Restitution des avances remboursables versées par le CNC
Restitution des avances remboursables versées par le CNC
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Cour administrative d’appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 5), 13 décembre 2022, 20BX02941

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’association Pandora a demandé au tribunal administratif de Limoges, d’une part, de condamner la commune de Brive-la-Gaillarde à lui verser, dans le cadre du règlement financier du contrat d’affermage relatif à l’exploitation d’un cinéma d’art et d’essai, une somme de 54 215,57 euros au titre du remboursement des financements non amortis, une somme de 42 000 euros au titre de la mise à disposition de la contribution 2016 consignée auprès de la Caisse des dépôts et consignations et une somme de 43 000 euros au titre de la subvention d’art et d’essai versée par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), d’autre part, la restitution par la commune de ses biens propres.

La commune de Brive-la-Gaillarde a présenté des demandes reconventionnelles tendant à la condamnation de l’association Pandora à lui verser une somme de 102 172 euros correspondant au montant de l’avance remboursable versée par le CNC et à la restitution par l’association des biens de retour.

Par un jugement n° 1800437 du 16 juillet 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté la requête de l’association Pandora, l’a condamnée à verser la commune de Brive-la-Gaillarde une somme de 45 053,83 euros et a rejeté le surplus des conclusions de cette commune.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 2 septembre et 9 décembre 2020 et 11 mars et 20 mai 2021, l’association Pandora, représentée par Me Jany, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Brive-la-Gaillarde à lui verser une somme de 54 215,57 euros au titre du remboursement des financements non amortis, une somme de 42 000 euros au titre de la mise à disposition de la contribution 2016 consignée auprès de la Caisse des dépôts et consignation, une somme de 43 000 euros au titre de la subvention d’art et d’essai versée par le CNC et une somme de 26 000 euros en réparation du défaut de restitution de ses biens propres ;

3°) de rejeter les demandes reconventionnelles de la commune de Brive-la-Gaillarde ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Brive-la-Gaillarde une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– le jugement attaqué est irrégulier ; elle n’a pas été informée, ni davantage son conseil, de ce que l’affaire devait être appelée à l’audience du 17 juin 2020 ; elle n’a eu connaissance de cette information que lorsqu’elle a reçu l’information selon laquelle l’audience était reportée au 2 juillet suivant ; en méconnaissance du principe du caractère contradictoire de la procédure, elle a disposé d’un délai très bref pour répondre au mémoire en défense du 17 juin 2020 et au moyen soulevé d’office par le tribunal ;

– il résulte des comptes établis au titre de l’exercice 2016 par son cabinet d’expert-comptable que la valeur nette comptable de l’ensemble de ses actifs est de 54 624,65 euros ; elle a droit à une indemnisation correspondant à cette valeur au titre des biens et matériels d’exploitation conservés par la régie municipale et qui avaient été financés sur ses fonds propres ; les biens en cause n’étant plus en sa possession, le tribunal exige d’elle une preuve impossible à apporter ; il convient de se reporter à sa comptabilité, certifiée par un expert-comptable, et dont le caractère probant n’a jamais été discuté, et de retenir la valeur nette comptable des actifs en cause pour fixer l’indemnisation due à ce titre ; la commune reconnait qu’elle a réalisé de nombreux investissements sur ses fonds propres ; il convient à tout le moins de retenir sa créance à hauteur de la somme de 25 926, 77 euros que la commune semble admettre selon ses écritures ;

– au-delà des biens de retour évalués, la commune a conservé des biens personnels du président de l’association, qui n’étaient pas indispensables à l’exploitation ; elle s’en remet à l’appréciation de la cour s’agissant de la recevabilité de sa demande tendant à ce qu’il soit enjoint à la commune de lui restituer ces biens et, à défaut, sollicite à ce titre une indemnité forfaitaire de 10 000 euros ;

