Affichage publicitaire digital et sécurité routière : incompétence de la commune

Affichage publicitaire digital et sécurité routière : incompétence de la commune

Sanction d’un règlement local de publicité 

Un Règlement local de publicité doit être annulé en tant qu’il prévoit ‘interdiction des publicités lumineuses à moins de 100 mètres à l’arrière d’un feu tricolore lorsque la face lumineuse du dispositif et le flux lumineux du feu tricolore sont dans le même champ de vision. En matière de sécurité routière, la commune est juridiquement incompétente.  

Il ressort des pièces du dossier et notamment de la partie 5 relative à l’explication des choix du rapport de présentation du RLPi que ” les publicités numériques sont admises avec des règles supplémentaires propres à leur implantation privilégiée sur des axes très fréquentés, venant affecter la lecture paysagère des entrées de ville où les supports classiques sont déjà présents.

Cette typologie de panneaux associée aux autres signaux visuels perturbe le comportement des usagers de la route ; aussi elles sont interdites à moins de 100 mètres dans le champ de visibilité d’un feu tricolore : elles ne doivent pas être confondues avec celui-ci ; En effet, si l’objet premier d’un RLPi n’est pas d’assurer la sécurité routière et que celui-ci ne saurait donc fixer des mesures vagues et générales à ce sujet, la collectivité peut édicter des mesures spécifiques à certains cas précis, en l’occurrence le risque de méprise dans la perception d’un feu tricolore “.

 

Police générale de la circulation

 

Par suite, si la considération relative à la lecture paysagère des entrées de ville a bien été prise en compte, ainsi que le fait valoir la communauté d’agglomération, pour la rédaction de l’article, il ressort toutefois de la lecture de l’extrait du rapport de présentation précitée que les dispositions de l’article 4.6 ont été motivées, principalement et de manière déterminante, par l’intérêt de la sécurité routière. Dans ces conditions, le but de cette interdiction, qui ne pouvait relever que de l’exercice des pouvoirs de police générale de la circulation, est entaché d’illégalité.

 

Régime des publicités lumineuses 

 

L’article L. 581-2 du code de l’environnement. Cet article dispose que : ” Les publicités lumineuses sont éteintes entre 23 heures et 7 heures, à l’exception de celles éclairées par projection ou transparence supportées par le mobilier urbain et des publicités numériques supportées par le mobilier urbain, à condition que leurs images soient fixes “.

D’une part, le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge au principe d’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un comme dans l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la norme qui l’établit.

Le mobilier urbain se différencie des autres dispositifs pouvant accueillir de la publicité numérique en ce qu’il n’a qu’une vocation publicitaire accessoire, et a pour objet principal de répondre aux besoins des administrés.

Dans ces conditions, en exonérant le mobilier urbain de la règle d’extinction de la publicité lumineuse pendant la nuit, les dispositions contestées n’ont pas institué de discrimination illégale et n’ont pas méconnu le principe d’égalité.

D’autre part, il ressort du rapport de présentation que les conditions d’extinction nocturne plus restrictives que ce que prévoit l’article R. 581-35 du code de l’environnement ont été adoptées en ” cohérence avec l’axe 1 du plan climat-air-énergie-territoire : ” prendre en compte l’environnement et améliorer la qualité de vie des habitants et l’objectif de réduction de la consommation d’énergie de 20 % d’ici 2030 “, la plage d’extinction nocturne est étendue de 4 heures : 21h/7h contre 1h/6h. “. Dans ces conditions, et alors que la restriction supplémentaire ne porte que sur une plage horaire de quatre heures le soir et d’une heure le matin, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation doit être écarté.

Les dispositions de l’article L. 581-14 du code de l’environnement précitées permettent au règlement local de publicité de définir une ou plusieurs zones où s’applique une réglementation plus restrictive que les prescriptions du règlement national. Ces dispositions confèrent aux autorités locales, en vue de la protection du cadre de vie et sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, un large pouvoir de réglementation de l’affichage, qui leur permet notamment d’interdire dans ces zones toute publicité ou certaines catégories de publicité en fonction des procédés ou des dispositifs utilisés. Ce pouvoir s’applique tant sur la délimitation des zones de publicité restreinte que sur les prescriptions spéciales qui y sont édictées, l’appréciation portée par l’autorité administrative ne peut être censurée par le juge que si elle est entachée, notamment, d’une erreur manifeste.

