Refus d’installation d’une antenne relais : Tribunal administratif de Montpellier, 16 mars 2023, 2301108

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Refus d’installation d’une antenne relais : Tribunal administratif de Montpellier, 16 mars 2023, 2301108
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Par une requête, enregistrée le 27 février 2023, la SA Bouygues Telecom et la SAS Cellnex France, représentées par Me Hamri, demandent au juge des référés d’ordonner, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de l’arrêté n° DP 34255 22 M0134 du 23 décembre 2022 par lequel le maire de la commune de Saint-Gély-du-Fesc s’est opposé à la déclaration préalable de travaux déposée par la SAS Cellnex France pour la réalisation d’une antenne relais de téléphonie mobile sur un terrain sis 115 place de la Scierie, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de cette décision ;
– la requête enregistrée le 17 février 2023 sous le n° 2300927 par laquelle la SA Bouygues Télécom et la SAS Cellnex France demandent l’annulation de la décision attaquée ;

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS 

Vu :

– le code des postes et des communications électroniques REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 27 février 2023, la SA Bouygues Telecom et la SAS Cellnex France, représentées par Me Hamri, demandent au juge des référés :

1°) d’ordonner, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de l’arrêté n° DP 34255 22 M0134 du 23 décembre 2022 par lequel le maire de la commune de Saint-Gély-du-Fesc s’est opposé à la déclaration préalable de travaux déposée par la SAS Cellnex France pour la réalisation d’une antenne relais de téléphonie mobile sur un terrain sis 115 place de la Scierie, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de cette décision ;

2°) à titre principal, d’enjoindre à la commune de Saint-Gély-du-Fesc, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, de délivrer la déclaration préalable dans un délai d’un mois courant à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir ;

3°) subsidiairement, d’enjoindre à la commune de Saint-Gély-du-Fesc de réinstruire sa déclaration préalable n° DP 34255 22 M0134 dans le délai d’un mois à compter de l’ordonnance à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Gély-du-Fesc une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

Sur l’urgence :

– la condition d’urgence est satisfaite dès lors que la décision d’opposition à la déclaration préalable porte atteinte à l’intérêt public qui s’attache à la couverture du territoire national par le réseau de téléphonie mobile de la société Bouygues Télécom ;

– il est porté atteinte aux obligations imposées par l’autorisation dont la société Bouygues Télécom bénéficie et à la continuité du service public auquel elle participe ;

– le site projeté aura pour effet de combler un trou de couverture et de décharger substantiellement une zone saturée permettant au service de fonctionner dans des conditions moins anormales ;

– le juge des référés a en tout état de cause déjà jugé que la condition d’urgence était satisfaite dans le cadre de la procédure de suspension relative à la première décision d’opposition du maire de la commune.

Sur le doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté en litige :

– l’arrêté est insuffisamment motivé en fait et en droit au regard des exigences des articles L. 424-1, L. 424-3 et R. 424-5 du code de l’urbanisme et des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l’administration ;

– le motif tiré de ce que le projet méconnaitrait l’article UD 7 du règlement du plan local d’urbanisme ne peut légalement justifier une décision d’opposition à une déclaration préalable dès lors, d’une part, que cet article a pour seul objet de régir l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives et le projet est implanté à 38,12 mètres de cette limite et, d’autre part, que cet article exclu de son champ d’application les installations techniques nécessaires aux réseaux ;

– le motif tiré de ce que le projet méconnaitrait l’article UD 8 du règlement du plan local d’urbanisme ne peut légalement justifier une décision d’opposition à une déclaration préalable dès lors, à supposer cette disposition applicable au projet alors qu’il ne s’agit pas d’un bâtiment, que le local technique dont l’arrêté fait état se situe à 13,74 mètres de l’espace concerné par le projet ;

– le motif tiré de ce que le projet modifierait le parking existant sans le rendre plus conforme au plan de prévention des risques d’inondation ne peut légalement justifier une décision d’opposition à une déclaration préalable dès lors que le projet n’est pas situé dans une zone de risque identifié par ce plan et qu’aucune partie du parking situé sur la parcelle d’implantation n’est englobé par celui-ci.

