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ARRET N° 149
N° RG 21/02572
N° Portalis DBV5-V-B7F-GLHS
[O]
C/
S.A.R.L. SOCIETE POITEVINE DE RESTAURATION COLLECTIVE
(SPRC)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 30 MARS 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 août 2021 rendu par le Conseil de Prud’hommes de POITIERS
APPELANT :
Monsieur [C] [O]
né le 22 Octobre 1974 à [Localité 3] (86)
[Adresse 2]
[Localité 3]
Ayant pour avocat plaidant Me Gildas LESAICHERRE, avocat au barreau de POITIERS
INTIMÉE :
S.A.R.L. SOCIETE POITEVINE DE RESTAURATION COLLECTIVE (SPRC)
N° SIRET : B 389 957 531
[Adresse 1]
[Localité 4]
Ayant pour avocat plaidant Me François-Xavier GALLET, substitué par Me Christine GONCALVES-GOJOSSO, tous deux de la SELARL GALLET & GOJOSSO AVOCATS, avocats au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 06 Février 2023, en audience publique, devant :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Valérie COLLET, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société Poitevine de Restauration Collective, ci-dessous dénommée la S.P.R.C., est spécialisée dans la fabrication et la livraison de repas de restauration collective.
Elle a embauché M. [C] [O] dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à effet du 3 octobre 2016, en qualité de cuisinier.
Le 7 novembre 2016, à l’issue d’une visite médicale d’embauche, le médecin du travail a déclaré M. [C] [O] apte à son poste, précisant son avis comme suit : ‘Port de charges sur les membres supérieurs….Aide préconisée dès manipulation > 7 kg’.
M. [C] [O] a été placé en arrêt de travail le 14 août 2018. Son arrêt de travail a été prolongé jusqu’au 16 décembre 2018.
Le 20 décembre 2018, à l’issue d’une visite médicale de reprise, le médecin du travail a déclaré M. [C] [O] inapte à son poste de travail.
Le 16 janvier 2019, la S.P.R.C. a convoqué M. [C] [O] à un entretien préalable à son éventuel licenciement.
Le 30 janvier 2019, la S.P.R.C. a notifié à M. [C] [O] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de procéder à son reclassement.
Le 7 octobre 2019, M. [C] [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Poitiers aux fins, en l’état de ses dernières prétentions, de voir :
– juger que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– condamner la S.P.R.C. à lui payer les sommes suivantes :
– 7 990,55 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité ;
– 1 360,57 euros à titre de maintien de salaires ;
– 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par jugement en date du 10 août 2021, le conseil de prud’hommes de Poitiers a :
– débouté ‘M. [C] [O] de l’ensemble de ses demandes concernant :
– juger que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– 7 990,55 euros, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 6 000 euros, dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité ;
– 1 360,57 euros, maintien de salaires ;
– 2 500 euros, article 700 du Code de procédure civile’ ;
– condamné M. [C] [O] à ‘verser à la S.P.R.C. le remboursement des sommes qui lui ont été versées indûment soit 1 107,34 euros à titre de trop perçu d’indemnité de licenciement et 3 538,64 euros bruts à titre d’indemnité de préavis ainsi que 353,86 euros bruts de congés payés afférents’ ;
– condamné M. [C] [O] à verser à la S.P.R.C. la somme de 1 euro sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le 18 août 2021, M. [C] [O] a relevé appel de ce jugement en ce qu’il :
– l’avait débouté ‘de l’ensemble de ses demandes et conclusions concernant :
– juger que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– 7 990,55 euros, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 6 000 euros, dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité ;
– 1 360,57 euros, maintien de salaires ;
– 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile’ ;
– l’avait condamné ‘à verser à la S.P.R.C. le remboursement des sommes qui lui avaient été versées indûment soit 1 107,34 euros à titre de trop perçu d’indemnité de licenciement et 3 538,64 euros bruts à titre d’indemnité de préavis ainsi que 353,86 euros bruts de congés payés afférents’ ;
– l’avait condamné à verser à la S.P.R.C. la somme de 1 euro sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions reçues au greffe le 1er mars 2022, M. [C] [O] demande à la cour :
– avant dire droit :
– de constater que l’employeur s’était, lors de la conciliation, engagé à produire le dossier médical et toutes données techniques de nature à éclairer le conseil sur l’origine de sa pathologie ;
