Nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon de brevet

Nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon de brevet

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En l’absence de justification du titre à l’appui d’une saisie-contrefaçon, le procès verbal de saisie est frappé de nullité  


La possibilité de solliciter une mesure de saisie-contrefaçon

L’article L. 615-5 du code de la propriété intellectelle réserve la possibilité de solliciter une mesure de saisie-contrefaçon à la personne ayant qualité pour agir en contrefaçon.

Selon l’article L. 615-2 de ce même code, l’action en contrefaçon est exercée par le propriétaire du brevet.

La Haute juridiction a constamment déduit de ces dispositions que le requérant devait justifier, non seulement de l’existence du titre sur lequel il se fonde, mais également de ce que celui-ci est toujours en vigueur à la date de présentation de la requête. (Cass. Com., 29 janvier 2008, pourvoi no 07-14.709, Bull. 2008, IV, no 18 ; Com., 14 décembre 2010, pourvoi no 09-72.946, Bull. 2010, IV, no 196)

Effets du brevet français en présence d’un brevet européen identique

Il résulte en outre de l’article L. 614-13 du code de la propriété intellectuelle que “Dans la mesure où un brevet français couvre une invention pour laquelle un brevet européen a été délivré au même inventeur ou à son ayant cause avec la même date de dépôt ou de priorité, le brevet français cesse de produire ses effets soit à la date à laquelle le délai prévu pour la formation de l’opposition au brevet européen est expiré sans qu’une opposition ait été formée, soit à la date à laquelle la procédure d’opposition est close, le brevet européen ayant été maintenu.”

Les conditions de délivrance de l’ordonnance

Le juge du fond qui apprécie la régularité des éléments de preuve qui lui sont soumis, peut annuler un procès-verbal de saisie-contrefaçon pour des motifs tirés des conditions de délivrance de l’ordonnance ayant autorisé la saisie-contrefaçon. (Cass. Com., 17 mars 2015, pourvoi no 13-15.862 ; Cass. Civ. 1ère, 6 mai 2010, pourvoi no 08-15.897, Bull. 2010, I, no 104)

En l’occurrence, en l’absence d’opposition formée après la délivrance du brevet EP 1 285 846 le 3 novembre 2004, le brevet FR no 0 200 180 a cessé de produire ses effets 9 mois après cette date soit le 3 août 2005. Il ne pouvait donc servir de fondement à la requête afin de saisie contrefaçon présentée (par un avocat au barreau de Metz) le 28 mai 2020.


 

 

République française
Au nom du peuple français

 

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
 
3ème chambre
1ère section
No RG 20/06429
No Portalis 352J-W-B7E-CSMR3
No MINUTE :
 
Assignation du :
10 juillet 2020
JUGEMENT
rendu le 12 janvier 2023
 
DEMANDERESSE
 
S.A.S. PERARD
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Elsa CROZATIER, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #E1873 & Me Jonathan SAVOURET de la SCP ILLIADE AVOCATS, avocat au barreau de METZ
 
DÉFENDERESSE
 
S.A.S. CONSTRUCTIONS METALLIQUES ROYER SERGE ET FILS
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Olivier LEDRU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0609
 
COMPOSITION DU TRIBUNAL
 
Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
Elodie GUENNEC, Vice-présidente
Malik CHAPUIS, Juge,
assistés de Quentin CURABET, Greffier lors des débats et de Caroline REBOUL, Greffière lors de la mise à disposition.
 
DÉBATS
 
A l’audience du 27 septembre 2022 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Malik CHAPUIS, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 1er décembre 2022. Le délibéré a été prorogé au 12 janvier 2023.
 
JUGEMENT
 
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
 
EXPOSÉ DU LITIGE :
 
1. La société Perard est spécialisée dans la conception et la fabrication de machines agricoles. Dans ce cadre, elle expose avoir procédé, le 9 janvier 2002, au dépôt d’une demande de brevet français no FR 0 200 180 portant une remorque à plateau abaissable destinée notamment au transport de matériel agricole.
 
