Extraits : eur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.
A juste titre le premier juge a rappelé que le contrat liant les parties, en date du 13 septembre 2021, fixait une date limite de livraison au 8 avril 2022, et qu’il s’agit, selon les conditions générales de vente, d’un engagement ferme et précis.
Dans son courrier électronique adressé à [O] [K] le 25 mars 2022 la SAS ADL indiquait : ‘Au vu du contexte actuel je suis malheureusement désolé de vous annoncer un retard de fabrication de votre véhicule… comme vous pouvez le voir sur l’impression écran de l’usine, votre véhicule ne sera pas effectivement en concession avant fin mai début juin 2022
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Cour d’appel de Montpellier, 2e chambre civile, 23 mars 2023, 22/03957
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre civile
ARRET DU 23 MARS 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/03957 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PP7X
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 JUIN 2022
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
N° RG 2022 00828
APPELANTE :
SAS ADL-AUTO DISTRIBUTION LANGUEDOCIENNE [Localité 3], société par actions simplifiée au capital de 350 000,00 €, immatriculée au RCS de MONTPELLIER sous le n° 789 471 943 dont le siège social est [Adresse 2] (France), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
Représentée par Me LEFEBVRE substituant Me Jérémy BALZARINI de la SCP LEVY, BALZARINI, SAGNES, SERRE, LEFEBVRE, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIME :
Monsieur [O] [K], entrepreneur individuel exerçant sous la dénomination de RENOBAT, immatriculé sous le numéro SIREN 518465133, dont le siège social est [Adresse 1]
né le 26 Août 1976 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 1]
Représenté par Me NDOYE substituant Me Karen MENAHEM PAROLA de la SELARL KMP LEGAL, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 26 Janvier 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 FEVRIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Eric SENNA, Président de chambre
Madame Myriam GREGORI, Conseiller
Mme Virginie HERMENT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Laurence SENDRA
ARRET :
– Contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Eric SENNA, Président de chambre, et par M Salvatore SAMBITO, Greffier.
Monsieur [O] [K], entrepreneur individuel dans le secteur du bâtiment, a passé commande auprès de la SAS ADL – Auto Distribution Languedocienne [Localité 3], le 13 septembre 2021, d’un véhicule de marque Toyota au prix de 30.433,28 euros TTC, financé par un contrat de location avec option d’achat, la date limite de livraison du véhicule étant fixée au 8 avril 2022.
Faisant valoir qu’un premier loyer de 9129,99 euros a été versé à la commande, faisant valoir que le 25 mars 2022 il avait été informé par le vendeur que la date de livraison devait être décalée de trois mois, ce dernier invoquant la crise sanitaire et la guerre en Ukraine, et faisant valoir que ce retard a de lourdes conséquences pour son activité professionnelle, [O] [K] a saisi le juge des référés du Tribunal de commerce de MONTPELLIER aux fins de voir condamner la SAS ADL à prendre en charge ses frais de location d’un véhicule de remplacement ainsi qu’à lui verser une somme de 5000,00 euros à valoir sur ses préjudices financier et moral.
Par ordonnance du 16 juin 2022 le juge des référés :
– a constaté que la SAS ADL Auto Distribution Languedocienne [Localité 3] a manqué à son obligation de délivrance du véhicule commandé par Monsieur [K] de marque TOYOTA modèle PRACE NG 2.0 1 180 D-4D BVA Bus Access Look RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE 21 Medium en date fixée contractuellement du 8 avril 2022,
– a rejeté l’exception de force majeure dont argue la SAS ADL,
– a condamné la SAS ADL à prendre en charge les frais de location du véhicule de remplacement loué par Monsieur [K] pendant la durée du retard et jusqu’à parfaite livraison du véhicule neuf,
– s’est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de dommages et intérêts,
– a condamné la SAS ADL à verser à Monsieur [K] la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Par acte reçu au greffe de la Cour le 20 juin 2022 la SAS ADL – Auto Distribution Languedocienne [Localité 3] a relevé appel de cette décision.
Par conclusions transmises par voie électronique le 30 septembre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, elle demande à la Cour d’infirmer la décision entreprise et de :
Constatant :
– que la demande de Monsieur [K] devant le Juge des référés s’analyse en une obligation de faire,
– qu’elle était dans l’incapacité d’exécuter son obligation contractuelle de livraison au 8 avril 2022,
– que les éléments invoqués par elle remplissent les critères d’extériorité, d’irrésistibilité et d’imprévisibilité,
Relever qu’elle oppose à son inexécution contractuelle plusieurs événements qui échappent à son contrôle, qui ne pouvaient être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat,
Constatant que l’argumentation de la force majeure justifiant une inexécution contractuelle est une contestation sérieuse échappant à la compétence du juge des référés,
Débouter Monsieur [K] de sa demande d’ordonner une obligation de faire à son encontre au regard de la contestation sérieuse opposée par elle,
Constatant :
– que le Juge des référés n’est pas compétent pour allouer des dommages et intérêts,
– que le débiteur ne peut être condamné au paiement de dommages et intérêts s’il justifie que l’exécution a été empêchée par la force majeure,
– que la demande de condamnation à hauteur de la somme de 5000 € n’est pas justifiée,
Débouter Monsieur [K] de l’intégralité de ses demandes,
Le condamner au paiement d’une somme de 3000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Au dispositif de ses écritures transmises par voie électronique le 26 octobre 2022, auxquelles la Cour renvoie pour l’exposé de ses moyens et prétentions, [O] [K] conclut à la confirmation de l’ordonnance dont appel en ce qu’elle a :
– constaté que la société ADL Auto Distribution Languedocienne [Localité 3] a manqué à son obligation de délivrance du véhicule commandé, et dont la date était fixée au 8 avril 2022,
– rejeté l’exception de force majeure,
– condamné la société à prendre en charge les frais de location du véhicule de remplacement loué par lui, pendant la durée du retard et jusqu’à parfaite livraison du véhicule neuf.