– la commune ne lui a pas davantage restitué le matériel cinématographique de plein air ; or, la convention de délégation de service public ne visant que l’exploitation du cinéma à l’intérieur des locaux et ce matériel ayant été acquis sur ses fonds propres, il devait lui être restitué ; il aurait fallu que la commune, soit lui restitue ce matériel, soit l’indemnise à hauteur de sa valeur vénale ; elle s’en remet à l’appréciation de la cour s’agissant de la recevabilité de sa demande tendant à ce qu’il soit enjoint à la commune de lui restituer ces biens et, à défaut, sollicite à ce titre une indemnité forfaitaire de 16 000 euros ;

– si elle admet certes devoir reverser à la commune l’avance remboursable du CNC, la somme correspondante a déjà été déduite pour fixer le montant de la dette de la commune ; le tribunal n’a pas tenu compte des éléments comptables produits ; la solution du tribunal revient à la condamner à restituer deux fois cette même somme ; la commune fait une lecture erronée des dispositions relatives à la mise en place de la numérisation des salles de cinéma ; les bénéficiaires qui n’ont pas perçu la contribution numérique, ou de manière insuffisante, et qui n’ont pas remboursé intégralement cette part d’avance, pourront obtenir un abandon de créance ;

– les biens qu’elle a récupérés ne présentaient aucune nécessité pour le fonctionnement du service public ;

– une subvention d’art et d’essai de 43 000 euros lui a été attribuée en janvier 2016 au titre des années 2014 et 2015, période au cours de laquelle elle était titulaire de la délégation de service public ; si cette subvention a été versée après le terme de la délégation, elle était bien relative à une période antérieure et lui revient donc de droit à titre de gratification ; la décision du 25 octobre 2016 d’octroi d’une subvention de 45 900 euros a été prise à l’issue d’un réexamen, ce qui révèle qu’une autre décision lui préexistait ; la lettre émane de l’association française des cinémas Arts et Essais et non pas du CNC, entité de droit public habilitée à consentir une telle subvention ; la décision initiale, qui semblait refuser la subvention, n’a jamais été produite, et il lui revenait de contester cette décision défavorable ; il convient de tenir compte de ce que le versement de cette subvention a toujours été en décalage temporel avec l’année de référence ; d’après les pièces versées par la commune, la décision d’attribution de la subvention en cause aurait dû intervenir en avril 2016, avant le terme de la délégation de service public, mais a été opportunément reportée à une date ultérieure à la fin de cette délégation ;

– elle ne conteste pas devoir à la commune une somme de 18 000 euros au titre des loyers impayés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 novembre 2020 et 11 janvier, 19 avril et 9 septembre 2021, la commune de Brive-la-Gaillarde, représentée par Me Le Chatelier, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l’association Pandora d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– le jugement n’est entaché d’aucune irrégularité ; le premier avis d’audience du 2 juin 2020 a été transmis par l’application Télérecours à l’ensemble des parties ; l’association a disposé d’un délai de plus de 15 jours pour répliquer au moyen d’ordre public et à ses écritures, de sorte que le principe du contradictoire n’a pas été méconnu ;

– s’agissant des investissements réalisés par l’association pendant la durée du contrat, elle ne peut, en application de l’article 19 de la convention de délégation, prétendre qu’au remboursement des sommes dépensées sur ses fonds propres – dont doivent être déduites les subventions perçues – minorées de l’amortissement des biens ; les documents comptables font apparaitre que le financement des biens de retour s’élève à une valeur nette comptable de 25 926,77 euros puis que l’association aurait engagé une somme de 54 624,65 euros pour les besoins des renouvellements des biens de retour ; l’association n’expliquant pas cette disparité d’analyse, la somme qu’elle sollicite n’est pas justifiée ; elle n’admet nullement être débitrice d’une somme de 25 926,77 euros ; l’association ne justifie pas de la consistance précise et de la valeur des biens concernés ; en tout état de cause, le rapport de certification des comptes qui justifierait de la véracité de la comptabilité de l’association dressé par un commissaire aux comptes n’est pas produit ;