2. Le 22 août 2002, la société Perard a procédé au dépôt d’une demande de brevet européen portant sur la même invention et revendiquant la priorité de la demande française no FR 0 200 180. Ce brevet, délivré le 3 novembre 2004 sous le no EP 1 285 846, s’est substitué au brevet français le 3 août 2005 lequel a cessé de produire ses effets conformément aux dispositions de l’article L. 614-13 du code de la
propriété
>
<
intellectuelle
>
.
3. La société Constructions Metalliques Royer Serge et Fils (ci-après Royer) exerce la même activité de conception et fabrication de machines agricoles.
 
4. Les parties s’opposent depuis 2014 sur la reproduction non autorisée des revendications du brevet portant sur les remorques à plateau abaissable commercialisées par la société Royer. C’est ainsi que, par une requête enregistrée au greffe le 28 mai 2020, la société Perard a sollicité et obtenu, le 29 mai 2020, l’autorisation de faire pratiquer une saisie-contrefaçon au siège de la société Royer. Les opérations se sont déroulées le 23 juin 2020 et, par acte d’huissier du 10 juillet 2020, la société Pérard a fait assigner la société Royer devant ce tribunal, en contrefaçon de brevet et subsidiairement en concurrence déloyale.
 
5. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 23 février 2022, la société Perard demande au tribunal de :
– Déclarer l’action diligentée par la Sas Perard recevable et sa demande bien fondée,
Avant dire droit,
– Enjoindre à la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils d’avoir à produire tout document comptable afférents à la vente des produits argués de contrefaçon et permettant d’établir la réalité des bénéfices générés par ces actes ce, sous astreinte de 150,00 € par jour de retard,
Au principal,
– Dire que la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils engage sa responsabilité au regard de l’article L615-1 du code de la <
propriété
>
<
intellectuelle
>
,
En conséquence,
– Condamner la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils à payer à la Sas Perard la somme de 429.473,00 € à titre de dommages et intérêts ce, en raison des préjudices économiques subis ainsi que des bénéfices réalisés par la défenderesse au détriment du propriétaire du brevet, cette somme étant à parfaire,
– Condamner la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils à payer à la Sas Perard la somme de 25.000,00 € à titre de dommages et intérêts et ce, en réparation du préjudice moral subi,
Subsidiairement,
– Dire que les importantes similitudes entre la remorque breveté et celles commercialisés par la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils sont de nature à induire une confusion auprès des tiers, ces faits caractérisant une pratique commerciale déloyale,
– Dire que la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils engage sa responsabilité,
En conséquence,
– Condamner la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils à payer à la Sas Perard la somme de 429.473,00 € à titre de dommages et intérêts ce, en raison des préjudices économiques subis ainsi que des bénéfices réalisés par la défenderesse au détriment du propriétaire du brevet, cette somme étant à parfaire,
– Condamner la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils à payer à la Sas Perard la somme de 25.000,00 € à titre de dommages et intérêts et ce, en réparation du préjudice moral subi,
Très subsidiairement,
– Ordonner une expertise judiciaire,
– Désigner tel expert qu’il plaira à la juridiction de Céans avec pour mission de :
– Se rendre sur place sis [Adresse 3] à [Localité 1], siège de la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils et ce, afin d’analyser les procédés techniques employés par cette dernière dans le cadre de la fabrication et de la commercialisation des remorques agricoles à plateau abaissable,
– Se faire remettre tout plan et documentations techniques et commerciales afférentes aux remorques agricoles litigieuses, antérieur à 2014, mais également postérieur à 2016,
– A partir de ces plans et des procédés techniques y étant décrit, analyser leur fonction et les moyens mis en oeuvre par la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils, afin de déterminer si ces moyens ont pour but d’exercer une fonction identique, et notamment analyser le remplacement des galets brevetés par la SAS PERARD par les glissières et vérins et ce, afin de déterminer si cette modification du moyen d’abaissement du plateau remplie la même fonction et la même finalités que le procédé breveté,
– Apprécier, au regard des revendications issues du brevet en date du 09 janvier 2002, si les moyens techniques employés par la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils constituent une contrefaçon,
– Dire, après analyse des remorques agricoles fabriquées et commercialisées par la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils si ces dernières reproduisent les procédés ou moyens techniques contenu dans chacune des revendications contenues dans le brevet en date du 09 janvier 2002,
– Dire au regard de chaque revendication issue du brevet en date du 09 janvier 2002, si les moyens mis en oeuvre par la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils poursuivent les mêmes finalités et fonction que ceux mis en oeuvre par la Sas Perard,
– Évaluer le préjudice subi par la Sas Perard du fait des actes de contrefaçon constatés,
– Répondre aux dires des parties, lesquels seront annexés au pré-rapport de manières précises et, si nécessaires, documentées.
– Statuer ce que de droit quant à la consignation des frais d’expertise, En tout état de cause,
– Débouter la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
– Condamner la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils à payer à la Sas Perard la somme de 7.500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils aux entiers frais et dépens,
– Dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
6. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 28 janvier 2022, la société Constructions Métalliques Royer Serge et Fils demande au tribunal de :
– Constater la nullité du constat de saisie contrefaçon en date du 23 juin 2020 et en conséquence l’écarter des débats ;
– Débouter la société Sas Perard de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions;
– Condamner la Sas Perard à payer à la société Constructions Metalliques Royer et Fils la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
A titre subsidiaire
– Dire qu’une éventuelle expertise ne pourrait qu’être à la charge exclusive de la Sas Perard et ajouter à la mission de l’expertise une analyse de tous les procédés similaires au dépôt du brevet Perard et antérieurs à celui-ci.
En tout état de cause,
– Condamner la Sas Perard à Payer à la société Constructions Métalliques Royer Serge et Fils la somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– La condamner aux entiers dépens.
7. L’instruction a été close par une ordonnance du 22 mars 2022 et l’affaire plaidée à l’audience du 27 septembre 2022.
 
