Droit du Numérique : Cour d’appel de Paris, Pôle 1 – Chambre 5, 29 mars 2023, 22/20890

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Droit du Numérique : Cour d’appel de Paris, Pôle 1 – Chambre 5, 29 mars 2023, 22/20890

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Copies exécutoires République française

délivrées aux parties le : Au nom du peuple français

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 5

ORDONNANCE DU 29 MARS 2023

(n° /2023)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/20890 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CG3CX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mars 2022 du TJ de PARIS – RG n° 19/09812

Nature de la décision : Contradictoire

NOUS, Hélène FILLIOL, Présidente de chambre, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Cécilie MARTEL, Greffière.

Vu l’assignation en référé délivrée à la requête de :

DEMANDEUR

S.A.S. LEA NATURE SERVICES, anciennement dénommée GROUPE LEA NATURE, prise en la personne de son représentant légal, la S.A.S. COMPAGNIE LEA NATURE

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Et assistée de Me Sylvie BENOLIEL CLAUX, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : C0415

à

DÉFENDEUR

SOCIÉTÉ DEBONAIR TRADING INTERNACIONAL LDA, société de droit portugais

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4] – PORTUGAL

Représentée par Me Jehan-Philippe JACQUEY de la SELARL GILBEY LEGAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0112

Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 22 Février 2023 :

Par jugement du 3 mars 2022, le tribunal judiciaire de Paris a notamment :

– dit qu’en faisant usage des signes “SO’BIO étic ” et notamment de sa marque française semi-figurative n°3 529 601 déposée et enregistrée le 5 octobre 2007 pour commercialiser ses produits cosmétiques, la société LEA NATURE SERVICES a commis des actes de contrefaçon de la marque de l’union européenne “SO …’” n°485078 déposée le 7 mars 1997, dont est titulaire la société DEBONAIR Trading internacional LDA,

– ordonné à la société LEA NATURE SERVICES de communiquer tous les documents ou information en sa possession et notamment des factures permettant d’identifier les noms et adresses des producteurs fabricants distributeurs fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des produits revêtus des signes litigieux et d’autre part les quantités produites commercialisées livrées reçues ou commandées éléments certifiés conformes par un commissaire aux comptes ou un expert-comptable, et ce sous astreinte de 500€ par jour de retard prenant effet 30 jours après la signification de la décision et pendant 180 jours,

– fait interdiction à la société LEA NATURE SERVICES de poursuivre ses agissements et ce sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne à quelque titre que ce soit et en particulier à titre de marque, de nom d’association, et de nom de domaine, sous astreinte de 500€ par infraction constatée prenant effet 30 jours après la signification de la décision et pendant 180 jours,

– ordonné le retrait du marché de tous les articles contrefaits sous astreinte de 500€ par jour de retard laquelle prendra effet à l’expiration d’un délai de 15 jours à compter de la signification et pour une durée de 6 mois, ,

– ordonné le rappel des circuits commerciaux de tous les articles contrefaits et ce sous astreinte de 500€ par jour de retard, laquelle prendra effet à l’expiration d’un délai de 15 jours à compter de la signification et pour une durée de 6 mois,

– condamné la société LEA NATURE SERVICES à payer à la société DEBONAIR Trading internacional LDA la somme de 20.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon,

– condamné la société LEA NATURE SERVICES à payer à la société DEBONAIR Trading internacional LDA la somme de 15.000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société LEA NATURE SERVICES a relevé appel de ce jugement le 11 mai 2022.

Par acte délivré le 13 janvier 2023, la société LEA NATURE SERVICES a fait assigner la société DEBONAIR Trading internacional LDA devant le premier président, sur le fondement de l’article 524 ancien du code de procédure civile, aux fins de voir :

– A titre principal, ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement du 3 mars 2022,

– A titre subsidiaire, ordonner la constitution d’une garantie bancaire par la société DEBONAIR Trading internacional LDA à hauteur d’un montant de 37,8 millions d’euros afin de répondre des restitutions et réparations dues à la société LEA NATURE SERVICES du fait de la mise en oeuvre des mesures d’exécution provisoire, en cas d’infirmation du jugement,

– A titre infiniment subsidiaire, ordonner la fixation de l’affaire par priorité,

– En toutes hypothèses réserver les dépens et condamner la société DEBONAIR Trading internacional LDA à lui payer la somme de 5000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’audience du 22 février 2023, à laquelle l’affaire a été appelée, la requérante, reprenant ses conclusions développées oralement à l’audience, maintient ses demandes telles que formulées dans son acte introductif d’instance.

La société DEBONAIR Trading internacional LDA, développant oralement ses écritures déposées à l’audience, demande de débouter la requérante de l’intégralité de ses demandes et de la condamner au paiement d’une somme de 10.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l’arrêt de l’exécution provisoire

L’article 524 ancien du code de procédure civile applicable en l’espèce dispose :

“Lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d’appel, par le premier président statuant en référé, que si elle est interdite par la loi ou si elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.”