– ainsi que l’a jugé le tribunal, la demande de première instance de l’association tendant à la restitution du matériel cinématographique de plein air était irrecevable ; les prétentions indemnitaires formulées à ce titre constituent une demande nouvelle en appel ; en tout état de cause, aucun élément ne permet d’en apprécier le bien-fondé ;

– l’association a perçu une avance remboursable de 102 172 euros du CNC pour prendre en charge les coûts liés à l’investissement et l’entretien du matériel de projection numérique ; or, il ne ressort pas du bilan comptable que cette subvention a été investie dans du matériel de projection numérique ; depuis la reprise en régie du cinéma en 2016, elle procède directement au remboursement de cette avance ; elle est ainsi fondée à réclamer le reliquat de l’avance restant à rembourser, déduction faite des contributions numériques perçues au titre des années 2015 et 2016 ; l’association ne démontre pas que le remboursement de cette avance aurait été compensé avec de prétendues dettes ; contrairement à ce que soutient l’association, les contributions numériques ne couvrent pas l’intégralité du montant de l’avance remboursable restant à verser ; elle ne pourrait davantage solliciter un abandon de créance auprès du CNC puisque cette procédure n’est applicable que pour les déclarations réalisées en 2021 ; si l’association avait continué l’exploitation du cinéma, elle aurait bénéficié de l’avance ainsi que des contributions numériques ; du fait de la reprise en régie, la commune doit rembourser l’avance dont elle ne dispose pas et n’a perçu que la moitié des contributions numériques ; le jugement doit dès lors être confirmé sur ce point ;

– s’agissant de la somme de 42 000 euros due au titre de sa participation financière, l’association, qui n’a pas contesté l’arrêté de consignation, a pris acte du rejet de sa demande par le tribunal ;

– contrairement à ce que soutient l’association, la subvention d’art et d’essai litigieuse correspond au classement attribué au titre de l’année 2016 et non au titre des années antérieures ; la décision d’attribution de la subvention prise en appel est intervenue postérieurement à l’échéance de la délégation de service public ; le courrier du 25 octobre 2016 dont se prévaut l’association Pandora émanait d’une association n’ayant pas vocation à attribuer la subvention, mais seulement à informer la commune de sa proposition au CNC d’attribution de cette subvention ; la décision a été prise par le CNC le 17 février 2017 ; l’examen de la demande de subvention, initialement prévu en avril 2016, a été reporté à septembre 2016 ; la proposition de subvention du 25 octobre 2016 a été faite après l’échéance de la délégation ; en cas de changement d’exploitant, la date de versement de la subvention doit être prise en compte ; en l’espèce, le versement est nécessairement intervenu après la décision d’attribution du 27 février 2017.

Par ordonnance du 21 octobre 2022, la clôture d’instruction a été fixée en dernier lieu au 4 novembre 2022 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code général des collectivités territoriales ;

– le code du cinéma et de l’image animée ;

– le code monétaire et financier ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme B… A…,

– les conclusions d’Isabelle Le Bris, rapporteure publique,

– et les observations de Me Jany, représentant l’association Pandora, et de Me Quevarec, représentant la commune de Brive-la-Gaillarde.

Considérant ce qui suit

:

1. Par une convention de délégation du service public du 28 décembre 2011, la commune de Brive-la-Gaillarde a confié à l’association ” Cinéma Rex “, devenue association Pandora, l’exploitation du cinéma d’art et d’essai Le Rex pour une durée de trois ans. Par des avenants des 12 janvier et 22 décembre 2015, la convention a été prorogée jusqu’au 30 juin 2016. A compter du 1er juillet 2016, la commune de Brive-la-Gaillarde a repris l’exploitation du cinéma en régie directe. Dans le cadre du règlement financier de la convention, l’association Pandora a demandé au tribunal administratif de Limoges, d’une part, de condamner la commune à lui verser une somme de 54 215,57 euros au titre des biens de retour, une somme de 42 000 euros correspondant à la part de la contribution 2016 de la commune consignée auprès de la Caisse des dépôts et consignations et une somme de 43 000 euros au titre de la subvention d’art et d’essai versée par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), d’autre part, la restitution par la commune de ses biens propres. La commune de Brive-la-Gaillarde a présenté des demandes reconventionnelles tendant à la condamnation de l’association Pandora à lui verser une somme de 102 172 euros correspondant au montant de l’avance remboursable versée par le CNC et à la restitution par l’association de biens de retour. Par un jugement du 16 juillet 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté la requête de l’association Pandora, a condamné cette dernière à verser à la commune de Brive-la-Gaillarde une somme de 45 053,83 euros et a rejeté le surplus des conclusions de cette commune. L’association Pandora relève appel de ce jugement.

