Droit au titre de séjour des artistes photographes

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Droit au titre de séjour des artistes photographes
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Les artistes qui bénéficient d’une reconnaissance en France et qui dispose de certaines attaches familiales peuvent prétendre à la délivrance d’une carte de séjour.

Il ressort des pièces du dossier que M. A…, qui indique être passionné de photographie, justifie être membre, depuis septembre 2019, de l’association toulousaine ” Poussière d’image ” et de la Fédération photographique de France et avoir organisé une exposition de ses travaux dans la galerie de cette association en janvier 2020. Son œuvre a été distinguée par plusieurs prix nationaux et internationaux depuis 2017, notamment par la Fédération photographique de France qui l’a fait figurer dans son Florilège pour l’année 2020. Les nombreux témoignages produits attestent de la considération dont bénéficie M. A… parmi les photographes. Il produit également une promesse d’embauche à temps plein en qualité de praticien photographe, dans un studio toulousain, et le président de l’association ” Poussière d’image ” entend lui confier des activités rémunérées d’animations photographiques dès que sa situation administrative sera régularisée.

L’ensemble de ces éléments atteste de sa reconnaissance en tant que photographe et de son intégration en France. Par suite, dans les circonstances de l’espèce, ainsi que l’a retenu le tribunal administratif de Toulouse, le préfet de la Haute-Garonne doit être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation en considérant que le requérant ne justifiait pas de l’existence de motifs exceptionnels de nature à permettre son admission au séjour.

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Cour administrative d’appel de Toulouse, 1ère chambre, 23 février 2023, 22TL21604

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C… A… a demandé au tribunal administratif de Toulouse d’annuler l’arrêté du 13 avril 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2103351 du 16 juin 2022, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l’arrêté du 13 avril 2021 et a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la demande de M. A… dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 19 juillet 2022 au greffe de la cour administrative d’appel de Toulouse sous le n° 22TL21604, le préfet de la Haute-Garonne, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A… devant le tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que c’est à tort que, dans le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a estimé que l’arrêté du 13 avril 2021 était entaché d’une erreur manifeste d’appréciation de ses conséquences sur la situation de M. A… dès lors que :

– il appartient à l’autorité préfectorale d’apprécier discrétionnairement l’opportunité d’accorder une régularisation, celle-ci n’étant pas de droit ;

– M. A… est entré en France dans le cadre d’un simple visa de court séjour et n’a donc jamais eu vocation à se maintenir durablement en France ;

– les liens privés et familiaux de M. A… ne sont pas de nature à justifier une régularisation à titre dérogatoire ;

– si M. A… présente des talents de photographe qui ont été récompensés par des prix et justifie d’une promesse d’embauche en tant que praticien photographe, ces éléments ne constituent pas un motif suffisant pour permettre une admission au séjour à titre dérogatoire.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 octobre 2022, M. A…, représenté par Me Sadek, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l’État au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne ne sont pas fondés.

Il soutient, à titre subsidiaire, que l’arrêté du préfet de la Haute-Garonne est également entaché d’illégalité dès lors que :

– il a été pris par une autorité incompétente ;

– cet arrêté, y compris la décision portant obligation de quitter le territoire français, est insuffisamment motivé ;

– sa situation personnelle n’a pas fait l’objet d’un examen particulier ;

– la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l’illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

– c’est à tort que le préfet de la Haute-Garonne lui a opposé le défaut de visa de long séjour pour rejeter sa demande de titre de séjour ;

– l’arrêté méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

– il méconnaît les stipulations du 5° de l’article 6 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

– il méconnaît les stipulations de l’article 3 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant.

Par ordonnance du 5 octobre 2022, la clôture d’instruction a été fixée au 27 octobre 2022.

Par une décision du 7 décembre 2022, M. A… a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale.

Un mémoire présenté pour M. A… a été enregistré le 14 décembre 2022.