Police spéciale de la publicité

Il résulte des dispositions rappelées au point 6 de l’article L. 581-2 du code de l’environnement que la police spéciale de la publicité a pour finalité la protection du cadre de vie. Si ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l’autorité compétente pour réglementer l’installation de dispositifs de publicité, enseignes et préenseignes prenne aussi en compte, outre la protection du cadre de vie, l’intérêt de la sécurité routière, cet intérêt, qui ne peut être regardé comme une simple composante de la préservation du cadre de vie ou de la prévention des dangers ou troubles excessifs aux personnes et à l’environnement visés par les dispositions précitées concernant les émissions de lumière artificielle, ne peut légalement constituer le but déterminant d’une mesure de réglementation prise par l’autorité en charge de la police de la publicité.

 

* * *

 

Tribunal administratif d’Orléans, 2ème chambre, 28 mars 2023, 2002787

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 août 2020 et le 11 octobre 2022, la SAS Cocktail Développement et la SAS Pixity, représentées par Me Tertrais, demandent au tribunal :

1°) d’annuler la délibération du 11 juin 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d’agglomération de Bourges Plus a approuvé le règlement local de publicité intercommunal (RLPi) ;

2°) de mettre à la charge de la communauté d’agglomération Bourges Plus la somme de 2 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

– les conseillers communautaires n’ont pas reçu une information suffisante avant la tenue de la délibération, compte tenu de l’absence de transmission des observations formulées par le groupe Cocktail Vision au mois de décembre 2019 sur le volet ” numérique “, d’une note de synthèse et du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur, en méconnaissance des dispositions des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ;

– le RLPi est entaché d’une erreur de droit en ce qu’il porte une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression et la liberté du commerce et de l’industrie ;

– l’article 4.6 du règlement est entaché d’erreur de droit et de fait ;

– l’article 4.8 du règlement est entaché d’erreur manifeste d’appréciation et d’erreur de droit ;

– l’article 3.7 du règlement est entaché d’erreur de droit et d’erreur manifeste d’appréciation ;

– les articles du règlement interdisant la publicité numérique en dehors de la zone 4 (hors mobilier urbain) sont entachés d’erreur d’appréciation ;

– l’interdiction générale et absolue des enseignes numériques, qui résulte des articles 1.5, 2.10, 3.11, 4.12 et 5.13 du règlement, est illégale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2022, la communauté d’agglomération de Bourges Plus conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par les sociétés requérantes ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 16 septembre 2022, la clôture d’instruction a été fixée au 21 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code général des collectivités territoriales ;

– le code de l’environnement ;

– le code de l’urbanisme ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme A,

– les conclusions de Mme Dumand, rapporteure publique,

– et les observations de Me Capul, représentant les sociétés Cocktail Développement et Pixity.

Considérant ce qui suit

:

1. Le 11 décembre 2017, la communauté d’agglomération Bourges Plus a décidé l’élaboration d’un règlement local de publicité intercommunal. A l’issue des phases de concertation et de consultation, le projet de règlement a été soumis à enquête publique du 29 novembre 2019 au 30 décembre 2019. Par délibération du 11 juin 2020, le conseil communautaire de la communauté d’agglomération de Bourges Plus a approuvé le règlement local de publicité intercommunal (RLPi). Par la présente requête, les sociétés Cocktail Développement et Pixity demandent l’annulation de cette délibération.

En ce qui concerne la procédure d’adoption du règlement local de publicité intercommunal :

2. Aux termes de l’article L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales : ” Les dispositions du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie relatives au fonctionnement du conseil municipal sont applicables au fonctionnement de l’organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale, en tant qu’elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent titre. (). ” Aux termes de l’article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : ” Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. (). L’article L. 2121-13 du même code dispose que : ” Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d’être informé des affaires de la commune qui font l’objet d’une délibération. “.

