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Prendre possession d’oeuvre d’art dans le cadre d’une succession non clôturée, expose à une condamnation pour chef d’abus de confiance et recel successoral.
M. [F] [C], fils de [R] [L], a porté plainte et s’est constitué partie civile le 2 novembre 2018 du chef d’abus de confiance et recel, en faisant état du détournement de divers biens qui auraient dû être intégrés dans la succession de son père, ces oeuvres étant susceptibles selon lui d’avoir été écartées puis conservées par son demi-frère, M. [K] [C], ainsi que par d’autres membres de l’entourage de [R] [L].
Il résulte, d’une part, de l’article 706-158 du code de procédure pénale que l’appelant d’une ordonnance de saisie sans dépossession d’un bien ne peut prétendre, dans le cadre de son recours, qu’à la mise à disposition des seules pièces de la procédure se rapportant à la saisie qu’il conteste, consistant en l’ordonnance attaquée et, le cas échéant, le procès-verbal constatant les opérations initiales de saisie et la requête du ministère public, d’autre part, de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme que la chambre de l’instruction doit s’assurer que lui ont été communiquées les pièces précisément identifiées de la procédure sur lesquelles elle s’appuie, dans ses motifs décisoires, pour justifier la mesure.
L’arrêt attaqué mentionne que le procureur général a déposé le dossier et ses réquisitions écrites au greffe de la chambre de l’instruction pour être tenus à la disposition des avocats des parties.
Cette mention ne met pas la Cour de cassation en mesure de vérifier que le tiers appelant, d’une part, a eu accès aux pièces auxquelles il peut prétendre en application de l’article 706-158 du code de procédure pénale, d’autre part, a eu communication, le cas échéant, de celles auxquelles la chambre de l’instruction est tenue de lui donner accès pour le respect du principe du contradictoire.
En effet, en premier lieu, le terme de « dossier » est équivoque, en ce qu’il renvoie à un ensemble de pièces sans les identifier individuellement, et qu’il peut se rapporter tant au dossier de l’information judiciaire tenu par le juge d’instruction qu’à celui mis en état par le procureur général pour être soumis à la chambre de l’instruction, et qui serait constitué des seules pièces accessibles au tiers appelant.
En second lieu, cette mention est affectée d’une ambiguïté, en ce qu’elle ne précise pas si les parties auxquelles elle fait référence doivent s’entendre des parties à la procédure d’information ou de celles à l’instance devant la cour d’appel.
Lorsqu’elle statue sur le recours du tiers appelant sur la saisie d’un bien ou droit incorporel, la chambre de l’instruction ne peut satisfaire aux exigences relatives à l’accès du demandeur aux pièces du dossier par la seule mention, conforme aux dispositions de l’article 197, alinéa 3 du code de procédure pénale, selon laquelle le procureur général a déposé le dossier et ses réquisitions écrites au greffe de la chambre de l’instruction pour être tenus à la disposition des avocats des parties.
17. Les mentions de l’arrêt doivent en conséquence énoncer que le tiers appelant a eu accès aux pièces de la procédure se rapportant à la saisie qu’il conteste et, le cas échéant, aux pièces précisément identifiées sur lesquelles la chambre de l’instruction se fonde pour justifier la mesure dans ses motifs décisoires, ainsi qu’identifier, directement ou par renvoi à un inventaire éventuellement dressé par le procureur général, auquel l’article 194, alinéa 1er, du code de procédure pénale confie la mise en état de l’affaire, chacune des pièces mises à la disposition de l’avocat du tiers appelant.
En l’espèce, outre la mention précitée, l’arrêt énonce que le dossier est constitué de l’ordonnance dont appel et que, par ailleurs, Mme [G] a eu accès par le truchement de ses conseils à certaines pièces de la procédure lui permettant d’en discuter utilement le bien-fondé et de produire des pièces au soutien de sa contestation.
En l’état de ces énonciations, la chambre de l’instruction n’a pas identifié, directement ou par renvoi à un inventaire, les pièces dont elle indique qu’elle les a portées à la connaissance des avocats du tiers appelant.
Toutefois, l’arrêt n’encourt pas la censure, pour les motifs qui suivent.
Si, lorsque la chambre de l’instruction s’appuie, pour justifier la mesure, sur des pièces précisément identifiées de la procédure, elle est tenue de s’assurer que celles-ci ont été communiquées à l’appelant, en l’espèce il ne ressort pas, au-delà du rappel des faits, de la motivation proprement dite de l’arrêt que les juges se soient fondés sur des pièces précisément identifiées de la procédure qui n’auraient pas été communiquées à l’appelant.
De surcroît, l’énonciation selon laquelle les enquêteurs ont relevé que près de quatre-cent-trente-quatre oeuvres d’art n’auraient pas été rapportées à la succession ne constitue pas un motif décisoire de l’arrêt. Dès lors, la chambre de l’instruction n’était pas tenue de donner communication aux avocats du tiers appelant des pièces mentionnées au moyen. Enfin, il n’est pas allégué que le tiers appelant n’aurait pas eu accès aux pièces de la procédure se rapportant à la saisie qu’il conteste.