MOTIFS DE LA DÉCISION
 
1o) Sur la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon
 
Moyens des parties
 
8. La société Royer soutient que la requête n’identifie pas clairement le brevet sur lequel elle est fondée, ne contenant aucun élément d’identification de ce brevet (titre, numéro,…) et alors que la date de dépôt mentionnée est erronée, ainsi que le reconnaît elle-même la demanderesse, ce qui constitue selon elle un premier moyen de nullité. La société Royer ajoute que la saisie était apparemment fondée sur la demande de brevet français alors que ce titre était déchu à la date de présentation de la requête et ne pouvait en aucun cas servir de fondement à la demande de saisie, ainsi que l’a jugé à plusieurs reprises la Cour de cassation.
 
9. La société Perard soutient quant à elle que la saisie est parfaitement valable, la société Royer ne démontrant pas le grief que lui cause l’erreur matérielle affectant la date de dépôt du brevet mentionnée dans la requête. Elle confirme que le brevet présenté au juge ayant autorisé la requête était le brevet français no FR 0 200 180 dont la date de dépôt est le 9 janvier 2002 et soutient à cet égard, pour s’opposer au moyen de nullité de la saisie de la société Royer, qu’elle était en droit d’invoquer ce brevet pour obtenir la preuve de faits de contrefaçon non encore prescrits.
 
Appréciation du tribunal
 
10. L’article L. 615-5 du code de la propriété intellectelle réserve la possibilité de solliciter une mesure de saisie-contrefaçon à la personne ayant qualité pour agir en contrefaçon. Selon l’article L. 615-2 de ce même code, l’action en contrefaçon est exercée par le propriétaire du brevet. La Haute juridiction a constamment déduit de ces dispositions que le requérant devait justifier, non seulement de l’existence du titre sur lequel il se fonde, mais également de ce que celui-ci est toujours en vigueur à la date de présentation de la requête. (Cass. Com., 29 janvier 2008, pourvoi no 07-14.709, Bull. 2008, IV, no 18 ; Com., 14 décembre 2010, pourvoi no 09-72.946, Bull. 2010, IV, no 196)
 
11. Il résulte en outre de l’article L. 614-13 du code de la propriété intellectuelle que “Dans la mesure où un brevet français couvre une invention pour laquelle un brevet européen a été délivré au même inventeur ou à son ayant cause avec la même date de dépôt ou de priorité, le brevet français cesse de produire ses effets soit à la date à laquelle le délai prévu pour la formation de l’opposition au brevet européen est expiré sans qu’une opposition ait été formée, soit à la date à laquelle la procédure d’opposition est close, le brevet européen ayant été maintenu.”
 