Le caractère manifestement excessif des conséquences de l’exécution provisoire ordonnée ne doit être appréciée qu’au regard de la situation personnelle du débiteur et des facultés de remboursement de la partie adverse et non au regard de la régularité ou du bien fondé du jugement frappé d’appel.

En l’espèce, la requérante invoque un risque de conséquences manifestement excessives en soutenant notamment :

– d’une part que l’exécution des mesures d’interdiction, de retrait du marché et de rappel des produits des circuits commerciaux emporterait des conséquences financières et humaines considérables et irréversibles et serait de nature à engendrer un préjudice d’image irréversible,

– d’autre part que l’exécution des mesures de communication créerait au profit de la société DEBONAIR un avantage concurrentiel parfaitement indu alors qu’elle exerce sur un marché similaire,

– enfin qu’il existe un risque important que la société DEBONAIR Trading internacional LDA ne soit pas en mesure de prendre en charge les réparations.

C’est à juste titre que la société DEBONAIR Trading internacional LDA fait valoir que le calcul du coût financier des mesures de retrait, de rappel des produits (47,9 millions d’euros) et d’interdiction (52 millions d’euros) est inopérant à démontrer l’existence de conséquences manifestement excessives à l’exécution du jugement dès lors qu’il ressort des pièces versées aux débats que la société LEA NATURE SERVICES fait partie du groupe COMPAGNIE LEA NATURE générant un chiffre d’affaire de plus de 501.000 millions d’euros en 2021 (pièce n°2-1 de la société requérante).

De même, la société LEA NATURE SERVICES ne démontre pas que l’exécution provisoire des mesures d’interdiction aurait des conséquences manifestement excessives puisque d’une part ces mesures sont devenues exécutoires 30 jours à compter de la signification du jugement, délai lui permettant de commercialiser les produits SO BIO sous d’autres marques qu’elle détient et que, d’autre part, étant titulaire d’autres marques pour des produits de la même catégorie, son activité peut se poursuivre, excluant le risque allégué pour ce motif, de sa disparition sur ce marché de produits et les incidences sur la masse salariale.

S’agissant des mesures de retrait des produits, il ne peut y avoir de conséquences manifestement excessives en découlant dès lors qu’il n’est pas démontré que la société DEBONAIR Trading internacional LDA qui poursuit l’exécution du jugement dont appel à ses risques et périls, n’aurait pas la capacité, en cas d’infirmation d’indemniser totalement la société LEA NATURE SERVICES.

Faute de démontrer que la poursuite de l’exécution provisoire attachée au jugement susvisé aurait des conséquences manifestement excessives ou irréversibles, la demande d’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement sus-visé formulée par la société LEA NATURE SERVICES est rejetée.

Sur la demande subsidiaire de constitution de garantie

L’article 517 du même code prévoit que l’exécution provisoire peut être subordonnée à la constitution d’une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations.

La société LEA NATURE SERVICES demande, à titre subsidiaire, la constitution d’une garantie bancaire permettant de s’assurer que la société DEBONAIR sera en mesure de réparer le préjudice subi en cas d’infirmation.

Mais, en l’absence de tout risque d’insolvabilité de la société DEBONAIR Trading internacional LDA, il n’est pas démontré la nécessité d’aménager l’exécution provisoire qui a été ordonnée par les premiers juges.

Sur la demande de fixation de l’affaire en priorité

L’article 917 du code de procédure civile dispose que, si les droits d’une partie sont en péril, le premier président peut, sur requête, fixer le jour auquel l’affaire sera appelée par priorité. Il désigne la chambre à laquelle l’affaire est distribuée.

Les dispositions de l’alinéa qui précède peuvent également être mises en oeuvre par le premier président de la cour d’appel ou par le conseiller de la mise en état à l’occasion de l’exercice des pouvoirs qui leur sont conférés en matière de référé ou d’exécution provisoire.

En l’espèce, la société LEA NATURE SERVICES n’établit pas que ses droits seraient en péril.

La société LEA NATURE SERVICES ne justifie pas en quoi l’affaire en cause d’appel devrait être fixée en priorité.

Cette demande sera donc rejetée.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Succombant, la société LEA NATURE SERVICES supportera la charge des dépens, ainsi que celle d’une indemnité, au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, qu’il apparaît équitable de fixer à la somme de 4.000 euros au profit de la société DEBONAIR Trading internacional LDA.

PAR CES MOTIFS

Rejetons la demande d’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement rendu le 3 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Paris ;

Rejetons les demandes de constitution de garantie et de fixation de l’affaire en priorité présentées par la société LEA NATURE SERVICES ;

Condamnons la société LEA NATURE SERVICES aux dépens ;

Condamnons la société LEA NATURE SERVICES à payer à la société DEBONAIR Trading internacional LDA la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

ORDONNANCE rendue par Mme Hélène FILLIOL, Présidente de chambre, assistée de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

La Greffière, La Présidente


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