Par un mémoire, enregistré le 15 mars 2023, la commune de Saint-Gély-du-Fesc, représentée par la SCP CGCB et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 2 000 euros soit mise à la charge solidaire de la société Bouygues Telecom et de la société Cellnex France en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu’aucun des moyens soulevés par la requête n’est de nature à faire naître un doute quant à la légalité de la décision en litige.

Vu :

– la requête enregistrée le 17 février 2023 sous le n° 2300927 par laquelle la SA Bouygues Télécom et la SAS Cellnex France demandent l’annulation de la décision attaquée ;

– les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code des postes et des communications électroniques ;

– le code des relations entre le public et l’administration ;

– le code de l’urbanisme ;

– le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme Rigaud, vice-présidente, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 15 mars 2023 à 14 heures :

– le rapport de Mme Rigaud, juge des référés,

– les observations de Me Cochet, représentant les sociétés Bouygues Télécom et Cellnex France, qui persiste dans ses écritures et précise en outre notamment que, s’agissant de l’application de l’article UD7 du règlement du plan local d’urbanisme, la cartographie des cours d’eau non domaniaux produite en défense n’est pas datée, que le lit du ruisseau du Pézouillet est complètement à sec et ne constitue désormais plus qu’une voie accessible au public, que cet article ne s’applique pas aux installations techniques nécessaires au réseau dont fait partie le projet en litige, que, s’agissant de l’application de l’article UD8 de ce règlement, les plans produits en défense ne sont pas précis tandis qu’il est établi que la distance la plus courte est de 13,74 mètres, qu’en tout état de cause le pylône projeté n’est pas un bâtiment au sens de ces dispositions ; que, s’agissant de l’application du règlement du plan de prévention des risques d’inondation, l’emprise du pylône projeté est d’une trop faible importance pour être regardée comme une ” urbanisation ” au sens de ces dispositions ;

– et celles de Me Senanedsch, représentant la commune de Saint-Gély-du-Fesc, qui persiste dans ses écritures et précise en outre notamment que, s’agissant de l’application de l’article UD7 du règlement du plan local d’urbanisme, la cartographie produite est celle disponible sur le site des services de la DDTM de l’Hérault, que la notion d’installations techniques nécessaires aux réseaux ne s’applique pas au projet en litige dès lors notamment que les opérateurs de téléphonie mobile n’ont plus d’obligations de service public en tant que telles, que, s’agissant de l’application de l’article UD8 de ce règlement, le local maçonné est bien une construction, et que, s’agissant de l’application du règlement du plan de prévention des risques d’inondation, les dispositions de ce dernier sont sévères et doivent être appliquées strictement.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit

:

1. Le 27 juillet 2022, la société Cellnex France a déposé auprès des services de la commune de Saint-Gély-du-Fesc une déclaration préalable de travaux pour l’implantation d’une station relais de radiotéléphonie mobile sur un terrain sis 115 place de la Scierie. Par une ordonnance n° 2206019 du 8 décembre 2022 le juge des référés du tribunal administratif a, d’une part, suspendu l’arrêté n° DP 34255 22 M0134 du 12 août 2022 par lequel le maire de la commune de Saint-Gély-du-Fesc a fait opposition à cette déclaration préalable de travaux et, d’autre part, enjoint à ce dernier de se prononcer à nouveau sur la demande de la société Cellnex France et de prendre une nouvelle décision dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’ordonnance. Par arrêté n° DP 34255 22 M0134 du 23 décembre 2022, le maire de la commune de Saint-Gély-du-Fesc a de nouveau fait opposition à cette déclaration préalable de travaux. Par la présente requête, les sociétés Bouygues Télécom et Cellnex France Infrastructures sollicitent du juge des référés la suspension de l’exécution de cette dernière décision.

Sur les conclusions à fin de suspension :

2. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : ” Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () “.

En ce qui concerne l’urgence :

3. L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte en litige sont de nature à caractériser une urgence qui doit être appréciée objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce.

