Offres de reclassement de l’administrateur judiciaire : licenciement nul

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Offres de reclassement de l’administrateur judiciaire : licenciement nul
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Des formulaires de recherche d’emplois présentés par un administrateur judiciaire, sans qu’aucune information sur le profil du salarié à reclasser et sans que l’on puisse déterminer la réalité des recherches effectuées ainsi que les efforts de formation et d’adaptation, ne répond pas aux exigences légales (licenciement nul).


Le fait que le tribunal de commerce a ordonné la cession des actifs et des activités de la société Primaphot ainsi que le transfert de 211 contrats de travail et autorisé le licenciement pour motif économique de 341 salariés non repris dont la catégorie professionnelle à laquelle appartenait Mme [S] [X] puis a ensuite prononcé la liquidation judiciaire est insuffisant à démontrer que les difficultés économiques ont placé l’employeur dans l’impossibilité de maintenir le contrat de travail de la salariée.

Par ailleurs, comme le relève justement l’Unedic, l’homologation du plan de sauvegarde pour l’emploi par la Direccte n’empêche pas Mme [S] [X] de contester la mise en oeuvre des mesures contenues dans ce plan à son cas individuel, notamment les mesures de reclassement interne.

Or, il ne ressort pas des éléments produits par l’administrateur judiciaire la démonstration d’une recherche loyale et sérieuse de reclassement.

En effet, il est justifié de démarches au début du mois septembre 2016, alors que les possibilités de reclassement auraient dû être recherchées jusqu’à la date du licenciement intervenu le 27 octobre 2016.

En outre, force est de constater que les formulaires de recherche consistaient pour les représentants de sociétés du groupe, dont la moitié remplie par le président, à cocher une case s’il n’existait aucun poste disponible, sans qu’aucune information sur le profil de la salariée à reclasser et sans que l’on puisse déterminer la réalité des recherches effectuées ainsi que les efforts de formation et d’adaptation.

L’administrateur judiciaire fait état en outre de deux propositions faites à la salariée.

Ainsi, le 10 octobre 2016, il était adressé un courrier mentionnant :

« (…) Je vous prie de trouver joint en annexe le détail de l’ensemble des postes de reclassement identifiés et vous invite à m’indiquer si vous êtes intéressé par un ou plus de ces postes.

Je vous joins également en annexe les modalités du processus de reclassement ainsi que les mesures d’accompagnement dont vous pouvez bénéficier afin de vous aider à accepter un poste de reclassement. »

Il était annexé un formulaire rempli le 12 septembre 2016 par le gérant de la société Cadeaux naissance mentionnant l’existence des postes suivants :

« -un poste de responsable développement réseaux senior, basé à [Localité 9], statut cadre, catégorie 3 niveau 4, rémunération 42k€ + 10€ variable

-un poste de développeur web et intégrateur, basé à [Localité 9], statut cadre, catégorie 3 niveau 4, rémunération 37 k€ »

Si l’employeur est en droit de proposer un même poste à plusieurs salariés, les offres de reclassement doivent être personnalisées.

Manifestement, il ne s’agissait pas en l’espèce d’un envoi d’offres de reclassement personnalisées, aucune vérification n’étant faite notamment des compétences et capacités de la salariée qui n’a légitimement pas donné suite.

Il ressort donc de l’ensemble de ces éléments que n’est pas démontrée l’impossibilité de maintenir le contrat de travail de la salariée pour un motif étranger à l’accident du travail.

Conformément à l’article L. 1226-13, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions de l’article L. 1226-9 précité est nulle.

Il convient donc de considérer que la rupture du contrat de travail intervenue le 27 octobre 2016 est nulle.

