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Selon l’article 9 du code civil, la seule constatation de l’atteinte à la vie privée ouvre droit à réparation.
Le salarié d’une association a obtenu la condamnation de cette dernière au motif qu’elle n’avait jamais sollicité son accord pour l’utilisation de son image alors que dans l’édition de l’hiver 2016/2017 du magazine de la communauté d’agglomération Ventoux-Comtat Venaissin, figurait une photographie qui représentait l’équipe de l’association ‘au complet’ où il est présent et que son image apparaît également sur le quotidien ‘Vaucluse matin’ qui a été diffusé sur le site internet par la directrice de la société pour mettre en valeur son projet ‘les jardins de Solène’ (500 euros de dommages et intérêts).
* * *
Cour d’appel de Nîmes, 5ème chambre sociale PH, 6 décembre 2022, 20/00276
ARRÊT N°
N° RG 20/00276 – N° Portalis DBVH-V-B7E-HT4Y
EM/DO
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ORANGE
20 décembre 2019
RG :17/00198
[F]
C/
Association SOLID’AGRI
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2022
APPELANT :
Monsieur [G] [F]
né le 07 Octobre 1986 à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Salima MOUTROUS-ZOUARAT, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
Association SOLID’AGRI
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Nicolas BLANCO de la SCP BAGLIO-ROIG-ALLIAUME-BLANCO, avocat au barreau D’AVIGNON
Ordonnance de clôture du 20 Septembre 2022, révoquée sur le siège sur demande conjointe des parties et clôturée à nouveau au jour de l’audience avant l’ouverture des débats,
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 04 Octobre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 06 Décembre 2022.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 06 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
M. [G] [F] a été engagé à compter du 22 août 2011 par l’association Solid’agri qui a pour objet l’insertion professionnelle en milieu ordinaire de personnes handicapées, en qualité de manoeuvre, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps complet.
Le 15 décembre 2016, M. [G] [F] qui est sous curatelle de sa mère, Mme [U], a démissionné de son poste.
Par requête reçue le 15 décembre 2017, M. [G] [F] a saisi le conseil de prud’hommes aux fins d’obtenir la requalification de ses fonctions de manoeuvre en ouvrier agricole employé catégorie II échelon 1, un rappel de salaire sur requalification, la requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et le paiement de diverses sommes indemnitaires et à titre de rappel de salaire.
Par jugement du 20 décembre 2019, le conseil de prud’hommes d’Orange a débouté M. [G] [F] de l’intégralité de ses prétentions.
Par acte du 23 janvier 2022, M. [G] [F] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance en date du 24 juin 2022 , le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 20 septembre 2022 à 16 heures et fixé examen à l’audience du 4 octobre 2022.
Aux termes de ses dernières conclusions M. [G] [F] demande à la cour de :
– réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Orange le 20 décembre 2019,
– requalifier ses fonctions depuis son entrée au service de l’association Solid’agri, au poste d’ouvrier/employé catégorie II, échelon 1,
– dire et juger que l’association Solid’agri a commis plusieurs manquements ( à l’obligation de sécurité, non-paiement d’heures supplémentaires, non-respect de la vie privée, absence de fourniture d’horaires de travail, absence de rémunération des temps de stage, atteinte au droit à l’image),
– dire et juger que sa démission du 15 décembre 2016 doit être requalifiée en prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner l’association Solid’agri, prise en la personne de son représentant légal en exercice, d’avoir à lui payer :
– 1 666,81 euros au titre de rappel de salaire sur requalification.
– 3 309,67 euros au titre des heures supplémentaires outre 330,97 euros brut de congés payés y afférents,
– 18 252 euros au titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité à la charge de son employeur,
– 2 317 euros au titre de la rémunération des stages outre 231,70 euros de congés payés y afférents,
– 2 317 euros au titre des congés et journées de récupération indûment ponctionnés,
– 9 200 euros au titre de dommages intérêts pour atteinte à la vie personnelle et familiale ayant entraîné un préjudice certain,
– 3 000 euros au titre de dommages intérêts pour atteinte au droit à l’image,
– 9 127,50 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 3 042,50 euros au titre d’indemnité de préavis outre 304,25 euros au titre des congés y afférents,
– 1 389 euros au titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
– débouter la Solid’agri de l’ensemble de ses demandes,
– condamner Solid’agri aux entiers dépens,
– ordonner l’exécution provisoire.
