Cour d’appel d’Aix-en-Provence, Chambre 1-2, 23 mars 2023, 22/00913

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Cour d’appel d’Aix-en-Provence, Chambre 1-2, 23 mars 2023, 22/00913

 

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 23 MARS 2023

N° 2023/ 241

Rôle N° RG 22/00913 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BIXCR

S.C.M. ORTHOVAR

C/

S.C.I. IBB

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Karine TOLLINCHI

Me Dorothée SOULAS

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 29 décembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/07698.

APPELANTE

S.C.M. ORTHOVAR

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est [Adresse 1]

représentée par Me Karine TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

assistée par Me Gilles ORDRONNEAU de la SELARL CABINET GILLES ORDRONNEAU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant

INTIMEE

S.C.I. IBB

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est [Adresse 2]

représentée et assistée par Me Dorothée SOULAS de la SELARL LESCUDIER & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Gilles PACAUD, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Gilles PACAUD, Président

Mme Catherine OUVREL, Conseillère

Madame Myriam GINOUX, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Les docteurs [Y] [U], [C] [N] et [P] [R], chirurgiens, se sont associés dans l’optique de créer, sur le secteur Est-Varois, un pôle d’excellence en chirurgie orthopédique.

Pour ce faire, ils ont créé deux sociétés civiles immobilières (SCI) différentes au sein desquelles ils sont associés à parts égales, et exercent, chacun, le mandat social de cogérant, à savoir :

– la SCI IBB qui a procédé au moyen d’un concours bancaire de 1 138 500 euros, à l’acquisition d’un immeuble de près de 260 mètres carrés à l’usage professionnel, sis [Adresse 3], lots 32, 33 et 36 ;

– la société civile de moyens (SCM) Orthovar destinée à mettre en commun les moyens nécessaires à leur exercice professionnel, notamment les locaux.

Par acte authentique en date des 27 et 28 mars 2019, la société IBB a donné à bail à loyer, à titre professionnel, à la société Orthovar, l’immeuble acquis par elle, moyennant le règlement d’un loyer fixé à l’origine à la somme mensuelle de 8 000 euros, outre le règlement d’une provision mensuelle sur charges d’un montant de 650 euros.

Il était également stipulé que, pour tenir compte des nuisances et gênes occasionnées par les travaux réalisés par le Bailleur, le loyer mesuel serait de 1 045 euros HT, pour la période allant du 16 juillet 2018 au 31 juillet 2018, et de 1 988 euros HT à compter du 1er août 2018 jusqu’au 31 décembre 2018 : passé ces termes et à compter du 1er janvier 2019, le versement mensuel convenu (serait) celui, sus-visé, de 8 000 euros.

L’équilibre économique de l’opération a été rompu par le départ de M. [R] et son retrait de la SCI Orthovar.

Arguant d’un arriéré de loyers et provisions pour charges, la SCI IBB a fait assigner la SCM Orthovar devant le président de tribunal judiciaire de Draguignan, statuant en référé, aux fins de l’entendre condamner à lui verser la somme provisionnelle de 124 785 euros, arrêtée au 17 novembre 2020, outre les intérêts contractuels au taux légal majoré de quatre points et celle de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance réputée contradictoire en date du 29 décembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan a :

– dit la demande recevable ;

– condamné la SCM Orthovar à payer à la SCI IBB la somme provisionnelle de 150 035 euros, arrêtée au 22 février 2021, outre les intérêts au taux légal majoré de quatre points ;

– condamné la SCM Orthovar aux dépens ;

– condamné la SCM Orthovar à payer à la SCI IBB la somme 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Selon déclaration reçue au greffe le 20 janvier 2022, la SCM Orthovar a interjeté appel de cette décision, l’appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.

Par dernières conclusions transmises le 27 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, elle sollicite de la cour qu’elle infirme l’ordonnance entreprise et :

– à titre principal, qu’elle :

‘ écarte purement et simplement des débats la pièce numéro 10 communiquées par la société IBB, constitutive de l’attestation de Me [E] du 10 mars 2022, cette dernière n’ayant pas qualité de témoin au sens des dispositions de l’article 2021 du code de procédure civile, et cette attestation constituant une preuve de la société IBB faite à elle-même par son propre conseil ;

‘ déboute purement et simplement la société IBB de l’ensemble de ses demandes ;

‘ annule et, en tant que de besoin, juge nulle et de nul effet l’assignation introductive d’instance délivrée le 25 novembre 2020 à la société Orthovar, à la requête de la société IBB, sous la constitution d’un avocat postulant inscrit au Barreau de Marseille et d’un avocat plaidant inscrit au même Barreau ;

‘ juge que cette nullité initiale affectant l’acte par lequel le premier juge a été saisi, n’a pas été régularisée ultérieurement et ce, jusqu’à la clôture des débats devant le premier juge, les conclusions en réplique de la société IBB comportant la même irrégularité que celle relative à l’assignation introductive d’instance ;