 


 

Cour d’appel de Nîmes, 5ème chambre sociale PH, 21 mars 2023, 20/02780

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

M. Michel SORIANO, Conseiller

Madame Leila REMILI, Conseillère

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 15 Décembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 14 Mars 202 prorogé à ce jour

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

Madame [S] [X]

née le 25 Février 1965 à [Localité 10] (21)

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER – JEROME PRIVAT – THOMAS AUTRIC, avocat au barreau d’AVIGNON

INTIMÉS :

Maître [H] [D] [B] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « SAS PRIMAPHOT »

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représenté par Me Antoine PASQUET de la SCP LEURENT & PASQUET, avocat au barreau de PARIS

S.E.L.A.R.L. FHB ( MISSION CONDUITE PAR ME [C] [Y]) Es qualité de « Administrateur judiciaire » de la « SAS PRIMAPHOT »

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Antoine PASQUET de la SCP LEURENT & PASQUET, avocat au barreau de PARIS

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D’ILE DE FRANCE EST

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentée par Me Jean-charles JULLIEN de la SCP LAICK ISENBERG JULLIEN SAUNIER GARCIA, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 01 Décembre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 21 Mars 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Mme [S] [X] a été engagée par la société Primaphot à compter du 15 août 2007 selon contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d’agent préparateur de commande.

Suite à un accident du travail par électrisation, reconnu comme tel par la CPAM du Gard, Mme [X] était placée en arrêt de travail du 21 juin 2016 au 1er mai 2017.

La société Primaphot était admise au bénéfice du redressement judiciaire le 1er octobre 2015.

Le 5 octobre 2016, le tribunal de commerce de Nanterre arrêtait la cession des actifs et activités de la société Primaphot au profit de la société Chenavari Crédit Trading L., ordonnait le transfert de 211 contrats de travail à durée indéterminée, et autorisait le licenciement économique de 341 salariés dont le poste n’était pas repris.

Par jugement du 18 octobre 2016, le tribunal de commerce de Nanterre prononçait la liquidation judiciaire de la société Primaphot.

Par lettre du 27 octobre 2016, Mme [X] était licenciée pour motif économique.

Au motif notamment que son licenciement encourait la nullité, Mme [X] saisissait le conseil de prud’hommes de Nîmes le 8 novembre 2017 aux fins d’obtenir des indemnités. L’affaire était radiée puis réinscrite à la demande de Mme [S] [X] reçue le 20 novembre 2018.

Par jugement contradictoire du 19 octobre 2020, le conseil de prud’hommes de Nîmes a :

– débouté Mme [X] de ses demandes,

– dit qu’il n’est pas compétent pour statuer sur la demande au titre de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat,

– dit qu’il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que chacune des parties supportera la charge de ses dépens.

Par acte du 2 novembre 2020, Mme [X] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions du 28 décembre 2020, Mme [S] [X] demande à la cour de :

– recevoir son appel,

– le dire bien fondé en la forme et au fond,

En conséquence,

– réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes,

A titre principal,

– dire et juger que son licenciement est intervenu au mépris de la législation protectrice des salariés victimes d’accident du travail,

En conséquence,

– prononcer la nullité du licenciement,

– condamner Me [H] [D] [B] ès qualité de « mandataire liquidateur » de la «SAS Primaphot» et S.E.L.A.R.L. FHB (mission conduite par Me [C] [Y]) ès qualité de « administrateur judiciaire » de la « SAS Primaphot » à inscrire que l’état des créances de la SARL Primaphot sa créance comme suit :

* 20 000 euros à titre d’indemnité venant sanctionner la nullité du licenciement,

* 10 000 euros à titre de dommages intérêts pour manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité de résultat,

* 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens,

A titre subsidiaire,

– dire et juger que le licenciement de Mme [X] est intervenu sans respect de la procédure de recherche loyale et sérieuse du reclassement, et sans justification de l’impossibilité de maintenir son poste de travail,

En conséquence,

– condamner Me [H] [D] [B] ès qualité de « mandataire liquidateur » de la «SAS Primaphot» et S.E.L.A.R.L. FHB (mission conduite par Me [C] [Y]) ès qualité de « administrateur judiciaire » de la « SAS Primaphot » à inscrire que l’état des créances de la SARL Primaphot sa créance comme suit :