Sur la fin de non-recevoir opposée aux conclusions d’appel de l’association Pandora :

2. L’association Pandora, qui avait demandé au tribunal la restitution, par la commune de Brive-la-Gaillarde, de matériels appartenant selon elle à la catégorie des biens propres, demande à la cour de condamner la commune de Brive-la-Gaillarde à lui verser une somme totale de 26 000 euros au titre du matériel cinématographique de plein air et des divers biens appartenant à son président, non restitués par la commune. De telles conclusions, fondées sur la responsabilité contractuelle pour faute à raison de la non restitution de biens propres à l’issue du contrat de délégation de service public, et ayant pour objet le règlement financier de ce contrat, ne soulèvent pas une cause juridique nouvelle en appel. La fin de non-recevoir opposée par la commune de Brive-la-Gaillarde doit, dès lors, être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, il résulte des pièces du dossier de première instance que, contrairement à ce que soutient l’association Pandora, l’avis d’audience du 2 juin 2020 informant les parties que l’affaire était inscrite à l’audience du 18 juin suivant a été adressé, au moyen de l’application Télérecours, à son conseil le 2 juin 2020, avis dont ce dernier a accusé réception le lendemain. En tout état de cause, l’association ne conteste pas la réception de l’avis de report d’audience du 15 juin 2020 informant les parties du renvoi de l’affaire à l’audience du 2 juillet suivant. Contrairement à ce qu’elle soutient, la procédure suivie devant le tribunal n’est donc pas entachée d’irrégularité.

4. En second lieu, d’une part, le courrier informant les parties, sur le fondement de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, que le tribunal était susceptible de relever d’office un moyen, et leur octroyant un délai de cinq jours pour présenter d’éventuelles observations, a été adressé au conseil de l’association Pandora le 10 juin 2020 via l’application Télérecours. S’il n’en a accusé réception que le 17 juin suivant, il a cependant bénéficié le 18 juin 2020, à sa demande, d’un nouveau délai de cinq jours, qui était suffisant pour présenter le cas échéant des observations. D’autre part, le second mémoire en défense de la commune de Brive-la-Gaillarde a été enregistré le 15 juin 2020 et communiqué au conseil de l’association le même jour, ce dernier en ayant accusé réception le 17 juin suivant. En vertu de l’article R. 613-2 du code de justice administrative, la clôture automatique de l’instruction est intervenue trois jours francs avant la date de l’audience, laquelle a été reportée au 2 juillet 2020. Contrairement à ce qu’elle soutient, l’association Pandora a ainsi bénéficié d’un délai suffisant pour prendre connaissance de ces écritures et, le cas échéant, y répliquer. Dans ces conditions, le principe du caractère contradictoire de la procédure n’a pas été méconnu.