3. D’une part, il résulte des dispositions précitées de l’article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales que, dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d’une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l’ordre du jour. Le défaut d’envoi de cette note ou son insuffisance entache d’irrégularité les délibérations prises, à moins que le maire n’ait fait parvenir aux membres du conseil municipal, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d’une information suffisante pour exercer utilement leur mandat. Cette obligation d’information, qui doit être adaptée à la nature et à l’importance des affaires, doit permettre aux intéressés d’appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. Elle n’impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés, à qui il est au demeurant loisible de solliciter des précisions ou des explications conformément à l’article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales, une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.

4. D’autre part, il résulte des dispositions de l’article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales précitées que les membres du conseil communautaire appelés à délibérer sur l’élaboration du plan local de publicité intercommunal doivent disposer, avant la séance, de l’ensemble du projet de plan que la délibération a pour objet d’approuver, et que s’ils doivent pouvoir obtenir communication des autres pièces et documents nécessaires à leur information sur l’élaboration de ce plan, notamment du rapport du commissaire enquêteur, aucun texte ni aucun principe n’impose toutefois au président de l’établissement public intercommunal de leur communiquer ces pièces et documents en l’absence d’une demande de leur part.

5. Les sociétés Pixity et Cocktail Développement soutiennent que les membres du conseil communautaire n’ont pas eu connaissance des observations qu’elles ont formulées par courrier du 12 décembre 2019, d’une note de synthèse accompagnant la convocation et du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, que les conseillers communautaires ont été informés du projet d’élaboration du règlement local de publicité intercommunal, des objectifs et des orientations de ce règlement lors de la séance du 25 février 2019 ainsi que du projet de RLPi lors de la délibération tirant le bilan de la concertation et arrêtant le projet de règlement local de publicité intercommunal du 24 juin 2019, au cours de laquelle ils ont approuvé les termes de ce projet. Par ailleurs, les communes ont été destinataires d’un rapport de présentation ainsi que du projet de la partie réglementaire du RLPi et de ses annexes, comme en atteste les mentions de la délibération litigieuse laquelle indique que ce dossier a été soumis pour avis aux communes, aux personnes publiques associées et à la commission départementale des sites, nature et paysages et a été annexé à la délibération litigieuse. En outre, les observations formulées par les sociétés requérantes ont été reprises dans le rapport du commissaire enquêteur du 8 janvier 2020 et ont fait l’objet de réponses le 13 janvier 2020. Il ressort des termes mêmes de la délibération litigieuse que ” la conférence intercommunale des maires a pris connaissance des différents avis émis lors de la phase de consultation et durant l’enquête publique et des suites qui pouvaient leur être données ” et que ” les remarques issues de la consultation des personnes publiques associées, des communes, de l’enquête publique ainsi que du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur ont conduit à des modifications mineures de différentes pièces du dossier () “. Il suit de ce qui vient d’être dit que l’ensemble du dossier de projet de règlement local de publicité a été mis à la disposition des membres du conseil communautaire de la communauté d’agglomération de Bourges Plus et qu’ils ont ainsi été mis à même, en tant que de besoin, d’exercer la faculté dont ils disposent de solliciter des documents ou explications complémentaires et de délibérer de manière éclairée. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales doit être écarté en toutes ses branches.

En ce qui concerne les moyens de légalité interne :

6. Aux termes de l’article L. 581-1 du code de l’environnement : ” Chacun a le droit d’exprimer et de diffuser informations et idées, quelle qu’en soit la nature, par le moyen de la publicité, d’enseignes et de préenseignes, conformément aux lois en vigueur et sous réserve des dispositions du présent chapitre. “. L’article L. 581-2 du même code dispose que : ” Afin d’assurer la protection du cadre de vie, le présent chapitre fixe les règles applicables à la publicité, aux enseignes et aux préenseignes, visibles de toute voie ouverte à la circulation publique, au sens précisé par décret en Conseil d’État. Ses dispositions ne s’appliquent pas à la publicité, aux enseignes et aux préenseignes situées à l’intérieur d’un local, sauf si l’utilisation de celui-ci est principalement celle d’un support de publicité. “. Selon l’article L. 581-14 de ce code : ” L’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme la métropole de Lyon ou, à défaut, la commune peut élaborer sur l’ensemble du territoire de l’établissement public ou de la commune un règlement local de publicité qui adapte les dispositions prévues aux articles L. 581-9 et L. 581-10. Sous réserve des dispositions des articles L. 581-4, L. 581-8 et L. 581-13, le règlement local de publicité définit une ou plusieurs zones où s’applique une réglementation plus restrictive que les prescriptions du règlement national. “. L’article L. 581-9 du même code dispose que : ” Dans les agglomérations, et sous réserve des dispositions des articles L. 581-4 et L. 581-8, la publicité est admise. Elle doit toutefois satisfaire, notamment en matière d’emplacements, de densité, de surface, de hauteur, d’entretien et, pour la publicité lumineuse, d’économies d’énergie et de prévention des nuisances lumineuses au sens du chapitre III du présent titre, à des prescriptions fixées par décret en Conseil d’Etat en fonction des procédés, des dispositifs utilisés, des caractéristiques des supports et de l’importance des agglomérations concernées. Ce décret précise également les conditions d’utilisation comme supports publicitaires du mobilier urbain installé sur le domaine public “.

