Droit du Numérique : Tribunal administratif d’Orléans, 20 mars 2023, 2300509

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Droit du Numérique : Tribunal administratif d’Orléans, 20 mars 2023, 2300509

public qui s’attache à la couverture du territoire national par le réseau de téléphonie mobile dont elle a la charge, agissant pour le compte de la société Orange, et, d’autre part, le respect des engagements de la société Orange à l’égard de l’Autorité de régulation des communications électroniques,

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 8 février 2023 et le 13 mars 2023, la société Totem France, représentée par Me Durand, demande au juge des référés :

1°) d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de l’arrêté du 11 décembre 2022 par lequel le maire de la commune d’Orléans s’est opposé à la déclaration préalable portant modification d’un relais téléphonique ;

2°) d’enjoindre au maire de la commune d’Orléans de délivrer un arrêté de non-opposition à la déclaration préalable dans un délai d’un mois et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la commune d’Orléans une somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l’article L.761-1 du Code de justice administrative.

Elle soutient que :

– la condition d’urgence est satisfaite dès lors que la décision attaquée préjudicie, d’une part, à ses intérêts en ce qu’elle l’empêche, en tant qu’opérateur de téléphonie mobile en partenariat avec la société Orange, de respecter ses engagements et obligations de couverture nationale de réseau de téléphonie mobile et de qualité de service, étant soumise à de nombreuses obligations règlementaires, prévues par le code des postes et des télécommunications, et imposées par l’ARCEP et, d’autre part, à l’intérêt public du déploiement du réseau de téléphonie mobile ;

– il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :

* il n’est pas établi que l’autorité signataire était compétente ;

* elle est insuffisamment motivée dès lors qu’elle se borne à recopier partiellement l’avis de l’architecte des bâtiments de France et l’article DC-3.1 du plan local d’urbanisme métropolitain ;

* l’avis de l’Architecte des bâtiments de France est infondé ; il ne pouvait pas être retenu que le remplacement d’une antenne d’ores et déjà existante sur ce bâtiment serait de nature à entraver les règles applicables dans le site patrimonial remarquable du centre-ville d’Orléans ;

* le projet ne porte pas atteinte au caractère du site et aux lieux avoisinants, et ne méconnaît donc pas les dispositions de l’article DC-3.1 du règlement du Plan local d’urbanisme métropolitain ;

* la substitution de motifs sollicitée ne saurait être retenue ; d’une part, l’antenne a été implantée de manière à être peu visible depuis les espaces publics de sorte qu’elle a été intégrée de façon la plus discrète possible dans son environnement ; d’autre part, l’antenne projetée ne doit pas faire l’objet d’un camouflage.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 1er mars et le 14 mars 2023, la commune d’Orléans, représentée par Me Tissier Lotz, conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge de la société requérante la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

– la condition d’urgence n’est pas remplie : la société requérante ne justifie nullement, ni de la qualité d’opérateur de téléphonie mobile, ni de celle de mandataire de la société Orange, de sorte qu’elle ne peut utilement se prévaloir de l’intérêt public qui s’attache à la couverture du territoire national par le réseau de téléphonie mobile et des obligations qui incombent en la matière aux opérateurs de téléphonie mobile ; la société ne justifie pas que la qualité du réseau n’est pas suffisante et doit être améliorée ;

– aucun des moyens soulevés par la société Totem France n’est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :

* la délégation de signature étant régulière, l’autorité signataire était compétente ;

* elle est suffisamment motivée dès lors qu’elle expose les motifs de droit et de fait qui justifient le refus de l’autorisation ;

* contrairement à ce que soutient la société, la modification de l’antenne aura bien pour effet d’augmenter son impact visuel depuis l’espace public ; or, le secteur d’implantation du théâtre d’Orléans, secteur 5A du site patrimonial remarquable, est règlementé dans le ” but d’assurer une bonne insertion des bâtiments dans leur environnement et de maintenir l’ambiance du centre historique ” ;

* le maire n’a commis aucune une erreur d’appréciation en se

fondant sur les dispositions de l’article DC-3.1 du règlement du plan local d’urbanisme métropolitain ;