Au fond :

En ce qui concerne les biens propres non restitués :

5. En premier lieu, il résulte de l’instruction que l’association Pandora et la commune de Brive-la-Gaillarde n’ont pas établi, à la fin du contrat, l’état des lieux contradictoire prévu par les stipulations de l’article 23 du contrat de délégation de service public. Le 29 juin 2016, le tribunal de grande instance de Brive-la-Gaillarde a, sur la demande de la commune de Brive-la-Gaillarde, désigné un huissier aux fins de dresser un inventaire contradictoire des biens meubles du cinéma. Le 5 juillet suivant, la commune de Brive-la-Gaillarde a fait dresser par le même huissier un nouveau constat aux fins d’inventaire des biens et documents ayant été retirés par l’association depuis son premier constat. Il résulte de ce second constat que l’association a récupéré, notamment, des compteurs en bois, du matériel télévisuel, des guéridons, des fauteuils, chaises et poufs, un ancien projecteur 35 mm, un bureau avec ses chaises, d’anciennes machines de projection et des guide-files. Dans ces conditions, si l’association Pandora soutient que la commune aurait conservé un certain nombre de biens appartenant personnellement à son président, au rang desquels ne figurent au demeurant plus les films 35 mm dont elle sollicitait la restitution en première instance, elle n’apporte aucun élément de preuve à l’appui de cette affirmation. Sur ce point, ses conclusions indemnitaires ne peuvent donc être accueillies.

6. En second lieu, il résulte de l’instruction, notamment du courrier du conseil de la commune de Brive-la-Gaillarde du 15 février 2018, que cette dernière a refusé de restituer à l’association Pandora le matériel cinématographique de plein air, estimant qu’il appartenait à la catégorie des biens de retour.

7. Dans le cadre d’une délégation de service public ou d’une concession de travaux mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l’acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, l’ensemble de ces biens, meubles ou immeubles, appartient, dans le silence de la convention, dès leur réalisation ou leur acquisition, à la personne publique. Les biens qui n’ont pas été remis par le délégant au délégataire en vue de leur gestion par celui-ci et qui ne sont pas indispensables au fonctionnement du service public sont la propriété du délégataire, à moins que les parties n’en disposent autrement.

8. En l’espèce, l’article 1er de la convention de délégation de service public stipule que la gestion du cinéma s’effectue dans les locaux de l’association. Eu égard à l’objet de la délégation de service public, qui n’incluait pas d’activité en dehors des locaux du cinéma, le matériel cinématographique de plein air acquis par l’association Pandora ne présentait pas un caractère indispensable à l’exploitation du service public concédé et ne peut donc être qualifié de bien de retour au sens des principes ci-dessus rappelés. Il ne résulte par ailleurs d’aucune stipulation contractuelle que la commune de Brive-la-Gaillarde aurait bénéficié d’une faculté de reprise de ce matériel à l’issue du contrat. L’association Pandora estime ce bien propre, qui devait lui être restitué, a la valeur de 16 000 euros, sans être contredite sur ce point. Elle est par conséquent fondée à solliciter le versement de la somme de 16 000 euros par la commune.

En ce qui concerne les biens de retour :

9. A l’expiration d’une convention de délégation de service public, les biens qui sont entrés, en application des principes énoncés au point 7, dans la propriété de la personne publique et ont été amortis au cours de l’exécution du contrat font nécessairement retour à celle-ci gratuitement, sous réserve des clauses contractuelles permettant à la personne publique, dans les conditions qu’elles déterminent, de faire reprendre par son cocontractant les biens qui ne seraient plus nécessaires au fonctionnement du service public. Lorsque la personne publique résilie la convention avant son terme normal, le délégataire est fondé à demander l’indemnisation du préjudice qu’il subit à raison du retour anticipé des biens à titre gratuit dans le patrimoine de la collectivité publique, en application des principes énoncés ci-dessus, dès lors qu’ils n’ont pu être totalement amortis. Lorsque l’amortissement de ces biens a été calculé sur la base d’une durée d’utilisation inférieure à la durée du contrat, cette indemnité est égale à leur valeur nette comptable inscrite au bilan. Dans le cas où leur durée d’utilisation était supérieure à la durée du contrat, l’indemnité est égale à la valeur nette comptable qui résulterait de l’amortissement de ces biens sur la durée du contrat. Si, en présence d’une convention conclue entre une personne publique et une personne privée, il est loisible aux parties de déroger à ces principes, l’indemnité mise à la charge de la personne publique au titre de ces biens ne saurait en toute hypothèse excéder le montant calculé selon les modalités précisées ci-dessus.

