Publicité comparative au préjudice de la société Comme J’Aime

Publicité comparative au préjudice de la société Comme J’Aime

Affaire Comme j’aime

Par jugement du 30 juin 2022, le tribunal de commerce de Paris a condamné la SAS Awesome Food Company pour publicité comparative illicite au détriment de la SAS Comme j’aime (plus de 95 000 euros). Saisie en appel d’une demande d’arrêt de l’exécution provisoire de la décision, la Cour d’appel a rejeté cette demande. La preuve des conséquences financières irrémédiables n’étant pas apportée par la SAS Awesome Food Company. 

 

L’arrêt de l’exécution provisoire

 

Il résulte de l’article 514-3 du code de procédure civile qu’en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Le moyen sérieux d’annulation ou de réformation

Un moyen sérieux d’annulation ou de réformation est un moyen qui, compte tenu de son caractère très pertinent, sera nécessairement pris en compte par la juridiction d’appel, avec des chances suffisamment raisonnables de succès.

Les conséquences manifestement excessives s’apprécient en ce qui concerne les condamnations pécuniaires par rapport aux facultés de paiement du débiteur et aux facultés de remboursement de la partie adverse en cas d’infirmation de la décision assortie de l’exécution provisoire. Le risque de conséquences manifestement excessives suppose un préjudice irréparable et une situation irréversible en cas d’infirmation.


 

Copies exécutoires République française

délivrées aux parties le : Au nom du peuple français

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 5

ORDONNANCE DU 23 FEVRIER 2023

(n° /2023)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/13697 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGGUT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Juin 2022 Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2020030791

Nature de la décision : Contradictoire

NOUS, Thomas RONDEAU, Conseiller, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assisté de Cécilie MARTEL, Greffière.

Vu l’assignation en référé délivrée à la requête de :

DEMANDEUR

S.A.S. AWESOME FOOD COMPANY

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Charles DE RAIGNAC, avocat au barreau de PARIS, toque : P62

à

DEFENDEUR

S.A.S. COMME J’AIME

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Benjamin BOURGEOIS de l’AARPI ALKYNE Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : L304

Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 26 Janvier 2023 :

Par jugement du 30 juin 2022, le tribunal de commerce de Paris a :

– condamné la SAS Awesome Food Company à payer à la SAS Comme J’aime la somme de 4.188 euros au titre du préjudice matériel ;

– condamné la SAS Awesome Food Company à payer à la SAS Comme J’aime la somme de 91.075 euros au titre du préjudice d’image et moral ;

– condamné la SAS Awesome Food Company à payer à la SAS Comme J’aime la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonné l’exécution provisoire sans caution ;

– débouté les parties de leurs autres demandes ;

– condamné la SAS Awesome Food Company aux dépens.

Par déclaration du 12 juillet 2022, la SAS Awesome Food Company a relevé appel de la décision.

Par assignation en référé délivrée le 26 août 2022, la SAS Awesome Food Company a saisi le premier président aux fins d’arrêt de l’exécution provisoire.

L’affaire, initialement fixée à l’audience du 10 novembre 2022, a été renvoyée à l’audience du 26 janvier 2023

Dans ses conclusions déposées à l’audience du 26 janvier 2023, la SAS Awesome Food Company (AFC) demande, au visa de l’article 514-3 du code de procédure civile, de :

– constater qu’AFC justifie avoir interjeté appel du jugement du tribunal de commerce de Paris du 30 juin 2022 ;

– constater qu’AFC avait critiqué, au cours de la procédure de première instance, l’exécution provisoire du jugement à intervenir du tribunal de commerce de Paris ;

– constater qu’AFC fait état de moyens sérieux d’annulation ou de réformation du jugement du tribunal de commerce de Paris du 30 juin 2022 ;

– constater que l’exécution du jugement du tribunal de commerce de Paris du 30 juin 2022 emporterait des conséquences manifestement excessives pour AFC ;

– constater que le premier président est dépourvu du pouvoir d’ordonner un échéancier de paiement des sommes auxquelles AFC a été condamnée par le jugement du tribunal de commerce de Paris du 30 juin 2022 ;

en conséquence,

– ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement rendu le 30 juin 2022 par le tribunal de commerce de Paris ;

– déclarer irrecevable et rejeter la demande subsidiaire de Comme J’aime tenant à la mise en place d’un échéancier de paiement des sommes auxquelles AFC a été condamnée par jugement du tribunal de commerce de Paris du 30 juin 2022 ;

– condamner la société Comme J’aime SAS à verser à la société Awesome Food Company SAS la somme 5. 000 euros, sauf à parfaire, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance.

Elle fait valoir que la réalité et le quantum des préjudices allégués devant le premier juge n’étaient pas démontrés et que sa situation financière difficile caractérise le risque de conséquences manifestement excessives.