‘ annule, en conséquence purement et simplement l’ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire de Draguignan du 29 décembre 2021, en tant que de besoin la juger nulle et de nuls effets, et renvoyer en conséquence les parties à mieux se pourvoir, le premier juge n’ayant pas été valablement saisi ;

– à titre infiniment subsidiaire, qu’elle infirme l’ordonnance entreprise et :

‘ juge que la créance non sérieusement contestable détenue par la société IBB doit être fixée seulement à la somme provisionnelle globale de 55 834,34 euros à titre de loyers et charges locatives, comprenant celle provisionnelle de 41 938 euros à titre de loyers, et celle provisionnelle de 13 896,34 euros à titre de charges locatives, telle qu’elle résulte des comptes annuels de la société IBB pour l’exercice clos le 31 décembre 2022 ;

– déboute, en conséquence, la société IBB de sa demande de condamnation provisionnelle à hauteur d’un quantum de 144 724,20 euros à titre de loyers et de charges locatives pour la période arrêtée au 18 mars 2021 ;

– déboute la société IBB de sa demande de condamnation de la société Orthovar fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de sa demande de condamnation de cette même société aux dépens de l’instance ;

– en tout état de cause, qu’elle :

‘ déboute la société IBB de l’ensemble de ses demandes, fins, prétentions et conclusions en ce qu’elles seront contraires au dispositif des présentes conclusions ;

‘ condamne la société IBB à payer à la société ORTHOVAR la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ condamne la société IBB aux entiers dépens de l’instance

Par dernières conclusions transmises le 24 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société IBB sollicite de la cour qu’elle confirme l’ordonnance entreprise, condamne la société Orthovar à lui payer la somme de 7 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens et déboute cette dernière de l’ensemble de ses demandes.

L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 1er février 2023.

Par soit transmis en date du 24 février 2023, la cour a informé les conseils des parties qu’elle s’interrogeait sur l’application des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile à l’exception de nullité de l’assignation soulevée pour la première fois en cause d’appel (comme relevé par l’intimée) et dont la nullité de l’ordonnance entreprise n’est que la conséquence. Elle les a donc invités, si cela leur semblait utile et/ou opportun, à lui faire retour, avant le mardi 7 mars 2023 à minuit, de leurs observations sur ce point précis, par le truchement d’une note en délibéré conformément aux articles 444 et 445 du code de procédure civile.

Par note en délibéré transmise le 6 mars 2023, le conseil de la SCM Orthovar a répondu qu’en considération notamment de la jurisprudence des 1ère et 2ème chambres civiles de la Cour de cassation, sa demande visant à la nullité de l’acte introductif d’instance et de l’ordonnance de référé du 30 décembre 2021 lui semblait recevable au visa des dispositions de l’article 118 du code de procédure civile, nonobstant la rédaction de l’article 564 du code de procédure civile.

Par note en délibéré en date du 7 mars 2023, le conseil de la SCI IBB a invoqué les dispositions de l’article 121 du code de procédure civile pour conclure que la nullité invoquée avait été régularisée en cause d’appel.

Par courrier du 8 mars 2023, le conseil de la SCM Orthovar demande à la cour d’écarter la note en délibéré de sa consoeur au motif qu’elle répond pas directement au soit-transmis de la cour. Cette note, présentée après l’expiration du délai imparti par la cour, achevé le 7 mars 2023 à minuit, sera écartée des débats et ce, d’autant que le conseil de l’appelant n’a présenté ses propres observations que le 6 mars, soit dix jours après l’envoi du soit-transmis et la veille de cet échéance.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient de rappeler, à titre liminaire, que la cour n’est pas tenue de statuer sur les demandes de ‘constater’, ‘donner acte’, ‘dire et juger’ ou ‘déclarer’ qui, sauf dispositions légales spécifiques, ne sont pas des prétentions, en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques, mais des moyens qui ne figurent que par erreur dans le dispositif, plutôt que dans la partie discussion des conclusions d’appel.

Sur la demande visant à écarter des débats l’attestation de Maître Calandra

Le conseil de l’appelante invoque les dispositions des articles 9 et 201 du code de procédure civile pour solliciter de la cour qu’elle écarte des débats l’attestation, rédigée le 10 mars 2022, par laquelle maître [B] [E] certifie qu’elle a eu en charge la défense des intérêts de la société IBB contre la société civile de moyens Orthovar au titre des loyers impayés, de concert et au même titre que Maître [T] [Z] conformément à la mission … reçue de la cliente.