10. L’association Pandora sollicite une indemnité au titre des biens indispensables au fonctionnement du service public correspondant, selon le rapport d’un cabinet d’expertise-comptable, au renouvellement des investissements, au passage au numérique et aux travaux de réfection des salles. Selon ce rapport, ces biens, d’une valeur brute de 491 723,57 euros, avaient une valeur nette comptable de 112 825,71 euros à la clôture de l’exercice 2016. Ce même rapport précise que ces investissements ont fait l’objet d’aides non remboursables du centre national de la cinématographie (CNC) à hauteur de 334 926,92 euros. Ainsi que le soutient la commune de Brive-la-Gaillarde, en application de l’article 19 de la convention de délégation, l’association ne peut le cas échéant prétendre à une indemnisation au titre des biens de retour qu’après déduction des aides, notamment du CNC, ainsi que de l’amortissement des biens. Or, en l’espèce, une fois ces déductions opérées, pour un montant supérieur à la valeur nette comptable, l’association Pandora ne peut prétendre à aucune indemnisation au titre des biens en cause. Elle n’est dès lors pas fondée à se plaindre du rejet, par le tribunal, de sa demande d’indemnité à ce titre.

En ce qui concerne la contribution de la commune de Brive-la-Gaillarde consignée auprès de la Caisse des dépôts et consignations :

11. L’article 2 de l’avenant n°2 à la convention de délégation prévoit le versement par la commune délégante d’une contribution de 84 000 euros, versée trimestriellement, à terme échu. Il résulte de l’instruction que, si la commune de Brive-la-Gaillarde a versé à l’association Pandora une somme de 42 000 euros à l’échéance du premier trimestre 2016, elle ne s’est pas acquittée de sa contribution au 30 juin 2016 mais a consigné la somme correspondante, soit 42 000 euros, auprès de la Caisse des dépôts et consignations.

12. L’association Pandora reprend devant la cour sa demande tendant à la condamnation de la commune à lui verser une somme de 42 000 euros au titre du solde de la contribution contractuellement due. La commune ne conteste pas être débitrice de cette somme qu’il y a donc lieu de mettre à sa charge au titre du règlement financier du contrat.

En ce qui concerne la subvention du CNC versée en 2016 :

13. Aux termes de l’article 231-2 du règlement général des aides financières du centre national du cinéma et de l’image animée, dans sa version alors applicable : ” Des aides financières sélectives sont attribuées aux exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques afin de récompenser chaque année la programmation et la mise en valeur d’œuvres cinématographiques d’art et d’essai au sens des articles D. 210-3 à D. 210-5 du code du cinéma et de l’image animée. “. Aux termes de l’article 231-4 : ” Les aides à l’art et essai sont attribuées après classement des établissements de spectacles cinématographiques en tant qu’établissements d’art et d’essai et, le cas échant, octroi de labels “. Aux termes de l’article 231-7 : ” La période de référence court, pour un classement en année n, de la semaine cinématographique 27 de l’année n-2 à la semaine cinématographique 26 de l’année n-1 “. Aux termes de l’article L. 231-18 : ” La décision d’attribution du classement, d’un label et d’une aide est prise après avis de la commission du cinéma d’art et d’essai. “. Aux termes de l’article 231-19 : ” L’aide est attribuée sous forme de subvention “. Aux termes de l’article 231-20 : ” L’aide est attribuée aux exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques d’art et d’essai en activité au moment de la notification de la décision d’attribution. Dans le cas d’un changement d’exploitant pendant la période de référence ou entre cette période et la date à laquelle est décidée l’attribution de celle-ci, l’aide est versée au nouvel exploitant si celui-ci présente des garanties suffisantes quant à la poursuite des actions au titre desquelles elle a été attribuée “.