* 20 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 10 000 euros à titre de dommages intérêts pour manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité de résultat,

* 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

L’appelante soutient que :

-son action n’est pas prescrite dans la mesure où le délai applicable est de deux ans et non d’un an,

-le conseil n’a pas répondu à son argumentation par laquelle elle soulevait le fait que le licenciement est intervenu en période de suspension du contrat de travail pour cause d’accident de travail et qu’il était dés lors entaché de nullité

-subsidiairement, l’employeur ne démontre pas l’impossibilité de maintien du contrat de travail, de sorte que le licenciement est nul de plus fort,

-l’employeur n’établit pas avoir procédé à une recherche loyale et sérieuse de reclassement par l’intermédiaire du mandataire judiciaire,

-l’employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat en ce qu’elle travaillait avec un matériel défectueux et dangereux.

En l’état de leurs dernières écritures du 18 février 2021, Me [H] [D] [B] ès qualités de liquidateur judiciaire et Maître [C] [Y] ès qualités d’administrateur judiciaire de la SAS Primaphot demandent à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nîmes le 19 octobre 2020 ;

– se déclarer incompétente pour statuer sur la demande de dommages et intérêts au titre d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, et ce au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale ;

– dire et juger irrecevable, comme prescrite, la demande de Mme [X] en contestation de son licenciement économique ;

– à défaut, dire et juger que le licenciement n’est pas nul et repose sur une cause réelle et sérieuse et débouter en conséquence Mme [X] de sa demande à ce titre ;

– condamner Mme [X] aux dépens.

Ils font valoir que :

-in limine litis, sur l’incompétence partielle du conseil de prud’hommes concernant la demande de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat : l’indemnisation du préjudice résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale,

-subsidiairement, Mme [S] [X] ne rapporte pas la preuve de l’ampleur du préjudice qu’elle a subi,

-sur la prescription : l’action est prescrite sur le fondement de l’article L. 1235-7 du code du travail qui prévoit un délai de 12 mois pour contester le licenciement

-à titre subsidiaire, le licenciement économique n’est pas nul et repose sur une cause réelle et sérieuse, compte tenu de l’impossibilité de maintenir le contrat de travail,

-l’obligation de reclassement qui n’est que de moyens a été respectée.

L’UNEDIC délégation AGS CGEA d’Île de France Ouest, au terme de ses conclusions transmises le 8 mars 2021, demande à la cour de :

– confirmer la décision rendue.

Subsidiairement,

– se déclarer incompétent pour trancher de toute demande découlant de la contestation du contenu du Plan de Sauvegarde de l’Emploi homologué par la Direccte au profit du juge administratif,

– inviter Mme [X] à mieux se pourvoir,

– dire et juger que les demandes tendant à contester le licenciement sont irrecevables car prescrites,

– débouter Mme [X] de ses demandes de dommages et intérêts pour défaut de respect de l’obligation de sécurité de résultat.

À titre très subsidiaire,

– constater l’absence de nullité du licenciement de Mme [X],

– constater que le licenciement repose sur un motif économique incontestable,

– constater que l’argumentaire tendant à critiquer le respect de l’obligation de reclassement par l’employeur est irrecevable,

– débouter Mme [X] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– constater que l’ argumentaire de Mme [X] ne peut conduire qu’à l’octroi de dommages et intérêts, sans remettre en cause le licenciement.

À titre infiniment subsidiaire,

– ramener les demandes de Mme [X] à de plus justes proportions,

– débouter Mme [X] du surplus de ses demandes faute de justifier de son préjudice.

Sur la garantie

– dire et juger que s’il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,

– dire et juger qu’en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l’article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en ‘uvre la responsabilité de droit commun de l’employeur ou article 700 du code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie,

– dire et juger qu’en tout état de cause sa garantie ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte du salarié confondues, l’un des trois plafonds des cotisations maximum du régime d’assurance chômage mentionnés à ces articles,

– statuer ce que de droit quant aux frais d’instance sans qu’ils puissent être mis à sa charge.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 06 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 01 décembre 2022. L’affaire a été fixée à l’audience du 15 décembre 2022.