M. [G] [F] soutient que :
– les fonctions qu’il a exercées de façon effective justifient l’application de la classification relative aux ouvriers agricoles,
– il a effectué de nombreuses heures supplémentaires en 2015 et en 2016 qui n’ont pas été rémunérées et qu’il le démontre par la production de tableaux récapitulatifs,
– il a réalisé deux stages d’évaluation à la demande de son employeur en 2016, effectués sur son temps de travail qui n’ont pas été comptés par l’employeur comme temps de travail effectif mais comme des jours de congés ou des périodes de récupération,
– que son contrat de travail n’a pas prévu les horaires de début et de fin de journée de travail, qu’en réalité, il était avisé tardivement, le soir pour le lendemain, par texto envoyé par le chef d’équipe, que le conseil de prud’hommes est compétent pour réparer le préjudice subi par un salarié en raison de l’atteinte à sa vie personnelle du fait d’une exécution déloyale du contrat de travail résultant de l’absence de communication des horaires de travail, que cette situation l’obligeait à se tenir en permanence à la disposition de son employeur,
-l’employeur ne justifie pas avoir pris des mesures pour prévenir la pénibilité au travail, qu’il lui a seulement préconisé du repos et des vitamines, de sorte qu’il a manqué à son obligation de sécurité, que la surcharge de travail l’a conduit à un épuisement professionnel,
– la demande de requalificiation de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse est valable même si la lettre de démission est co-signée par la curatrice et qu’il a retrouvé un emploi,
– il n’a jamais donné son accord pour l’utilisation et la diffusion de son image par son employeur, que son handicap a été utilisé à des fins commerciales et qu’il a ainsi subi un préjudice moral qui doit être réparé.
En l’état de ses dernières écritures l’association Solid’agri conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de M. [G] [F] au paiement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’association Solid’agri fait valoir que :
– les salaires réclamés antérieurs au 15 janvier 2014 doivent se voir opposer une fin de non-recevoir en application de l’article 3245-1 du code du travail, que le salarié ne rapporte pas la preuve qu’il occupait des fonctions relevant du coefficient revendiqué en référence à la convention collective applicable, pour la période d’emploi non prescrite et subsidiairement, que les conditions posées par la convention collective pour la classification au niveau II – échelon 1 (anciennement coefficient 130), ne sont manifestement pas remplies par M. [F],
– la demande de paiement des heures supplémentaires n’est pas étayée et est donc infondée,
– la demande de paiement de rappel de salaire sur les périodes de stage en 2016 n’est pas fondée, que ces stages concernaient des formations accomplies à titre personnel auprès d’une personne morale qu’il entendait rejoindre par la suite en vue d’une reconversion professionnelle, que le salarié a demandé, pour ces périodes, des congés payés à hauteur des droits lui restant acquis,
– la rupture du contrat de travail procède d’une démission du 15 décembre 2016 dont le salarié ne s’est pas rétracté et pour rejoindre une autre association au sein de laquelle il occupe aujourd’hui un poste,
– l’atteinte au droit à l’image doit être déclarée irrecevable puisqu’elle ne figure pas dans la requête introductive d’instance et que la demande de dommages et intérêts s’adresse à son ancien employeur au lieu de s’adresser contre l’auteur de l’article de presse devant la juridiction compétente, que la demande de dommages et intérêts à ce titre est également infondée du fait que M. [G] [F] ne démontre pas avoir subi un préjudice résultant de la publication de ces photos,
– la demande de dommages et intérêts au titre de la violation de l’obligation de sécurité est irrecevable puisque cette demande n’était pas formulée en première instance, qu’en tout état de cause elle n’est pas fondée puisque l’appelant ne rapporte pas la preuve de ce manquement.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Sur la demande relative à la classification:
Selon l’article 4.5 de la convention collective départementale des exploitations agricoles de Vaucluse, applicable à la relation de travail entre M. [G] [F] et l’association Solid’agri, relatif à la grille de classification des emplois d’ouvriers et d’employés, les emplois de niveau II et échelon 1 se déterminent selon plusieurs critères :
– type d’activité : emploi comportant des travaux plus complexes, réalisables seulement après une période d’apprentissage ; il nécessite de la part du salarié une bonne maîtrise des savoir faire compatibles avec l’organisation du travail dans l’entreprise ;le salarié peut servir de référent aux salariés de niveau I ; il peut conduire un véhicule léger ou le tracteur, affecté au service de l’exploitation,
– autonomie : les travaux sont exécutés selon des consignes précises et sous surveillance intermittente ; le salarié a la capacité dans l’exécution de son travail à déceler les anomalies et incidents ; il alerte son supérieur ou prend les dispositions d’urgence qui s’imposent,
– responsabilité : les conséquences des initiatives que le salarié est amené à prendre dans l’exécution de son travail ne présentent pas de caractère de gravité sur le plan économique, de la sécurité des personnes ou de la préservation de l’environnement,
– exemples à titre indicatif : taille des végétaux, employé de cave, employé à la vente, travaux administratifs, berger d’exploitation débutant, aide berger d’exploitation, aide berger, aide berger d’alpage débutant.