7. D’une part, les dispositions de l’article L. 581-14 du code de l’environnement précitées permettent au règlement local de publicité de définir une ou plusieurs zones où s’applique une réglementation plus restrictive que les prescriptions du règlement national. Ces dispositions confèrent aux autorités locales, en vue de la protection du cadre de vie et sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, un large pouvoir de réglementation de l’affichage, qui leur permet notamment d’interdire dans ces zones toute publicité ou certaines catégories de publicité en fonction des procédés ou des dispositifs utilisés. Ce pouvoir s’applique tant sur la délimitation des zones de publicité restreinte que sur les prescriptions spéciales qui y sont édictées, l’appréciation portée par l’autorité administrative ne peut être censurée par le juge que si elle est entachée, notamment, d’une erreur manifeste.

8. D’autre part, il résulte des dispositions rappelées au point 6 de l’article L. 581-2 du code de l’environnement que la police spéciale de la publicité a pour finalité la protection du cadre de vie. Si ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l’autorité compétente pour réglementer l’installation de dispositifs de publicité, enseignes et préenseignes prenne aussi en compte, outre la protection du cadre de vie, l’intérêt de la sécurité routière, cet intérêt, qui ne peut être regardé comme une simple composante de la préservation du cadre de vie ou de la prévention des dangers ou troubles excessifs aux personnes et à l’environnement visés par les dispositions précitées concernant les émissions de lumière artificielle, ne peut légalement constituer le but déterminant d’une mesure de réglementation prise par l’autorité en charge de la police de la publicité.

9. En premier lieu, les requérantes soutiennent que le règlement est entaché d’une erreur de droit et d’une erreur de fait étant entendu que son article 4.6 relatif aux publicités numériques, applicable à la zone 4 (laquelle recouvre les grands axes de circulation de la ville de Bourges, augmentés de 20 mètres de part et d’autre de l’alignement, ainsi que les zones d’activité de cette même commune), est motivé par un impératif de sécurité routière, étranger à la protection du cadre de vie. Cet article dispose que ” les publicités sont interdites à moins de 100 mètres à l’arrière d’un feu tricolore lorsque la face lumineuse du dispositif et le flux lumineux du feu tricolore sont dans le même champ de vision “. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la partie 5 relative à l’explication des choix du rapport de présentation du RLPi que ” les publicités numériques sont admises avec des règles supplémentaires propres à leur implantation privilégiée sur des axes très fréquentés, venant affecter la lecture paysagère des entrées de ville où les supports classiques sont déjà présents. Cette typologie de panneaux associée aux autres signaux visuels perturbe le comportement des usagers de la route ; aussi elles sont interdites à moins de 100 mètres dans le champ de visibilité d’un feu tricolore : elles ne doivent pas être confondues avec celui-ci ; En effet, si l’objet premier d’un RLPi n’est pas d’assurer la sécurité routière et que celui-ci ne saurait donc fixer des mesures vagues et générales à ce sujet, la collectivité peut édicter des mesures spécifiques à certains cas précis, en l’occurrence le risque de méprise dans la perception d’un feu tricolore “. Par suite, si la considération relative à la lecture paysagère des entrées de ville a bien été prise en compte, ainsi que le fait valoir la communauté d’agglomération, pour la rédaction de l’article, il ressort toutefois de la lecture de l’extrait du rapport de présentation précitée que les dispositions de l’article 4.6 ont été motivées, principalement et de manière déterminante, par l’intérêt de la sécurité routière. Dans ces conditions, le but de cette interdiction, qui ne pouvait relever que de l’exercice des pouvoirs de police générale de la circulation, est entaché d’illégalité.

