En vertu des dispositions de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l’article L. 741-2 du code de justice administrative, les cours administratives d’appel peuvent, dans les causes dont elles sont saisies, prononcer, même d’office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires.
En l’occurrence, le passage de la requête, dont la suppression est demandée en appel par l’intéressé, n’excède pas le droit à la libre discussion et ne présente pas un caractère outrageant ou diffamatoire. Les conclusions tendant à sa suppression doivent par suite être rejetées.
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Cour administrative d’appel de Toulouse, 2ème chambre, 28 mars 2023, 21TL00075
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A B a demandé au tribunal administratif de Montpellier d’annuler la décision du 8 février 2019 par laquelle le directeur de la caisse des dépôts et consignations a refusé de lui accorder treize jours de congés au titre des vingt années d’activité professionnelle en application de l’accord-cadre 2019-2021, ensemble le rejet de son recours gracieux du 24 avril 2019.
Par un jugement n°1902461 du 6 novembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 8 février 2019 du directeur de la caisse des dépôts et consignations refusant de faire droit à la demande de dotation de treize jours de congés présentée par M. B, ensemble le rejet de son recours gracieux.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 janvier et 4 août 2021, sous le n°21MA00075 au greffe de la cour administrative d’appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d’appel de Toulouse sous le n° 21TL00075, la caisse des dépôts et consignations, représentée par Me Rey, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 6 novembre 2020 ;
2°) de rejeter les demandes de M. B ;
3°) de mettre à la charge de M. B les dépens ainsi qu’une somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
– sa requête, suffisamment motivée, est recevable ;
– l’analyse erronée du tribunal va à l’encontre de l’esprit des avantages offerts aux agents au titre de la reconnaissance de leur engagement professionnel ; contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, elle n’a commis aucune erreur de droit ;
– M. B, qui avait déjà bénéficié des avantages prévus par l’accord cadre 2015-2017 au titre d’une activité professionnelle de vingt ans, ne pouvait, de nouveau, bénéficier de l’attribution de la médaille du travail et des avantages en découlant pour une activité professionnelle d’une même durée ; la nature même de l’avantage, constitué par l’attribution d’une médaille du travail, induit que celle-ci ne peut être nécessairement allouée, au titre d’une même durée, qu’une seule fois ; l’objectif de la caisse, à travers la mise en place de ce dispositif, est de consacrer au profit des agents publics, par souci d’équité avec les personnels de droit privé, des modalités de reconnaissance professionnelle ; par analogie avec les dispositions du décret n°84-591 du 4 juillet 1984, les différentes dotations prévues par les accords-cadres ne peuvent être allouées aux agents qu’une fois au cours de leur carrière pour chaque période prévue ; elle a précisé, par une fiche technique, diffusée sur l’intranet, que les agents ne pouvaient bénéficier des différentes médailles » que s’ils n’ont pas déjà bénéficié d’une prime ou d’une dotation de jours au titre de la médaille considérée » ;
– le dispositif repris par l’accord-cadre 2019-2021 visait à permettre aux agents justifiant d’une certaine ancienneté au cours de la période 2019-2021 de pouvoir en bénéficier ; le simple fait que les accords-cadres soient adoptés pour des périodes limitées ne saurait conférer un droit aux agents de bénéficier d’une même médaille du travail à l’occasion de chaque nouvel accord-cadre ; les stipulations de l’accord n’ont vocation à s’appliquer qu’aux agents remplissant les conditions pour bénéficier de la dotation de jours sur la période en question.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 16 mars, 17 août 2021, et un dépôt de pièces, enregistré le 10 mars 2022, M. A B, représenté par Me Tisler, conclut au rejet de la requête, à la suppression de ses mentions diffamatoires et à ce que les dépens et une somme de 3 000 euros soient mis à la charge de la caisse des dépôts et consignations en application des dispositions des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que la requête est irrecevable en l’absence de motivation suffisante et qu’elle est mal fondée.
Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat a attribué à la cour administrative d’appel de Toulouse le jugement de la requête de la caisse des dépôts et consignations.
Par une ordonnance du 7 septembre 2022, la clôture de l’instruction a été fixée au 10 octobre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
– la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,
– les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
– les observations de Me Riffard, représentant la caisse des dépôts et consignations et les observations de Me Tisler, représentant M. B.
