Droit du Numérique : Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – Chambre 4, 22 mars 2023, 21/02231

·

·

Droit du Numérique : Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – Chambre 4, 22 mars 2023, 21/02231

civile ;

-condamné la SARL Groupe Partners 64 aux dépens, taxés et liquidés à la somme de 73,24 euros.

Par déclaration reçue au greffe le 2 février 2021, la SARL Groupe Partners 64 a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRET DU 22 MARS 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02231 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDBTU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Décembre 2020 -Tribunal de Commerce de LILLE – RG n° 2019009565

APPELANTE

S.A.S. GROUPE PARTNERS 64 agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de BAYONNE sous le numéro 753 050 939

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentée par Me Maryline LUGOSI de la SELARL Selarl MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI, avocat au barreau de PARIS, toque P0073, avocat postulant

Assistée de Me Davy LABARTHETTE, avocat au barreau de BAYONNE, substitué par Me David REBIDOU, avocat au barreau de NICE, avocats plaidants

INTIMEE

S.A.S. CASTORAMA FRANCE agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de LILLE METROPOLE sous le numéro 451 678 973

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque L0034, avocat postulant

Assistée de Me Frank BECKELYNCK, avocat au barreau de LILLE, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Julien RICHAUD, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de la chambre 5.4

Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère

Monsieur Julien RICHAUD, Conseiller

Greffière, lors des débats : Madame Claudia CHRISTOPHE

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Laure DALLERY, Présidente de la chambre, et par Claudia CHRISTOPHE, Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La SARL Privilège Sécurité, aux droits de laquelle soutient venir la SARL Groupe Partners 64 (anciennement dénommée Groupe Privilège 64) en vertu d’une cession de créance du 11 septembre 2018, est spécialisée dans la sécurité privée (gardiennage et sécurité).

La SAS Castorama France exerce une activité principale de commerce de détail d’objets mobiliers divers dans le domaine du bricolage et de la décoration vendus en grande surface. Elle exploite une centaine de magasins à l’enseigne Castorama implantés sur le territoire français.

Dès 2009, alors qu’aucune procédure nationale n’était élaborée au sein du groupe Castorama et que chaque enseigne déterminait librement ses prestataires en la matière, la SARL Privilège Sécurité a assuré la sécurité de trois magasins à l’enseigne Castorama ([Localité 3], [Localité 5] et [Localité 4]).

A l’issue d’un appel d’offres lancé en 2011 pour rationaliser les prestations de gardiennage et de sécurité et limiter le choix des enseignes du groupe aux sociétés retenues dans ce cadre, la SARL Privilège Sécurité a été choisie pour ‘uvrer dans deux régions à compter du 1er février 2012 en vertu d’un contrat cadre conclu le 22 janvier 2012 pour une durée indéterminée.

Par courrier du 24 décembre 2015, la SAS Castorama France notifiait aux différents prestataires assurant la sécurité et le gardiennage de ses enseignes la résiliation du contrat cadre à compter du 1er avril 2016, avec une possibilité de report au 30 avril 2016. Elle lançait parallèlement, par courriel du 8 décembre 2015, un nouvel appel d’offres clos le 5 janvier 2016. La SARL Privilège Sécurité n’était pas retenue à raison de l’insuffisance de sa taille et de sa surface financière, et la rupture du contrat cadre au 30 avril 2016 lui était notifiée le 24 février 2016.

Par courrier de son conseil du 12 juillet 2017 itéré le 27 septembre 2017, la SARL Privilège Sécurité a dénoncé la brutalité de cette rupture et mis en demeure la SAS Castorama France de l’indemniser de sa perte de marge brute moyenne mensuelle sur une durée de 24 mois ainsi que de la perte de chance de mieux valoriser ses parts lors de la cession du 19 mai 2016.

Par acte d’huissier signifié le 7 juin 2019, la SARL Groupe Partners 64 a assigné la SAS Castorama France devant le tribunal de commerce de Lille en indemnisation des préjudices nés de la rupture des relations commerciales.