– d’ordonner une mesure d’expertise médicale aux frais avancés de l’employeur afin de définir le lien de causalité éventuel entre sa maladie telle qu’elle a justifié son licenciement et les tâches qu’il a exercées ;
– de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
– et, statuant à nouveau :
– de juger que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– de condamner la S.P.R.C. à lui payer les sommes suivantes :
– 7 990,55 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité ;
– 1 360,57 euros à titre de maintien de salaires ;
– de débouter la S.P.R.C. de toutes ses demandes et de réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamné à rembourser à la S.P.R.C. les sommes suivantes :
– 1 107,34 euros à titre de trop perçu d’indemnité de licenciement ;
– 3 538,64 euros bruts à titre d’indemnité de préavis ;
– 353,86 euros bruts de congés payés afférents ;
– de condamner la S.P.R.C. à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions reçues au greffe le 9 juin 2022, la S.P.R.C. demande à la cour :
– de déclarer irrecevable la demande d’expertise avant dire droit formée par M. [C] [O] ;
– subsidiairement, de rejeter cette demande ;
– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– débouté M. [C] [O] de l’ensemble de ses demandes concernant :
– sa demande de reconnaissance du caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement ;
– sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– sa demande de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité ;
– sa demande de maintien de salaires pour un montant de 1 360,57 euros ;
– sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamné M. [C] [O] à lui payer 1 107,34 euros de trop perçu d’indemnité de licenciement et 3 538,64 euros d’indemnité de préavis ainsi que 353,86 euros de congés payés afférents ;
– condamné M. [C] [O] sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– de réformer ce jugement en ce qu’il :
– l’a déboutée de sa demande de condamnation de M. [C] [O] à lui payer la somme de 1 500 euros pour atteinte à l’image de la société envers les autres salariés ;
– l’a déboutée de sa demande de condamnation de M. [C] [O] à lui payer la somme de 1 500 euros pour procédure abusive ;
– a condamné M. [C] [O] à lui payer la somme de 1 euro sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– et, statuant à nouveau :
– de condamner M. [C] [O] à lui payer la somme de 1 500 euros pour atteinte à l’image de la société envers les autres salariés ;
– de condamner M. [C] [O] à lui payer la somme de 1 500 euros pour procédure abusive ;
– de condamner M. [C] [O] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre de la première instance et celle de 3 000 euros au titre de la procédure d’appel ;
– de condamner M. [C] [O] aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée le 9 janvier 2023 et l’affaire a été renvoyée à l’audience du 6 février 2023 à 14 heures pour y être plaidée.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties.
– Sur la demande d’expertise médicale formée avant dire droit par M. [C] [O] :
Au soutien de sa demande, M. [C] [O] expose en substance :
– qu’il ne peut déterminer par lui-même le lien de causalité entre son incapacité et les tâches qu’il a été amené à effectuer ;
– que l’employeur s’était engagé à produire un dossier médical contenant toutes les données techniques de nature à éclairer le conseil sur l’origine de sa pathologie.
En réponse, la S.P.R.C. objecte pour l’essentiel :
– que la demande d’expertise formée par M. [C] [O] est irrecevable, la déclaration d’appel de ce dernier n’ayant pas porté sur ce point ;
– subsidiairement, que cette demande doit être rejetée au visa de l’article 146 du Code de procédure civile puisqu’il n’appartient pas à la cour de suppléer la carence de M. [C] [O].
L’article 562 du Code de procédure civile énonce que l’appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent.
L’article 901 du même code dispose :
‘La déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l’article 58, et à peine de nullité :
……….
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible’.
En l’espèce, alors qu’il ressort de l’exposé du litige du jugement déféré que ‘le conseil a rejeté une demande d’instruction’, la déclaration d’appel de M. [C] [O] ne fait état ni directement ni indirectement de cette demande.
Aussi cette demande, n’ayant pas été dévolue à la cour, doit-elle être déclarée irrecevable.