Dans ses conclusions déposées l’audience du 26 janvier 2023, la SAS Comme J’aime demande, au visa des articles 514 et suivants du code de procédure civile, de :

à titre principal,

– dire qu’il n’existe pas de conséquences manifestement excessives au sens de l’article 514-3 du code de procédure civile et alors qu’elle émet toute réserve sur l’existence de moyens sérieux d’annulation ou de réformation du jugement intervenu ;

en conséquence,

– débouter la demanderesse de ses demandes, fins et prétentions ;

à titre subsidiaire,

– fixer un échéancier sur six mois à compter de la décision à intervenir pour apurer les sommes dues par AFC au titre du jugement précité entre les mains de Comme J’aime ;

– dire qu’en cas de première défaillance d’AFC dans l’exécution de l’échéancier, cette dernière sera tenue de plein droit de lui payer le solde restant dû ;

en tout état de cause,

– condamner AFC au paiement de la somme de 3.000 euros au profit de Comme J’aime sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner AFC aux entiers dépens.

Elle fait valoir qu’AFC ne produit aucun élément comptable sur son exercice 2022, que la société est d’une opacité totale, qu’elle a en réalité levé des fonds à hauteur de 3,5 millions d’euros en mai 2020 et a procédé à de nombreux recrutements.

A l’audience du 26 janvier 2023, les conseils des parties ont été entendus en leurs observations au soutien de leurs écritures.

SUR CE,

Il résulte de l’article 514-3 du code de procédure civile qu’en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Un moyen sérieux d’annulation ou de réformation est un moyen qui, compte tenu de son caractère très pertinent, sera nécessairement pris en compte par la juridiction d’appel, avec des chances suffisamment raisonnables de succès.

Les conséquences manifestement excessives s’apprécient en ce qui concerne les condamnations pécuniaires par rapport aux facultés de paiement du débiteur et aux facultés de remboursement de la partie adverse en cas d’infirmation de la décision assortie de l’exécution provisoire.

Le risque de conséquences manifestement excessives suppose un préjudice irréparable et une situation irréversible en cas d’infirmation.

En l’espèce, il sera relevé :

– que, s’agissant des moyens sérieux d’annulation ou de réformation, AFC, dans ses propres écritures, fait part d’une erreur d’appréciation de sa part, ce à la suite de la publication d’une publicité comparative, ne venant en réalité contester que le montant des préjudices alloués par le premier juge ;

– que, critiquant la motivation du premier juge sur les montants alloués, la société AFC, sur laquelle repose la charge de la preuve, n’établit pas en quoi le montant des dommages sera nécessairement revu à la baisse à hauteur d’appel, d’autant qu’elle ne vient pas contester la mise en ligne d’une publicité comparative de nature à ouvrir droit à réparation au profit de Comme J’aime ;

– que, surtout, concernant les conséquences manifestement excessives liées à la poursuite de l’exécution provisoire, la société AFC fait état en vain de sa situation financière l’empêchant d’exécuter la décision entreprise ;

– qu’elle indique en substance que ses disponibilités (environ 291.899,80 euros à la date du 6 janvier 2023, pièce 25) seront intégralement mobilisées pour faire face à ses échéances financières et à ses coûts incompressibles de fonctionnement, alors qu’elle a sollicité le président du tribunal de commerce de Paris, par requête du 19 décembre 2022, pour mise en place d’une procédure de conciliation, ouverte par ordonnance du 3 janvier 2023 ;

– que, cependant, c’est au demandeur à l’arrêt de l’exécution provisoire qu’il appartient de démontrer un préjudice irréparable en cas de poursuite de l’exécution provisoire ;

– que la procédure de conciliation des articles L. 611-4 et suivants du code de commerce, fondée certes sur une difficulté juridique, économique ou financière, a aussi pour condition de ne pas se trouver en cessation des paiements depuis plus de 45 jours, de sorte que cette procédure ne traduit pas l’existence d’une situation irrémédiablement compromise ;

– que l’attestation de l’expert-comptable du 29 juillet 2022 (pièce 18) rappelle les prêts bancaires en cours et les réelles difficultés financières ;

– que la société AFC apparaît toutefois aussi à nouveau en voie de développement, la société Comme J’aime relevant qu’elle a fait une communication sur le recrutement de 23 collaborateurs pour une nouvelle agence commerciale à [Localité 5], démontrant ainsi ses perspectives, nonobstant la circonstance que AFC fait état du départ de 12 commerciaux depuis ce recrutement ;

– qu’AFC n’établit donc pas en quoi le paiement de la somme de 105.623 euros hors dépens la conduirait nécessairement en état de cessation des paiements avant la fin de l’été 2023, Comme J’aime relevant sur ce point que sa créance a vocation à être prise en compte dans le cadre de la procédure de conciliation.

Au regard de ces éléments, il y a lieu de rejeter la demande, les conditions de l’article 514-3 du code de procédure civile n’étant pas réunies.

Par ailleurs, la demande de fixation d’échéancier de la société défenderesse sera rejetée, la société en demande rappelant à cet égard à juste titre qu’aucune disposition ne permet au premier président d’accorder des délais de paiement avec fixation d’un échéancier.

La demanderesse devra indemniser la défenderesse pour les frais non répétibles exposés et sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Rejetons la demande en arrêt de l’exécution provisoire formée par la SAS Awesome Food Company ;

Rejetons la demande en fixation d’un échéancier ;

Condamnons la SAS Awesome Food Company à verser à la SAS Comme J’aime la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons la SAS Awesome Food Company aux dépens ;

ORDONNANCE rendue par M. Thomas RONDEAU, Conseiller, assisté de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

La Greffière, Le Conseiller


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