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L’Union fédérale des syndicats de l’Etat CGT (UFSE-CGT), la Fédération de l’éducation, de la recherche et de la culture CGT (FERC-CGT) et la Fédération syndicale unitaire (FSU) demandent l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 17 décembre 2021 relatif au contrat de chaire de professeur junior prévu par l’article L. 952-6-2 du code de l’éducation et par l’article L. 422-3 du code de la recherche, ainsi que, par voie de conséquence, de l’arrêté du 17 décembre 2021 de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation fixant le nombre de contrats de chaires de professeurs juniors susceptibles d’être pourvus pour l’année 2021 et le montant du financement par l’Agence nationale de la recherche, seul acte règlementaire pris en application du décret attaqué produit à l’appui de leur requête.
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Section du Contentieux, 4ème et 1ère chambres réunies, 4 avril 2023, 461603 Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 février et
24 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’Union fédérale des syndicats de l’Etat CGT (UFSE-CGT), la Fédération de l’éducation, de la recherche et de la culture CGT (FERC-CGT) et la Fédération syndicale unitaire (FSU) demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1710 du
17 décembre 2021 relatif au contrat de chaire de professeur junior prévu par l’article L. 952-6-2 du code de l’éducation et par l’article L. 422-3 du code de la recherche, ainsi que l’ensemble des actes règlementaires pris en application de ce décret, dont l’arrêté du 17 décembre 2021 de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation fixant le nombre de contrats de chaires de professeurs juniors susceptibles d’être pourvus pour l’année 2021 et le montant du financement par l’Agence nationale de la recherche ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 600 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la Constitution ;
– le code de l’éducation ;
– le code de la recherche ;
– la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 ;
– le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
– la décision du Conseil constitutionnel n° 2020-810 DC du 21 décembre 2020 ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire,
– les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
:
1. L’article 4 de la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur a inséré dans le code de l’éducation un nouvel article L. 952-6-2, aux termes duquel : ” I. – Afin de répondre à un besoin spécifique lié à sa stratégie scientifique ou à son attractivité internationale, dans des domaines de recherche pour lesquels il justifie de cette nécessité, un établissement public d’enseignement supérieur ou de recherche peut être autorisé, par arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur, à recruter en qualité d’agent contractuel de droit public des personnes titulaires d’un doctorat, tel que prévu à l’article L. 612-7, ou d’un diplôme équivalent en vue de leur titularisation dans un corps de professeur relevant du présent titre. / Ces recrutements sont ouverts chaque année, sur proposition du chef d’établissement, par l’arrêté mentionné au premier alinéa du présent I, dans la limite de 15 % des recrutements autorisés dans le corps concerné ou de 25 % de ceux-ci lorsque le nombre de recrutements autorisés dans le corps est inférieur à cinq. Ils ne peuvent représenter plus de la moitié des recrutements de l’établissement dans le corps pour l’année concernée. / Le recrutement est réalisé, après appel public à candidatures, à l’issue d’une sélection par une commission constituée de personnes de rang égal à celui de l’emploi à pourvoir et composée, pour moitié au moins, d’enseignants-chercheurs et de personnels assimilés ou de chercheurs extérieurs à l’établissement dans lequel le recrutement est ouvert, dont au moins une personne de nationalité étrangère exerçant ses activités professionnelles à l’étranger. Cette commission ne peut comprendre plus de 60 % de membres du même sexe. / Le contrat a pour objet de permettre à la personne recrutée d’acquérir une qualification en rapport avec les fonctions du corps dans lequel elle a vocation à être titularisée, définies à l’article L. 952-3. Il est conclu par l’établissement public d’enseignement supérieur au sein