10. En deuxième lieu, les sociétés requérantes soutiennent que le règlement est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une erreur de droit en instituant une discrimination irrégulière étant entendu que son article 4.8 relatif à l’extinction nocturne, applicable à la zone 4, crée une discrimination entre le mobilier urbain supportant la publicité et les autres dispositifs sans que cette différence de traitement ne soit justifié en terme d’objectif de protection du cadre de vie, au sens des dispositions de l’article L. 581-2 du code de l’environnement. Cet article dispose que : ” Les publicités lumineuses sont éteintes entre 23 heures et 7 heures, à l’exception de celles éclairées par projection ou transparence supportées par le mobilier urbain et des publicités numériques supportées par le mobilier urbain, à condition que leurs images soient fixes “. D’une part, le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge au principe d’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un comme dans l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la norme qui l’établit. Le mobilier urbain se différencie des autres dispositifs pouvant accueillir de la publicité numérique en ce qu’il n’a qu’une vocation publicitaire accessoire, et a pour objet principal de répondre aux besoins des administrés. Dans ces conditions, en exonérant le mobilier urbain de la règle d’extinction de la publicité lumineuse pendant la nuit, les dispositions contestées n’ont pas institué de discrimination illégale et n’ont pas méconnu le principe d’égalité. D’autre part, il ressort du rapport de présentation que les conditions d’extinction nocturne plus restrictives que ce que prévoit l’article R. 581-35 du code de l’environnement ont été adoptées en ” cohérence avec l’axe 1 du plan climat-air-énergie-territoire : ” prendre en compte l’environnement et améliorer la qualité de vie des habitants et l’objectif de réduction de la consommation d’énergie de 20 % d’ici 2030 “, la plage d’extinction nocturne est étendue de 4 heures : 21h/7h contre 1h/6h. “. Dans ces conditions, et alors que la restriction supplémentaire ne porte que sur une plage horaire de quatre heures le soir et d’une heure le matin, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation doit être écarté.

11. En troisième lieu, les sociétés requérantes soutiennent que le règlement est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une erreur de droit en instituant une discrimination irrégulière étant entendu que son article 3.7 relatif à la publicité numérique, applicable en zone 3 (laquelle recouvre les centres anciens de Bourges et de Mehun-sur-Yèvre), crée une discrimination en faveur du mobilier urbain en méconnaissance des dispositions de l’article L. 581-2 du code de l’environnement. L’article 3.7 prévoit qu’à Bourges, la publicité numérique est interdite sauf lorsqu’elle est supportée par un mobilier urbain. Le rapport de présentation du RLPi constate qu’à Bourges le nombre de publicités numériques est important en comparaison de celui constaté dans d’autres villes après avoir relevé le risque de nuisance pour le voisinage et d’illisibilité de l’espace urbain du fait de la luminosité des enseignes. Il ressort du règlement que cette restriction est applicable au sein d’un périmètre restreint : le centre ancien de Bourges. En outre, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le mobilier urbain se différencie des autres dispositifs pouvant accueillir de la publicité numérique en ce qu’il n’a qu’une vocation publicitaire accessoire, et a pour objet principal de répondre aux besoins des administrés. Par suite, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation et de l’erreur de droit doit être écarté.