En l’espèce, M. [G] [F] qui a été embauché en qualité de manoeuvre au coefficient 100 selon cette convention collective, sollicite la classification de son emploi au coefficient 130 correspondant au niveau II échelon I, au motif qu’il a accompli régulièrement des travaux de taille, et que les autres salariés, le médecin du travail et l’employeur ont considéré que son emploi est celui d’un ouvrier agricole.
Cependant, d’une part, le fait que M. [G] [F] justifie avoir suivi deux stages en 2016, du 29 août au 09 septembre puis du 19 septembre au 07 octobre, dont l’objectif était de permettre l’évaluation de ses capacités dans une structure Esat dans le cadre de conventions conclues entre l’association et l’Esat Hermitage, d’autre part, les feuilles de pointage qui mettent en évidence l’accomplissement de travaux diversifiés parmi lesquels des travaux de taille, de vendanges, de plantations de fraisiers, d’effeuillages de tomates et de relevage de cèpes de vignes, sont insuffisants pour établir la réalisation effective de travaux complexes qui nécessitaient un apprentissage préalable.
M. [G] [F] ne justifie pas par ailleurs que la surveillance par le chef d’équipe n’était qu’intermittente et qu’il pouvait être un référent pour les autres salariés de niveau I.
Le salarié indique dans ses conclusions que ‘les autres salariés, le médecin du travail, l’employeur lors de’ son ’embauche’ ‘considèrent que l’emploi litigieux est celui d’un ouvrier agricole’ sans pour autant étayer ces affirmations.
Il s’en déduit que M. [G] [F] ne justifie pas avoir rempli les conditions pour bénéficier de la classification niveau II échelon I.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Sur la demande d’heures supplémentaires :
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures supplémentaires de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précisées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En cas de litige relatif à l’existence et au nombre d’heures effectuées, l’employeur doit être mesure de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié dans la limite de la prescription quinquennale.
La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.’
En l’espèce, M. [G] [F] soutient avoir accompli en 2015, 219,5 heures supplémentaires et 55,25 heures supplémentaires en 2016 dont il sollicite le paiement et produit à l’appui de ses prétentions des tableaux calendaires pour les périodes de janvier à juillet 2015 et de mars à août 2016 sur lesquels sont mentionnés les heures de début et de fin des journées de travail, le nombre d’heures journalières effectuées et au bas de chaque tableau, le nombre d’heures supplémentaires réalisées dans le mois.
M. [G] [F] produit des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies.
L’association Solid’agri verse aux débats les bulletins de salaire de M. [G] [F] de 2015 et 2016 et les décompte précis des heures réalisées calculées sur la base de données issues des feuilles de pointage, sur lesquels sont mentionnés le ‘compteur de régularisation des repos compensateurs’ et les ‘heures dues/prises (récup) à soustraire du compteur’, le total des heures supplémentaires de chaque semaine d’un mois, qui font apparaître que M. [G] [F] a omis de prendre en considération dans son décompte, les jours de récupération, 3 en août 2015 et 2 en septembre 2015 et les jours d’intempéries qui ne peuvent pas être assimilés à du temps de travail effectif dès lors que le salarié n’était pas, à ces occasions, à la disposition de l’employeur, n’avait plus à appliquer ses consignes et pouvait vaquer à ses occupations personnelles, conformément aux dispositions des articles L3121-50 et L3121-37 dont les dispositions sont applicables à compter du 10 août 2016.
