Your cart is currently empty!
* * *
Cour d’appel de Paris, Pôle 6 – Chambre 7, 30 mars 2023, 19/08789
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 7
ARRET DU 30 MARS 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/08789 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAPEI
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Juillet 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VILLENEUVE SAINT GEORGES – RG n° 18/00494
APPELANT
Monsieur [L] [B]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Philippe PACOTTE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0513
INTIMEE
Société BOURRELIER GROUP (ANCIENNEMENT DENOMMEE BRICORAMA)
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Loïc TOURANCHET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre
Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre
Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller
Greffiers : Madame Joanna FABBY et Madame Marie-Charlotte BEHR, lors des débats.
ARRET :
– CONTRADICTOIRE,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre et par Madame Marie-Charlotte BEHR, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [B] a été engagé par la société Bricorama, par contrat à durée indéterminée en date du 15 avril 2013, en qualité de directeur général opérationnel, coefficient 600, statut cadre dirigeant.
Sa rémunération était fixée à 150.000 euros annuels en 2013, 160.000 euros en 2014 et 170.000 euros en 2015. A cela s’ajoutait une rémunération variable de 60.000 euros annuels sous condition d’atteinte des objectifs définis. Par ailleurs, son contrat prévoyait également une garantie de salaire annuel de 200.000 euros proratisée.
Par courrier en date du 31 octobre 2014, M. [B] a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement pour faute et mis à pied à titre conservatoire.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 21 novembre 2014, M. [B] a été licencié pour faute grave aux motifs « de graves infractions à vos obligations professionnelles et un comportement totalement inadapté, compte tenu de vos fonctions ».
Le 11 mars 2015, M. [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Villeneuve Saint Georges pour contester la légitimité de son licenciement et afin d’obtenir l’allocation de diverses sommes.
Le 11 janvier 2016, le conseil de prud’hommes a prononcé la radiation du dossier.
A la suite d’une demande de rétablissement du 13 juillet 2016, réitérée le 22 juillet 2016, le dossier a été à nouveau audiencé au 3 avril 2017.
A cette date, une nouvelle décision de radiation a été prise par le conseil.
Une dernière réinscription de l’affaire a été ordonnée pour le 7 janvier 2019 à laquelle l’affaire a été plaidée.
Par jugement en date du 1er juillet 2019, le Conseil de Prud’hommes a:
– dit que l’instance reprise le 7 août 2018 par M. [B] à l’encontre de la société Bricorama était périmée ;
– condamné M. [B] aux éventuels frais et éventuels dépens de la première instance.
M. [B] a interjeté appel du jugement le 2 août 2019.
Par conclusions du 23 novembre 2021, M. [B] demande à la Cour de réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Villeneuve Saint Georges et :
– d’écarter la fin de non-recevoir tirée d’une prétendue péremption de l’instance
– de le juger recevable et bien fondé en ses demandes
– de juger que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse
En conséquence,
– de condamner la société Bricorama à lui verser les sommes suivantes:
56.222 € à titre de rappel de salaire contractuel,
5.622 € à titre de congés payés afférents,
50.000 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
6.000 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
8.615 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,
861,05 € à titre de congés payés afférents,
133.328 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et vexatoire,
3.500 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions du 13 janvier 2020, la société Bourrelier Group (anciennement dénommée Bricorama) demande à la Cour d’appel la confirmation du jugement en ce qu’il a :
– dit que l’instance reprise le 7 août 2018 par M. [B] était périmée ;
– condamné M. [B] aux éventuels frais et éventuels dépens de la première instance ;
Statuant à nouveau :
In limine litis :
– déclarer l’instance engagée par M. [B] devant le Conseil de Prud’hommes périmée et donc éteinte ;
– le débouter de l’intégralité de ses demandes.
A titre principal :
Si la Cour n’entendait pas déclarer l’instance périmée :
– dire la mise à pied de M. [B] parfaitement justifiée.
– dire le licenciement parfaitement fondé et la faute grave invoquée à l’appui de celui-ci parfaitement caractérisée ;
En conséquence :
– débouter M. [B] de ses demandes :
d’indemnité de préavis et congés payés sur préavis ;
d’indemnité de licenciement ;
de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire ;
de dommages et intérêts pour licenciement abusif.
– limiter à la somme de 39.414 € le montant réclamé par M. [B] au titre de la rémunération minimale garantie et à la somme de 3.941 € au titre des congés payés y afférents.
A titre subsidiaire :
Si la Cour n’entendait pas retenir de faute grave :
– dire en tout état de cause le licenciement de M. [B] justifié par une cause réelle et sérieuse ;
En conséquence :
– débouter M. [B] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
A titre plus subsidiaire :
Si par extraordinaire la Cour entendait considérer le licenciement de M. [B] comme abusif :
– dire que celui-ci ne justifie d’aucun préjudice et, en conséquence le débouter des dommages et intérêts formulés à ce titre.