* * *
Cour de cassation, Chambre criminelle, 8 mars 2023, 22-80.898 N° N 22-80.898 F-D
N° 00199
ODVS
8 MARS 2023
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 MARS 2023
Mme [V] [G] a formé un pourvoi contre l’arrêt n° 2021/05252 de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, 2e section, en date du 18 janvier 2022, qui, dans l’information suivie contre personne non dénommée des chefs d’abus de confiance, vol en bande organisée, recel, blanchiment, faux et usage, a confirmé l’ordonnance de saisie pénale rendue par le juge d’instruction.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [V] [G], et les conclusions de M. [M], avocat général, après débats en l’audience publique du 18 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Mme [V] [G] et [R] [C], dit [R] [L], tous deux collectionneurs d’art, ont vécu ensemble de 1999 jusqu’au décès du second, survenu le [Date décès 1] 2009.
3. M. [F] [C], fils de [R] [L], a porté plainte et s’est constitué partie civile le 2 novembre 2018 du chef d’abus de confiance et recel, en faisant état du détournement de divers biens qui auraient dû être intégrés dans la succession de son père, ces oeuvres étant susceptibles selon lui d’avoir été écartées puis conservées par son demi-frère, M. [K] [C], ainsi que par d’autres membres de l’entourage de [R] [L].
4. La saisine du juge d’instruction a été étendue les 1er et 19 mars 2021 aux infractions de détournement de fonds, vol en bande organisée, recel, blanchiment, faux et usage.
5. Des perquisitions ont été effectuées, notamment, aux domiciles de M. [K] [C], de Mme [S] [E], mère de ce dernier, et de Mme [G], qui ont conduit à la saisie de différentes oeuvres d’art susceptibles d’avoir été distraites de la succession.
6. Par ordonnance du 29 mars 2021, le juge d’instruction a ordonné la saisie sans dépossession d’une oeuvre d’art découverte au domicile parisien de Mme [G].
7. Mme [G] a relevé appel de cette décision.
Sur le second moyen
8. Il n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a confirmé l’ordonnance de saisie pénale de l’oeuvre saisie au domicile de Mme [G], alors :
« 1°/ que la chambre de l’instruction saisie d’un recours formé contre une ordonnance de saisie spéciale au sens des articles 706-141 à 706-158 qui, pour justifier d’une telle mesure, s’appuie sur une ou des pièces précisément identifiées de la procédure, est tenue de s’assurer que celles-ci ont été communiquées à la partie appelante ; qu’en retenant, pour écarter la demande des conseils de Mme [G] tendant à la communication des éléments émanant de la partie civile visés dans l’ordonnance de saisie dont appel, que l’appelant doit avoir connaissance des seules pièces susceptibles d’avoir une influence prépondérante sur sa décision et sur l’issue du seul litige dont la chambre de l’instruction est saisie (arrêt p. 8) et que la mise à disposition de l’appelante d’un dossier contenant l’ordonnance et « certaines pièces de la procédure » permettant à l’appelante de discuter utilement du bien-fondé de la saisie satisfaisait à ces exigences (arrêt p. 8) tout en se référant, pour confirmer la saisie, aux constatations des enquêteurs de l’OCDC et de la BRDA ayant « confirmé » que 434 oeuvres pouvant avoir appartenu à M. [R] [C] au jour de son décès ne figuraient pas dans la succession au moment du partage (arrêt p. 8) sur la base précisément de l’exploitation des documents émanant de la partie civile (arrêt p. 4, § 3, et § 12, et p. 6, § 5), la chambre de l’instruction, qui ne s’est pas assurée que Mme [G] avait eu communication du procès-verbal relatant les constatations des enquêteurs et des éléments émanant de la partie civile exploités par ces derniers sur lesquels elle s’est fondée pour justifier la saisie, a violé l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ;
2°/ que la chambre de l’instruction saisie d’un recours formé contre une ordonnance de saisie spéciale au sens des articles 706-141 à 706-158 qui, pour justifier d’une telle mesure, s’appuie sur une ou des pièces précisément identifiées de la procédure, est tenue de s’assurer que celles-ci ont été communiquées à la partie appelante ; que l’insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; qu’en se prononçant par des motifs imprécis selon lesquels Mme [V] [G], par le truchement de ses conseils, a eu accès à « certaines pièces de la procédure lui permettant d’en discuter utilement le bien-fondé » (arrêt p. 8) ne permettant pas de s’assurer qu’elle a bien veillé à communiquer à Mme [G] les documents émanant de la partie civile relatifs à l’oeuvre saisie à son domicile de nature à remettre en cause sa propriété légitime par Mme [G] et le procès-verbal d’enquête de l’OCDC co-saisi avec la BRDA exploitant ces éléments, sur lesquels elle s’est fondée pour confirmer la saisie pénale (arrêt p. 8), la chambre de l’instruction n’a pas justifié légalement sa décision au regard de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
10. Il résulte, d’une part, de l’article 706-158 du code de procédure pénale que l’appelant d’une ordonnance de saisie sans dépossession d’un bien ne peut prétendre, dans le cadre de son recours, qu’à la mise à disposition des seules pièces de la procédure se rapportant à la saisie qu’il conteste, consistant en l’ordonnance attaquée et, le cas échéant, le procès-verbal constatant les opérations initiales de saisie et la requête du ministère public, d’autre part, de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme que la chambre de l’instruction doit s’assurer que lui ont été communiquées les pièces précisément identifiées de la procédure sur lesquelles elle s’appuie, dans ses motifs décisoires, pour justifier la mesure.
