Droit d’asile et Données Personnelles : Tribunal administratif de Paris, 8e Section – MESD, 18 avril 2023, 2304986
Droit d’asile et Données Personnelles : Tribunal administratif de Paris, 8e Section – MESD, 18 avril 2023, 2304986

M. A et sa concubine, Mme E, ressortissants ivoiriens nés respectivement le 30 avril 1985 et le 4 novembre 1999 ont sollicité l’asile auprès du préfet de police le 27 septembre 2022. Le relevé de leurs empreintes digitales a fait apparaître qu’ils avaient franchi irrégulièrement les frontières italiennes le 28 juin 2022. Les autorités italiennes, saisies le 3 novembre 2022 d’une demande de prise en charge des intéressés, ont accepté leur responsabilité par un accord implicite du 4 janvier 2023. Les intéressés demandent au tribunal d’annuler les arrêtés du 22 février 2023 par lesquels le préfet de police a décidé leur transfert aux autorités italiennes en vue de l’examen de leur demande d’asile.

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Tribunal administratif de Paris, 8e Section – MESD, 18 avril 2023, 2304986 Vu la procédure suivante :

I. Par une requête, enregistrée le 8 mars 2023 sous le n° 2304986, M. D A, représenté par Me Mariette, avocat, demande au tribunal :

1°) de l’admettre provisoirement au bénéfice de l’aide juridictionnelle ;

2°) d’annuler l’arrêté du 22 février 2023 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes ;

3°) d’enjoindre au préfet de police de procéder à l’enregistrement de sa demande d’asile en procédure normale et de lui délivrer un formulaire OFPRA dans un délai de trois jours ouvrés à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l’État une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au profit de son conseil à condition que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l’État.

Il soutient que :

– l’arrêté est entaché d’une insuffisance de motivation et d’un défaut d’examen de sa situation ;

– l’arrêté est entaché d’un vice de procédure au regard de l’article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

– l’arrêté est entaché d’un vice de procédure au regard de l’article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

– l’Etat responsable a été saisi tardivement ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 8 mars 2023 sous le n° 2304988, Mme F E, représentée par Me Mariette, avocat, demande au tribunal :

1°) de l’admettre provisoirement au bénéfice de l’aide juridictionnelle ;

2°) d’annuler l’arrêté du 22 février 2023 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes ;

3°) d’enjoindre au préfet de police de procéder à l’enregistrement de sa demande d’asile en procédure normale et de lui délivrer un formulaire OFPRA dans un délai de trois jours ouvrés à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l’État une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au profit de son conseil à condition que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l’État.

Elle soutient que :

– l’arrêté est entaché d’une insuffisance de motivation et d’un défaut d’examen de sa situation ;

– l’arrêté est entaché d’un vice de procédure au regard de l’article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

– l’arrêté est entaché d’un vice de procédure au regard de l’article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

– l’Etat responsable a été saisi tardivement ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme E ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

– la charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne ;

– le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

– le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

– le règlement d’exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d’application du règlement n° 343/2003 ;

– le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

– la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

– le code de justice administrative ;

– le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus, au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. B,

– les observations de Me Mariette, représentant M. A et Mme E, qui soutient en outre que le préfet n’a pas informé les autorités italiennes de la naissance de leur enfant et que l’arrêté attaqué méconnaît l’article 17 du règlement (UE) n° 604/2013,

– et les observations de Mme C, représentant le préfet de police qui conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par M. A et Mme E ne sont pas fondés.

Considérant ce qui suit

:

1. M. A et sa concubine, Mme E, ressortissants ivoiriens nés respectivement le 30 avril 1985 et le 4 novembre 1999 ont sollicité l’asile auprès du préfet de police le 27 septembre 2022. Le relevé de leurs empreintes digitales a fait apparaître qu’ils avaient franchi irrégulièrement les frontières italiennes le 28 juin 2022. Les autorités italiennes, saisies le 3 novembre 2022 d’une demande de prise en charge des intéressés, ont accepté leur responsabilité par un accord implicite du 4 janvier 2023. Les intéressés demandent au tribunal d’annuler les arrêtés du 22 février 2023 par lesquels le préfet de police a décidé leur transfert aux autorités italiennes en vue de l’examen de leur demande d’asile.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 2304986/8 et 2304988 présentées par M. A et Mme E sont relatives à la situation d’un couple de ressortissants ivoiriens, ont fait l’objet d’une instruction commune et présentent à juger des questions semblables compte tenu de l’argumentation développée. Il y a lieu, par suite, de les joindre pour qu’il soit statué par un seul jugement.