Considérant ce qui suit
:
1. M. B, agent titulaire de la fonction publique, attaché principal d’administration, analyste financier contrôleur au sein de la direction régionale Occitanie de la caisse des dépôts et consignations, a demandé, le 30 janvier 2019, l’attribution d’une dotation de treize jours au titre de vingt ans d’activité professionnelle acquis à compter du 1er janvier 2012, sur le fondement du point 7 du chapitre 2 de l’accord-cadre conclu entre la caisse des dépôts et consignations et des organisations syndicales habilitées pour la période 2019-2021. Par une décision du 8 février 2019, la caisse des dépôts et consignations a refusé de faire droit à cette demande au motif que l’agent avait déjà bénéficié de cette mesure dans le cadre de l’application d’un accord cadre précédent. Le 24 avril 2019, le directeur général de la caisse des dépôts et consignations a rejeté le recours gracieux présenté par M. B. Par un jugement du 6 novembre 2020, dont la caisse des dépôts et consignations relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 8 février 2019 refusant de faire droit à la demande de dotation de treize jours de congés présentée par M. B, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes du cinquième alinéa de l’article 34 de la loi susvisée du 28 mai 1996, dans sa rédaction applicable à l’espèce : » La Caisse des dépôts et consignations, représentée par son directeur général, est habilitée à conclure des accords collectifs avec les organisations syndicales représentatives, qui ont pour objet d’assurer la mise en cohérence des règles sociales dont relèvent les personnels de la Caisse des dépôts et consignations. Approuvés par arrêté du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, ces accords s’appliquent de plein droit à l’ensemble de ces personnels. La Caisse des dépôts et consignations est par ailleurs habilitée à conclure des accords collectifs avec les organisations syndicales représentatives et une ou plusieurs des personnes morales liées à elle au sens du II l’article L. 2331-1 du code du travail. « . Aux termes du point 7 du chapitre 2 de l’accord-cadre 2019-2021 conclu le 18 octobre 2018 entre la caisse des dépôts et les organisations syndicales habilitées : » L’établissement public confirme pour la durée du présent accord sa volonté de reconnaître, pour tout agent, son engagement durant toute une vie professionnelle. () Il est prévu à cet effet que : – les personnels en fonction bénéficient sur demande s’ils justifient d’au moins 20 ans d’activité professionnelle, d’une dotation de 20 jours portées sur un compte temps spécifique. / Le bénéfice de la dotation au titre de 20 ans d’activité professionnelle est accordé uniquement aux personnels qui remplissent cette condition à compter du 1er janvier 2012. () « .
3. Il est constant que M. B a bénéficié, conformément à la demande qu’il a présentée le 19 août 2016, d’une dotation de sept jours au titre de vingt années d’activité professionnelle, en application du précédent accord cadre 2015-2017 avant de présenter une nouvelle demande, le 30 janvier 2019, en vue de se voir attribuer une dotation de treize jours au même titre. Si la caisse des dépôts et consignations soutient que cet avantage ne pouvait être alloué qu’une fois, les stipulations du point 7 du chapitre 2 de l’accord-cadre 2019-2021 citées au point précédent ne subordonnent toutefois le bénéfice sur demande de la dotation de vingt jours qu’à la seule condition que les personnels en fonction justifient d’au moins vingt ans d’activité professionnelle à compter du 1er janvier 2012. Elles ne prévoient ainsi notamment pas que les agents qui auraient déjà bénéficié d’une dotation de jours à ce titre se trouveraient de ce fait exclus de ce dispositif. Dès lors, la seule circonstance que M. B se soit vu accorder à l’occasion d’une précédente demande une dotation de sept jours dans le cadre de l’application d’un précédent accord-cadre ne faisait pas obstacle ce qu’il puisse obtenir un versement de treize jours supplémentaires et ainsi bénéficier de la dotation de vingt jours sur le compte épargne spécifique prévue par l’accord-cadre 2019-2021. Par suite, la caisse des dépôts et consignations n’est pas fondée à soutenir que M. B n’aurait pas rempli les conditions prévues par cet accord pour bénéficier de la dotation de vingt jours au titre de la période considérée. Elle ne peut, par ailleurs, utilement invoquer l’esprit des avantages offerts aux agents au titre de la reconnaissance de leur engagement professionnel, ni les dispositions d’un décret n°84-591 du 4 juillet 1984 relatif à la médaille d’honneur du travail qui sont inapplicables aux fonctionnaires, ou encore une fiche technique interne diffusée sur l’intranet de la caisse des dépôts indiquant que les agents ne peuvent être bénéficiaires s’ils ont déjà bénéficié d’une dotation de jours à ce titre, qui ajoute ainsi une condition pour bénéficier de l’avantage qui n’a pas été prévue par l’accord-cadre applicable.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir, que la caisse des dépôts et consignations n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé ses décisions des 8 février et 24 avril 2019.
Sur les conclusions tendant à la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires :
5. En vertu des dispositions de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l’article L. 741-2 du code de justice administrative, les cours administratives d’appel peuvent, dans les causes dont elles sont saisies, prononcer, même d’office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires.
6. Le passage de la requête, dont la suppression est demandée en appel par M. B, n’excède pas le droit à la libre discussion et ne présente pas un caractère outrageant ou diffamatoire. Les conclusions tendant à sa suppression doivent par suite être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
7. En l’absence de dépens, les conclusions des parties présentées sur le fondement de l’article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. B, qui n’a pas la qualité de partie perdante, verse à la caisse des dépôts et consignations la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la caisse des dépôts et consignations le versement à M. B d’une somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la caisse des dépôts et consignations est rejetée.
Article 2 : La caisse des dépôts et consignations versera à M. B une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse des dépôts et consignations et à M. A B.
Délibéré après l’audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Anne Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.
Le rapporteur,
T. Teulière
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.
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