Le fait que le solde restant dû se rapportant au compteur de régulation des repos compensateurs soit , à un moment donné négatif signifie que le salarié a pris des repos compensateurs pour un nombre supérieur au nombre d’heures supplémentaires réalisées et/ou n’a pas travaillé en raison d’intempéries ; à titre d’exemple, pour le seul mois d’octobre 2015, 8 jours ont été comptabilisés en ‘intempéries’ .
Par ailleurs, sur les deux années concernées, force est de constater que le compteur est ajusté automatiquement en tenant compte de ces deux données et du nombre d’heures supplémentaires réalisées chaque mois.
M. [G] [F] ne conteste pas utilement les décomptes ainsi présentés par l’association Solid’agri .
Il s’en déduit que les décomptes produits par M. [G] [F] sont lacunaires et erronés et ne peuvent pas être retenus utilement pour faire droit à sa demande de ce chef.
Le salarié sera donc débouté de ce chef de demande et le jugement entrepris confirmé sur ce point.
Sur la demande de rémunération des périodes de stage :
Toute action de formation suivie par un salarié qui conditionne l’exercice d’une activité ou d’une fonction constitue un temps de travail effectif .
En l’espèce, M. [G] [F] sollicite la rémunération deux périodes de stages qu’il a effectués en 2016 au motif qu’ils l’ont été à la demande de l’employeur et se réfère notamment à deux pièces produites qui se rapportent à une formation suivie en 2011 et à une formation de taille de vigne du 18 au 29 janvier 2016, soit à des périodes étrangères à celles pour lesquelles il sollicite une rémunération.
S’agissant du premier stage réalisé du 29 août au 09 septembre 2016, la convention signée le 24 août 2016 entre l’association Solid’agri et l’Esat mentionne expressément que l’objet est de ‘permettre l’évaluation des capacités du stagiaire dans une structure ESAT’ .
Le second stage qui suit de quelques jours le premier puisqu’il a été effectué du 19 septembre au 07 octobre 2016, a été conclu entre les mêmes parties et dans la même perspective, l’attestation établie par le directeur de l’Esat le 10 octobre 2016 indiquant qu’il s’agissait d’un ‘stage d’évaluation’.
M. [G] [F] ne conteste pas le fait avancé par l’association Solid’agri qu’il a intégré cette structure dans la continuité de ces deux stages.
M. [G] [F] succombe donc à la démonstration qui lui incombe que ces deux stages auraient dû être rémunérés par l’association, peu importe que s’agissant du premier stage, la convention mentionne qu’il reste sous la responsabilité de la direction de l’association Solid’Agri.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut de communication des horaires de travail :
Contrairement à ce que soutient l’association Solid’agri, cette demande avait été formulée en première instance, et le conseil de prud’hommes a statué sur ces prétentions du salarié dans le cadre du jugement entrepris en les rejetant, de sorte que cette demande ne peut pas être considérée comme nouvelle. Elle est donc recevable.
Sur le fond, M. [G] [F] soutient que son contrat de travail ne prévoyait aucun horaire de travail, précisant qu’il mentionnait en son article 3 ‘il démarre sur le chantier en début de journée et ce jusqu’au départ en fin de journée’, qu’il devait se tenir à la disposition permanente et abusive de l’employeur et qu’il n’était informé des horaires de la veille pour le lendemain ; il produit au soutien de ses prétentions :
– des échanges de textos entre septembre 2015 et août 2016 relatifs aux heures de début de la journée de travail et au lieu du travail ‘demain matin rdv o bureau à 6h15 taille pour Solène’, ‘demain rdv o bureau pour taille de vignes’, ‘demain matin rendez-vous o bureau à 6h15 vendages’, ‘demain matin rdv à bureau à 6h15 vendanges’ ; M. [G] [F] ‘demain kelheur’, le chef d’équipe ‘je c pa’, ‘demain matin rdv o bureau à 5h20 départ à 5h45 pour tirage de racines’, ‘salut les gars demain rdv au bureau 5 heures chez…désherbabe plantes bonne nuit les petits’, ‘non plutôt 4h45″, demain matin rdv o bureau a 5h30 départ 5h50 tirage de racines’, ‘demain matin rdv au bureau a 4h départ à 4h15 multiples activités de vignes’.
