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République française
Au nom du peuple français
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre de la famille
ARRET DU 13 AVRIL 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 20/03029 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OUKL
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 JUIN 2020 DU TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NARBONNE
N° RG 15/00106
APPELANTS :
Madame [A] [W]
née le 12 Mars 1965 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Me Marion SELMO avocat au barreau de NARBONNE loco Me Bruno BLANQUER avocat au barreau de NARBONNE
Monsieur [D] [W]
né le 27 Décembre 1969 à [Localité 7] (MAURITANIE)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Marion SELMO avocat au barreau de NARBONNE loco Me Bruno BLANQUER avocat au barreau de NARBONNE
INTIMES :
Monsieur [C] [I]
né le 05 Novembre 1944 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par Me VILANOVA loco Me Philippe SENMARTIN avocat au barreau de MONTPELLIER avocat postulant assistée de Me BOUSGARBIES avocat au barreau de CARCASSONNE avocat plaidant
Madame [F] [K] [S] épouse [I]
née le 27 Mai 1942 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par Me VILANOVA loco Me Philippe SENMARTIN avocat au barreau de MONTPELLIER avocat postulant assistée de Me BOUSGARBIES avocat au barreau de CARCASSONNE avocat plaidant
Monsieur [J] [V]
né le 04 Février 1944 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me VILANOVA loco Me Philippe SENMARTIN avocat au barreau de MONTPELLIER avocat postulant assistée de Me BOUSGARBIES avocat au barreau de CARCASSONNE avocat plaidant
Ordonnance de clôture du 09 Février 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 MARS 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant la Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme S. DODIVERS, Présidente de chambre
Mme K. ANCELY, Conseillère
Mme M. LE DONCHE, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme D. IVARA
ARRET :
– Contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Mme S. DODIVERS, Présidente de chambre, et par Mme D. IVARA, Greffier.
*
* *
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [Z] [W] est décédé le 12 mai 2014 laissant pour lui succéder ses petits-enfants, enfants de M. [R] [W], son fils prédécédé le 13 avril 1993,’:
– Mme [A] [W]
-M. [D] [W].
Par testament olographe du 7 avril 2005, M. [Z] [W] a institué Mme [F] [S] et M. [J] [V], ses neveu et nièce, en qualité de légataires universels, chacun pour moitié en pleine
propriété
> de la quotité disponible.
Antérieurement, M. [Z] [W] avait institué Mme [S] et son époux M. [C] [I] en qualité de légataire de tout son patrimoine mobilier et immobilier par testament olographe du 1er décembre 1985, déposé en l’étude de la SCP Taudou Ancely Fourres Ferret, notaires à [Localité 6], testament non inscrit au fichier national des dernières volontés.
Par acte des 31 décembre 2014 et 15 janvier 2015, Mme et M. [W] ont fait assigner Mme [S] et M. [V] devant le tribunal de grande instance de Narbonne aux fins de voir déclarer nul et de nul effet le testament olographe établi par M. [Z] [W] le 7 avril 2005 et de voir condamner Mme [F] [S] épouse [I] à rapporter à la succession la somme de 200 000 euros, ramenée à 100 000 euros en cours de procédure.
Par ordonnance du 4 février 2016, le juge de la mise en état a invité le greffier du juge des tutelles de Marseille à communiquer aux débats l’entier dossier de placement sous sauvegarde de justice (ordonnance du 14 mai 2008) puis de mise sous tutelle (jugement du 9 juin 2008) de M. [Z] [W] et notamment les pièces médicales.
Par ordonnance du 5 octobre 2017, le juge de la mise en état a enjoint à la SCP Ancely Arnal-Dervieux Ferret de communiquer aux débats l’original du testament rédigé le 19 décembre 1985 ainsi que la décharge par laquelle le défunt a refusé l’inscription au fichier central des dernières volontés.
Le tribunal judiciaire de Narbonne, par décision du 18 juin 2020, a :
– donné acte à M. [C] [I] de son intervention volontaire aux débats,
– débouté Mme [W] et M. [W] de l’ensemble de leurs demandes,
– débouté Mme [S], M. [I] et M. [V] de leur demande reconventionnelle en annulation des donations consenties suivant autorisation du juge des tutelles du 15 mai 2009,
– condamné Mme [W] et M. [W], pris ensemble, à payer à Mme [S] et à M. [V], pris ensemble, la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [W] et M. [W] aux dépens.
