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Il ressort des pièces du dossier que, si la parcelle AI 322 était classée comme ” secteur soumis à prescriptions particulières, mise en valeur des remparts ” par le plan de sauvegarde et de mise en valeur approuvé le 8 septembre 1981, le plan de sauvegarde et de mise en valeur actuellement en vigueur, approuvé le 13 novembre 2009, la classe comme ” espace soumis à prescriptions particulières “. Compte tenu de la teneur de leurs écritures, M. B et Mme A doivent être regardés comme sollicitant l’abrogation du plan de sauvegarde et de mise en valeur adopté en 2009 en tant qu’il classe leur parcelle en ” espace soumis à prescriptions particulières “.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 juin 2021 et 13 janvier 2022, M. C B et Mme D A, représentés par la SCP Chaton-Grillon-Brocard-Gire, demandent au tribunal :
1°) d’annuler la décision implicite par laquelle le préfet de Saône-et-Loire a refusé d’abroger le plan de sauvegarde et de mise en valeur de la commune d’Autun, en tant qu’il classe la parcelle cadastrée AI 322 en ” secteur soumis à prescriptions particulières – zone inconstructible, mise en valeur des remparts ” ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
– le classement de la parcelle AI 322 en ” secteur soumis à prescriptions particulières – zone inconstructible, mise en valeur des remparts ” est entaché d’erreur manifeste d’appréciation ;
– ce classement porte une atteinte disproportionnée à leur droit de propriété.
Par des mémoires en défense enregistrés les 14 septembre 2021 et 7 février 2022, le préfet de Saône-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que le moyen invoqué n’est pas fondé.
Par une ordonnance du 8 novembre 2022, la clôture de l’instruction a été fixée au 15 décembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code du patrimoine ;
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– le code de l’urbanisme ;
– la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Viotti, conseillère,
– les conclusions de Mme Ach, rapporteure publique,
– et les observations de Me Buvat, représentant M. B et Mme A.
:
1. M. B et Mme A sont propriétaires de la parcelle cadastrée AI 322 sur le territoire de la commune d’Autun. Par courrier du 8 avril 2021, reçu le lendemain, ils ont sollicité auprès de la commune l’abrogation du plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) approuvé le 13 novembre 2009, en tant qu’il classe leur tènement en ” secteur soumis à prescriptions particulières, zone inconstructible, mise en valeur des remparts “. Par la présente requête, ces derniers demandent au tribunal d’annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de Saône-et-Loire sur cette demande.
Sur les conclusions à fin d’annulation :
En ce qui concerne l’étendue du litige :
2. Aux termes de l’article L. 114-2 du code des relations entre le public et l’administration : ” Lorsqu’une demande est adressée à une administration incompétente, cette dernière la transmet à l’administration compétente et en avise l’intéressé “. Aux termes de l’article L. 114-3 de ce code : ” Le délai au terme duquel est susceptible d’intervenir une décision implicite de rejet court à compter de la date de réception de la demande par l’administration initialement saisie “.
3. Si le silence gardé par l’administration sur une demande fait naître une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l’excès de pouvoir, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement se substitue à la première décision. Il en résulte que les conclusions à fin d’annulation dirigées contre cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde.
4. En l’espèce, la commune d’Autun s’est estimée incompétente pour se prononcer sur la demande de M. B et Mme A dont elle a accusé réception le 9 avril 2021 et l’a transmise au préfet de Saône-et-Loire. Si ce dernier a accusé réception de la demande par courrier du 19 mai 2021, le silence qu’il a gardé pendant deux mois sur celle-ci, décompté à compter de sa réception par la commune d’Autun, a fait naître, le 9 juin 2021, une décision implicite de rejet. Toutefois, par une décision du 5 juillet 2021, soit postérieurement à l’introduction de la requête, le préfet de Saône-et-Loire a expressément rejeté la demande des requérants. Dans ces conditions, cette seconde décision s’est substituée à la première et les conclusions à fin d’annulation ainsi que les moyens dirigés contre la décision implicite initiale doivent être regardés comme dirigés contre la décision expresse du 5 juillet 2021.
En ce qui concerne le classement litigieux :
5. Il ressort des pièces du dossier que, si la parcelle AI 322 était classée comme ” secteur soumis à prescriptions particulières, mise en valeur des remparts ” par le plan de sauvegarde et de mise en valeur approuvé le 8 septembre 1981, le plan de sauvegarde et de mise en valeur actuellement en vigueur, approuvé le 13 novembre 2009, la classe comme ” espace soumis à prescriptions particulières “. Compte tenu de la teneur de leurs écritures, M. B et Mme A doivent être regardés comme sollicitant l’abrogation du plan de sauvegarde et de mise en valeur adopté en 2009 en tant qu’il classe leur parcelle en ” espace soumis à prescriptions particulières “.