MOTIFS

 

Sur le licenciement pour motif économique

– Sur la prescription

Aux termes de l’article L. 1235-7 du code du travail dans sa version en vigueur du 24 septembre 2017 au 22 décembre 2017, « Toute contestation portant sur le licenciement pour motif économique se prescrit par douze mois à compter de la dernière réunion du comité social et économique ou, dans le cadre de l’exercice par le salarié de son droit individuel à contester le licenciement pour motif économique, à compter de la notification de celui-ci. Ce délai n’est opposable au salarié que s’il en a été fait mention dans la lettre de licenciement. »

Aux termes de l’article L. 1471-1 du code du travail dans sa version en vigueur du 24 septembre 2017 au 22 décembre 2017 :

« Toute action portant sur l’exécution se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

Le deuxième alinéa n’est toutefois pas applicable aux actions en réparation d’un dommage corporel causé à l’occasion de l’exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment ceux prévus aux articles L. 1233-67, L. 1234-20, L. 1235-7, L. 1237-14 et L. 1237-19-10, ni à l’application du dernier alinéa de l’article L. 1134-5. »

Le délai prévu à l’article L. 1235-7 du code du travail n’est pas applicable à l’action exercée par Mme [S] [X] qui sollicite la nullité du licenciement pour motif économique intervenu alors que son contrat était suspendu dans le cadre d’un accident du travail.

Son action est soumise à la prescription prévue à l’article L. 1471-1 du code du travail dans la mesure où elle porte sur la rupture du contrat de travail.

Cependant, conformément à l’article 40-II de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de publication de ladite ordonnance, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Lorsqu’une instance a été introduite avant la publication de ladite ordonnance, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne y compris en appel et en cassation.

En l’espèce, Mme [S] [X] s’est vu notifier son licenciement pour motif économique par courrier du 27 octobre 2016.

L’action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrivait à cette date par deux ans, soit le 27 octobre 2018.

Lors de la publication de l’ordonnance du 22 septembre 2017, la prescription était en cours. Dès lors, elle était soumise aux principes de l’article 40-II et la prescription était donc acquise un an plus tard, le 25 septembre 2018.

La saisine du conseil de prud’hommes est intervenue le 8 novembre 2017, de sorte que l’action n’était pas prescrite.

Le conseil de prud’hommes, après quinze pages de sa décision consacrées au rappel des faits et des demandes et une demi page de motivation, n’a en réalité pas statué sur la fin de non recevoir et la recevabilité de la demande.

En conséquence, statuant à nouveau, il convient de déclarer l’action recevable comme non prescrite.

– Sur le fond

Mme [S] [X] explique qu’elle a été en accident de travail pour la période du 20 juin 2016 au 1er mai 2017. Elle fait valoir que la notification du licenciement le 27 octobre 2016 est intervenue pendant la période de suspension du contrat de travail, sans qu’il ne soit démontré un maintien impossible du contrat de travail et en l’absence de recherche loyale et sérieuse de reclassement conforme aux dispositions de l’article L. 1233-4 du code du travail.

L’article L. 1226-9 du code du travail dispose que « au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie ».

Aux termes de la lettre du 27 octobre 2016, l’administrateur judiciaire a licencié Mme [S] [X] en ces termes :

« Par jugement du 5 octobre 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a arrêté la cession des actifs et activités de la société Primaphot au profit de la société Chenavari Credit Trading L, avec faculté de substitution en faveur de la société PLC capital et prise en jouissance le 6 octobre 2016.