14. Il résulte de l’instruction que la commission visée à l’article 231-18 du règlement précité a, par avis du 21 septembre 2016, proposé le classement pour 2016 du cinéma Le Rex comme établissement d’art et d’essai et l’attribution à celui-ci d’une subvention de 45 900 euros. Par une décision du 27 février 2017, le CNC a suivi cet avis et alloué à l’établissement une subvention de 45 900 euros. Ainsi que le fait valoir l’association Pandora, le classement du cinéma au titre de l’année 2016 a été réalisé sur la base d’une période de référence 2014-2015, durant laquelle elle exploitait le cinéma. Toutefois, l’association ne conteste pas sérieusement que l’attribution de la subvention a été décidée après la reprise en régie de l’exploitation du cinéma par la commune de Brive-la-Gaillarde. En application de l’article 231-20 du règlement précité, compte tenu du changement d’exploitant entre la période de référence et la date d’attribution, l’aide en cause devait être versée à la commune de Brive-la-Gaillarde. Les conclusions de l’association Pandora tendant à la condamnation de la commune à lui reverser la somme correspondant à cette subvention ne peuvent donc être accueillies.

En ce qui concerne l’avance remboursable du CNC dans le cadre de l’aide à la numérisation des salles de cinéma :

15. Il résulte de l’instruction qu’au titre des aides dédiées à la numérisation des salles de cinéma, le CNC a accordé à l’association Pandora, en sa qualité d’exploitante du cinéma Le Rex, une avance de 102 172 euros destinée au financement des investissements nécessaires à l’installation initiale des équipements de projection numériques, remboursable sur une période de dix ans par le reversement des contributions numériques, prévues à L. 213-16 du code du cinéma et de l’image animée, versées par les distributeurs de longs métrages inédits, les diffuseurs de programmes complémentaires, les régies publicitaires et les personnes louant les salles de cinéma. A la date du 1er juillet 2016, à laquelle la commune a repris l’exploitation du cinéma en régie directe, le montant des contributions numériques perçues par l’ancienne exploitante et dédiées au remboursement de cette avance s’élevait à 57 118,17 euros. Sur la demande de la commune de Brive-la-Gaillarde, le tribunal a condamné l’association Pandora à lui verser une somme de 45 053,83 euros correspondant à la part d’avance non encore remboursée. Il résulte toutefois de l’instruction, notamment des éléments comptables versés au dossier, que l’association Pandora a effectivement réalisé les investissements nécessaires à la numérisation de l’établissement, qui constituent des biens de retour. De plus, à compter du 1er juillet 2016, la commune de Brive-la-Gaillarde s’est substituée à l’association Pandora pour continuer à collecter les contributions numériques destinées au remboursement de cette avance, requises jusqu’à ce que soit couvert le coût de l’installation initiale des équipements de projection numérique en vertu des dispositions précitées. Dans ces conditions, et ainsi que le soutient l’association Pandora, c’est à tort que le tribunal l’a condamnée à verser à la commune une somme de 45 053,83 euros.

16. Il résulte de tout ce qui précède que l’association Pandora est fondée à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée à verser une somme de 45 053,83 euros à la commune de Brive-la-Gaillarde. Elle est également fondée à solliciter, au titre du règlement financier de la convention de délégation de service public, la condamnation de la commune de Brive-la-Gaillarde à lui verser une somme globale de 58 000 euros incluant la somme de 42 000 euros provisoirement consignée.

17. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1800437 du 16 juillet 2020 du tribunal administratif de Limoges sont annulés.

Article 2 : La commune de Brive-la-Gaillarde est condamnée à verser à l’association Pandora une somme globale de 58 000 euros incluant la somme de 42 000 euros provisoirement consignée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l’association Pandora est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Brive-la-Gaillarde sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l’Association Pandora et à la commune de Brive-la-Gaillarde.

Délibéré après l’audience du 22 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

M. Didier Artus, président de la 3ème chambre,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 décembre 2022.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve A…

Le président,

Luc Derepas

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au préfet de la Corrèze en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

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N° 20BX02941


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