duquel l’intéressé a vocation à être titularisé ou par un établissement public de recherche partenaire de celui-ci. Dans le respect des dispositions de l’article L. 952-2, il stipule les engagements des parties concernant les objectifs à atteindre par l’intéressé et les moyens qui lui sont apportés par son employeur pour l’exercice de ses fonctions. Ces engagements incluent les obligations de l’intéressé en matière d’enseignement et de recherche. / II. – La durée du contrat mentionné au I du présent article ne peut être inférieure à trois ans et ne peut être supérieure à six ans. / Le contrat peut être prolongé dans la limite de la durée des congés pour maternité ou adoption et des congés de paternité et d’accueil de l’enfant, de maladie et d’accident du travail. / Le contrat peut être renouvelé, dans la limite d’un an, sans dépasser la durée maximale de six ans prévue au premier alinéa du présent II, lorsque l’intéressé n’a pas pu atteindre les objectifs auxquels il avait initialement souscrit. / III. – Au terme de son contrat, une commission de titularisation entend le candidat au cours d’une audition et apprécie sa valeur scientifique ainsi que son aptitude à exercer les fonctions mentionnées à l’article L. 952-3, afin de vérifier qu’il remplit les conditions pour être titularisé dans un corps de professeur. L’intéressé est ensuite titularisé par décret du Président de la République, sur proposition du chef d’établissement après avis de la commission. / Cette commission est constituée de personnes de rang égal à celui de l’emploi à pourvoir et est composée, pour moitié au moins, d’enseignants-chercheurs et de personnels assimilés ou de chercheurs extérieurs à l’établissement, dont au moins une personne de nationalité étrangère exerçant ses activités professionnelles à l’étranger. Cette commission ne peut comprendre plus de 60 % de membres du même sexe. / Elle examine, pour chaque candidat, un rapport sur son activité et les travaux qu’il a accomplis. / La titularisation est subordonnée à un engagement de servir. / IV. – Le chef d’établissement présente devant l’instance délibérante compétente un bilan annuel de la mise en œuvre au sein de son établissement des dispositions du présent article. Ce bilan comporte notamment des données relatives aux proportions de femmes et d’hommes recrutés. / V. – Un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités d’application du présent article, notamment les conditions d’équivalence de diplôme exigées pour le recrutement en qualité d’agent contractuel, les modalités de la procédure de sélection, les conditions de renouvellement du contrat, les modalités d’appréciation, avant la titularisation, de la valeur scientifique et de l’aptitude à exercer les missions mentionnées à l’article L. 952-3, les modalités de l’appréciation de l’habilitation à diriger des recherches, les modalités de nomination des membres des commissions mentionnées au troisième alinéa du I et au premier alinéa du III du présent article et les conditions de l’engagement de servir “. L’article 4 de la loi du 24 décembre 2020 précitée a également créé un nouvel article L. 422-3 du code de la recherche prévoyant, selon des dispositions analogues à celles de l’article L. 952-6-2 du code de l’éducation, la possibilité, au sein d’un établissement public de recherche ou d’enseignement supérieur, de recruter en qualité d’agent contractuel de droit public des personnes titulaires d’un doctorat ou d’un diplôme équivalent en vue de leur titularisation dans un corps de directeur de recherche.
2. L’Union fédérale des syndicats de l’Etat CGT (UFSE-CGT), la Fédération de l’éducation, de la recherche et de la culture CGT (FERC-CGT) et la Fédération syndicale unitaire (FSU) demandent l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 17 décembre 2021 relatif au contrat de chaire de professeur junior prévu par l’article L. 952-6-2 du code de l’éducation et par l’article L. 422-3 du code de la recherche, ainsi que, par voie de conséquence, de l’arrêté du 17 décembre 2021 de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation fixant le nombre de contrats de chaires de professeurs juniors susceptibles d’être pourvus pour l’année 2021 et le montant du financement par l’Agence nationale de la recherche, seul acte règlementaire pris en application du décret attaqué produit à l’appui de leur requête.