Ce jugement ordonne le transfert au cessionnaire des contrats de travail de 211 salariés occupant un poste repris et ordonne en outre le transfert des salariés occupant un poste au sein des catégories professionnelles photographe et conseillèr(e) de ventes qui reviendraient, avant l’envoi des notifications de licenciement, sur leur décision de refus de la proposition de modification de leur contrat de travail qui leur a été adressée le 21 juin 2016, dans la limite de 388 salariés maximum.

Ce même jugement m’autorise en outre sur le fondement des dispositions de l’article L. 642-5 du code de commerce à procéder au licenciement pour motif économique d’un maximum de 341 salariés dont le poste n’est pas repris, notamment au sein de la catégorie professionnelle agent technique à laquelle vous appartenez.

Par jugement du 18 octobre 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société Primaphot et autorisé la poursuite de l’activité pour une durée de 3 mois.

Ce jugement a désigné Maître [H] [D] [B] en qualité de liquidateur judiciaire et m’a maintenue en qualité d’administrateur judiciaire pour assurer ma mission de mise en oeuvre de la cession.

Afin d’éviter votre licenciement, je vous ai adressé des propositions de reclassement, auxquelles vous n’avez pas réservé une suite favorable.

Le poste que vous occupez n’étant pas repris, conformément à l’autorisation qui m’est donnée par le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 5 octobre 2016, je vous notifie par la présente votre licenciement pour motif économique.

Je vous informe que ce licenciement intervient pour un motif étranger à tout éventuelle situation de grossesse, maternité, paternité, accident du travail, accident de trajet ou encore maladie professionnelle, puisqu’il est exclusivement lié aux motifs ci-dessus rappelés, et que je suis d’ailleurs dans l’impossibilité de maintenir votre contrat en raison de la cession des actifs et activités de la société Primaphot, ainsi que de sa liquidation judiciaire ».

Toutefois, le fait que le tribunal de commerce de Nanterre a ordonné la cession des actifs et des activités de la société Primaphot ainsi que le transfert de 211 contrats de travail et autorisé le licenciement pour motif économique de 341 salariés non repris dont la catégorie professionnelle à laquelle appartenait Mme [S] [X] puis a ensuite prononcé la liquidation judiciaire est insuffisant à démontrer que les difficultés économiques ont placé l’employeur dans l’impossibilité de maintenir le contrat de travail de la salariée.

Par ailleurs, comme le relève justement l’Unedic, l’homologation du plan de sauvegarde pour l’emploi par la Direccte n’empêche pas Mme [S] [X] de contester la mise en oeuvre des mesures contenues dans ce plan à son cas individuel, notamment les mesures de reclassement interne.

Or, il ne ressort pas des éléments produits par l’administrateur judiciaire la démonstration d’une recherche loyale et sérieuse de reclassement.

En effet, il est justifié de démarches au début du mois septembre 2016, alors que les possibilités de reclassement auraient dû être recherchées jusqu’à la date du licenciement intervenu le 27 octobre 2016.

En outre, force est de constater que les formulaires de recherche consistaient pour les représentants de sociétés du groupe, dont la moitié remplie par le président, à cocher une case s’il n’existait aucun poste disponible, sans qu’aucune information sur le profil de la salariée à reclasser et sans que l’on puisse déterminer la réalité des recherches effectuées ainsi que les efforts de formation et d’adaptation.

L’administrateur judiciaire fait état en outre de deux propositions faites à la salariée.

Ainsi, le 10 octobre 2016, il était adressé un courrier mentionnant :

« (…) Je vous prie de trouver joint en annexe le détail de l’ensemble des postes de reclassement identifiés et vous invite à m’indiquer si vous êtes intéressé par un ou plus de ces postes.

Je vous joins également en annexe les modalités du processus de reclassement ainsi que les mesures d’accompagnement dont vous pouvez bénéficier afin de vous aider à accepter un poste de reclassement. »

Il était annexé un formulaire rempli le 12 septembre 2016 par le gérant de la société Cadeaux naissance mentionnant l’existence des postes suivants :

« -un poste de responsable développement réseaux senior, basé à [Localité 9], statut cadre, catégorie 3 niveau 4, rémunération 42k€ + 10€ variable

-un poste de développeur web et intégrateur, basé à [Localité 9], statut cadre, catégorie 3 niveau 4, rémunération 37 k€ »

Si l’employeur est en droit de proposer un même poste à plusieurs salariés, les offres de reclassement doivent être personnalisées.

