision;
CONDAMNE la société OVB Assurance à payer aux sociétés OVB Holding et OVB Conseils en patrimoine France la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que la présente décision est de plein droit exécutoire par provision.
Fait et jugé à Paris le 12 janvier 2023.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


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