Par jugement du 9 décembre 2020, le tribunal de commerce de Lille a :

-déclaré irrecevable la SARL Groupe Partners 64 pour défaut d’intérêt à agir à l’encontrede la SAS Castorama France ;

-débouté la SARL Groupe Partners 64 de toutes ses demandes à l’encontre de la SAS Castorama France ;

-débouté la SAS Castorama France de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

-condamné la SARL Groupe Partners 64 à payer à la SAS Castorama France la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

-condamné la SARL Groupe Partners 64 aux dépens, taxés et liquidés à la somme de 73,24 euros.

Par déclaration reçue au greffe le 2 février 2021, la SARL Groupe Partners 64 a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 28 mars 2022, la SARL Groupe Partners 64, demande à la cour, au visa des articles L 442-6 I 5° du code de commerce et 1382 et 1383 ancien du code civil, devenus 1241 et suivants :

-de déclarer l’appel interjeté par la SARL Groupe Partners 64 régulier en la forme et recevable sur le fond ;

-y faisant droit :

*confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille le 9 décembre 2020 en ce qu’il a débouté la SAS Castorama France de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

*d’infirmer et de reformer en toutes ses autres dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille le 9 décembre 2020 ;

-statuant à nouveau, de :

*constater que la SARL Groupe Partners 64 vient aux droits de la SARL Privilège Sécurité par suite d’une cession de créances intervenue le 11 septembre 2018, régulièrement notifiée ;

*dire et juger qu’elle a en conséquence qualité et intérêt à agir à l’encontre de la SAS Castorama France ;

*déclarer en conséquence recevables l’ensemble des demandes de la SARL Groupe Partners 64, anciennement dénommée Groupe Privilège 64 ;

-sur le fond, de :

*constater la rupture brutale de la relation commerciale établie entre la SARL Privilège Sécurité et la SAS Castorama France, du fait de cette dernière ;

*constater la rupture abusive de la relation commerciale établie entre la SARL Privilège Sécurité et la SAS Castorama France, du fait de cette dernière ;

*fixer à 24 mois la durée du préavis qui aurait dû être respecté par la SAS Castorama France ;

*en conséquence, à titre principal :

-condamner la SAS Castorama France à verser à la SARL Groupe Partners 64, en réparation du préjudice tiré de l’irrespect du délai de préavis, la somme de 494 070,80 euros ;

-condamner la SAS Castorama France à verser à la SARL Groupe Partners 64 la somme de 50 000 euros au titre de la réparation du préjudice moral et commercial subi par la SARL Privilège Sécurité, aux droits de laquelle elle vient, du fait de la rupture abusive ;

-condamner la SAS Castorama France à verser à la SARL Groupe Partners 64 la somme de 200 000 euros au titre de la réparation du préjudice économique subi par la SARL Groupe Partners 64 du fait du non-respect d’un préavis suffisant, et de la perte de corrélative d’une chance de valoriser les parts détenues au sein de la SARL Privilège Sécurité de cette somme complémentaire ;

-dire que l’ensemble de ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 30 avril 2016, date de la rupture des relations contractuelles ;

*à titre subsidiaire :

-condamner la SAS Castorama France à verser à la SARL Groupe Partners 64, en réparation du préjudice tiré de l’irrespect du délai de préavis, la somme de 457 015,56 euros ;

-condamner la SAS Castorama France à verser à la SARL Groupe Partners 64 la somme de 50 000 euros au titre de la réparation du préjudice moral et commercial subi par la SARL Privilège Sécurité, aux droits de laquelle elle vient, du fait de la rupture abusive ;

-condamner la SAS Castorama France à verser à la SARL Groupe Partners 64 la somme de 200 000 euros au titre de la réparation du préjudice économique subi par la SARL Groupe Partners 64 du fait du non-respect d’un préavis suffisant, et de la perte de corrélative d’une chance de valoriser les parts détenues au sein de la SARL Privilège Sécurité de cette somme complémentaire ;

-dire que l’ensemble de ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 30 avril 2016, date de la rupture des relations contractuelles ;

-en tout état de cause, de :

*débouter la SAS Castorama France de l’ensemble de ses demandes ;

*condamner la SAS Castorama France à verser à la SARL Groupe Partners 64 la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