Manifestement, il ne s’agissait pas en l’espèce d’un envoi d’offres de reclassement personnalisées, aucune vérification n’étant faite notamment des compétences et capacités de la salariée qui n’a légitimement pas donné suite.

Il ressort donc de l’ensemble de ces éléments que n’est pas démontrée l’impossibilité de maintenir le contrat de travail de la salariée pour un motif étranger à l’accident du travail.

Conformément à l’article L. 1226-13, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions de l’article L. 1226-9 précité est nulle.

Il convient donc de considérer que la rupture du contrat de travail intervenue le 27 octobre 2016 est nulle.

Le jugement déféré sera en conséquence ici infirmé.

Sur les conséquences indemnitaires de la nullité du licenciement

Un salarié licencié en violation des dispositions de l’article L. 1226-9 du code du travail et qui ne demande pas sa réintégration, a droit, outre les indemnités de rupture, à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire.

Il convient d’accorder à Mme [S] [X] la somme 10 182,30 euros, correspondant à six mois de salaire brut, l’appelante n’apportant aucun élément supplémentaire sur le préjudice lié à la rupture du contrat de travail.

Sur le manquement par l’employeur à son obligation de sécurité de résultat

Mme [S] [X] fait valoir que le 21 juin 2016, elle a été victime d’un accident de travail reconnu comme tel par la CPAM du Gard, à savoir une électrisation alors qu’elle travaillait sur une assembleuse à cadre de marque Caces, matériel totalement défectueux comme cela ressort des constatations faites par l’inspection du travail. Elle réclame la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts.

Or, il sera rappelé que si la juridiction prud’homale est seule compétente pour connaître d’un litige relatif à l’indemnisation d’un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive du pôle social du tribunal judiciaire l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Ainsi, en l’espèce et en application des articles L. 451-1 et L. 142-1 du code de la sécurité sociale, la demande de la salariée tendant au paiement de dommages-intérêts en raison des manquements de l’employeur à son obligation de sécurité correspondant en réalité à une demande de réparation d’un préjudice né de l’accident du travail ne relève pas de la juridiction prud’homale.

Il importe peu, comme le soutient l’appelante, qu’elle « ne demande pas la réparation des conséquences des dommages corporels causés par les manquements de l’employeur à son obligation de sécurité mais des dommages et intérêts liés au fait que l’employeur n’a pas respecté ses obligations en la matière et que cela lui a généré une situation préjudiciable ».

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [S] [X] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l’obligation de sécurité de l’employeur.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera ici infirmé.

Les dépens seront considérés comme frais privilégiés de la procédure collective et l’équité commande d’accorder à Mme [S] [X] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

-Confirme le jugement rendu le 19 octobre 2020 par le conseil de prud’hommes de Nîmes en ce qu’il s’est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de dommages et intérêts au titre du manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur,

-L’infirme pour le surplus,

-Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

-Prononce la nullité du licenciement de Mme [S] [X],

– Fixe ainsi que suit la créance de Mme [S] [X] :

10 182,30 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– Dit que ces sommes seront inscrites par le mandataire liquidateur sur l’état des créances de la procédure collective ouverte à l’encontre de la société Primaphot,

– Dit qu’en application des articles L 622-28 et L 641-3 du Code de commerce, le jugement d’ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement,

– Donne acte à l’AGS – CGEA de son intervention et de ce qu’elle revendique le bénéfice exprès et d’ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan de la mise en ‘uvre du régime d’assurances des créances des salaires que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément des articles L 3253-8 , L 3253-17 et D 3253-5 du Code du travail,

-Rejette le surplus des demandes,

-Dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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