– Sur les demandes formées par M. [C] [O] pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et au titre du licenciement :
Au soutien de son appel, M. [C] [O] expose en substance :
– que lors de sa visite médicale d’embauche le médecin du travail avait, au vu de ses antécédents médicaux, préconisé une aide pour le port des objets de plus de 7 kgs ;
– qu’il avait donc interdiction de porter seul les objets de plus de 7 kgs ;
– que pourtant, durant la période de mai à juillet 2018 au cours de laquelle l’entreprise a connu une diminution de son personnel et un surcroît de travail, il a été contraint de porter des charges excessives de manière récurrente ;
– que son relevé d’heures relatif à cette période témoigne de la forte hausse d’activité au cours de cette période ;
– qu’après une étude de poste, le 19 décembre 2018, le médecin du travail a affirmé sans ambiguïté qu’il avait porté des charges de presque 10 kgs sans aide, ce qui démontre que la S.P.R.C. n’avait pas pris en compte les recommandations du médecin du travail ;
– que les témoignages produits par la S.P.R.C. n’établissent pas qu’il n’a pas porté de charges de plus de 7 kgs ;
– que le document unique d’évaluation des risques dont fait état la S.P.R.C. n’a pas été mis à jour depuis 2017 et qu’en tout état de cause ce document, pas plus que l’entretien annuel dont fait état l’employeur, n’établit pas que celui-ci a respecté son obligation de sécurité ;
– que la violation par la S.P.R.C. de son obligation de sécurité a occasionné une aggravation de son état de santé ;
– que ses douleurs à la main ont été ‘admises par la législation professionnelle’ et que, le 23 juillet 2019, ‘le médecin’ a reconnu une aggravation de son taux d’incapacité permanente partielle à 28 % ;
– que si l’accident du travail à l’origine de ses difficultés s’est produit en 2009, c’est au cours de son activité au sein de la S.P.R.C. que son état s’est aggravé ;
– qu’il est manifeste que la S.P.R.C. a violé les dispositions de l’article L 4121-1 du Code du travail ;
– qu’il peut donc prétendre au paiement de dommages et intérêts pour manquement de la S.P.R.C. à son obligation de sécurité de résultat ;
– qu’il est de jurisprudence constante que le licenciement pour inaptitude peut être déclaré sans cause réelle et sérieuse s’il est dû à un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité qui a été à l’origine de l’aggravation ayant entraîné l’inaptitude.
En réponse, la S.P.R.C. objecte pour l’essentiel :
– qu’alors que M. [C] [O] procède par simples affirmations, elle prouve qu’elle a parfaitement respecté ses obligations en matière de sécurité et de prévention des risques ;
– qu’elle a procédé et procède chaque année à une étude des risques existant dans l’entreprise ;
– que le document unique qu’elle produit est celui de 2017 car il s’agit de celui qui était en vigueur au moment où M. [C] [O] prétend qu’elle a violé son obligation de sécurité ;
– que M. [C] [O] a bénéficié de formations en matière de prévention et de sécurité ;
– que M. [C] [O] n’a jamais signalé la moindre difficulté en matière de sécurité au cours de la relation de travail et notamment à l’occasion de l’entretien annuel du 16 octobre 2017 au cours duquel un point a été fait sur ses missions permanentes ;
– que les fonctions exercées par M. [C] [O] de mai à juillet 2018, à savoir celles de responsable satellite adjoint, n’impliquaient pas le port de charges mais seulement de préparer les assiettes qui étaient ensuite servies en salle par des serveuses, les plats proposés ayant été préparés en amont ;
– que les allégations de M. [C] [O] sont contredites par les attestations de ses collègues qu’elle verse aux débats (ses pièces n° 16 à 19 , 32 et 33) et dont il ressort que tout avait été mis en place pour que M. [C] [O] ne soulève pas de poids supérieurs à 5 kgs ;
– que l’étude de poste faite par le médecin du travail le 19 décembre 2018 ne mentionne à aucun moment que le salarié manutentionne seul des charges de 10 kgs, étant précisé que ce médecin n’a pas même interrogé les collègues de M. [C] [O] ;
– que le document établi le 23 juillet 2019 par le médecin conseil dont le salarié fait état n’établit pas un lien entre l’activité professionnelle de M. [C] [O] au sein de l’entreprise et sa pathologie, étant rappelé que l’accident du travail ayant causé une fracture du poignet de M. [C] [O] n’a pas eu lieu dans l’entreprise mais est survenu en 2009 quand celui-ci n’est entré à son service qu’en 2016 ;
– que l’inaptitude de M. [C] [O] n’est donc pas liée à une quelconque faute qu’elle aurait commise.
L’article L 4121-1 du code du travail énonce :
‘L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
– Des actions de préventions des risques professionnels et de la pénibilité du travail, y compris ceux mentionnés à l’article L 4161-1 ;
– Des actions d’information et de formation ;
– La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes’.