3. Les dispositions du chapitre Ier du décret attaqué déterminent les conditions dans lesquelles les contrats de chaire de professeur junior, créés en application des dispositions citées au point 1, sont attribués aux établissements publics d’enseignement supérieur ou de recherche candidats, ainsi que les conditions du financement par l’Agence nationale de la recherche des projets de recherche et d’enseignement associés à ces contrats. Son chapitre II, dans sa version en vigueur à la date d’édiction du décret contesté, définit les modalités de sélection et de recrutement de ces chaires, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre de l’appel public à candidatures et la composition et le fonctionnement de la commission de sélection chargée d’examiner les dossiers de candidature, d’auditionner les candidats qu’elle présélectionne et de communiquer le nom du candidat qu’elle retient à l’autorité de recrutement, celle-ci étant tenue, si elle décide de donner suite à la procédure de recrutement, de proposer au candidat ainsi retenu un contrat de chaire de professeur junior. Aux termes de l’article 12 du décret attaqué : ” Le contrat est signé par le candidat retenu et par le chef de l’établissement public de recrutement ou, le cas échéant, par le chef de l’établissement public partenaire principalement chargé de l’exécution du contrat. Outre sa date d’effet et la définition du poste occupé, le contrat précise : / 1° La dénomination des fonctions exercées, celle de l’unité de recherche ou de la composante d’affectation, ainsi que celle du corps dans lequel l’agent a vocation à être titularisé ; / 2° La durée du contrat ; / 3° L’intitulé précis du projet de recherche et d’enseignement retenu qui fait l’objet de la convention de recherche et d’enseignement mentionnée à l’article 16 ; / 4° Les moyens garantis par l’autorité de recrutement pour la réalisation de ce projet de recherche et d’enseignement ; / 5° Le nom et la qualité de la personne désignée en qualité de référent scientifique ; / 6° Le montant de la rémunération brute mensuelle ; / 7° Les obligations de service d’enseignement et les objectifs à atteindre en matière de recherche ; / 8° Le cas échéant, les conditions particulières d’exercice de l’emploi de l’agent, notamment lorsque tout ou partie du projet de recherche et d’enseignement se déroule au sein d’un établissement partenaire. / Dans un délai de deux mois à compter de la date de signature du contrat, la convention de recherche et d’enseignement prévue à l’article 16 est annexée au contrat “. Aux termes de son article 16 : ” Une convention de recherche et d’enseignement précise le parcours de titularisation à suivre par l’agent recruté en application des dispositions des articles L. 952-6-2 du code de l’éducation ou L. 422-3 du code de la recherche afin de lui permettre d’acquérir une qualification en rapport avec les missions du corps dans lequel il a vocation à être titularisé. / Cette convention est signée, au plus tard dans les deux mois à compter de la date de signature du contrat, par l’établissement de recrutement et l’agent contractuel ainsi que, le cas échéant, par le ou les organismes publics ou privés partenaires à l’exécution de la convention. Elle précise notamment, pour chaque année d’exécution du contrat, dans le respect des dispositions des articles L. 952-2 du code de l’éducation ou de l’article L. 411-3 du code de la recherche : / 1° Les engagements pris par l’agent sur les étapes de son projet de recherche et d’enseignement ; / 2° La répartition des moyens financiers, humains et matériels, détaillés avec leur programmation sur la durée du contrat, apportés par l’établissement recruteur et le cas échéant par le ou les organismes publics ou privés partenaires, notamment dans la situation mentionnée à l’article 15 ; / 3° Le partage du financement du projet de recherche et d’enseignement versé par l’agence nationale de la recherche et des droits de propriété intellectuelle entre les organismes publics ou privés partenaires ; / 4° L’organisation du service d’enseignement attribué à l’agent et, le cas échéant, d’encadrement de doctorants ainsi que les possibilités de co-direction de thèse ; / 5° Les objectifs envisagés en termes de publications, de participations à des colloques et de réponses à des appels à projets ; / 6° Les modalités de participation à des tâches d’intérêt général dans l’établissement et à des coopérations scientifiques nationales et internationales ; / 7° Les objectifs en matière de valorisation et de transfert partenarial des travaux de recherche engagés ; / 8° Les modalités de suivi périodique du parcours de titularisation entre l’agent et son référent scientifique mentionné à l’article 17 “. Aux termes de son article 17 : ” Un référent scientifique est désigné, par l’autorité de recrutement, parmi les membres du corps dans lequel le bénéficiaire du contrat a vocation à être titularisé. Il est chargé de suivre le déroulement du contrat et d’apporter son soutien à l’agent dans la réalisation du parcours de titularisation prévu dans la convention de recherche et d’enseignement. / A la moitié de la durée du contrat de l’agent, le référent scientifique, assisté de deux enseignants-chercheurs ou chercheurs de rang égal à celui de l’emploi susceptible d’être occupé après titularisation, réalise une évaluation dans le respect des dispositions de l’article L. 952-2 du code de l’éducation ou de l’article