L’association conteste le bien fondé de la demande de M. [G] [F] et verse aux débats deux attestations établies par des chefs d’équipe, M. [W] [L] et M. [T] [E] selon lesquelles les plannings sont affichés dans les locaux de l’association trois semaines ‘en avance’ et que des modifications peuvent intervenir en cas d’intempérie ou pour tenir compte des demandes d’un client, auxquelles sont joints des plannings de septembre, octobre et novembre 2015.
Si les horaires de travail ne sont pas fixés dans le contrat de travail, ce qui peut s’expliquer par la nécessité d’avoir une souplesse dans l’activité agricole, et si les plannings que l’association a produits ne mentionnent pas d’heure précise de début et de fin de la journée de travail mais seulement l’activité programmée, il n’en demeure pas moins que les horaires de début et de fin d’une journée de travail étaient quasiment identiques pendant les périodes estivales et pendant les périodes de l’automne ou de l’hiver comme l’établissent les horaires renseignés pas M. [G] [F] sur les tableaux calendaires qu’il a lui-même établis : janvier et février 7h30, mars 7h et très ocasionnellement 6h30, 7h ou 7h30 et ocasionnellement 6h30, mai 6h30 et 7h et très ocasionnellement 5h45, juin 6h/6h30 et ocasionnellement 5h30, juillet 5h30/6h ; il en est de même pour l’année 2016.
Ainsi, il apparaît que les textos échangés entre le chef d’équipe et le salarié permettaient de préciser l’heure du début de la journée dans un créneau horaire déjà connu.
S’agissant des heures de fin de journée, s’ils n’étaient pas connus précisément puisqu’ils dépendaient en partie de la nature à travaux à réaliser, le créneau horaire de fin de journée était quasiment identique en fonction des saisons, entre 14h30/17h jusqu’en mai puis entre 13h/16h30 pendant la période estivale, ce qui s’explique par les conditions défavorables pour les salariés agricoles en période de forte chaleur.
Il s’en déduit que contrairement à ce que soutient M. [G] [F], il n’était pas à la disposition permanente de son employeur.
M. [G] [F] sera donc débouté de ce chef de demande.
Sur la demande relative à la violation par l’employeur de son obligation de sécurité :
M. [G] [F] soutient avoir connu des conditions de travail difficiles et s’être trouvé dans une situation psychologique et physique compliquée ce qui l’aurait obligé à s’absenter et produit à l’appui de sa demande des courriels échangés entre Mme [U], sa mère et curatrice, et l’association, dans lesquels sa mère informe que son fils se rendra chez le médecin et que sa santé est prioritaire.
Cependant, force est de constater que M. [G] [F] ne produit aucun élément de nature à établir la réalité des pressions pychologiques qu’il dit avoir subies et d’un lien de causalité des problèmes de santé qu’il a rencontrés au cours de l’exécution de la relation contractuelle, notamment un malaise dont la date de survenue n’est pas précisée, et une supposée dégradation de ses conditions de travail.
M. [G] [F] sera donc débouté de ce chef de demande et le jugement entrepris confirmé sur ce point.
Sur la demande de requalification de la démission en prise d’acte et rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur :
La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur et lorsqu’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, le juge doit l’analyser en une prise d’acte qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d’une démission.
Il appartient au juge de vérifier la réalité de cette volonté non équivoque de démissionner. Ce caractère équivoque ne pouvant résulter que de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission, ce n’est que si de telles circonstances sont caractérisées que le juge devra analyser cette démission, eut-elle été donnée sans réserve, en une prise d’acte de la rupture ayant les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient soit dans le cas contraire d’une démission. La démission est nécessairement équivoque lorsque le salarié énonce dans la lettre de rupture les faits qu’il reproche à l’employeur.
Même exprimée sans réserve, la démission peut être considérée comme équivoque lorsqu’il est établi qu’un différend antérieur ou concomitant à la rupture opposait les parties et la prise d’acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu’il reproche à son employeur entraîne la rupture immédiate du contrat de travail et ne peut en conséquence être rétractée. Dès lors, le comportement ultérieur du salarié est sans incidence
Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il impute à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.