4. La société Bouygues Télécom, titulaire d’autorisations d’exploitation de réseaux de télécommunications mobile sur le territoire national délivrées par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes (ARCEP), établit, par la production de cartes de couverture, du réseau 4G qu’elle exploite, que le territoire de la commune de Saint-Gély-du-Fesc n’est pas entièrement couvert par ce réseau. Eu égard à l’intérêt public qui s’attache à la couverture du territoire national par le réseau de téléphonie mobile, tant 3G que 4G, peu important le fait que des antennes relais seraient déjà implantées au sein de la commune, pas davantage le fait que l’opérateur n’aurait pas respecté l’obligation de mutualisation prétendument posée par l’article D. 98-6-1 du code des postes et communications électroniques, la condition d’urgence posée par l’article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.

En ce qui concerne l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué :

5. En l’état de l’instruction les moyens, tels qu’analysés ci-dessus, tirés de l’erreur de droit au regard de l’application des articles UD 7 et UD 8 du règlement du plan local d’urbanisme et de l’application du règlement plan de prévention des risques d’inondation, sont propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué.

6. Pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, en l’état du dossier soumis au juge des référés, aucun autre moyen n’est susceptible d’entraîner la suspension de l’arrêté en litige.

7. Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de prononcer la suspension de l’exécution de l’arrêté n° DP 34255 22 M0134 du 23 décembre 2022 par lequel le maire de la commune de Saint-Gély-du-Fesc s’est opposé à la déclaration préalable de travaux déposée par la SAS Cellnex France pour la réalisation d’une antenne relais de téléphonie mobile sur un terrain sis 115 place de la Scierie, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de cette décision.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

8. Lorsque le juge suspend un refus d’autorisation ou une opposition à une déclaration préalable après avoir censuré l’ensemble des motifs que l’autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l’article L. 424-3 du code de l’urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu’elle a pu invoquer en cours d’instance, il doit, s’il est saisi de conclusions à fin d’injonction, ordonner à l’autorité compétente de délivrer l’autorisation ou de prendre une décision de non-opposition. Il n’en va autrement que s’il résulte de l’instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision ainsi suspendue interdisent de l’accueillir pour un motif que l’administration n’a pas relevé, ou que, par suite d’un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date de l’ordonnance y fait obstacle. La décision de l’administration prise en exécution de cette injonction ne revêt toutefois qu’un caractère provisoire dans l’attente du jugement à intervenir sur la requête tendant à l’annulation de l’autorisation d’urbanisme ou de la déclaration préalable en cause.

9. En l’espèce, il ne résulte pas de l’instruction que les dispositions en vigueur à la date de la décision suspendue interdiraient que la demande puisse être accueillie pour un motif que l’administration n’a pas relevé, ou que, par suite d’un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date de la présente ordonnance y ferait obstacle. Par suite, il doit être enjoint au maire de Saint-Gély-du-Fesc, par une décision qui revêtira un caractère provisoire jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la requête en annulation de la décision attaquée, de ne pas s’opposer à la déclaration préalable n° DP 34255 22 M0134 déposée par la société Cellnex France et ce dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés Bouygues Télécom et Cellnex France, qui ne sont pas parties perdantes, la somme demandée par la commune de Saint-Gély-du-Fesc sur le fondement de ces dispositions. En revanche, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Saint-Gély-du-Fesc le versement aux sociétés Bouygues Télécom et Cellnex France d’une somme de 1 000 euros sur le fondement de ces dispositions.

O R D O N N E :

Article 1er : L’exécution de l’arrêté du maire de Saint-Gély-du-Fesc en date du 23 décembre 2022 est suspendue jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de cette décision.

Article 2 : Il est enjoint au maire de Saint-Gély-du-Fesc, par une décision qui revêtira un caractère provisoire jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la requête en annulation n° 2300927, de prendre une décision de non opposition à la déclaration préalable n° DP 34255 22 M0134 de la société Cellnex France dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : La commune de Saint-Gély-du-Fesc versera aux sociétés Bouygues Télécom et Cellnex France une somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Bouygues Télécom, à la société Cellnex France et à la commune de Saint-Gély-du-Fesc.

Fait à Montpellier, le 16 mars 2023.

La juge des référés,

L. Rigaud

La greffière,

M. A

La République mande et ordonne au préfet de l’Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Montpellier, le 16 mars 2023.

La greffière,

M. A


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