11. L’arrêt attaqué mentionne que le procureur général a déposé le dossier et ses réquisitions écrites au greffe de la chambre de l’instruction pour être tenus à la disposition des avocats des parties.
12. Cette mention ne met pas la Cour de cassation en mesure de vérifier que le tiers appelant, d’une part, a eu accès aux pièces auxquelles il peut prétendre en application de l’article 706-158 du code de procédure pénale, d’autre part, a eu communication, le cas échéant, de celles auxquelles la chambre de l’instruction est tenue de lui donner accès pour le respect du principe du contradictoire.
13. En effet, en premier lieu, le terme de « dossier » est équivoque, en ce qu’il renvoie à un ensemble de pièces sans les identifier individuellement, et qu’il peut se rapporter tant au dossier de l’information judiciaire tenu par le juge d’instruction qu’à celui mis en état par le procureur général pour être soumis à la chambre de l’instruction, et qui serait constitué des seules pièces accessibles au tiers appelant.
14. En second lieu, cette mention est affectée d’une ambiguïté, en ce qu’elle ne précise pas si les parties auxquelles elle fait référence doivent s’entendre des parties à la procédure d’information ou de celles à l’instance devant la cour d’appel.
15. Les conclusions qui précèdent permettent de dégager les principes suivants.
16. Lorsqu’elle statue sur le recours du tiers appelant sur la saisie d’un bien ou droit incorporel, la chambre de l’instruction ne peut satisfaire aux exigences relatives à l’accès du demandeur aux pièces du dossier par la seule mention, conforme aux dispositions de l’article 197, alinéa 3 du code de procédure pénale, selon laquelle le procureur général a déposé le dossier et ses réquisitions écrites au greffe de la chambre de l’instruction pour être tenus à la disposition des avocats des parties.
17. Les mentions de l’arrêt doivent en conséquence énoncer que le tiers appelant a eu accès aux pièces de la procédure se rapportant à la saisie qu’il conteste et, le cas échéant, aux pièces précisément identifiées sur lesquelles la chambre de l’instruction se fonde pour justifier la mesure dans ses motifs décisoires, ainsi qu’identifier, directement ou par renvoi à un inventaire éventuellement dressé par le procureur général, auquel l’article 194, alinéa 1er, du code de procédure pénale confie la mise en état de l’affaire, chacune des pièces mises à la disposition de l’avocat du tiers appelant.
18. En l’espèce, outre la mention précitée, l’arrêt énonce que le dossier est constitué de l’ordonnance dont appel et que, par ailleurs, Mme [G] a eu accès par le truchement de ses conseils à certaines pièces de la procédure lui permettant d’en discuter utilement le bien-fondé et de produire des pièces au soutien de sa contestation.
19. En l’état de ces énonciations, la chambre de l’instruction n’a pas identifié, directement ou par renvoi à un inventaire, les pièces dont elle indique qu’elle les a portées à la connaissance des avocats du tiers appelant.
20. Toutefois, l’arrêt n’encourt pas la censure, pour les motifs qui suivent.
21. Si, lorsque la chambre de l’instruction s’appuie, pour justifier la mesure, sur des pièces précisément identifiées de la procédure, elle est tenue de s’assurer que celles-ci ont été communiquées à l’appelant, en l’espèce il ne ressort pas, au-delà du rappel des faits, de la motivation proprement dite de l’arrêt que les juges se soient fondés sur des pièces précisément identifiées de la procédure qui n’auraient pas été communiquées à l’appelant.
22. De surcroît, l’énonciation selon laquelle les enquêteurs ont relevé que près de quatre-cent-trente-quatre oeuvres d’art n’auraient pas été rapportées à la succession ne constitue pas un motif décisoire de l’arrêt.
23. Dès lors, la chambre de l’instruction n’était pas tenue de donner communication aux avocats du tiers appelant des pièces mentionnées au moyen.
24. Enfin, il n’est pas allégué que le tiers appelant n’aurait pas eu accès aux pièces de la procédure se rapportant à la saisie qu’il conteste.
25. Par ailleurs, l’arrêt est régulier en la forme.
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille vingt-trois.