En réplique, dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 16 janvier 2023, la SAS Castorama France demande à la cour, au visa des articles 31 du code de procédure civile, L 442-6 I 5° ancien du code de commerce, L 442-1 II du code de commerce, 1147 ancien du code civil, 9 du code de procédure civile, 1353, 1240 et 1241, 1324 alinéas 1er et 2, 1693, 1699 et 1700 du code civil et 696 et 700du code de procédure civile :

-de confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille du 9 décembre 2020 en ce qu’il a :

*déclaré irrecevable la SARL Groupe Partners 64 pour défaut d’intérêts à agir à l’encontre de la SAS Castorama France ;

*débouté la SARL Groupe Partners 64 de toutes ses demandes à l’encontre de la SAS Castorama France ;

*condamné la SARL Groupe Partners 64 aux dépens, taxés et liquidés à la somme de 73,24 euros ;

-d’infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille en ce qu’il a :

*débouté la SAS Castorama France de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

*condamné la SARL Groupe Partners 64 à payer à la SAS Castorama France la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

-statuant à nouveau, de :

*in limine litis, juger que la SARL Groupe Partners 64 est dépourvue de tout intérêt à agir à l’encontre de la SAS Castorama France ;

*en conséquence, déclarer irrecevables l’ensemble des demandes de la SARL Groupe Partners 64 à l’encontre de la SAS Castorama France ;

*subséquemment, débouter la SARL Groupe Partners 64 de l’ensemble de ses demandes ;

-à titre principal, de :

*juger que la SAS Castorama France n’a commis aucune faute ;

*juger que la SARL Groupe Partners 64 ne justifie pas de la réalité des préjudices qu’elle invoque ;

*en conséquence, débouter la SARL Groupe Partners 64 de toutes ses demandes ;

*reconventionnellement, condamner la SARL Groupe Partners 64 à payer à la SAS Castorama France la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 1382 ancien du code civil au titre de la procédure de première instance et la condamner au paiement de la somme de 3 000 euros sur le même fondement, au titre de la procédure d’appel ;

-à titre infiniment subsidiaire, de :

*juger que la SAS Castorama France entend faire jouer le droit de retrait litigieux prévu à l’article 1699 du code civil ;

*déclarer satisfactoire la proposition de remboursement de la SAS Castorama France à hauteur d’un euro ;

-en tout état de cause, de :

*condamner la SARL Groupe Partners 64 à payer à la SAS Castorama France la somme de 6 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au stade de la procédure d’appel ;

*condamner la SARL Groupe Partners 64 à payer à la SAS Castorama France la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile s’agissant de la procédure de première instance ;

*condamner la SARL Groupe Partners 64 aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et de la procédure d’appel.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions visées pour un exposé détaillé du litige et des moyens des parties.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 31 janvier 2023. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, l’arrêt sera contradictoire en application de l’article 467 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L’ARRET

1°) Sur la recevabilité de l’action

Moyens des parties

Au soutien de sa fin de non-recevoir, la SAS Castorama France expose que l’acte de cession du 11 septembre 2018, clair et ne méritant de ce fait aucune interprétation, ne vise, sans possibilité de substitution de débiteur, qu’une créance potentielle à l’encontre d’une société Kingfisher dépourvue d’existence légale et quoi qu’il en soit distincte d’elle-même. Elle ajoute que l’acte de cession du 19 mai 2016 ne peut servir à l’interpréter puisqu’il lui est antérieur et qu’il est rédigé en termes différents, les propos de l’actuel dirigeant étant sans valeur probante.

En réponse, la SARL Groupe Partners 64 expose que la cession de créance du 11 septembre 2018, régulièrement notifiée à la SAS Castorama France et éclairée par l’acte de cession de parts du 19 mai 2016, concernait “la société KINGFISHER ou toute autre société de son groupe”, ce que confirme son dirigeant. Elle ajoute qu’une cession de créance peut porter sur une créance future ou éventuelle ou sur le droit d’agir lui-même.

Réponse de la cour

En vertu des articles 31 et 32 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé, toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir étant irrecevable.