12. En quatrième lieu, les sociétés requérantes soutiennent que l’interdiction sur le territoire de la commune de Bourges, en zones 2 et 3 de toute publicité numérique en ce qu’elle constitue une interdiction générale, motivée par la seule protection des résidences privées des nuisances lumineuses, est entachée d’erreur d’appréciation. Toutefois, il ressort des mentions mêmes du RLPi que la publicité numérique ne souffre pas d’une interdiction générale étant entendu qu’elle est autorisée en zone 1, en zone 3 (à la condition d’être supportée par un mobilier urbain) et en zone 4 (sous condition d’implantation en présence d’un feu tricolore). Par ailleurs, il est constant qu’en zone 5, l’interdiction de publicité numérique est imposée par les dispositions de l’article R. 581-34 du code de l’environnement, lequel interdit la publicité lumineuse à l’intérieur des agglomérations de moins de 10 000 habitants ne faisant pas partie d’une unité urbaine de plus de 100 000 habitants. Enfin, si l’article 2.7 du règlement, applicable en zone 2 laquelle est constituée par les zones agglomérées des communes autres que Bourges, les secteurs résidentiels de Bourges et de Mehun-sur-Yèvre non compris dans les zones 3 ou 4 et les secteurs résidentiels de Saint-Doulchard et Saint-Germain-du-Puy non compris dans la zone 5, interdit la publicité numérique y compris sur le mobilier urbain, il ressort de la lecture du rapport de présentation du règlement que cette interdiction se justifie par la sérénité des quartiers, laquelle permet la protection du cadre de vie, au sens des dispositions de l’article L. 581-2 du code de l’environnement. Dès lors, les dispositions du RLPi interdisant la publicité numérique dans certaines zones ne peuvent être regardées comme entachées d’erreur manifeste d’appréciation.

13. En cinquième lieu, dès lors que l’exercice de pouvoirs de police administrative est susceptible d’affecter des activités de production, de distribution ou de services, la circonstance que les mesures de police ont pour objectif la protection de l’ordre public ou, dans certains cas, la sauvegarde des intérêts spécifiques que l’administration a pour mission de protéger ou de garantir n’exonère pas l’autorité investie de ces pouvoirs de police de l’obligation de prendre en compte également la liberté du commerce et de l’industrie et les règles de concurrence. Il appartient au juge de l’excès de pouvoir d’apprécier la légalité de ces mesures de police administrative en recherchant si elles ont été prises compte tenu de l’ensemble de ces objectifs et de ces règles et si elles en ont fait, en les combinant, une exacte application.

14. Les sociétés requérantes soutiennent que l’interdiction générale et absolue des enseignes numériques au sein du RLPi (illustrée par les articles 1.5, 2.10, 3.11, 4.12 et 5.13) porte une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l’industrie. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que si les enseignes numériques sont interdites au sein des zones 1, 2 et 3, tel n’est pas le cas au sein des zones 4 et 5 au sein desquelles les articles 4.11 et 5.12 autorisent les enseignes numériques apposées à plat sur une façade commerciale (à condition de ne pas excéder une superficie de 8 mètres carrés) de sorte que seules les enseignes numériques perpendiculaires au mur qui les supporte sont interdites. Eu égard aux objectifs affichés dans le rapport de présentation du respect du caractère rural, des raisons écologiques, de la prise en compte notamment en zone 3 de la haute qualité architecturale des lieux, et compte tenu du fort impact visuel des enseignes numériques, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’en interdisant les enseignes numériques au sein des zones 1, 2 et 3, la communauté d’agglomération aurait porté une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l’industrie.

15. En dernier lieu, il résulte de ce qui vient d’être dit que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que par le cumul des différents articles, dont la légalité vient d’être examinée, le RLPi porterait une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l’industrie et à la liberté d’expression.

16. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la délibération du 11 juin 2020 portant approbation du RLPi doit être annulée en tant seulement qu’elle prévoit, en son article 4 .6, l’interdiction des publicités lumineuses à moins de 100 mètres à l’arrière d’un feu tricolore lorsque la face lumineuse du dispositif et le flux lumineux du feu tricolore sont dans le même champ de vision.

Sur les frais liés au litige :

17. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative par les sociétés Pixity et Cocktail Développement.

D E C I D E :

Article 1er : La délibération du 11 juin 2020 de la communauté d’agglomération de Bourges Plus est annulée en tant qu’en son article 4.6 elle interdit les publicités lumineuses à moins de 100 mètres à l’arrière d’un feu tricolore lorsque la face lumineuse du dispositif et le flux lumineux du feu tricolore sont dans le même champ de vision.

Article 2 : Le surplus de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié aux sociétés Cocktail Développement et Pixity et à la communauté d’agglomération de Bourges Plus.

Délibéré après l’audience du 9 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Quillévéré, président,

Mme Bertrand, première conseillère,

Mme Pajot, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.

La rapporteure,

Anne-Laure A

Le président,

Guy QUILLEVERE La greffière,

Aurore MARTIN

La République mande et ordonne au préfet du Cher en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.


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