L’article L 4121-2 du même code dispose :
‘ L’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
– 1° Eviter les risques ;
– 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
– 3° Combattre les risques à la source ;
– 4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
– 5° Tenir compte de l’évolution de la technique ;
– 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
– 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L 1152-1 et L 1153-1 ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L 1142-2-1 ;
– 8° Prendre les mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
– 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs’.
Aussi, l’employeur est-il tenu d’une obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés.
Par ailleurs, il est de principe qu’est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu’il est démontré que l’inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée.
En l’espèce, il est constant d’une part qu’à l’occasion de la visite médicale d’embauche du 7 novembre 2016, le médecin du travail a déclaré M. [C] [O] apte à son poste et a précisé son avis comme suit : ‘Port de charges sur les membres supérieurs….Aide préconisée dès manipulation > 7 kg’ et d’autre part que, le 20 décembre 2018, le médecin du travail a déclaré M. [C] [O] inapte à son poste de cuisinier mais ‘apte à un poste sans manutention et sans mouvements répétitifs du membre supérieur’.
Si la pièce n° 7 produite par M. [C] [O] au soutien de sa thèse d’un surcroît de travail, à savoir des tableaux de présence portant sur les mois de mai à août 2018, fait apparaître ses temps de travail, ces tableaux ne contiennent aucune indication sur la nature des tâches qu’il a accomplies ni donc sur le port de charges supérieures à 7 kilogrammes sans aide au cours de cette période.
Certes la pièce n° 8 versée aux débats par M. [C] [O] et intitulée ‘Etude de poste de M. [C] [O] cuisinier chez SPRC 19-12-2018’ mentionne notamment : ‘….Lors de la production des plats chauds, le salarié manutentionne des bacs en inox contenant environ 5 à 7,5 kg. En additionnant le poids du contenu avec le poids des contenants (bacs de 1 à 2 kg), on peut évaluer le poids de chaque objet déplacé de 6 à presque 10 kg’. Toutefois, ce document d’une part mentionne sous le paragraphe ‘Activité de travail’ que ‘trois personnes sont employées sur cette activité’ et d’autre part ne contient aucune indication faisant apparaître que M. [C] [O] avait été en situation de soulever, sans aide, les bacs ou plus généralement des charges d’un poids supérieur à 7 kilogrammes, étant précisé que l’étude dont s’agit a été réalisée ‘en l’absence du salarié’ et que la S.P.R.C. communique plusieurs attestations d’anciens collègues de M. [C] [O] (ses pièces n°16 à 19 et 32) qui y déclarent tous que le port de charge au sein de l’entreprise n’était jamais supérieur à 5 kilogrammes.
Enfin aucune des autres pièces produites par M. [C] [O] ne se rapporte à la question du port de charges au sein de l’entreprise.
Aussi, la cour considère que M. [C] [O] ne produit pas d’éléments suffisamment probants de nature à étayer sa thèse d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et en conséquence déboute M. [C] [O] tant de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour non-respect par la S.P.R.C. de son obligation de sécurité et que de ses demandes consécutives au titre du licenciement.
– Sur la demande formée par M. [C] [O] au titre du maintien de salaire :
Au soutien de son appel, M. [C] [O] expose en substance :
– qu’au jour de son arrêt de travail il avait entre 1 et 2 années d’ancienneté ;
– que l’article 26 B de la convention collective du personnel des entreprises de restauration collective applicable au sein de la S.P.R.C. précise notamment que la rémunération à maintenir est celle que le salarié aurait perçue s’il avait continué de travailler et que le calcul de cette rémunération se fait sur la base du salaire brut mensuel ;
– que la Cour de cassation rappelle que le salaire mensuel brut doit prendre en compte toutes les indemnités et primes qui constituent un élément de rémunération lié à l’organisation du travail et qui auraient été perçues si le salarié avait continué de travailler ;
– qu’en l’espèce, pour le calcul de son droit au maintien de son salaire, il devait être tenu compte de la prime d’activité, du service minimum, de l’avantage en nature nourriture, de l’indemnité de nourriture ainsi que de toutes les primes ;
– qu’en outre en matière d’accident du travail, le salaire brut à prendre en compte est celui du mois ayant précédé l’arrêt de travail, soit en l’espèce celui du mois de juillet 2018 qui s’est élevé à 2 283,13 euros.