Même si ce document est empreint d’une certaine originalité en ce qu’il émane d’une avocate et s’il eût d’évidence suffi que celle-ci s’associe aux conclusions de sa consoeur, dans le cadre d’une défense commune en cause d’appel, il n’est entaché d’aucune irrégularité formelle. Sa valeur probante sera donc simplement appréciée par la cour dans le cadre du litige qui lui est soumis.

Il n’y a donc lieu d’écarter cette pièce des débats.

Sur la nullité de l’assignation et de l’ordonnance entreprise

Aux termes de l’article 117 du code de procédure civile, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte … le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice.

L’article 118 du même code dispose que les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

L’article 119 précise que les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief et alors même que la nullité ne résulterait d’aucune disposition expresse.

L’ article 121 ajoute que dans les cas où elle est susceptible d’être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

L’article 5 de la loi numéro 71-1130 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de l’ordonnance numéro 2019-964 du 18 septembre 2019, applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020 dispose :

Les avocats exercent leur ministère et peuvent plaider sans limitation territoriale devant toutes les juridictions et organismes juridictionnels ou disciplinaires, sous les réserves prévues à l’article 4.

Ils peuvent postuler devant l’ensemble des tribunaux judiciaires du ressort de cour d’appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour d’appel.

Par dérogation au deuxième alinéa. les avocats ne peuvent postuler devant un autre tribunal que celui auprès duquel est établie leur résidence professionnelle ni dans le cadre des procédures de saisie immobilière, de partage et de licitation, ni au titre de l’aide juridictionnelle, ni dans des instances dans lesquelles ils ne seraient pas maîtres de l’affaire chargés également d’assurer la plaidoirie.

Pour la première fois en cause d’appel, la SCM Orthovar soulève la nullité de l’assignation introductive d’instance, qui lui a été signifiée le 25 novembre 2020, au motif que cet acte mentionne, comme avocat postulant, un avocat au barreau de Marseille en violation de l’article 5, précité, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, en sa rédaction du 18 septembre 2019. Elle en déduit que la nullité de l’acte introductif d’instance entraîne celle de l’ordonnance entreprise laquelle obère toute possibilité d’évocation. Elle ajoute que si la procédure pouvait être régularisée, cette régularisation devait intervenir avant que le juge des référés statue.

Dans ses dernières conclusions du 24 janvier 2023, l’intimée réplique en soulignant notamment que cette discussion n’ayant pas eu lieu devant le premier juge, il ne saurait (lui) être reproché de n’avoir pas couvert cette prétendue irrégularité par la production de conclusions ultérieures puisque l’occasion ne lui en a pas été donnée, aucune conclusion en ce sens n’ayant été déposée par la SCM Orthovar. Elle ajoute que la régularisation de la procédure peut intervenir en cause d’appel et qu’en tout état de cause l’avocat dit ‘postulant’ avait en réalité, comme l’avocat ‘plaidant’ la maîtrise de l’affaire car la SCI IBB avait confié mandat à ces deux avocats marseillais. Il a d’ailleurs plaidé le dossier lors de l’audience du 17 mars 2021 et participé à la rédaction des actes de procédure, sa désignation sous le qualificatif de ‘postulant’ n’ayant eu d’autre intérêt que d’indentifier celui des deux conseils qui assurerait la transmission des actes par la voie du RPVA.

Il est acquis que, par application des dispositions de l’article 118, précité, du code de procédure civile, les irrégularités de fond affectant une assignation introductive d’instance et l’entachant de nullité ainsi que toute la procédure subséquente, telle que le défaut de qualité d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice, peuvent être présentées en tout état de cause et donc même, pour la première fois, en cause d’appel.

Il n’est pas contesté que l’assignation introductive d’instance délivrée, le 25 novembre 2021 par la SCI IBB à la SCM Orhtovar, mentionnait que la réquérante avait :

– pour avocat postulant, Maître Dorothée Soulas du Barreau de Marseille,

– pour avocat plaidant, Maître Laurence Calandra du Barreau de Marseille.

Il en allait de même pour les conclusions qu’elles ont transmises par RPVA, le 22 février 2021, au tribunal judiciaire de Draguignan.

Il s’infère néanmoins de la ‘convention d’honoraires’ qu’elles ont toutes les deux signée, le 2 octobre 2020, avec la SCI IBB, rapprochée des dispositions de l’article 5 alinéa 1 de la loi numéro 71-1130 du 31 décembre 1971, que Maîtres [Z] et [E], avocates inscrites au Barreau de Marseille, avaient, chacune, qualité pour représenter cette cliente devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan, juridiction du ressort de cour d’appel d’Aix-en-Provence dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle . La désignation de Maître [Z] en qualité d’avocat postulant procède donc d’une simple erreur, laquelle ne saurait s’assimiler à un défaut de qualité et donc à nullité de fond.

L’exception de nullité de l’assignation et de l’ordonnance entreprise subséquente, soulevée par l’appelante, sera donc rejetée.