12. Il est enfin rappelé que le juge du fond, appréciant la régularité des éléments de preuve qui lui sont soumis, peut annuler un procès-verbal de saisie-contrefaçon pour des motifs tirés des conditions de délivrance de l’ordonnance ayant autorisé la saisie-contrefaçon. (Cass. Com., 17 mars 2015, pourvoi no 13-15.862 ; Cass. Civ. 1ère, 6 mai 2010, pourvoi no 08-15.897, Bull. 2010, I, no 104)
13. En l’absence d’opposition formée après la délivrance du brevet EP 1 285 846 le 3 novembre 2004, le brevet FR no 0 200 180 a cessé de produire ses effets 9 mois après cette date soit le 3 août 2005. Il ne pouvait donc servir de fondement à la requête afin de saisie contrefaçon présentée (par un avocat au barreau de Metz) le 28 mai 2020.
 
14. Il y a donc lieu de déclarer nul le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 23 juin 2020 par Maître [B], huissier de justice associé à [Localité 4], à la requête de la société Perard.
 
2o) Sur la contrefaçon de brevet
 
Moyens des parties
 
15. La société Perard fait pour l’essentiel valoir que la contrefaçon littérale a été reconnue par la société Royer. A défaut de contrefaçon littérale, elle conclut à une contrefaçon par équivalence dès lors que la remorque Royer litigieuse comprend un chassis et un train d’essieu coulissant sous la remorque pour permettre son abaissement total.
16. La société Royer soutient quant à elle qu’en l’absence de la moindre description de l’invention par la demanderesse, il lui est difficile de savoir en quoi ses remorques seraient contrefaisantes. Elle précise avoir déjà en 2014 accepté de modifier un modèle de remorque afin d’éviter un contentieux ce dont il ne peut être déduit aucune preuve de contrefaçon. Elle ajoute, dans l’ignorance de ce qui lui est précisément reproché, avoir sollicité un expert afin qu’il compare le brevet à la remorque arguée de contrefaçon et, que ce denrier a conclu à l’absence de contrefaçon du brevet Perard.
Appréciation du tribunal
a – Présentation du brevet EP 1 285 846
17. Les paragraphes [0001] à [0005] de la partie descriptive du fascicule de brevet exposent qu’il existe un besoin de remorques dont le plateau est entièrement abaissable au sol. Les paragraphes [0006] et [0007] enseignent que l’art antérieur connaît différents types de remorques à plateau abaissable. Le premier fonctionne au moyen d’un plateau situé entre les roues de la remorque, son abaissement et sa remontée étant actionnée par un verin hydraulique. Ce système simple présente l’inconvénient que la charge n’est pas supportée par les roues pendant le transport ce qui peut être un problème pour les remorques de grande longueur. Dans le second système, les roues se trouvent sous le plateau de la remorque pendant le transport, mais peuvent se déplacer en coulissant dans des rails qui se prolongent au-delà du plateau, puis pivoter afin de laisser l’espace libre permettant alors au plateau de s’abaisser. Ce système est plus efficace et stable que le précédent mais complexe et coûteux à fabriquer.
18. Aussi, l’invention propose un système simple et moins coûteux d’abaissement de plateau d’une remorque dont les roues sont coulissantes, mais sans rails pivotants, ce système étant remplacé par système de galets complémentaires situés à l’arrière de la remorque (élément 31 de la figure 2 du brevet reproduite ci-dessous) combinés à un vérin de commande et coopérant avec les longerons (élément 21 de la même figure 2) de forme incurvée pour permettre ensuite la descente. (Paragraphes [0010] in fne, [0014] et [0024] et suivants de la partie descriptive).
b – La contrefaçon
19. Comme le relève à juste titre la société Royer et comme le mentionne au demeurant le brevet lui-même dans sa partie descriptive, les systèmes de remorques munies d’un essieu coulissant jusqu’à l’arrière aux fins de permettre son abaissement total au sol étaient connus à la date de dépôt du brevet Perard qui ne peut donc invoquer ici aucune contrefaçon par équivalence par l’effet du seul coulissement des roues sous le plateau.