En réponse, la S.P.R.C. objecte pour l’essentiel :
– que l’affirmation de M. [C] [O] selon laquelle le salaire brut à prendre en compte pour calculer les indemnités auxquelles il a droit est celui du mois ayant précédé l’arrêt de travail est fausse et ne repose sur aucun fondement ;
– que la jurisprudence citée par M. [C] [O] à ce sujet ne s’applique qu’à un cas particulier, celui des travaux publics ;
– que le bulletin de salaire sur lequel M. [C] [O] fonde sa demande est celui du mois de juillet 2018 au cours duquel il a été payé pour des heures supplémentaires, il a reçu une majoration au titre d’un jour férié (le 14 juillet), une prime d’activité continue, une prime de service minimum, un avantage en nature nourriture et une indemnité de nourriture ;
– que pourtant M. [C] [O] n’accomplissait pas systématiquement des heures supplémentaires, que le 14 juillet est occasionnel, que la convention collective (article 22) prévoit que l’avantage en nature nourriture ou l’indemnité nourriture ne sont dus que lorsque le salarié est présent sur le lieu du travail au moment du repas, que la prime continue d’activité est, selon l’article 36.1 de la convention collective, versée au prorata du temps de travail effectif, qu’il en est de même de la prime de service minimum ;
– que le salaire mensuel à maintenir pour M. [C] [O] était donc de 1 564,02 euros plus 130,33 euros bruts soit 1 694,35 euros bruts et non 2 283,13 euros bruts comme celui-ci le prétend.
L’article L 1226-1 du Code du travail fixe le principe et les conditions d’attribution d’une indemnité complémentaire à l’allocation journalière prévue à l’article L 321-1 du Code de la Sécurité Sociale.
L’article D 1226-1 du même code énonce ; ‘L’indemnité complémentaire prévue à l’article L 1226-1 est calculée selon les modalités suivantes :
1° Pendant les trente premiers jours, 90% de la rémunération brute que le salarié aurait perçue s’il avait continué à travailler ;
2° Pendant les trente jours suivants, deux tiers de cette même rémunération’.
La cour observe que les parties ne sont contraires ni sur le principe du versement de l’indemnité complémentaire prévue par l’article L 1226-1 précité ni même sur le taux à appliquer à la rémunération du salarié servant à déterminer le montant de cette indemnité complémentaire, mais seulement sur le salaire de référence devant être pris en considération.
Pour tenter de justifier sa demande de ce chef, M. [C] [O] produit en tout et pour tout d’une part son bulletin de salaire du mois de juillet 2018 et d’autre part sa pièce n° 10 qui est un extrait de la convention collective nationale de la restauration collective, laquelle pièce n’apporte aucun éclairage se distinguant de la réglementation portée par l’article D 1226-1 précité sur le salaire de référence devant servir au calcul du montant de l’indemnité complémentaire puisqu’en effet la convention collective stipule à ce sujet : ‘Maintien du salaire brut….Maximum : rémunération que le salarié aurait perçue s’il avait travaillé normalement’.
Cette dernière stipulation fait donc obstacle à l’inclusion dans le calcul du montant du salaire de référence des sommes que le salarié a perçues pour le mois de juillet 2018 au titre des heures supplémentaires accomplies au cours de ce mois ainsi qu’au titre de la ‘majoration heures jour férié à 100% le 14/07/2018′.
En outre si l’article 22 de la convention collective applicable dans l’entreprise prévoit que l’employeur est tenu de nourrir gratuitement son personnel de service c’est à la condition que celui-ci soit ‘présent sur les lieux de travail au moment des repas’, ce qui fait obstacle à l’inclusion dans le calcul du montant du salaire de référence des sommes que le salarié a perçues pour le mois de juillet 2018 au titre de ‘l’avantage en nature nourriture’ et de ‘l’indemnité nourriture’.
Enfin, l’article 36-1 de la convention collective applicable dans l’entreprise qui prévoit, sous certaines conditions, le versement d’une prime d’activité continue, précise que cette prime est ‘versée au prorata du temps de travail effectif’, ce qui fait obstacle à son inclusion dans le calcul du montant du salaire de référence lorsque le salarié concerné n’a pas travaillé.