Sur l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle :

3. Aux termes de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991 :  » Dans les cas d’urgence (), l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d’aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. « . Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l’admission provisoire de M. A et Mme E au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

4. En premier lieu, en application de l’article L. 572-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la décision de transfert dont fait l’objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d’asile dont l’examen relève d’un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c’est-à-dire qu’elle doit comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

5. Les décisions de transfert en litige visent, notamment, le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Elles indiquent que M. A et Mme E ont demandé l’asile en France le 27 septembre 2022, que la comparaison de leurs empreintes digitales au moyen du système  » Eurodac  » a révélé qu’ils avaient franchi irrégulièrement les frontières italiennes le 28 juin 2022, et que les autorités italiennes doivent être regardées comme responsables de leur demande d’asile, précise que ces autorités ont été saisies le 3 novembre 2022 d’une demande de reprise en charge des intéressés en application de l’article 13-1 du règlement (UE) n° 604/2013 et ont accepté leur responsabilité par un accord implicite du 4 janvier 2023 en application de l’article 22-7 de ce règlement. Le moyen tiré de ce que les décisions attaquées ne satisferaient pas à l’exigence de motivation posée à l’article L. 572-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile doit dès lors être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l’insuffisance d’examen de la situation des intéressés doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l’article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du

26 juin 2013 :  » Droit à l’information / 1. Dès qu’une demande de protection internationale est introduite au sens de l’article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l’application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d’une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d’un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l’Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l’Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu’une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n’est pas fondée sur ces critères ; / c) de l’entretien individuel en vertu de l’article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d’exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l’existence du droit d’accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l’objet d’un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l’article 35 examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu’il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. () « .

7. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d’asile auquel l’administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu’il est susceptible d’entrer dans le champ d’application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l’autorité administrative décide de refuser l’admission provisoire au séjour de l’intéressé au motif que la France n’est pas responsable de sa demande d’asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu’il comprend. Cette information doit comprendre l’ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l’article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l’autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées et telle qu’elle figure à l’annexe X du règlement d’exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003, constitue pour le demandeur d’asile une garantie.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A et Mme E se sont vu remettre contre signature, les 22 et 27 septembre 2022, les brochures intitulées  » J’ai demandé l’asile dans l’Union européenne – quel pays sera responsable de l’analyse de ma demande ‘  » (brochure A) et  » Je suis sous procédure Dublin – qu’est-ce que cela signifie ‘  » (brochure B), conformes à l’annexe X du règlement d’exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 qui a modifié sur ce point l’article 16 bis du règlement (CE) n° 1560/2003. Ces documents sont rédigés en français, langue que les intéressés ont déclaré comprendre. Par suite, M. A et Mme E ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l’article 4 du règlement (UE) n° 604/2013.

9. En troisième lieu, aux termes de l’article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :  » Afin de faciliter le processus de détermination de l’État membre responsable, l’État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l’article 4. () . 3. L’entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu’une décision de transfert du demandeur vers l’État membre responsable soit prise conformément à l’article 26, paragraphe 1. 4. L’entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu’il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d’assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l’entretien individuel. 5. L’entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L’État membre qui mène l’entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l’entretien. Ce résumé peut prendre la forme d’un rapport ou d’un formulaire type. L’État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. « .

10. La conduite de l’entretien par une personne qualifiée en vertu du droit national constitue, pour le demandeur d’asile, une garantie. Il ressort des pièces du dossier que

M. A et Mme E ont bénéficié d’un tel entretien le 27 septembre 2023 dans les locaux de la préfecture de police, que cet entretien a été réalisé en français, et qu’ils ont ainsi eu la possibilité de faire part de toute information pertinente relative à la détermination de l’Etat responsable. M. A et Mme E ne font état devant le Tribunal d’aucun élément laissant supposer que leur entretien ne se serait pas déroulé dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l’article 5 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013. Si le résumé de l’entretien individuel, dont les intéressés ont eu connaissance comme l’atteste l’apposition de leur signature, ne mentionne pas le nom et la qualité de l’agent qui a conduit l’entretien, il ressort des pièces du dossier que les intéressés ont été reçu par un agent du bureau de l’accueil de la demande d’asile de la délégation à l’immigration à la préfecture de police. L’entretien de