L. 411-3 du code de la recherche. Elle est transmise à l’intéressé, qui peut y apporter ses observations. / Un document de suivi du parcours de titularisation est établi au plus tard trois mois avant le terme du contrat et transmis à l’intéressé, qui peut y apporter ses observations dans un délai de quinze jours. Passé ce délai, le référent scientifique transmet ce document à la commission de titularisation prévue à l’article 22. / Le référent scientifique ne peut exercer ces fonctions à l’égard de plus de deux agents recrutés par contrat de chaire de professeur junior simultanément. Sur décision motivée, rendue notamment à la suite d’une demande formulée par l’agent, l’autorité responsable de la désignation du référent scientifique peut procéder à son remplacement. Dans ce cas, le contrat est modifié en conséquence “. Aux termes de son article 19 : ” A l’issue de la période d’essai, après avis de la commission consultative paritaire et après avis du référent scientifique, l’autorité de recrutement peut mettre fin au contrat en cas de manquement par l’agent aux obligations prévues à son contrat ou de faute disciplinaire. / Après la période d’essai, l’autorité de recrutement peut mettre fin au contrat en cas d’insuffisance professionnelle, après avis de la commission consultative paritaire et après avoir pris l’avis du référent scientifique. / Le licenciement intervient selon les modalités précisées aux articles 47, 47-1 et 47-2 du décret du 17 janvier 1986 susvisé “. Son article 22 détermine, en outre, la composition de la commission de titularisation et les modalités de désignation de ses membres, les conditions dans lesquelles cette commission évalue la valeur scientifique et les qualités professionnelles du professeur junior afin de se prononcer sur sa capacité à diriger des recherches et, avant l’échéance de son contrat, sur son aptitude à exercer les missions du corps dans lequel il a vocation à être titularisé, ainsi que les conditions dans lesquelles le professeur junior est, le cas échéant, titularisé. Enfin, aux termes de l’article 24 du décret attaqué : ” La titularisation est subordonnée à l’engagement de servir dans la fonction publique civile ou militaire ou dans la magistrature ou dans un emploi relevant des services de l’Union européenne ou dans l’administration d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen. / La durée de l’engagement de servir est égale à la durée du contrat dont l’intéressé a bénéficié, majorée, le cas échéant, des périodes de renouvellement. / En cas de refus de signature ou de rupture de l’engagement du fait de l’intéressé constatée par l’autorité de recrutement, celui-ci rembourse à l’autorité ayant procédé au recrutement 20 % de la totalité de la rémunération brute versée au cours du contrat en application du 6° de l’article 12. / Ce remboursement est proratisé selon le nombre d’années accomplies au regard de la durée de l’engagement de servir. / Il peut être dispensé en tout ou partie de cette obligation : / 1° Pour les agents relevant d’un corps de professeurs relevant du titre V du livre IX du code de l’éducation, par arrêté du ministre intéressé ; / 2° Pour les agents relevant d’un corps de directeurs de recherche, par décision du chef de l’établissement public concerné “.
4. En premier lieu, l’article L. 952-6-2 du code de l’éducation cité au point 1 subordonne la création par un établissement public d’enseignement supérieur ou de recherche d’un contrat de chaire de professeur junior à l’existence d’un besoin spécifique lié à sa stratégie scientifique ou à son attractivité internationale, dans des domaines de recherche pour lesquels il justifie de cette nécessité. L’article 2 du décret attaqué apporte à cet égard, contrairement à ce que soutiennent les syndicats requérants, des précisions suffisantes en prévoyant que, pour bénéficier de cette voie de recrutement, le chef de l’établissement concerné doit justifier auprès du ministre compétent des besoins de son établissement en fonction des projets nécessaires à la mise en œuvre de sa stratégie scientifique, prévue notamment dans son contrat d’établissement, ou au renforcement de son attractivité internationale, et ne porte ainsi pas atteinte au principe d’égal accès aux emplois publics. En outre, les requérants ne peuvent utilement critiquer la pertinence du recours à ce type de contrat pour pourvoir des emplois permanents, cette possibilité ayant été instituée par le législateur aux articles L. 952-6-2 du code de l’éducation et L. 422-3 du code de la recherche.
5. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l’article L. 952-6-2 du code de l’éducation que l’établissement public d’enseignement supérieur ou de recherche est appelé, pour pourvoir une chaire de professeur junior, à conclure avec la personne recrutée un contrat qui a pour objet de lui permettre d’acquérir une qualification en rapport avec les missions du corps dans lequel elle a vocation à être titularisée et stipule les engagements des parties concernant les objectifs à atteindre par le professeur junior et les moyens qui lui sont apportés par son employeur pour l’exercice de ses fonctions. En application de ces dispositions, l’article 12 du décret attaqué cité au point 3 prévoit que ce contrat doit définir notamment l’intitulé précis du projet de recherche et d’enseignement retenu qui fait l’objet d’une convention de recherche et d’enseignement annexée au contrat, les moyens garantis par l’autorité de recrutement pour la réalisation de ce projet de recherche et d’enseignement ainsi que les obligations de service d’enseignement et les objectifs à atteindre en matière de recherche. Aux fins de préciser les conditions de mise en œuvre du parcours de titularisation de l’agent, il était ainsi loisible au pouvoir règlementaire de prévoir, à l’article 16 du décret attaqué cité au même point 3, qu’une convention de recherche et d’enseignement, annexée dans un délai de deux mois à compter de la signature du contrat, décline, pour chaque année d’exécution de celui-ci, les modalités de mise en œuvre des engagements respectifs des parties et des objectifs scientifiques et de recherche déterminés par le contrat, sans que la conclusion d’une telle convention ait pour effet, contrairement à ce que soutiennent les syndicats requérants, de contraindre l’agent à souscrire des engagements qu’il n’aura pu négocier préalablement à la signature de son contrat. En outre, il ressort des termes mêmes de l’article 16 du décret attaqué que les engagements et objectifs précisés par la convention de recherche et d’enseignement doivent s’inscrire dans le respect des dispositions de l’article L. 952-2 du code de l’éducation, aux termes desquelles : ” Les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs jouissent d’une pleine indépendance et d’une entière liberté d’expression dans l’exercice de leurs fonctions d’enseignement et de leurs activités de recherche, sous les réserves que leur imposent () les principes de tolérance et d’objectivité. / Les libertés académiques sont le gage de l’excellence de l’enseignement supérieur et de la recherche français. Elles s’exercent conformément au principe à caractère constitutionnel d’indépendance des enseignants-chercheurs “. De même, lorsque cette convention précise le suivi de l’exécution d’un contrat conclu en application de l’article L. 422-3 du code de la recherche, ses stipulations sont tenues de respecter les dispositions de l’article L. 411-3 du même code qui garantissent notamment aux personnels de recherche l’autonomie de leur démarche scientifique. Il s’ensuit que les syndicats requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions de l’article 16 du décret attaqué portent atteinte au principe d’indépendance des enseignants-chercheurs et à leurs libertés académiques.
6. En troisième lieu, il résulte des termes mêmes de l’article L. 952-6-2 du code de l’éducation cité au point 1 que le contrat de chaire de professeur junior a pour objet de permettre à la personne recrutée d’acquérir une qualification en rapport avec les missions du corps dans lequel elle a vocation à être titularisée. D’une part, dès lors que ce même article renvoie à un décret en Conseil d’Etat le soin de fixer ses modalités d’application, notamment s’agissant des conditions de renouvellement du contrat de chaire de professeur junior et des modalités d’appréciation, avant la titularisation, de la valeur scientifique et de l’aptitude du candidat, le pouvoir règlementaire pouvait légalement confier à un référent scientifique, désigné parmi les membres du corps dans lequel le bénéficiaire du contrat a vocation à être titularisé, assisté de deux enseignants-chercheurs ou chercheurs de rang égal à celui de l’emploi susceptible d’être occupé après titularisation, la responsabilité de suivre le déroulement du contrat et d’apporter son soutien à l’agent dans la réalisation du parcours devant le conduire à la titularisation. D’autre part, en chargeant ce référent scientifique d’établir un document de suivi du parcours de titularisation au plus tard trois mois avant le terme du contrat, transmis à l’intéressé qui peut y apporter ses observations dans un délai de quinze jours, et de produire un avis sur l’aptitude de l’agent, également communiqué à ce dernier pour observations, le pouvoir règlementaire a entendu préciser, comme l’y habilitaient les dispositions du V de l’article
L. 952-6-2 du code de l’éducation, les éléments d’appréciation de la valeur scientifique et de l’aptitude du candidat portés à la connaissance de la commission chargée de se prononcer sur la titularisation du candidat. Il ressort ainsi des pièces du dossier que le document de suivi et l’avis d’aptitude produits par le référent scientifique, versés au dossier de l’agent après avoir été soumis à ce dernier pour observations, ainsi que l’évaluation intermédiaire de l’agent réalisée à la moitié de la durée de son contrat par le référent scientifique, assisté de deux
enseignants-chercheurs ou chercheurs de rang égal à celui de l’emploi susceptible d’être occupé après titularisation, contribuent à une évaluation objective des mérites de la candidature au poste de professeur, à laquelle les pairs sont associés, dont le pouvoir règlementaire pouvait préciser les conditions de mise en œuvre. Par suite, les syndicats requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions de l’article 17 du décret attaqué, qui prévoient l’accompagnement et l’évaluation de l’agent par un référent scientifique avant son éventuelle titularisation, méconnaissent les dispositions législatives dont le décret attaqué fait application et portent atteinte au principe d’indépendance des enseignants-chercheurs et au principe d’égal accès aux emplois publics.