20. Force est en outre de constater qu’aucun autre élément ne permet d’établir une quelconque contrefaçon, laquelle est au demeurant contredite par l’examen de la remorque arguée de conterfaçon par M. [E], expert. Ce dernier a en effet mis en évidence que la remorque Royer était en réalité constituée de deux chariots distincts, l’un solidaire des trains d’essieu et commandé par des verins propres pour accompagner leur mouvement sur un axe horizontal, l’autre solidaire du plateau et commandé par d’autres verins pour accompagner son mouvement vertical. Il n’a relevé aucun système de galets complémentaires situés à l’arrière de la remorque non plus qu’aucun longeron de forme incurvée.
21. Les demandes fondées sur la contrefaçon du brevet EP 1 285 846 ne peuvent donc qu’être toutes rejetées (communication de pièces et paiement de dommages-intérêts provisionnels) sans qu’il y ait lieu d’ordonner une expertise, laquelle ne saurait avoir pour objet de palier la carence de la société Perard dans la preuve qui lui incombe de l’existence d’une contrefaçon (article 146 du code de procédure civile).
3o) Sur la concurrence déloyale
22. Selon les articles 1240 et 1241 du code civil « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. »
23. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce et de l’industrie, qui implique qu’un signe ou un produit qui ne fait pas l’objet de droits de <
propriété
>
<
intellectuelle
puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l’absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d’un risque de confusion.
24. L’appréciation de cette faute doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté de l’usage, l’originalité et la notoriété du produit copié.
25. Force est en l’occurrence de constater que la société Perard n’offre pas de caractériser en quoi les remorques abaissables à essieu coulissant de la société Royer créeraient un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle par rapport aux siennes, dont il a été relevé qu’elles ne mettent pas en oeuvre le même procédé, la demanderesse ne pouvant revendiquer aucun monopole sur ce type de remorques. Sa demande de ce chef sera par conséquent rejetée.
4o) Sur les autres mesures
26. Le droit d’agir en justice dégénère en abus constitutif d’une faute au sens de l’article 1240 du code civil lorsqu’il est exercé en connaissance de l’absence totale de mérite de l’action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant le défendeur à se défendre contre une action que rien ne justifie sinon la volonté d’obtenir ce que l’on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté.
27. L’action, ici initialement engagée sur la base d’un brevet déchu 15 années auparavant, poursuivie sans aucune analyse du brevet lui servant de base, ni d’ailleurs du produit argué de contrefaçon, et à l’évidence dans le seul but de nuire à un concurrent sérieux, justifie de faire droit à la demande à ce titre de la société Royer, qui a subi un préjudice distinct de celui de la seule nécessité de se défendre, et de condamner la société Perard à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.
28. Partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, la société Perard sera condamnée aux dépens, ainsi qu’à payer à la société Royer la somme de 15.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
29. Aucune circonstance ne justifie d’écarter l’exécution provisoire de droit dont est assortie la présente décision conformément aux dispositions de l’article 514 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
DÉCLARE NUL le le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 23 juin 2020 par Maître [B], huissier de justice associé à [Localité 4] à la requête de la société Perard ;
REJETTE toutes les demandes de la société Perard fondées sur la contrefaçon du brevet EP 1 285 846 ;
REJETTE ses demandes d’expertise et celles fondées sur la concurrence déloyale ;
CONDAMNE la société Perard à payer à la société Constructions Metalliques Royer Serge et Fils la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi résultant du présent abus de procédure ;
CONDAMNE la société Perard aux dépens ;
CONDAMNE la société Perard à payer à la société Constructions Metalliques Royer Serge et Fils la somme de 15.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que la présente décision est de plein droit exécutoire.
Fait et jugé à Paris le 12 janvier 2023.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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