Dans cette hypothèse, il appartient au salarié de démontrer la réalité des griefs qu’il impute à son employeur, lesquels doivent présenter un caractère suffisamment grave pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.
En l’espèce, M. [G] [F] a adressé à l’association une lettre de démission datée du 15 décembre 2016 libellée de la façon suivante :’je tiens à notifier par la présente ma décision de démissionner de mon poste de travail en qualité de manoeuvre agricole.
Concernant mon préavis d’un mois, je tiens à vous préciser que j’entends l’effectuer pendant mon arrêt maladie. Le point de départ du préavis étant fixé à compter du jour de la réception de la présente lettre que je vous adresse dès aujourd’hui par lettre simple et recommandée…’.
En premier lieu, il convient de constater que la lettre de démission a été co-signée avec sa mère en qualité de curatrice, que M. [G] [F] ne mentionne aucun grief à l’encontre de son employeur et qu’il ne s’est pas rétracté dans un temps proche de la remise de cette lettre, l’ayant contestée au moment où il a engagé une action judiciaire devant le conseil de prud’hommes d’Orange, le 15 décembre 2017, soit un an après sa rédaction.
M. [G] [F] soutient que sa démission doit être appréciée au regard de deux témoignages établis par deux anciens salariés, M. [S] [Z] et M. [M] [K] ; outre le fait que ces deux attestations ne sont pas conformes aux prescriptions de l’article 202 du code de procédure civile, elles font état de récriminations à l’encontre de l’association portant sur des anomalies dans l’exécution de leur contrat de travail mais qui ne concernent en aucun cas la relation contractuelle ayant existé entre M. [G] [F] et l’association.
Le compte rendu d’un entretien qui s’est tenu le 29 septembre 2016 entre la mère du salarié et la directrice de l’association, établi par Mme [U], dans lequel elle décrit la surprise de la directrice lorsque le sujet notamment du non-paiement d’heures supplémentaires a été abordé alors qu’il était question de discuter d’une éventuelle rupture conventionnelle du contrat de travail, ne permettent pas, non plus, d’établir que sa démission était équivoque.
L’association Solid’agri soutient que M. [G] [F] a été embauché rapidement par l’Esat auprès duquel il a effectué deux stages en 2016, ce qui n’est pas sérieusement contesté par le salarié.
Il se déduit de ces éléments que la demande de requalification de la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse n’est pas fondée.
M. [G] [F] sera débouté de ce chef de demande et le jugement entrepris confirmé sur ce point.
Sur la demande d’absence d’autorisation du droit à l’image :
Selon l’article 9 du code civil, la seule constatation de l’atteinte à la vie privée ouvre droit à réparation.
M. [G] [F] soutient que l’association n’a jamais sollicité son accord pour l’utilisation de son image alors que dans l’édition de l’hiver 2016/2017 du magazine de la communauté d’agglomération Ventoux-Comtat Venaissin, figure une photographie qui représente l’équipe de l’association ‘au complet’ où il est présent et que son image apparaît également sur le quotidien ‘Vaucluse matin’ qui a été diffusé sur le site internet par la directrice de la société pour mettre en valeur son projet ‘les jardins de Solène’.
Dès lors que la juridiction prud’homale a statué sur cette demande, il y a lieu de considérer qu’elle n’est pas nouvelle contrairement à ce que prétend l’association Solid’agri.
Sur le fond, les faits invoqués par le salarié sont établis par les éléments qu’il a communiqués de sorte qu’il justifie avoir subi un préjudice résultant d’une atteinte à sa vie privée qui sera réparée justement par la somme de 600 euros.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce sens.
Au vu de l’ensemble de ces considérations, il convient d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [G] [F] de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée et de le confirmer pour le surplus.
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud’homale et en dernier ressort ;
Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Orange le 20 décembre 2019 en ce qu’il a débouté M. [G] [F] de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée,
Le confirme pour le surplus,
Statuant sur les dispositions réformées et y ajoutant,
Condamne l’association Solid’Agri à payer à M. [G] [F] la somme de 600 euros en réparation de son préjudice résultant de l’atteinte à la vie privée,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne M. [G] [F] aux dépens de la procédure d’appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,