Par déclaration au greffe du 23 juillet 2020, Mme [W] et M. [W] ont interjeté appel limité de cette décision en ce qu’elle a :
– débouté Mme [W] et M. [W] de l’ensemble de leurs demandes,
– condamné Mme [W] et M. [W], pris ensemble, à payer à Mme [S] et à M. [V], pris ensemble, la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions du 16 avril 2021, ils demandaient à la cour de :
à titre principal
– dire et juger Mme [W] et M. [W] recevables et bien fondés en leur appel,
– dire et juger Mme [S], M. [I] et M. [V] irrecevables et non fondés en leur appel incident de demande de condamnation de Mme et M. [W] à restituer les sommes encaissées suite à l’ordonnance rendue par le juge des tutelles de Marseille,
– infirmer le jugement dont appel sur les points contestés dans l’appel principal, le confirmer pour le surplus, et statuant à nouveau,
– dire et juger que M. [Z] [W] n’était pas sain d’esprit lors de la rédaction du testament établi le 7 avril 2005,
– dire et juger que M. [Z] [W] était en état de détresse psychologique à la date du 19 décembre 1985 portée sur le second testament olographe,
– dire et juger que l’ouverture du testament olographe du 19 décembre 1985 a contrevenu aux dispositions de l’article 1007 du code civil, entachant ledit document d’un caractère suspect, à défaut de procès-verbal de l’ouverture et de l’état du testament, et des précisions des circonstances du dépôt versé au rang des minutes de l’étude Ancely Franck Arnal-Dervieux Françoise Ferret [M] à [Localité 6]
– dire et juger que Mme [S], M. [I] et M. [V] n’ont pas qualité pour demander le rapport à la succession de M. [Z] [W] des donations autorisées par ordonnance rendue le 15 mai 2009 par le juge des tutelles de Marseille,
– réformer le jugement rendu le 18 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Narbonne en ce qu’il a débouté Mme [W] et M. [W] de leur demande en nullité des testaments olographes des 7 avril 2005 et 19 décembre 1985,
– réformer le jugement rendu le 18 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Narbonne en ce qu’il les a déboutés de leur demande de condamnation de Mme [S] à la restitution à l’actif successoral de feu M. [Z] [W] de la somme de 100 000 € puisqu’il ne s’agit pas d’une donation et qu’elle n’a pas rapporté la preuve de sa restitution,
– le confirmer en ce qu’il a débouté Mme [S], M. [I] et M. [V] de leur demande reconventionnelle en annulation des donations consenties suivant autorisation du juge des tutelles du 15 mai 2009,
Statuant à nouveau ,
– dire et juger nul et de nul effet les testaments olographes des 7 avril 2005 et 19 décembre 1985,
– dire et juger que le testament olographe du 19 décembre 1985 ne peut être exécuté,
– condamner Mme [F] [S] épouse [I] à restituer à l’actif successoral de M. [Z] [W] la somme de 100.000 € avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l’assignation,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire le testament de 2005 ou celui de 1985 était déclarés valides,
– dire et juger que les 100 000 € dont Mme [S] a bénéficié du vivant de M. [Z] [W] s’imputeront sur sa quotité disponible dans la mesure où elle ne rapporte pas la preuve de leur remboursement,
En tout état de cause,
– réformer la décision dont appel en ce qu’elle a condamné Mme [W] et M. [W], pris ensemble, à payer à Mme [S] et à M. [V], pris ensemble, la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance,
– condamner Mme [S], M. [I] et M. [V] à payer chacun à Mme [A] [W] la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [S], M. [I] et M. [V] à payer chacun à M. [D] [W] la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner solidairement Mme [S], M. [I] et M. [V] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Les intimés Mme [F] [S] épouse [I], M. [C] [I] et M. [J] [V], dans leurs conclusions récapitulatives du 28 décembre 2020, demandaient à la cour de :
A titre principal,
– dire et juger que le testament en date du 7 avril 2005 est valable avec toutes les conséquences de fait et de droit qui s’y attachent,
– débouter les adversaires de leurs demandes de restitution de la somme de 100.000 € par Mme [S],
– condamner les adversaires à restituer les sommes encaissées à la suite de l’ordonnance rendue par le juge des tutelles de Marseille,
A titre très subsidiaire, pour le cas où le testament querellé serait déclaré nul,
– prendre acte de l’intervention volontaire de M. [I] avec toutes les conséquences qui s’y attachent,
– dire et juger que le testament en date du 13 décembre 1985 doit s’appliquer avec toutes les conséquences de fait et de droit,
En tout état de cause,
– condamner Mme [A] [W] à payer à Mme [F] [S] la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [A] [W] à payer à M. [J] [V] la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [D] [W] à payer à Mme [S] la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [D] [W] à payer à M. [V] la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 6 janvier 2022, la cour d’appel a désigné le Dr [Y] [P] [G], expert près la Cour d’appel de’Lyon avec pour mission de donner tous éléments médicaux permettant de dire si M. [Z] [W] disposait des facultés <
intellectuelles
et cognitives lui permettant de tester le 7 avril 2005 avec le discernement voulu.