Et, conformément à l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Enfin, en application de l’article 1321 du code civil, la cession de créance est un contrat par lequel le créancier cédant transmet, à titre onéreux ou gratuit, tout ou partie de sa créance contre le débiteur cédé à un tiers appelé le cessionnaire. Elle peut porter sur une ou plusieurs créances présentes ou futures, déterminées ou déterminables. Elle s’étend aux

accessoires de la créance. Le consentement du débiteur n’est pas requis, à moins que la créance ait été stipulée incessible.

Aux termes de l’assignation délivrée le 7 juin 2019 devant le tribunal de commerce de Lille, la SARL Groupe Partners 64 précise venir aux droits de la SARL Privilège Sécurité en vertu ” d’une cession de créances intervenue le 11 septembre 2018 “. Cette mention est reprise sur la première page de ses conclusions d’appelante. Elle détermine la qualité et l’intérêt à agir invoqués au soutien de l’action.

Le préambule de cet acte (pièce 12 de l’appelante), conclu entre la SARL Privilège Sécurité et la SARL Groupe Privilège 64, est ainsi rédigé :

“1. Le Cédant possède une créance, ci-après dénommée la “Créance”, sur la société KINGFISHER, tirée de son droit à réparation du préjudice résultant pour elle de la rupture brutale de la relation commerciale établie par la société KINGFISHER.

2.Le Cédant souhaite aujourd’hui céder tous ses droits sur la Créance au Cessionnaire, en ce compris ses accessoires et notamment le droit d’agir en Justice aux fins de réparation, à l’encontre de la société KINGFISHER (ou de toute personne subrogée dans ses droits.)

3.Le Cessionnaire souhaite acquérir la Créance “.

Contrairement à ce que soutient la SARL Groupe Partners 64, cet acte, parfaitement clair et ne laissant planer aucun doute raisonnable sur la signification de ses différents énoncés, en particulier sur l’identité du débiteur cédé, ne fonde, en droit, aucune interprétation : la SARL Privilège Sécurité cède à la SARL Groupe Privilège 64 une créance indemnitaire éventuelle réparant le préjudice, hypothétique au jour de la conclusion, causé par la rupture brutale de relations commerciales établies avec une société Kingfisher, ou toute personne “subrogée dans ses droits”.

Or, en admettant que cette dénomination désigne de manière imprécise la société de droit anglais Kingfisher PLC, maison mère du groupe d’appartenance de la SAS Castorama France (pièce 3/1 de l’intimée), elle n’en est pas moins une société différente de cette dernière, dotée d’une personnalité morale distincte et de droits et obligations propres. Et, rien ne démontre que la SAS Castorama France serait subrogée dans les droits de sa maison mère à un titre quelconque et en particulier dans le cadre d’une action en rupture brutale des relations commerciales établies.

Aussi, la cession de créance ne concerne pas la SAS Castorama France, constat qui emporte irrecevabilité de l’action intentée par la SARL Groupe Partners 64 pour défaut de qualité et d’intérêt à agir.

A supposer que l’acte mérite une interprétation, la Cour rappelle que, au sens des dispositions des articles 1188 et suivants du code civil, qui constituent non des normes juridiques s’imposant à elle, mais un guide d’interprétation des conventions à l’usage des parties et du juge, le tribunal interprète les stipulations manquant de clarté en recherchant la commune intention des parties contractantes sans s’arrêter au sens littéral des termes et en donnant à celles-ci le sens qui leur permet de produire un effet plutôt que celui qui les annihile en considération de la matière et de l’économie générale du contrat dont les clauses sont interdépendantes. L’intention des parties au jour de la conclusion peut être éclairée par leur comportement contemporain de la formation du contrat et adopté durant son exécution.

Sur un plan intrinsèque, rien dans l’acte ne permet, d’une part, de rattacher la cession à la SAS Castorama France dont il n’est pas prétendu qu’elle use de la dénomination Kingfisher comme signe distinctif et en particulier à titre de marque, de nom de domaine, de nom commercial ou d’enseigne, et, d’autre part, d’établir un rapport d’identité entre l’action intentée et celle accessoire à la créance visée, la seule référence à une rupture brutale étant sur ce point très insuffisante.