6. L’effet utile de l’annulation pour excès de pouvoir du refus d’abroger un acte réglementaire illégal réside dans l’obligation, que le juge peut prescrire d’office en vertu des dispositions de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l’autorité compétente, de procéder à l’abrogation de cet acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l’ordre juridique. Il s’ensuit que, dans l’hypothèse où un changement de circonstances a fait cesser l’illégalité de l’acte réglementaire litigieux à la date à laquelle il statue, le juge de l’excès de pouvoir ne saurait annuler le refus de l’abroger. A l’inverse, si, à la date à laquelle il statue, l’acte réglementaire est devenu illégal en raison d’un changement de circonstances, il appartient au juge d’annuler ce refus d’abroger pour contraindre l’autorité compétente de procéder à son abrogation. Lorsqu’il est saisi de conclusions aux fins d’annulation du refus d’abroger un acte réglementaire, le juge de l’excès de pouvoir est conduit à apprécier la légalité de l’acte réglementaire dont l’abrogation a été demandée au regard des règles applicables à la date de sa décision.
7. D’une part, aux termes 112 de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine : ” () Les secteurs sauvegardés () créés avant la publication de la présente loi deviennent de plein droit des sites patrimoniaux remarquables, au sens de l’article L. 631-1 du code du patrimoine, et sont soumis au titre III du livre VI du même code. Le plan de sauvegarde et de mise en valeur du secteur sauvegardé applicable à la date de publication de la présente loi est applicable après cette date dans le périmètre du site patrimonial remarquable () “. Selon l’article L. 631-1 du code du patrimoine : ” Sont classés au titre des sites patrimoniaux remarquables les villes, villages ou quartiers dont la conservation, la restauration, la réhabilitation ou la mise en valeur présente, au point de vue historique, architectural, archéologique, artistique ou paysager, un intérêt public. / Peuvent être classés, au même titre, les espaces ruraux et les paysages qui forment avec ces villes, villages ou quartiers un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à leur conservation ou à leur mise en valeur. / Le classement au titre des sites patrimoniaux remarquables a le caractère de servitude d’utilité publique affectant l’utilisation des sols dans un but de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel. () “. L’article L. 631-3 de ce code prévoit : ” I. – Un plan de sauvegarde et de mise en valeur peut être établi sur tout ou partie du site patrimonial remarquable, dans les conditions prévues au chapitre III du titre Ier du livre III du code de l’urbanisme. () Le plan de sauvegarde et de mise en valeur ou le plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine couvrant le périmètre du site patrimonial remarquable est élaboré, révisé ou modifié en concertation avec l’architecte des Bâtiments de France qui veille à la cohérence du projet de plan avec l’objectif de conservation, de restauration, de réhabilitation et de mise en valeur du site patrimonial remarquable. / L’Etat apporte son assistance technique et financière à l’autorité compétente pour l’élaboration et la révision du plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine. () “. Aux termes de l’article L. 313-1 du code de l’urbanisme : ” () Le plan de sauvegarde et de mise en valeur est élaboré conjointement par l’Etat et l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme ou de document en tenant lieu. () La révision du plan de sauvegarde et de mise en valeur a lieu dans les mêmes formes que celles prévues pour son élaboration () III.-Le plan de sauvegarde et de mise en valeur peut comporter l’indication des immeubles ou des parties intérieures ou extérieures d’immeubles : / 1° Dont la démolition, l’enlèvement ou l’altération sont interdits et dont la modification est soumise à des conditions spéciales ; () “. En vertu du 2° du I de l’article L.631-4 du code du patrimoine, rendu applicable au plan de sauvegarde et de mise en valeur par l’article R. 313-5 du code de l’urbanisme, le règlement comprend : ” a) Des prescriptions relatives à la qualité architecturale des constructions neuves ou existantes, notamment aux matériaux ainsi qu’à leur implantation, leur volumétrie et leurs abords ; / b) Des règles relatives à la conservation ou à la mise en valeur du patrimoine bâti et des espaces naturels ou urbains ; / c) La délimitation des immeubles, espaces publics, monuments, sites, cours et jardins, l’identification des plantations et mobiliers urbains à protéger et à conserver, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d’ordre culturel, historique ou architectural et les prescriptions permettant d’assurer leur conservation ou leur restauration ; / d) Un document graphique faisant apparaître le périmètre couvert par le plan, une typologie des constructions, les immeubles protégés, bâtis ou non, dont la conservation, la restauration, la mise en valeur ou la requalification est imposée et, le cas échéant, les conditions spéciales relatives à l’implantation, à la morphologie, aux dimensions des constructions et aux matériaux du clos et couvert “.