L’expert a déposé son rapport le 14 septembre 2022.
Dans leurs dernières dernières conclusions du 3 janvier 2023, Mme [A] [W] et M. [D] [W] demandent à la cour de :
à titre principal
– dire et juger Mme [W] et M. [W] recevables et bien fondés en leur appel,
– dire et juger Mme [S], M. [I] et M. [V] irrecevables et non fondés en leur appel incident de demande de condamnation de Mme et M. [W] à restituer les sommes encaissées suite à l’ordonnance rendue par le juge des tutelles de Marseille,
– infirmer le jugement dont appel sur les points contestés dans l’appel principal, le confirmer pour le surplus, et statuant à nouveau,
– écarter le rapport d’expertise du Dr [Y] [G] dès lors que ses conclusions reposent sur des éléments factuels erronées
– dire et juger que M. [Z] [W] n’était pas sain d’esprit lors de la rédaction du testament établi le 7 avril 2005,
– dire et juger que M. [Z] [W] était en état de détresse psychologique à la date du 19 décembre 1985 portée sur le second testament olographe,
subsidiairement, concernant la validité du testament du 7 avril 2005,
– ordonner une nouvelle mesure d’expertise confiée à un autre expert que [Y] [G]
pour le surplus, à titre principal,
– dire et juger que l’ouverture du testament olographe du 19 décembre 1985 a contrevenu aux dispositions de l’article 1007 du code civil, entachant ledit document d’un caractère suspect, à défaut de procès-verbal de l’ouverture et de l’état du testament, et des précisions des circonstances du dépôt versé au rang des minutes de l’étude Ancely Franck Arnal-Dervieux Françoise Ferret [M] à [Localité 6]
– dire et juger que Mme [S], M. [I] et M. [V] n’ont pas qualité pour demander le rapport à la succession de M. [Z] [W] des donations autorisées par ordonnance rendue le 15 mai 2009 par le juge des tutelles de Marseille,
– réformer le jugement rendu le 18 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Narbonne en ce qu’il a débouté Mme [W] et M. [W] de leur demande en nullité des testaments olographes des 7 avril 2005 et 19 décembre 1985,
– réformer le jugement rendu le 18 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Narbonne en ce qu’il les a déboutés de leur demande de condamnation de Mme [S] à la restitution à l’actif successoral de feu M. [Z] [W] de la somme de 100 000 € puisqu’il ne s’agit pas d’une donation et qu’elle n’a pas rapporté la preuve de sa restitution,
– le confirmer en ce qu’il a débouté Mme [S], M. [I] et M. [V] de leur demande reconventionnelle en annulation des donations consenties suivant autorisation du juge des tutelles du 15 mai 2009,
Statuant à nouveau ,
– dire et juger nul et de nul effet les testaments olographes des 7 avril 2005 et 19 décembre 1985,
– dire et juger que le testament olographe du 19 décembre 1985 ne peut être exécuté,
– condamner Mme [F] [S] épouse [I] à restituer à l’actif successoral de M. [Z] [W] la somme de 100.000 € avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l’assignation,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire le testament de 2005 ou celui de 1985 était déclarés valides,
– dire et juger que les 100 000 € dont Mme [S] a bénéficié du vivant de M. [Z] [W] s’imputeront sur sa quotité disponible dans la mesure où elle ne rapporte pas la preuve de leur remboursement,
En tout état de cause,
– réformer la décision dont appel en ce qu’elle a condamné Mme [W] et M. [W], pris ensemble, à payer à Mme [S] et à M. [V], pris ensemble, la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance,
– condamner Mme [S], M. [I] et M. [V] à payer chacun à Mme [A] [W] la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [S], M. [I] et M. [V] à payer chacun à M. [D] [W] la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner solidairement Mme [S], M. [I] et M. [V] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Les intimés Mme [F] [S] épouse [I], M. [C] [I] et M. [J] [V], dans leurs conclusions récapitulatives du 30 janvier 2023, demandent à la cour de :
A titre principal,