* si le juge des référés devait estimer que le motif opposé était illégal, il ne pourrait toutefois que constater que le maire était fondé à s’opposer au projet sur le fondement des dispositions des articles DC-3.5 et DC-4.8 du règlement du plan local d’urbanisme métropolitain ; en effet, l’antenne implantée sur le toit du théâtre ne respecte pas les dispositions précitées puisqu’elle n’est pas implantée de manière à limiter son impact visuel ou de manière discrète et qu’elle ne fait pas l’objet d’un camouflage adapté au site.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 13 mars 2023, la société Orange, représentée par Me Durand demande au tribunal :

1°) d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’arrêté du 11 décembre 2022 par le maire de la commune d’Orléans s’est opposé à la déclaration préalable portant modification d’un relais téléphonique ;

2°) d’enjoindre au maire de la commune d’Orléans de délivrer un arrêté de non-opposition à la déclaration préalable, dans un délai d’un mois et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la commune d’Orléans une somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l’article L.761-1 du Code de justice administrative.

Elle fait valoir que son intervention est recevable et reprend les moyens développés par la société Totem France.

Vu :

– les autres pièces du dossier ;

– la requête enregistrée sous le numéro 2300508 par laquelle la société Totem France demande l’annulation de la décision attaquée.

Vu :

– le code de l’urbanisme ;

– le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme A pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Au cours de l’audience publique tenue en présence de Mme Dessolas, greffière d’audience, ont été entendus :

– le rapport de Mme Dumand, juge des référés,

– les observations de Me Laugier, représentant la société Totem France ; Me Laugier reprend ses écritures et insiste sur l’objet des travaux qui consiste au changement du mas de l’antenne et à l’ajout de trois antennes au trois existantes ; elle précise d’une part que la société Totem France peut se prévaloir de l’intérêt public qui s’attache à la couverture du territoire national alors même qu’elle n’est pas un opérateur de téléphonie mobile et dès lors qu’elle est une filiale de la société Orange avec laquelle elle a conclu un contrat de déploiement afin de satisfaire le besoin de déploiement de la 5G ; d’autre part, elle rappelle que le projet porte sur le remplacement, à l’arrière du bâtiment du théâtre d’une antenne, qu’elle est moins haute et visible depuis l’espace public qu’une autre antenne relais qui y est également implantée et que le projet ne porte pas atteinte au caractère des lieux, dont la qualité ne découle pas forcement de l’existence d’un site patrimonial remarquable ;

– les observations de Me Tissier-Lotz, représentant la commune d’Orléans, qui reprend ses écritures et insiste sur le défaut de transfert des engagements de déploiement de la société Orange auprès de l’ARCEP vers la société Totem France, malgré le contrat de déploiement produit qui n’impose aucun délai de déploiement à la société Totem France ; elle rappelle que l’enjeu du site patrimonial remarquable consiste en la protection du patrimoine, non seulement au bénéfice du bâtiment du théâtre mais également de son site d’implantation afin d’assurer la bonne intégration de l’antenne, notamment au regard du centre historique de la commune d’Orléans.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience publique.

Considérant ce qui suit

:

1. La société Orange, souhaitant améliorer la qualité de son réseau, s’est aidée de la société Totem France pour la création d’un relais de radiotéléphonie. Afin de répondre à la demande de la société Orange, la société Totem France a déposé, une déclaration préalable visant à la modification d’un relais téléphonique en rajoutant 3 antennes aux 3 existantes sur un terrain situé 9001 boulevard Aristide Briand à Orléans. Par la décision en litige du 11 décembre 2022, le maire de la commune d’Orléans s’est cependant opposé à cette déclaration. Par la présente requête, la société Totem France demande la suspension de l’exécution de cette décision, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : ” Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. () ” et aux termes de l’article L. 522-1 de ce code : ” Le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu’il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d’y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l’heure de l’audience publique. () “. Enfin, aux termes du premier alinéa de l’article R. 522-1 du même code : ” La requête visant au prononcé de mesures d’urgence doit () justifier de l’urgence de l’affaire. “.