A titre encore plus subsidiaire :
– réduire le montant des dommages et intérêts qui pourraient lui être accordés à de plus justes proportions ;
En tout état de cause :
– débouter M. [B] du surplus de ses demandes.
A titre reconventionnel :
– condamner M. [B] à lui régler la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour atteinte à son image et à celle de ses dirigeants ;
– condamner M. [B] à lui régler la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [B] aux entiers dépens.
L’instruction a été déclarée close le 21 septembre 2022.
Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.
Sur la péremption de l’instance
La société considère que l’instance engagée par M. [B] devant le conseil de prud’hommes est périmée et donc éteinte puisque les diligences expresses mises à sa charge par les deux ordonnances de radiation des 11 janvier 2016 et 3 avril 2017 n’ont pas été respectées.
Le salarié conteste toute péremption et rétorque en substance que le 22 juillet 2016, il a conclu et communiqué ses pièces et conclusions en sollicitant et obtenant la réinscription de son dossier, soit avant le 11 janvier 2018, date de l’acquisition de la « prescription » induite par l’ordonnance du 11 janvier 2016, puis que le 7 août 2018, il a conclu et communiqué de nouvelles pièces et de nouvelles conclusions, en sollicitant et obtenant la réinscription de son dossier, soit avant le 3 avril 2019, date de l’acquisition de la « prescription » induite par l’ordonnance du 3 avril 2017.
La péremption d’instance consiste en l’anéantissement de l’instance en raison de l’inaction des plaideurs durant un certain laps de temps.
Aux termes de l’article 386 du code de procédure civile l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.
En application de l’ancien article R. 1452-8 du code du travail : « En matière prud’homale, l’instance n’est périmée que lorsque les parties s’abstiennent d’accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l’article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ».
Cet article qui a été abrogé par le décret 2016-660 du 20 mai 2016 a toujours vocation à s’appliquer aux instances introduites devant les conseils de prud’hommes avant le 1er août 2016, ce qui est le cas en l’espèce.
Il en résulte que seule la décision ou l’injonction du juge mettant expressément une diligence à la charge d’une partie faisait alors courir le délai de péremption en matière prud’homale.
Il ressort des pièces du dossier la chronologie suivante :
– M. [B] a saisi le conseil de prud’hommes le 13 mars 2015 de demandes à l’égard de son ancien employeur la société Bricorama ;
– l’affaire a été appelée à une audience de conciliation le lundi 20 avril 2015 et renvoyée à une audience du bureau de jugement du 11 janvier 2016, avec fixation par les parties des dates d’échanges de leurs écritures et pièces,
– à l’audience du 11 janvier 2016, M. [B] était absent et le Conseil de Prud’hommes, constatant l’absence de communication des conclusions du demandeur, a prononcé la radiation du dossier conditionnant sa réintroduction à plusieurs diligences,
– à la suite de la demande de rétablissement de la procédure formulée par M. [B] les 27 juin et 22 juillet 2016, le Conseil de prud’hommes a fixé une nouvelle audience de bureau de jugement au 3 avril 2017,
– à cette date, constatant à nouveau l’absence du demandeur, une nouvelle ordonnance de radiation a été prononcée, la société défenderesse présente ayant également indiqué ne pas avoir été consultée pour fixer la date à laquelle l’affaire aurait dû être plaidée,
– M. [B] a sollicité une nouvelle réinscription le 7 août 2018 en joignant de nouvelles conclusions, l’affaire a été réinscrite le 7 janvier 2019 et le jugement déféré a été rendu le 1er juillet 2019.
La première ordonnance de radiation du 11 janvier 2016 était rédigée comme suit :
«Prononce la radiation de la présente affaire et ordonne sa suppression du rang des affaires en cours.
Dit que Monsieur [L] [B] pourra solliciter sur simple demande le rétablissement de son affaire l’opposant à la SA BRICORAMA, prise en la personne de leur représentant légal.
Ordonne à Monsieur [L] [B], avant de faire rétablir son affaire, de contacter le greffe du Conseil de Prud’hommes de Villeneuve Saint Georges, pour connaître les dates d’audience de jugement de la section encadrement à laquelle son affaire pourra être éventuellement enrôlée, contacter la SA BRICORAMA ou son Conseil pour fixer d’un commun accord la date à laquelle son affaire devra être impérativement plaidée. Ordonne à Monsieur [L] [B] de joindre à sa demande de rétablissement de son affaire une copie du bordereau de pièces et une copie des écritures qu’il aura communiquées à la SA BRICORAMA ou son Conseil, ainsi qu’une copie de l’accusé de réception démontrant la bonne réception par la SA BRICORAMA ou son Conseil respectif desdites pièces.
Dit qu’à défaut de communication desdites pièces, l’affaire ne pourra pas être réenrôlée à une prochaine audience de jugement.