– homologuer le rapport d’expertise de M. [G]
– juger que le testament en date du 7 avril 2005 est valable avec toutes les conséquences de fait et de droit qui s’y attachent,
– débouter les adversaires de leurs demandes de restitution de la somme de 100.000 € par Mme [S],
– condamner les adversaires à restituer les sommes encaissées à la suite de l’ordonnance rendue par le juge des tutelles de Marseille,
A titre très subsidiaire, pour le cas où le testament querellé serait déclaré nul,
– prendre acte de l’intervention volontaire de M. [I] avec toutes les conséquences qui s’y attachent,
– juger que le testament en date du 13 décembre 1985 doit s’appliquer avec toutes les conséquences de fait et de droit,
En tout état de cause,
– condamner Mme [A] [W] à payer à Mme [F] [S] la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [A] [W] à payer à M. [J] [V] la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [D] [W] à payer à Mme [S] la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [D] [W] à payer à M. [V] la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 9 février 2023.
SUR CE LA COUR
Sur la demande en annulation du testament olographe du 7 avril 2005
Aux termes de l’article 901 Code civil, pour consentir une libéralité, il faut être sain d’esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence.
En l’espèce, suite au rapport d’expertise, Mme [A] [W] et M. [D] [W] maintiennent que leur grand-père n’était pas sain d’esprit au moment de la rédaction du testament du 7 avril 2015. Ils s’appuient sur les éléments développés dans la décision avant dire droit et critiquent le rapport en ce que l’expert judiciaire n’a pas modifié son pré-rapport après les dires des parties et qu’il a notamment commis une erreur de date particulièrement importante s’agissant de la date du diagnostic posé en février 2005 par le docteur [E] et non en mai 2005. Ils reprennent l’avis non contradictoire du Dr [M].
Mais, pour parvenir à cette conclusion, l’expert judiciaire a analysé chronologiquement les pièces médicales comprenant la pièce 8 des appelants tel que cela résulte de son point 2.2.2., sur la période antérieure puis postérieure à l’élaboration du testament litigieux, pour retenir en point 4 que «’dans la période proche de la signature du testament le 7 avril 2015, on relève un syndrome neurocognitif, étiqueté maladie d’Alzheimer plausible ou probable ( en dehors d’autopsie et sans test biologiques dans le LCR à l’époque, on ne pouvait affirmer qu’un diagnostic de probabilité ). Ce syndrome était léger en termes de sévérité…’» et de conclure en ces termes «’ à la période de signature du testament il existait une altération cognitive légère susceptible d’avoir altéré le fonctionnement mental de M. [W]. Elle n’a probablement pas perturbé son jugement quant à la nature de ce qu’il léguait et à qui il le léguait mais elle était de nature à accroître sa vulnérabilité et son influençabilité à cette époque.’». L’expert judiciaire n’a pas commis d’erreur d’appréciation. Les critiques émises par les appelants sont donc sans fondement et l’expert a bien été destinataire des dires des parties avant de communiquer son rapport définitif.
Il convient de rappeler que la charge de la preuve appartient aux appelants, qu’il leur incombe de rapporter la preuve de l’insanité d’esprit de leur grand-père au moment de la rédaction du testament. Or, ils sont défaillants dans l’établissement de cette preuve. Ordonner une nouvelle expertise comme ils le demandent à titre subsidiaire reviendrait à pallier leur propre carence. Les appelants sont donc déboutés de cette demande formée à titre subsidiaire ainsi que de leur demande de nullité du testament du 19 décembre 1985, dès lors sans objet au vu de la validité du testament du 7 avril 2005.
C’est donc par une juste appréciation des faits et à bon droit, par des motifs pertinents, que la cour complète que le premier juge a considéré que la demande en nullité du testament devait être rejetée.