Aussi c’est à bon droit que la S.P.R.C. soutient que le salaire mensuel à maintenir pour M. [C] [O] était de 1 564,02 euros majoré de la somme de 130,33 euros bruts correspondant à la ‘prime conventionnelle 13ème mois mensualisée’ qu’il aurait perçue s’il avait continué à travailler ‘normalement’.
En conséquence, la cour déboute M. [C] [O] de sa demande de ce chef.
– Sur les demandes reconventionnelles formées par la S.P.R.C. tendant au remboursement de sommes :
Au soutien de son appel, M. [C] [O] se limite à soutenir que la cour ne pourra que débouter la S.P.R.C. de sa demande ‘non pleinement formulée’.
En réponse, la S.P.R.C. fait valoir :
– que l’inaptitude de M. [C] [O] a résulté d’une rechute d’un accident du travail survenu alors qu’il travaillait dans une autre entreprise ;
– que c’est à tort qu’elle a versé à M. [C] [O] une indemnité de licenciement doublée et une indemnité de préavis ;
– que ses demandes de remboursement des sommes versées à ces titres figuraient bien tant dans le dispositif que dans le corps de ses conclusions devant les premiers juges.
L’article L 1226-6 du Code du travail énonce : ‘Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables aux rapports entre un employeur et son salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, survenu ou contractée au service d’un autre employeur’.
En outre, il est de principe que le salarié ne peut prétendre au bénéfice de la protection légale prévue pour les victimes d’accident du travail lorsqu’il n’existe pas de lien de causalité entre la rechute de l’accident initial survenu chez un précédent employeur et les conditions de travail du salarié au service du nouvel employeur.
Or en l’espèce, M. [C] [O] ne justifie d’aucune manière de l’existence d’un lien de causalité entre ses conditions de travail au sein de la S.P.R.C. et la rechute de l’accident du travail dont il avait été victime lorsqu’il était au service d’un précédent employeur.
Aussi, c’est à bon droit que la S.P.R.C., faisant valoir qu’elle avait indûment accordé à M. [C] [O] le bénéfice des indemnités dues aux salariés victimes d’accident du travail déclarés inapte, réclame le remboursement par M. [C] [O] des sommes versées à ce titre.
En conséquence la cour confirme le jugement déféré sur ce point.
– Sur les demandes formées par la S.P.R.C. pour procédure abusive et atteinte à son image :
Au soutien de sa demande de ce chef, la S.P.R.C. expose que la procédure initiée par M. [C] [O] est abusive car il persiste dans ses prétentions infondées tendant au paiement d’un rappel de salaire et à voir juger qu’elle a violé son obligation de sécurité.
La cour rappelle qu’il est de principe d’une part que l’exercice d’une action justice, de même que la défense à une telle action, constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans les cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol et d’autre part que le caractère infondé des demandes formulées avec insistance, tant en première instance qu’en cause d’appel, ne suffit pas à caractériser une faute de nature à faire dégénérer en abus de droit l’exercice d’une voie de recours.
En l’espèce la cour considère que bien que l’action du salarié et les demandes de ce dernier ne soient pas fondées, ni cette action ni ces demandes ne présentent les caractères d’une faute ou d’un abus de droit d’agir en justice.
Aussi la S.P.R.C. sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.
Enfin la cour constate que la S.P.R.C. ne développe aucun moyen tant en fait qu’en droit et ne produit aucun élément en rapport avec sa demande de dommages et intérêts pour ‘atteinte à son image envers les autres salariés’.
Aussi la cour la déboute de sa demande de ce chef.
– Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Succombant en toutes ses demandes, M. [C] [O] sera condamné aux entiers dépens tant de première instance que d’appel.
En revanche, il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la S.P.R.C. l’intégralité des frais par elle exposés et non compris dans les dépens. Aussi, la S.P.R.C. sera déboutée de ses demandes sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile tant au titre des frais irrépétibles de première instance que des frais irrépétibles de l’appel.
:
LA COUR,
Déclare irrecevable la demande d’expertise médicale formée par M. [C] [O] ;
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné M. [C] [O] à verser à la société Poitevine de Restauration Collective la somme de 1 euro sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Et, statuant à nouveau sur ce point :
– Déboute la société Poitevine de Restauration Collective de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance ;
Et, y ajoutant :
– Déboute la société Poitevine de Restauration Collective de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l’appel ;
– Condamne M. [C] [O] aux entiers dépens tant de première instance que de l’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,