II. Par une requête enregistrée le 19 juillet 2022 au greffe de la cour administrative d’appel de Toulouse sous le n° 22TL21605, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 2103351 du 16 juin 2022 du tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient qu’il existe des moyens sérieux de nature à justifier, outre l’annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse, le rejet des conclusions à fin d’annulation accueillies par ce jugement.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 octobre 2022, M. A…, représenté par Me Sadek, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l’État au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 5 octobre 2022, la clôture d’instruction a été fixée au 27 octobre 2022.

Un mémoire présenté pour M. A… a été enregistré le 14 décembre 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

– la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;

– l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

– le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

– la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

– le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de M. B… a été entendu au cours de l’audience publique.

Considérant ce qui suit

:

1. M. A…, ressortissant algérien né le 26 janvier 1987, est arrivé en France le 16 avril 2018 sous couvert d’un visa de court séjour. Il a sollicité le 17 septembre 2020 son admission exceptionnelle au séjour en France au titre de la vie privée et familiale et au titre du travail. Par un arrêté du 13 avril 2021, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande et l’a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de renvoi. Par une requête enregistrée sous le n° 22TL21604, il fait appel du jugement en date du 16 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse, faisant droit à la demande de M. A…, a annulé son arrêté du 13 avril 2021. En outre, par la requête enregistrée sous le n° 22TL21605, il demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées n° 22TL21604 et n° 20TL21605, présentées par le préfet de la Haute-Garonne, sont dirigées comme le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 22TL21604 :

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A…, qui indique être passionné de photographie, justifie être membre, depuis septembre 2019, de l’association toulousaine ” Poussière d’image ” et de la Fédération photographique de France et avoir organisé une exposition de ses travaux dans la galerie de cette association en janvier 2020. Son œuvre a été distinguée par plusieurs prix nationaux et internationaux depuis 2017, notamment par la Fédération photographique de France qui l’a fait figurer dans son Florilège pour l’année 2020. Les nombreux témoignages produits attestent de la considération dont bénéficie M. A… parmi les photographes. Il produit également une promesse d’embauche à temps plein en qualité de praticien photographe, dans un studio toulousain, et le président de l’association ” Poussière d’image ” entend lui confier des activités rémunérées d’animations photographiques dès que sa situation administrative sera régularisée.

4. En outre, M. A… justifie également avoir des liens familiaux sur le territoire français dans la mesure où une grande partie de sa famille, parfois de nationalité française, incluant son père, sa belle-mère, son frère et deux de ses sœurs, y réside de manière régulière. Il ressort également des pièces du dossier que M. A… a exercé différents emplois depuis son arrivée en France et ses deux enfants nés en 2014 et 2017 sont inscrits dans les établissements scolaires de Toulouse. Enfin, il est constant que M. A… est francophone.

5. L’ensemble de ces éléments atteste de sa reconnaissance en tant que photographe et de son intégration en France. Par suite, dans les circonstances de l’espèce, ainsi que l’a retenu le tribunal administratif de Toulouse, le préfet de la Haute-Garonne doit être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation en considérant que le requérant ne justifiait pas de l’existence de motifs exceptionnels de nature à permettre son admission au séjour.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l’arrêté du 13 avril 2021.

Sur la requête n° 22TL21605 :

7. La cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 22TL21604 du préfet de la Haute-Garonne tendant à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 16 juin 2022, il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22TL21605 tendant à ce que la cour prononce le sursis à exécution de ce jugement.

Sur les frais liés au litige :

8. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’État une somme à verser à M. A… ou à son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête n° 22TL21604 du préfet de la Haute-Garonne est rejetée.

Article 2 : Il n’y a pas lieu de statuer sur la requête n° 22TL21605 du préfet de la Haute-Garonne tendant au sursis à exécution du jugement.

Article 3 : Les conclusions de M. A… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l’intérieur et des outre-mer, à M. C… A… et à Me Saliha Sadek.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l’audience du 9 février 2022, à laquelle siégeaient :

M. Alain Barthez, président,

M. Nicolas Lafon, président assesseur,

Mme Virginie Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2022.

Le président rapporteur,

A. B…

L’assesseur le plus ancien

dans l’ordre du tableau,

N. Lafon

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

2

N° 22TL21604, 22TL21605

 


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