Sur la demande de provision

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable … le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence … peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution d’une obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

L’absence de constestation sérieuse implique l’évidence de la solution qu’appelle le point contesté. Il appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu’en son montant, laquelle n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

C’est enfin au moment où la cour statue qu’elle doit apprécier l’existence d’une contestation sérieuse, le litige n’étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l’articulation de ce moyen.

Les parties s’accordent sur le fait, attesté par le décompte de Mme [L] [F], expert compatable commun aux deux sociétés, qu’au 18 mars 2021, la SNC Orthovar était débitrice, à l’endroit de la SCI IBB, d’une dette locative de 150 526 euros, soit 136 630 euros au titre des loyers et 13 896 euros pour les charges.

Il résulte par ailleurs d’une attestation de ce même expert comptable, confortée par un relevé de compte de la SNC Orthovar, que cette dernière a procédé le 28 janvier 2022 à un virement de 94 692 euros sur le compte de sa bailleresse.

La dette locative s’établissait donc à cette date à la somme de 55 834 euros, comme allégué par l’appelante. Il importe peu, à cet égard, que l’essentiel de cette somme ait été immédiatement retirée des comptes de la SCI IBB par le truchements de deux virements réalisés au profit des donneurs d’ordre initiaux, messieurs [U] et [N], co-associés et co-gérants des deux sociétés civiles, puisque la légalité de tels retraits (compte courant créditeur ou abus de confiance) relève d’un autre débat.

Au demeurant la somme de 55 834 euros a bien été portée au passif du bilan de la SCM Orthovar, à hauteur de 41 938 euros pour le ‘solde loyers’ et 13 896 euros pour les charges, ainsi qu’à l’actif des comptes de la SCI IBB, notamment son ‘bilan simplifié’, tels qu’ils ont approuvés par l’assemblée générale du 26 janvier 2023.

En revanche aucune pièce du dossier ne vient étayer les assertions de l’appelante selon lesquelles un accord aurait été passé entre les co-gérants-associés pour que cette somme ne soit pas payée, de même que l’on ne peut tirer aucun argument du fait que la SCI IBB n’ait pas tenté de la recouvrer.

Quant à l’argument de la SCM Orthovar selon lequel aucune condamnation ne peut être prononcée pour un montant hors taxe, le loyer tel qu’il résulte du contrat de louage des 27 et 28 mars 2019 n’étant pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et la SCI ne rapportant pas la preuve d’une option sur cette dernière, il ne saurait fonder une contestation sérieuse dès lors que le contrat de bail constitue la loi des parties, aux termes de l’article 1103 du code civil, et que la SCI Orthevar s’est elle-même reconnue débitrice, à l’endroit de l’intimée, d’une dette locative de 55 834 euros dans le dernier état de ses écritures.

C’est donc à cette somme que sera arrêté le montant non sérieusement contestable de la créance de la SCI IBB à l’endroit de la SCM Orthovar.

L’ordonnance entreprise sera dès lors infirmée, compte de l’évolution du litige, et l’appelante condamnée à verser à l’intimée une provision de 55 834 euros à valoir sur la dette locative.

Cette somme produira intérêts au taux légal majoré de quatre points, à compter de la signification du présent arrêt, conformément à l’article 6 du bail.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il convient de confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a condamné la SCM Orthovar aux dépens et à payer à la SCI IBB la somme 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La SCM Orthovar, qui succombe au litige, sera déboutée de sa demande formulée sur le fondement de ce texte. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de l’intimée les frais non compris dans les dépens, qu’elle a exposés pour sa défense. Il lui sera donc alloué une somme de 3 000 euros en cause d’appel.

La SCM Orthovar supportera en outre les dépens de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de l’appel ;

Ecarte des débats la note en délibéré envoyée par le conseil de la SCM Orthovar, le 8 mars 2023 et donc après le délai imparti par la cour ;

Dit n’y avoir lieu d’écarter des débats la pièce n° 10 de la SCI IBB ;

Déclare recevable en cause d’appel l’exception de nullité de l’assignation et, subséquemment, de l’ordonnance entreprise, soulevée par la SCM Orthovar ;

Rejette l’exception de nullité de l’assignation et, subséquemment, de l’ordonnance entreprise, soulevée par la SCM Orthovar ;

Confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :

– condamné la SCM Orthovar aux dépens ;

– condamné la SCM Orthovar à payer à la SCI IBB la somme 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

L’infirme pour les surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne la SCM Orthovar à payer à la SCI IBB la somme de 55 834 euros avec intérêts au taux légal majoré de quatre points, à compter de la signification du présent arrêt ;

Condamne la SCM Orthovar à payer à la SCI IBB la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SCM Orthovar de sa demande sur ce même fondement ;

Condamne la SCM Orthovar aux dépens d’appel.

La greffière Le président


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