Rappelle que le délai de péremption qui est de deux ans commence à courir à compter du jour du prononcé de la présente décision.
Condamne Monsieur [L] [B], partie demanderesse, aux entiers frais et éventuels dépens de la présente instance ».
La seconde décision de radiation du 3 avril 2017 mettait à la charge de M.[B] les mêmes diligences avant de faire rétablir son affaire et a ajouté que « le rétablissement de la présente affaire sans respect des diligences qui avaient été mises à la charge de Monsieur [L] [B] dans la précédente décision de radiation prononcée le 16 janvier 2016 n’a pas eu pour effet de suspendre le délai de péremption qui est de deux ans, lequel délai a commencé à courir à compter de la réception par Monsieur [L] [B] de la précédente décision de radiation, soit le 18 janvier 2016 ».
Ainsi, le conseil de prud’hommes a décidé à deux reprises de radier l’affaire de son rôle en raison d’un défaut de diligences de M. [B] et lui a, à deux reprises, imposé des actions avant de pouvoir procéder à la réinscription, à savoir de :
– contacter le greffe pour connaître les dates d’audience de jugement de la section encadrement à laquelle son affaire pourra être éventuellement enrôlée,
– contacter la SA BRICORAMA ou son Conseil pour fixer d’un commun accord la date à laquelle son affaire devra être impérativement plaidée,
– joindre à sa demande de rétablissement de son affaire une copie du bordereau de pièces et une copie des écritures qu’il aura communiquées à la SA BRICORAMA ou son Conseil, ainsi qu’une copie de l’accusé de réception démontrant la bonne réception par la SA BRICORAMA ou son Conseil respectif desdites pièces.
En premier lieu, ces actions caractérisent bien des diligences mises à la charge du demandeur afin de faire avancer son affaire, le conseil de prud’hommes ayant constaté dans sa première décision que M. [B] n’avait pas respecté le calendrier de procédure fixé lors du bureau de conciliation.
En second lieu, si effectivement, il ne pourrait être reproché au demandeur de ne pas avoir trouvé d’accord avec son adversaire sur une date d’audience, il n’en demeure pas moins que M. [B] ne justifie ni avoir contacté le greffe pour obtenir des dates d’audience de plaidoirie, ni avoir contacté son adversaire afin de lui soumettre une date d’audience à laquelle le dossier aurait pu être retenu.
Sur ce point, M. [B] ne peut utilement faire valoir que les communications avec le greffe seraient téléphoniques et avec son confrère soumises à la confidentialité puisqu’il produit aux débats des courriers recommandés ou des télécopies adressés au premier et des courriers «officiels» au second.
En troisième lieu, ni les demandes de réinscription au rôle, ni la réinscription effective au rôle de l’affaire ne sont de nature à interrompre le délai de péremption, puisque le conseil avait soumis le demandeur à des diligences particulières et d’ailleurs dans sa décision du 3 avril 2017, le conseil a expressément indiqué que le rétablissement de l’affaire sans respect des diligences qui avaient été mises à la charge de M. [B] dans la précédente décision de radiation prononcée le 16 janvier 2016 n’avait pas eu pour effet de suspendre le délai de péremption de deux ans qui avait commencé à courir à compter de la réception de la précédente décision de radiation, soit le 18 janvier 2016. Ainsi, contrairement à ce que soutient l’appelant, le rétablissement de l’affaire n’a pas «purgé» la question des diligences à accomplir pour y parvenir.
Il découle de ces observations que le délai de péremption de deux ans a commencé à courir le 18 janvier 2016, date de réception de l’ordonnance de radiation du 11 janvier 2016 et il appartenait donc à M. [B] partie demanderesse, d’effectuer les diligences précitées mises à sa charge au plus tard le 18 janvier 2018.
A cette date, M. [B] ne justifie pas de la communication d’une copie de ses écritures et du bordereau de pièces au conseil de la société, peu important une première communication le 22 juillet 2016 puisque le 3 avril 2017, le Conseil avait estimé utile de remettre à sa charge une telle diligence.
M. [B] ne justifie pas plus à cette date, ni avoir pris contact avec le greffe afin d’obtenir des dates d’audience de jugement, ni s’être rapproché de son contradicteur afin de les lui communiquer pour tenter de trouver une date ferme de plaidoirie.
Par conséquent, le délai de péremption de l’instance était acquis au 18 janvier 2018 et la communication de nouvelles conclusions à la société le 7 août 2018 ne peut avoir d’effet sur un délai d’ores et déjà expiré.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a retenu la péremption de l’instance.
Sur les dépens et frais de procédure
M. [B], qui succombe, supportera les dépens et devra participer aux frais irrépétibles engagés par la société.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement du 1er juillet 2019 du conseil de prud’hommes de Villeneuve Saint Georges,
CONDAMNE M. [B] à payer à la société Bourrelier Group la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [B] aux dépens.
La greffière, La présidente.