7. En quatrième lieu, l’article 19 du décret attaqué rend applicables au contrat de chaire de professeur junior les dispositions des articles 47 à 47-2 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’Etat, en cas de licenciement du professeur junior pour manquement à ses obligations contractuelles, pour faute disciplinaire ou pour insuffisance professionnelle après la période d’essai. Dans ces hypothèses, les dispositions contestées prévoient que sont requis préalablement au licenciement prononcé par le chef de l’établissement public de recrutement, outre l’avis de la commission consultative paritaire, celui du référent scientifique, lequel appartient, conformément aux dispositions de l’article 17 du décret litigieux, au corps des professeurs des universités ou à un corps de directeur de recherche. Eu égard à son objet, l’avis du référent scientifique sollicité sur le fondement de l’article 19 du décret attaqué doit être regardé comme soumis aux mêmes conditions d’élaboration que l’évaluation intermédiaire du professeur junior à laquelle il doit être procédé en application de l’article 17 de ce décret, exigeant du référent scientifique qu’il soit assisté par deux enseignants-chercheurs ou chercheurs de rang égal à celui de l’emploi susceptible d’être occupé après titularisation. Dès lors qu’est garantie, dans ces conditions, l’association d’enseignants-chercheurs à la procédure de licenciement engagée à l’encontre du professeur junior, le moyen tiré de ce que les dispositions de l’article 19 du décret attaqué méconnaissent le principe d’indépendance des enseignants-chercheurs doit être écarté, ce principe n’impliquant pas l’application aux enseignants-chercheurs recrutés dans le cadre d’un contrat à durée déterminée, préalable à une éventuelle titularisation, de procédures strictement équivalentes à celles prévues en matière de licenciement des enseignants-chercheurs titulaires.
8. En cinquième et dernier lieu, il résulte des termes mêmes de l’article L. 952-6-2 du code de l’éducation cités au point 1 que la titularisation du professeur junior est subordonnée à un engagement de servir dont les conditions doivent être précisées par le décret en Conseil d’Etat pris pour son application. Par suite, les syndicats requérants ne peuvent utilement soutenir que les conditions de cet engagement de servir, prévues à l’article 24 du décret attaqué, sont illégales au seul motif que la phase contractuelle précédant la titularisation ne saurait être assimilée à une période de formation, ni davantage qu’elles méconnaissent le principe d’égalité devant les charges publiques.
9. Il résulte de tout ce qui précède que les syndicats requérants ne sont pas fondés à demander l’annulation du décret qu’ils attaquent. Par suite, leur requête doit être rejetée, y compris leurs conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du 17 décembre 2021 de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation fixant le nombre de contrats de chaires de professeurs juniors susceptibles d’être pourvus pour l’année 2021 et le montant du financement par l’Agence nationale de la recherche, ainsi que celles tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Article 1er : La requête de l’Union fédérale des syndicats de l’Etat CGT, de la Fédération de l’éducation, de la recherche et de la culture CGT et de la Fédération syndicale unitaire est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’Union fédérale des syndicats de l’Etat CGT, représentante unique désignée pour l’ensemble des syndicats requérants, à la Première ministre, au ministre de la transformation et de la fonction publiques, au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la ministre de la culture, au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire et à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.