Formant appel incident, il demande à la Cour de :
– constater que l’attitude de la SAS ADL lui a causé des préjudices,
– condamner la SAS ADL à lui verser une provision de 5000 € à valoir sur ses préjudices définitifs,
– débouter la SAS ADL de ses autres demandes fins et conclusions,
– la condamner à lui payer la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
L’appel, interjeté dans les formes de la loi avant toute signification avérée, est recevable.
L’appelante critique la décision du premier juge en ce que ce dernier n’a pas retenu, comme constituant une contestation sérieuse, la force majeure dont elle se prévaut.
L’article 1218 du code civil prévoit qu’il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.
A juste titre le premier juge a rappelé que le contrat liant les parties, en date du 13 septembre 2021, fixait une date limite de livraison au 8 avril 2022, et qu’il s’agit, selon les conditions générales de vente, d’un engagement ferme et précis.
Dans son courrier électronique adressé à [O] [K] le 25 mars 2022 la SAS ADL indiquait : ‘Au vu du contexte actuel je suis malheureusement désolé de vous annoncer un retard de fabrication de votre véhicule… comme vous pouvez le voir sur l’impression écran de l’usine, votre véhicule ne sera pas effectivement en concession avant fin mai début juin 2022 ‘.
La SAS ADL répondait ensuite à un courriel de [O] [K] : ‘…le contexte actuel a redistribué les cartes…’.
Elle répondait ensuite à un courrier du conseil de [O] [K] en invoquant la crise sanitaire puis la crise des semi-conducteurs renforcées par le conflit Russo-Ukrainien, impactant la filière automobile au plan mondial.
Elle verse au débat des articles de journaux relatifs aux retards de livraison des véhicules neufs ainsi qu’à la pénurie de composants électroniques, mais aucun document de nature à relier au véhicule objet du litige les événements susvisés ; elle ne produit en effet aucun document concret émanant du constructeur de nature à apprécier la nature de l’empêchement auquel s’est trouvé confronté ce dernier concernant ce véhicule en particulier (elle ne produit même pas ‘l’impression écran de l’usine’ qu’elle invoque dans son courriel du 25 mars 2022), étant précisé que, à la date de signature du contrat par [O] [K] ces données apparaissaient comme étant déjà connues puisque l’un des articles de presse susvisés est en date du 1er septembre 2021.
Par ailleurs, dans la définition qu’il donne de la force majeure, l’article 1218 du code civil ajoute qu’il s’agit d’un événement dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées.
Par voie de conséquence, n’apparaît pas comme étant sérieusement contestable l’obligation pour la SAS ADL d’offrir à [O] [K] des mesures appropriées de nature à limiter les effets de l’événement, en l’espèce par la prise en charge des frais de location occasionnés pour celui-ci du fait du retard de livraison du véhicule commandé.
L’ordonnance entreprise doit dès lors être confirmée en ce qu’elle a écarté, comme constituant une contestation sérieuse, la force majeure.
À titre incident, [O] [K] entend en outre voir condamner l’appelante au paiement d’une provision à valoir sur ses préjudices définitifs résultant notamment de son impossibilité à honorer des chantiers, et d’une livraison, au final, non conforme au véhicule commandé.
Il verse au débat deux courriers électroniques en date des 27 et 28 avril 2022, de clients n’ayant pas maintenu leurs commandes de travaux auprès de lui, empêché du fait de son absence de véhicule, et ce pour des devis à hauteur de 1550,00 et 2320,00 euros.
Ces seuls éléments suffisent à lui allouer une indemnité provisionnelle à hauteur de 3870,00 euros.
En revanche, concernant le préjudice lié à l’absence de conformité du véhicule livré, la présente Cour ne dispose pas d’éléments suffisants, au stade du référé, pour apprécier les clauses du contrat liant les parties à ce titre.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :
La SAS ADL qui succombe en son appel en supportera les dépens.
L’équité commande en outre de faire bénéficier [O] [K] des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de lui allouer, à ce titre, une somme complémentaire de 1500,00 euros.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Reçoit l’appel de la SAS ADL – Auto Distribution Languedocienne [Localité 3] ;
Confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :
– constaté que la SAS ADL Auto Distribution Languedocienne [Localité 3] a manqué à son obligation de délivrance du véhicule commandé par Monsieur [K] de marque TOYOTA modèle PRACE NG 2.0 1 180 D-4D BVA Bus Access Look RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE 21 Medium en date fixée contractuellement du 8 avril 2022,
– rejeté l’exception de force majeure dont argue la SAS ADL,
– condamné la SAS ADL à prendre en charge les frais de location du véhicule de remplacement loué par Monsieur [K] pendant la durée du retard et jusqu’à parfaite livraison du véhicule neuf,
– condamné la SAS ADL à verser à Monsieur [K] la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens dont frais de greffe liquidés et taxés à la somme de 41,93 euros toutes taxes comprises ;
Y ajoutant :
Condamne la SAS ADL – Auto Distribution Languedocienne [Localité 3] à payer à Monsieur [O] [K] une somme de 3870,00 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de ses préjudices ;
Condamne la SAS ADL – Auto Distribution Languedocienne [Localité 3] à payer à Monsieur [O] [K] une somme complémentaire de 1500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SAS ADL – Auto Distribution Languedocienne [Localité 3] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,