En conséquence, la décision du 18 juin 2020 doit être confirmée sur ce point.
Sur la demande de condamnation de Mme [F] [S] épouse [I] à restituer la somme de 100 000 euros à l’actif successoral
Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
La preuve d’un paiement peut être rapportée par tous moyens.
En l’espèce, M. et Mme [W] demandent restitution de la somme de 100 000 euros à Mme [I]. Ils évoquent pour ce faire, l’encaissement de deux chèques par l’intimée d’une valeur chacun de 100 000 euros et l’absence de restitution du premier chèque.
Mme [F] [I] reconnaît avoir encaissé ces deux chèques à la demande de son oncle mais soutient avoir remboursé les deux et non un seul. Elle en veut pour preuve ces pièces 12, 13 et 20. Il apparaît en effet à la lecture de ces documents qu’un premier chèque a été émis par M. [W] le 27 juin 2003 et le second le 16 mars 2005, que Mme [I] les a encaissés et déposés sur un compte BNP puis a acquis des obligations BNP avant de revendre les titres.
Mme [I] ne peut produire le relevé de compte de son oncle pour prouver qu’il a été crédité à son tour, n’étant pas en possession de cet élément de preuve, étant précisé que seule Mme [A] [W] serait susceptible de les produire en sa qualité de tutrice de son oncle.
Mais, les éléments de preuve que produit l’intimée sont confortés par la pièce 21 des appelants à savoir l’agenda tenu quotidiennement par M. [W] qui corrobore les éléments financiers de l’intimée quant à la volonté du défunt de voir sa nièce encaisser les chèques, les placer puis les lui restituer.
Il n’est donc produit en cause d’appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l’appréciation faite par le premier juge.
En conséquence, la décision du 18 juin 2020 sera également confirmée sur ce point et les appelants déboutés de l’ensemble de leurs demandes relatives formulés à titre principal ou à titre subsidiaire à la restitution de la somme de 100 000 euros.
Sur l’irrecevabilité de l’appel incident relatif à la demande de condamnation de Mme et M. [W] à restituer les sommes encaissées suite à l’ordonnance rendue par le juge des tutelles de Marseille
Selon l’article 857 du code civil, le rapport n’est dû que par le cohéritier à son cohéritier ; il n’est pas dû aux légataires ni aux créanciers de la succession.
En l’espèce, les intimés demandent de voir prononcer l’annulation des donations consenties aux appelants suivant autorisation donnée au tuteur ad’hoc par ordonnance du juge des tutelles du 15 mai 2009.
Les appelants leur opposent en premier lieu l’irrecevabilité d’une telle demande.
Il convient en effet de rappeler que les légataires ne peuvent demander le rapport à la succession. Le légataire de la quotité disponible ne peut prétendre qu’aux biens laissés au jour de l’ouverture de la succession et ne dispose d’aucun droit à faire réintégrer les donations antérieures (1re Civ., 7 octobre 2015, pourvoi n°14-24.966).
En conséquence, les intimés sont irrecevables à formuler une telle demande et la décision du 18 juin 2020 qui les en a débouté, doit être confirmée sur ce point.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La décision querellée, après avoir constaté qu’il serait inéquitable de laisser à la charge des défendeurs les frais exposés par eux pour pourvoir à leur défense, a condamné; M. et Mme [W] à une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Cette décision sera confirmée de ce chef également.
Par ailleurs, la cour, constatant que M. et Mme [W] succombent en cause d’appel, doit condamner ces derniers à supporter les dépens d’appel comprenant les frais d’expertise. Pour des raisons identiques et tenant de l’équité, ils seront condamnés à payer chacun à chaque intimé la somme de 750 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré;
Vu l’arrêt avant dire droit du 6 janvier 2022
CONFIRME le jugement rendu le 18 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Narbonne en toutes ses dispositions critiquées’;
Y ajoutant
CONDAMNE Mme [A] [W] à payer à Mme [F] [I] la somme de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
CONDAMNE M. [D] [W] à payer à Mme [F] [I] la somme de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
CONDAMNE Mme [A] [W] à payer à M. [J] [V] la somme de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
CONDAMNE M. [D] [W] à payer à M. [J] [V] la somme de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
CONDAMNE Mme [A] [W] et M. [D] [W] aux dépens comprenant les frais d’expertise.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
D. IVARA S. DODIVERS