M. A et Mme E ayant été mené par un agent qualifié au sens du 5 de l’article 5 du règlement du 26 juin 2013, l’absence d’indication de l’identité dudit agent est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie dès lors qu’elle n’a pas privé M. A et Mme E de la garantie tenant au bénéfice de cet entretien et à la possibilité de faire valoir toutes observations utiles et, en l’espèce, n’a pas été susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision prise. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l’article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

11. En quatrième lieu, aux termes de l’article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :  » 1. Lorsqu’un État membre auprès duquel une personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu’un autre État membre est responsable conformément à l’article 20, paragraphe 5, et à l’article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (« hit »), en vertu de l’article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) no 603/2013./ Si la requête aux fins de reprise en charge est fondée sur des éléments de preuve autres que des données obtenues par le système Eurodac, elle est envoyée à l’État membre requis dans un délai de trois mois à compter de la date d’introduction de la demande de protection internationale au sens de l’article 20, paragraphe 2 / 3. Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n’est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c’est l’État membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l’examen de la demande de protection internationale « .

12. Il ressort des pièces du dossier que la préfecture a reçu le résultat positif Eurodac le 22 septembre 2022. Dès lors, les requêtes aux fins de reprise adressées aux autorités italiennes, qui ont été formulée le 3 novembre 2022 ne sont pas tardives. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet n’a pas respecté le délai de saisine de l’Etat qu’il estime responsable manque en fait et doit être écarté.

13. En cinquième lieu, la circonstance que le préfet n’ait pas informé les autorités italiennes de la naissance de leur enfant est sans incidence sur la légalité de l’arrêté attaqué dès lors que cet enfant est né le 23 février 2023 soit postérieurement à la date de l’arrêté attaqué. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que les requérants n’ont pas fait part de l’état de grossesse de Mme E lors de leur entretien individuel. Par suite, ce moyen ne peut être qu’écarté.

14. En dernier lieu, aux termes du premier paragraphe de l’article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :  » Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement « . La faculté laissée à chaque Etat membre, par l’article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 précité, de décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d’asile.

15. L’Italie est un Etat partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu’à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il doit être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d’asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu’à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Cette présomption n’est toutefois pas irréfragable, lorsqu’il y a lieu de craindre qu’il existe des défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans l’Etat membre responsable, et que ceux-ci se trouveraient exposés à des traitements inhumains ou dégradants. Il appartient à l’administration d’apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier traité par les autorités italiennes répondent à l’ensemble des garanties exigées par le respect du droit d’asile.

16. L’Italie est un État membre de l’Union européenne partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu’à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il est, dès lors, présumé que le traitement réservé aux demandeurs d’asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu’à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Si cette présomption est réfragable, les allégations de M. A et Mme E sont particulièrement évasives sur les conditions d’accueil des demandeurs d’asile en Italie. En outre, si les requérants produisent un courrier du ministère italien de l’intérieur adressé aux unités Dublin, le 5 décembre 2022, annonçant la suspension temporaire des transferts vers l’Italie, sans précision de durée, pour des raisons techniques, ce pays a, postérieurement, implicitement accepté la prise en charge des requérants et rien n’indique que l’exécution de ce transfert ne pourra pas être organisée. Par ailleurs, ils n’établissent pas davantage qu’ils ne bénéficieront pas d’un examen effectif de leur demande de protection internationale dans des conditions conformes à l’ensemble des garanties exigées par le respect du droit d’asile. Enfin, Mme E qui a accouché d’un enfant, le 23 février 2023, ne justifie pas qu’elle serait, pour cette raison, dans l’impossibilité de se rendre en Italie. Par suite, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation au regard de l’article 3.2 du règlement (UE) n°604/2013 doit être écarté. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait dû faire usage de la faculté dérogatoire qu’il tient des dispositions de l’article 3, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pour ne pas procéder à son transfert en Italie doit être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A et Mme E ne sont pas fondés à demander l’annulation des arrêtés du préfet de police du 22 février 2023. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte sont rejetées, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l’Etat n’étant pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : M. A et Mme E sont admis, à titre provisoire, au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Article 2 : Les conclusions des requêtes n° 2304986 et n° 2304988 sont rejetées pour le surplus.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. D A et Mme F E, au préfet de police et à Me Mariette.

Copie en sera adressée au bureau d’aide juridictionnelle.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2023.

Le magistrat désigné,

D. HEMERYLa greffière,

N. DUPOUY

La République mande et ordonne au préfet de police en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

2/8 – 2304988/8  


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