8. D’autre part, aux termes du C du chapitre II ” Application de la légende du document graphique du PSMV ” du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur : ” Sont figurés par des fines hachures vertes, obliques, groupées par deux : les espaces libres soumis à protections particulières et régis par les articles US2 et US13-1, à savoir : les parcs, jardins, mails plantés, publics et privés, qui sont protégés au titre du secteur sauvegardé “. Aux termes de l’article US 13.1 du règlement : ” Les espaces boisés et espaces verts couverts par une trame double hachures biaises sont protégés. / Ces espaces sont inconstructibles et doivent rester libres. Néanmoins, les constructions inférieures à 6 m² y sont autorisées / Seuls sont autorisés les travaux d’aménagement paysagés qui ne sont pas susceptibles de compromettre la sauvegarde de ces espaces plantés. / Les aménagements de stationnement automobile peuvent être autorisés à condition qu’ils fassent l’objet d’un aménagement paysager qui intègre les places de stationnement et leurs accès dans l’espace vert. A ce titre, les revêtements bitumineux sont interdits “.
9. En premier lieu, il ressort du rapport de présentation que les auteurs du plan de sauvegarde et de mise en valeur ont souhaité préserver la silhouette qualitative de la ville médiévale depuis les contreforts du massif granitique du plateau d’Antully. Par ailleurs, le rapport expose que les faubourgs du glacis Sud-Est, tel que le faubourg Saint-Pancrace dans lequel est implantée la parcelle cadastrée AI 322, se sont développés aux pieds des remparts antiques et forment une ” zone d’appui ” du couteau sud-est, lequel est considéré comme l’” écran vert ” de la commune. Cet élément est corroboré par l’étude préalable au classement d’un site patrimonial remarquable et périmètres délimités des abords réalisés le 12 août 2020 versée au débat par le préfet. Dans le but de préserver le glacis des remparts et d’éviter un mitage du paysage dans cette zone, le plan de sauvegarde et de mise en valeur a rendu inconstructibles les franges extra-muros peu viabilisées de ces faubourgs, en les classant comme ” espaces soumis à prescriptions particulières “.
10. La parcelle cadastrée AI 322 appartenant aux requérants, d’une surface de 5 719 mètres carrés, se situe à une quarantaine de mètres des remparts gallo-romains de la ville. Il n’est pas établi, par les quelques photographies versées aux débats, que l’inconstructibilité de ce terrain, demeuré à l’état naturel et planté d’arbres, ne participerait pas à préserver les vues surplombantes de la commune d’Autun depuis le versant du Sud-Est, cette zone étant, au surplus, identifiée comme site inscrit au sens des articles L. 341-1 et suivants du code de l’urbanisme depuis 1967. Si les requérants font également valoir que leur terrain est situé à proximité d’une zone urbanisée et qu’il existe déjà des constructions implantées directement au pied des glacis, il ressort du document graphique du plan de sauvegarde et de mise en valeur que l’ensemble des espaces non-bâtis du faubourg Saint Pancrace, ce qui inclus les espaces résiduels des parcelles déjà construites, a été classé comme ” espace soumis à prescriptions particulières “, empêchant ainsi le développement du bâti dans cette zone. La circonstance, à la supposer avérée, que le tènement concerné soit desservi par les réseaux et aurait pu être classé comme ” zone urbaine ” au sens de l’article R. 151-18 du code de l’urbanisme, qui régit le classement des constructions au sein d’un plan local d’urbanisme, est sans incidence sur le classement retenu. Par suite, compte tenu de ses caractéristiques et de sa localisation, M. B et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que le classement de la parcelle AI 322 en tant qu’ ” espace soumis à prescriptions particulières “, lequel est cohérent avec les objectifs de protection du patrimoine définis par le plan de sauvegarde et de mise en valeur de la commune d’Autun, est entaché d’erreur manifeste d’appréciation.
11. En second lieu, il est de la nature de toute réglementation d’urbanisme de distinguer des zones où les possibilités de construire sont différentes ainsi que des zones inconstructibles. Dès lors que les règles fixées dans les ” espaces soumis à prescriptions particulières ” répondent au parti d’urbanisme des auteurs du plan de sauvegarde et de mise en valeur, elles ne sauraient être regardées comme portant atteinte au droit de propriété des requérants.
12. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que M. B et Mme A ne sont pas fondés à demander l’annulation de la décision du 5 juillet 2021.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, verse quelque somme que ce soit à M. B et Mme A au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 1er : La requête de M. B et Mme A est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. C B, à Mme D A, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la commune d’Autun.
Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.
Délibéré après l’audience du 2 mars 2023, à laquelle siégeaient :
M. Olivier Rousset, président,
Mme Marie-Eve Laurent, première conseillère,
Mme Océane Viotti, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023.
La rapporteure,
O. ViottiLe président,
O. Rousset
La greffière,
C. Chapiron
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
No 2101718