Sur un plan extrinsèque, le recours à l’acte itératif de cession de parts sociales du 19 mai 2016 (pièce 11 de l’appelante, article 3.3) n’est pas pertinent car il est antérieur à la cession litigieuse qui ne s’y réfère pas et car son objet est nettement distinct. En outre, si un

litige avec “la société Kingfisher” est évoqué et si une saisine du tribunal de commerce par la SARL Privilège Sécurité, et non par la SARL Groupe Privilège 64, est annoncée, les éléments de définition du procès projeté ne permettent pas de l’assimiler à celui effectivement intenté. Enfin, la seule référence, au titre de la détermination des indemnités concernées par le complément de prix stipulé, à “toute autre société [du groupe de la société Kingfisher]” n’est pas suffisante pour appliquer cette extension à l’acte de cession de créance, qui ne vise que l’hypothèse de la subrogation, et pour considérer que, dans l’esprit des parties à ces actes, la dénomination Kingfisher servait en réalité de désignation générique de la SAS Castorama France.

Les autres éléments extérieurs à l’acte litigieux ne sont pas plus pertinents puisque, outre le fait que les correspondances produites ne visent que la dénomination Castorama sans référence à la société Kingfischer :

-la notification de la cession de créance a été faite au “groupe Kingfisher” et à la SAS Castorama France par des courriers différents, signe que la SARL Groupe Partners 64 opère bien une distinction entre les deux entités (pièce 18 de l’appelante) ;

-l’attestation de monsieur [J] [F], comme son courrier du 4 décembre 2019 (pièces 17 et 19 de l’appelante), ne sont pas de nature à éclairer la Cour. En effet, ce dernier, directeur général de la SARL Privilège Sécurité à compter du 20 octobre 2018, n’était pas le représentant de cette dernière lors de la cession de créance litigieuse (pièce 12 de l’appelante qui vise en première page monsieur [N] [X]) : il n’est ainsi pas témoin des faits qu’il prétend relater mais interprète d’un acte dressé en son absence, constat qui prive de pertinence ses explications que rien n’étaye par ailleurs, les ” interactions ” régulières avec ” la société Kingfisher ” n’étant pas prouvées.

En conséquence, la SAS Castorama France n’étant pas le débiteur cédé visé par la cession de créance invoquée par la SARL Groupe Partners 64 au soutien de son action, la seconde n’a aucun droit d’agir, faute de qualité et d’intérêt, contre la première. Aussi, le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré l’action de la SARL Groupe Partners 64 irrecevable.

2°) Sur la procédure abusive

En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 (anciennement 1382 et 1383) du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

L’exercice d’une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur équipollente au dol.

Si l’action de la SARL Groupe Partners 64 était téméraire au regard de son incapacité à démontrer ne serait-ce que sa recevabilité à agir, ni ce constat, ni le délai pour assigner dans les limites de la prescription ne suffisent à caractériser un abus du droit d’agir en justice. Par ailleurs, la SAS Castorama France ne démontre ni le principe et la mesure du préjudice qu’elle allègue, ni qu’il soit distinct de celui né de la nécessité de se défendre en justice qui est intégralement réparé par l’allocation d’une somme en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La demande indemnitaire reconventionnelle de la SAS Castorama France sera en conséquence rejetée et le jugement entrepris confirmé sur ce point. Pour les mêmes raisons, la demande de même objet au titre de la procédure d’appel sera rejetée.

3°) Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens, rien ne justifiant, au regard de la nature du contentieux et de sa faible complexité, une majoration de l’indemnité allouée en première instance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Succombant en son appel, la SARL Groupe Partners 64, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à supporter les entiers dépens de l’appel et à payer à la SAS Castorama France la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la Cour ;

Y ajoutant,

Rejette la demande indemnitaire reconventionnelle de la SAS Castorama France au titre de la procédure abusive ;

Rejette la demande de la SARL Groupe Partners 64 au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la SARL Groupe Partners 64 aux entiers dépens d’appel ;

Condamne la SARL Groupe Partners 64 à payer à la SAS Castorama France la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Chat Icon