En ce qui concerne l’urgence :

3. Il résulte de ces dispositions que la condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé d’une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d’une demande tendant à la suspension d’une telle décision, d’apprécier concrètement, compte-tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue.

4. Pour justifier d’une situation d’urgence à suspendre l’exécution de la décision attaquée, la société Totem France invoque, d’une part, l’intérêt public qui s’attache à la couverture du territoire national par le réseau de téléphonie mobile dont elle a la charge, agissant pour le compte de la société Orange, et, d’autre part, le respect des engagements de la société Orange à l’égard de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) et de ses obligations réglementaires, et avec laquelle elle a conclu un contrat de déploiement, le projet de modification de l’antenne en cause participant au déploiement de son réseau 5G sur la commune d’Orléans et sur le site concerné, et à l’amélioration de la qualité de service.

5. Pour établir cette situation d’urgence, la société Totem France se réfère aux données publiées par l’ARCEP, librement accessibles sur le site internet de cette autorité, et en produit certains extraits. Il résulte de l’instruction que le projet litigieux vise à remplacer le mas de l’antenne de téléphonie mobile déjà installée et exploitée par la société Orange, et d’y ajouter trois antennes supplémentaires aux trois existantes, ce qui porterait sa hauteur sommitale de 13,70 m à 15,20 m, notamment afin de procéder au déploiement du réseau 5G. A cet égard, il résulte des données produites par la société requérante, et comme le reconnait la commune d’Orléans lors de l’audience, le territoire de la commune d’Orléans n’est pas couvert par le réseau 5G. Dans ces conditions, compte tenu de l’intérêt public qui s’attache à la couverture du territoire national par le réseau de téléphonie mobile 5G et des intérêts propres de la société Orange, qui a pris des engagements vis-à-vis de l’Etat quant à la couverture du territoire par son réseau, la condition d’urgence exigée par l’article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.

En ce qui concerne l’existence d’un doute sérieux :

6. Les moyen tirés de ce que le maire ne pouvait se fonder sur la méconnaissance des règles du site patrimonial remarquable et sur l’article DC 3.1 du règlement du plan local d’urbanisme métropolitain pour opposer un refus sont de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige. Par ailleurs, aucun des deux nouveaux motifs invoqués par la commune, qui demande qu’ils soient substitués aux motifs initiaux de la décision contestée, n’apparaît susceptible de fonder légalement la décision d’opposition à déclaration préalable du maire de la commune d’Orléans.

7. En outre, et pour l’application des dispositions de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, aucun autre moyen n’est de nature à faire naître un tel doute.

8. Dès lors, il y a lieu d’ordonner la suspension de l’exécution de l’arrêté du 11 décembre 2022.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

9. Il ne résulte pas de l’instruction que les dispositions en vigueur à la date de l’arrêté litigieux interdiraient que la demande puisse être accueillie pour un motif que l’administration n’a pas relevé ou que, par suite d’un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date de la présente ordonnance y ferait obstacle. Par suite il est enjoint au maire de la commune d’Orléans de prendre, dans le délai d’un mois suivant la notification de la présente ordonnance, la décision de ne pas s’opposer à la déclaration préalable déposée le 17 octobre 2022 par la société Totem France. Cette décision revêtira un caractère provisoire jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la requête en annulation de l’arrêté attaqué. Il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Totem France, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune d’Orléans au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d’Orléans une somme de 1 000 euros à verser à la société Totem France au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : L’exécution de la décision du maire de la commune d’Orléans du 11 décembre 2022 est suspendue.

Article 2: Il est enjoint au maire de la commune d’Orléans de prendre, à titre provisoire, une décision de non-opposition à la déclaration préalable déposée par la société Totem France, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : La commune d’Orléans versera à la société Totem France la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par la société Orange sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Totem France, à la commune d’Orléans et à la société Orange.

Fait à Orléans, le 20 mars 2023.

La juge des référés,

Séverine A.

La République mande et ordonne à la préfète du Loiret en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.


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